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Sang Royal - Tome 1 : Trahison de groudonvert



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Informations

» Auteur : groudonvert - Voir le profil
» Créé le 14/08/2019 à 01:42
» Dernière mise à jour le 03/04/2020 à 22:43

» Mots-clés :   Action   Drame   Policier   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 08 : Les Portes closes
Une nuit aux mille étoiles bordait son appartement, minuit n’était qu’un souvenir. L’homme aux cheveux blonds grisonnant avec une coupe improbable dormait dans son lit double. Son épouse Lucy, avec qui il partageait sa vie depuis plus de vingt ans, sommeillait à côté de lui. Tout proche, son cher Luxray, son vieux compagnon d’armes, piquait un roupillon à côté du lit. Bien qu’il commençât à vieillir depuis toutes ces années, il restait un bon Pokémon, affectueux et surtout redoutable au combat. Un sourire se voyait sur le visage de l’homme. Il semblait heureux, épanoui par la vie qu’il menait. Ou serait-ce tout simplement un magnifique rêve duquel il ne souhaiterait pas se réveiller ?

Soudain, ses paupières tressaillirent, lorsque ses oreilles entendirent un son. Un bruit de vitre qu’on frappait doucement, mais fermement, que signifiait-il ? Il dormait si bien, pourquoi devait-il se lever ? Sans s’en rendre compte, il se retourna dans son sommeil, comme si rien ne s’était passé.

Le son revint, une fois, puis une deuxième, puis encore une troisième, tout près de lui. À espace régulier, mais cela devenait insistant. Deux mains passèrent sous les draps pour frotter les yeux de leur propriétaire, avant que l’une d’elle ne se chargeât d’étouffer un bâillement.

- Que se passe-t-il chéri ? marmonna une voix ensommeillée à côté de lui.
- Ce n’est rien, je vais voir ce qui se passe, répondit tout doucement l’homme. Rendors-toi Lucy.

Sa femme se retourna et se rendormit presque aussitôt. Il se leva, s’étira doucement pour se réveiller puis vint à la fenêtre. Il faillit sursauter quand un caillou cogna contre la vitre. Luxray vint se placer à côté de lui. Le tapage n’était pas passé inaperçu.

Accompagné de son Pokémon, il ouvrit la fenêtre, donnant sur le balcon du premier étage. Il jeta un œil par-dessus la balustrade pour voir qui venait le déranger à cette heure. Le Pokémon Brilloeil décela rapidement quelque chose dans l’obscurité, mais il ne grogna pas. Cela rassura son propriétaire : s’il n’avait pas réagi, c’était parce qu’il connaissait la personne.

- Tanguy, souffla une voix tout près.

Luxray lança une gerbe d’étincelles au-dessus de l’inconnu. Le Champion Électrique reconnut enfin la personne qui venait le déranger.

- Inspecteur Mattz ? Vous avez vu l’heure ?
- Oui. Habillez-vous, on a besoin de vous.
- Demandez à Galano, elle saura vous aider, même à une heure du matin, grommela-t-il avec humeur.
- C’est à son sujet, justement.
- J’ai d’autres…
- Vas-y, murmura une voix féminine derrière lui.

Le blond se retourna vivement, sa femme l’avait rejoint et se tenait dans sa chemise de nuit juste derrière lui.

- Tu es sûre ?
- Oui bien sûr. Je m’occuperai des enfants, va aider l’Ultime Championne.

Tanguy grommela son assentiment et alla se changer. Il n’aimait pas la Championne Ultime. Ces jeunes « Je sais tout » l’agaçaient profondément. Certes, l’Ultime Arène avait donné une magnifique publicité à la ville de Rivamar et nombreux étaient les Dresseurs qui s’arrêtaient à l’arène pour un entraînement. Mais sans jamais l’avoir rencontrée, il trouvait exaspérant que lui, un ancien futur membre du Conseil 4, se fît damner le pion par presque trois fois plus jeune que lui.

Dix minutes plus tard, il rejoignit l’inspecteur qui l’attendait en bas. Dans sa fidèle veste bleu électrique et son pantalon et T-shirt noir, il salua poliment le policier par une poignée de main.

- Bon… Expliquez-moi ce qui se passe.
- Mademoiselle Clara Galano s’est enfermée dans l’arène…
- Oh super ! le coupa Tanguy en colère d’avoir été réveillé pour ça. Elle a enclenché par mégarde le bouton de fermeture de l’arène et sait pas comment annuler la commande c’est ça ? Donc vous app’lez le créateur du dispositif à la rescousse.
- Elle a appelé le commissariat avec le téléphone d’urgence, mais n’a pas parlé.
- Et vous n’avez pas imaginé que c’était une blague d’une adolescente en manque d’attention ? s’emporta son interlocuteur.
- Vous n’y pensez pas ! s’insurgea Mattz.

La fatigue lui faisait dire n’importe quoi, il le savait. Clara était désormais mondialement connue, avait-elle réellement besoin d’attirer l’attention ? Ou bien…

- Des rumeurs courent sur elle depuis quelques temps, je suis sûr que vous les connaissez. Il semblerait que notre jeune amie ne supporte pas sa célébrité précoce et soit devenue…
- Alcoolique ? Vous lui poserez la question quand vous la verrez. Vous avez été réquisitionné pour…
- Et moi je refuse d’aider cette petite idiote, rétorqua-t-il avec colère.

Mattz commençait à être agacé par l’attitude du champion.

- Nous n’avons aucun moyen d’entrer dans le bâtiment. Mademoiselle Galano ne répond pas sur le téléphone d’urgence et sa Pokémontre est sur répondeur. En plus, la policière qui s’est chargée de l’appel a entendu un bruit de chute et un gémissement de Pokémon.
- En d’autres termes, vous avez peur qu’elle ait été agressée dans l’arène au moment où elle appelait au secours ? Vous trouvez ça plus crédible qu’une ado alcoolique en manque d’attention vous ?
- Qu’importe la raison, vous venez avec moi, sinon je vous mets en état d’arrestation pour refus de coopérer et non-assistance à personne en danger.
- Bien bien, je viens… concéda-t-il.

La voiture de police les attendait bien sagement à l’extérieur.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Qu’est-ce qu’on fait, qu’est-ce qu’on fait ?

Désespéré et paniqué par ce qu’il venait de se passer, Démolosse tournait en rond autour de sa maîtresse en lui donnant des coups de langue pour tenter de la réveiller. Son attitude exaspérait le jeune Dragon. L’alarme s’était arrêtée dès l’instant où la grille métallique avait fini de recouvrir toutes les fenêtres et la grande porte du bâtiment. Mais Clara, elle, restait inconsciente.

- Calme-toi, murmura Draco avec douceur. On doit analyser la situation.
- La situation est simple, ma maîtresse est morte et on est enfermés à vie dans ce trou à rats ! aboya le chien de détresse.

C’en était trop. D’une Souplesse, il frappa son partenaire en plein visage. Il jappa sous le choc. Celui-ci le regarda avec étonnement quelques secondes, sans comprendre ce qu’il venait de se passer.

- C’est bon, tu es calmé ? argua le Dragon avec colère.

Il ne répondit rien, mais sa gestuelle indiquait qu’il avait retrouvé ses esprits.

- Ton attachement à Clara en devient effrayant, déclara-t-il. Tu devrais commencer à devenir un peu plus indépendant.
- C’est ça, comme ça quand on a besoin de moi, j’suis pas là, répliqua-t-il avec véhémence.
- Ah ! Voilà le Démolosse que je connais ! répondit le serpent bleu avec amusement.
- Comme j’te l’ai déjà dit, je suis né Pokémon Domestique. Je ne connais rien à la vie sauvage, lui rappela le molosse dans un grognement furieux.
- Et moi donc…
- C’est quoi ce raffut ? C’est impossible de dormir, gémit une voix derrière eux.

Les deux compères se retournèrent, surpris par l’interruption. Ils se détendirent aussitôt en voyant la nouvelle venue.

- Évoli, retourne te coucher, c’est une affaire de grands, aboya Démolosse.
- Ce bruit réveillerait mon ancêtre décédée il y a quatre mille ans ! rétorqua-t-elle.

Démolosse n’eut pas le temps de lui envoyer une réponse cinglante à cette jeune impertinente. En effet, elle venait d’apercevoir le corps de sa patronne.

- Oh, mais… Clara ?! Qu’est-ce qui s’est passé ? miaula-t-elle.

La petite chatte s’élança dans la pièce et vint se frotter contre le corps de la Championne. Elle releva la tête, attendant une explication de ses aînés.

- La santé de Clara s’est dégradée durant la nuit, commença le chien en panique.
- Elle a essayé d’appeler les secours, mais n’y est pas parvenue, compléta Draco en balayant la scène de la queue.
- Elle est toujours vivante ! lança-t-elle.
- On le sait, rétorqua-t-il en jetant un coup d’œil à son partenaire. Mais on ne peut rien faire pour elle, il nous faut attendre les secours.

Encore faudrait-il qu’ils pussent entrer, pensa-t-il inquiet. Xatu absent, aucun moyen n’existait à sa connaissance d’entrer ou sortir de cet endroit. Ils allaient devoir trouver un moyen de sortir au plus vite et désactiver par eux-mêmes l’état d’urgence… Clara l’inquiétait également. Déjà très malade, elle avait subi une chute qui lui avait ouvert en partie le front. Du sang en sortait par petite quantité ; la soigner devenait une priorité.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Tanguy tournait et retournait la Poké Ball de son Luxray dans sa main depuis une bonne dizaine de minutes. Il attendait qu’on lui expliquât concrètement pour quelle raison on l’avait fait venir ici au milieu de la nuit.

Mattz et lui avait rejoint la Grotte Retour sans piper mot du trajet, puis ils s’étaient arrêtés là. L’Inspecteur avait tenté d’ouvrir une conversation dans la voiture, mais le Champion s’était renfermé sur lui-même, mécontent qu’on l’eût sorti de son lit pour une tâche dont il ne voyait pas l’utilité.

Au bout de ce qui lui semblait une éternité, une femme aux cheveux blancs comme la neige les rejoignit. Des rides dures parsemaient son visage, ses yeux avaient le vert des feuilles printanières. Ils pétillaient d’intelligence et d’autorité. Elle avait revêtu un long manteau vert qui valorisait ses yeux. Son visage lui rappelait quelqu’un, malgré l’âge, il pensait l’avoir déjà vue quelque part sans savoir où. Un Mentali l’accompagnait, il tournait en rond aux côtés de sa maîtresse et semblait impatient.

- Tara Galano, se présenta sobrement la vieille femme.

Le nom « Galano » lui mit la puce à l’oreille. L’évidence parlait d’elle-même.

- Tanguy, répondit-il poliment. Vous êtes…
- La mère de Clara, en effet, termina-t-elle d’un ton brusque. La police nous a informés, mon mari et moi. J’ai décidé de venir voir ce qui se passait.
- Quelle idée de venir jusqu’ici. Votre fille s’est peut-être prise les pieds dans le tapis et appuyé par mégarde sur le…
- Idiot, répliqua la vieille avec humeur. Clara est une fille responsable, je ne vous permets pas de l’insulter.

Elle avait du caractère et semblait particulièrement autoritaire. Tout individu connaissant l’Ultime Championne eût tôt fait de voir leur lien de parenté. Piqué au vif, il s’apprêtait à répondre, mais Mattz s’interposa :

- Il serait temps d’y aller, non ? Nous avons encore de la route à faire.
- En effet, acquiesça Tara. Avez-vous prévenu mon autre fille ?
- Non, nous n’avons pas réussi à la joindre.
- Je vois. Décidément, mes filles n’ont pas le sommeil agité.

Sans dire un mot de plus, elle s’enfonça dans la grotte. Son Pokémon sur ses talons bondissait de joie qu’elle poursuivît sa route. Profitant qu’elle se fût éloignée d’eux, il se tourna vers l’homme à l’imper :

- Pourquoi l’avez-vous appelée ? questionna-t-il tout bas.
- Elle avait spécifiquement exigé d’être tenue au courant si l’alarme se déclenchait dans l’arène.
- Et alors ? Est-ce que ça l’oblige à venir ?
- C’est une vieille femme qui n’a pas revu sa fille depuis cinq ans. Elle s’inquiète c’est tout.

Le plus inquiet dans l’histoire semblait être son Mentali. Cette mégère autoritaire ne montrait aucun signe d’inquiétude envers la jeune Championne. Tanguy haussa les épaules et les rattrapa.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Draco ignorait complètement comment on soignait les humains. Il avait déjà passé quelques séjours au Centre Pokémon – notamment après son combat contre Démolosse cinq ans auparavant – mais est-ce que cela fonctionnerait avec Clara ?

- Tu sais comment l’aider ? demanda-t-il à son compère.

Il espérait que Démolosse, bien plus habitué aux hommes que lui, saurait comment faire. Il ne cacha pas sa déception quand celui-ci lui répondit par la négative.

- Des serviettes, une casserole remplie d’eau, des pansements et des médicaments, lança une voix pressante près de la jeune Championne.

Éberlué, Draco regarda la jeune Évoli qui avait donné ces instructions à toute vitesse. Comment cette toute jeune créature âgée d’à peine quatre mois pouvait s’y connaître ? La chatonne le regardait avec des yeux ronds de surprise.

- Tu sais pas quoi faire ? s’étonna-t-elle.
- Comment toi tu sais ce qui faut faire, déjà ? s’étrangla-t-il.
- Je l’sais c’est tout. Ca m’surprend que tu ne le saches pas.

Il ne rajouta rien ; les questions allaient devoir attendre. Clara avait la priorité. Il se remémora rapidement ce qu’elle avait demandé avant de quitter la pièce, Démolosse sur les talons.

- T’y crois à ça toi ? lui demanda-t-il prudemment.
- J’en sais rien et c’est pas franchement le moment, vois-tu. On est enfermés ici, Clara est malade et blessée et si ça suffisait pas, Évoli se prend pour l’Infirmière Joëlle, s’emporta le Dragon.

Le sentiment d’impuissance en cet instant le rendait nerveux et irritable. Heureusement, son acolyte avait cessé sa crise de nerf, il pouvait de nouveau discuter avec lui et avoir une relation saine.

- Je m’occupe de la pharmacie, lança le chien. Occupe-toi du reste.
- Non, attends, ce serait plus efficace que ce soit moi qui m’occupe des médicaments.
- Mais comment je vais remplir une casserole d’eau ? s’inquiéta-t-il.
- T’es pas sérieux là ?

Est-ce que sa crise l’avait rendu stupide ou avait-il oublié que son partenaire pouvait remplir une bassine d’eau en quelques secondes ?

- Je m’occuperai de l’eau, va chercher cette casserole, maugréa-t-il.

Démolosse acquiesça. Ils se rendirent ensemble à la cuisine où se trouvait également les médicaments. Son acolyte ouvrit plusieurs armoires avec ses crocs et ses griffes avant de trouver celle qui contenait ce dont il avait besoin.

Draco l’aida à sortir le récipient le plus gros qu’ils purent trouver. Ils commencèrent par sortir ceux qui les gênaient en s’aidant de sa queue et des cornes du chien ténébreux. Puis ils finirent par sortir celle qu’ils voulaient après plusieurs minutes. Draco l’avait penchée sur le côté avec sa tête puis était parvenu à enfiler la première perle de son membre inférieur dans l’une des anses. Il put ainsi la soulever. Démolosse le félicita chaleureusement d’y être parvenu.

Mais il perdit l’objet de ses convoitises qui tomba lourdement au sol avec un grand bruit. Le Dragon Bleu baissa la tête d’un air désolé. Le chien démoniaque hocha la tête avant de la redresser. Il la poussa ensuite vers le salon et rejoindre ainsi la salle de bains.

- Bien, une bonne chose de faite, murmura-t-il content de lui. Maintenant, les médicaments.

Il s’approcha de l’armoire. Il tourna la tête de droite à gauche et s’assura de sa solitude. Ses yeux s’étaient habitués à l’obscurité, maintenant. Il parvenait à identifier les différents éléments de la pièce désormais. Il ne voyait personne et ne sentait personne. Il pouvait y aller.

- Sans Pokémon est la vie, ouvre-toi et dévoile tes secrets. Oh ! Toi sans Pokémon.

Ces paroles n’avaient un sens connu que de lui seul. Draco avait prononcé cette phrase d’une voix sifflante et aiguê, mais calme et parfaitement claire. Si Clara s’était tenue à côté de lui, elle aurait pensé que son Pokémon s’était mis à chanter une mélodie.

C’est alors que la pierre de son cou s’illumina de mille feux. Elle tomba alors au sol dans un tintement aigu, mais ne rebondit pas. Draco ne s’en inquiéta pas. Ses perles résistaient à tous les chocs et ne pouvaient se briser. La boule de lumière éclairait la pièce, comme le soleil en pleine journée. Le Dragon au cou nu dut fermer les yeux quelques secondes pour ne pas s’éblouir. Quand il les rouvrit, la luminosité avait baissé, il remarqua que l’objet s’était ouvert en deux, laissant une ouverture.

Il y a bien des années, son père, peu de temps avant de mourir, lui avait expliqué la méthode pour ouvrir ses pierres et y entreposer des objets. Peu de Pokémon connaissaient leurs particularités biologiques, inconnues des chercheurs. Draco avait également scellé sa pierre pour que personne ne pût s’en servir à part lui. Mais le fait qu’on la touchât le dérangeait énormément. Il n’hésitait pas à attaquer pour défendre son bien.

Avec sa bouche et sa queue, il récupéra rapidement plusieurs médicaments et pansements. Il ignorait ce qu’attendait Évoli exactement. Lorsqu’il les plaça au-dessus de sa boule, il les lâcha. Elle les aspira à l’intérieur comme si de rien n’était. Il effectua ainsi plusieurs voyages jusqu’à qu’il ait complètement vidé l’armoire. Sa perle pouvait conserver énormément d’objets ; il n’avait toutefois jamais vérifié le nombre exact. Une fois terminé, il la replaça. Il murmura alors en psalmodiant :

- Sans Pokémon est la vie, ferme-toi et cache tes secrets. Oh ! Toi sans Pokémon.

Il ressentit alors un picotement doux et apaisant lorsque sa perle se remit en place. Il soupira d’aise, la sensation de vide à son cou lui déplaisait fortement. Aucun poids supplémentaire ne l’alourdissait. Une fois terminé, il releva la tête et rugit avec force :

- Qui va là ?

Il sentait quelqu’un l’observer. Il espérait que ce fût Démolosse ou Évoli, bien qu'il ne souhaitât guère qu’ils connussent son secret. Il tourna rapidement dans la pièce sombre, cherchant des yeux une présence quelconque. Mais rien, il ne vit personne.

- Mon imagination peut-être ? Tant pis, Clara est plus importante de toute façon.

Il se détourna de la cuisine et rejoignit la jeune chatte brune.



- Pfiou… Il ne m’a pas vu, murmura quelqu’un.

La voix douce et aiguë venait de l’armoire juste à côté de celle la pharmacie. Elle contenait les produits ménagers. Cependant, le meuble n'était pas plein à craquer et l'espacement des plaques en bois était tel qu'un homme adulte aurait pu s'y cacher. La porte entrebâillée laissait voir un œil rouge luisant dans le noir. Aucun grincement ne s’entendit lorsqu’elle s’ouvrit. La créature s’en extirpa et quitta la salle.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Avant d’entrer dans le bureau, Draco sentit que Démolosse était revenu, il rouvrit dès lors sa perle et tout ce qu’il avait apporté s'éparpilla sur le sol dans un fracas épouvantable. Ses deux camarades sursautèrent en l’entendant. Évoli le rejoignit en courant et étudia un instant ce qu’il avait ramené.

- Qu’est-ce que c’est que ça ? lança-t-elle, incrédule.
- Tu m’as demandé des médicaments, s’étonna-t-il.
- Pour qui m’prends-tu ? J’y connais rien là-dedans, s’exclama-t-elle, furieuse. Va me chercher des baies.
- Des… des baies ? répéta Démolosse. Tu comptes la soigner avec de la nourriture pour Pokémon ?
- T’as une meilleure idée peut-être ? rétorqua-t-elle.

Il secoua la tête en réponse et le rejoignit. Le jeune Dragon étudia un instant la pièce, son camarade avait ramené la casserole ainsi que des linges et des serviettes récupérés à la salle de bain. Ils avaient été empilés à la hâte dans le récipient.

- Je vois que tu as ramené des pansements, c’est déjà ça, reprit la jeune chatte.
- Heureux d'avoir pu t'être utile, ironisa-t-il.

Démolosse lui lança un regard noir, le moment lui paraissait mal choisi pour blaguer. Draco acquiesça, content de revoir son vieil acolyte. Il s’approcha de la casserole et en sortit son contenu. Il la remplit ensuite d’eau avec son Pistolet à O.

- Bon en attendant, Démolosse, fais bouillir cette eau, ordonna Évoli.

Le chien s’exécuta et inspira profondément. La chatonne balaya le sol de sa queue d’un geste impatient, alors que rien ne se passait. Mais quelques secondes plus tard, des volutes de fumée commencèrent à s’échapper de ses naseaux à intervalles réguliers. Ensuite, il se coucha en se collant contre la marmite. Quelques dizaines de secondes passèrent, avant que l’eau ne frémît et ne bouillît.

« Je vois, il a augmenté sa chaleur corporelle, c’est très intelligent. Démolosse a une maîtrise incroyable de son corps ! » pensa-t-il, admiratif.

La tête de Clara était surélevée, son coussin avait été ramenée de sa chambre. Évoli ne l’avait pas suggéré, probablement une idée de Démolosse. Draco quitta la pièce et rejoignit une nouvelle fois la cuisine. Il grogna de dépit en songeant au temps qu’il avait perdu en ramenant quantité d’objets inutiles. Étonnamment, ils ne s’étaient pas posés de questions de comment il avait procédé.



Lorsqu’il revint avec le plus de baies qu’il pût trouver, on avait posé un linge humide sur le front de la jeune fille. Sa tête était légèrement tournée sur le côté – probablement pour éviter qu’elle ne s’étouffât en vomissant. Un pansement se voyait en partie là où se trouvait la blessure. Évoli avait dû la lécher pour la désinfecter avant de la lui poser.

La jeune chatte ensuite demanda à Démolosse de mâchouiller des Baies Kika et de les recracher dans un verre, qui serait ensuite versé dans la bouche de la jeune Championne. Il ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes en entendant cette demande, mais s’exécuta. Pendant ce temps, Draco concassait des Baies Oran avec sa queue pour en extraire le jus au-dessus d’une petite plaque posée au sol. Clara devrait la boire ensuite.

Évoli quant à elle s’employa à broyer des Baies Prines et Resins entre ses pattes, afin de les mélanger dans une assiette posée à côté d’elle, que la jeune fille devrait ensuite avaler ensemble. Draco étudia le tout. Les Kikas soignent la Confusion, les Orans, redonnent de l’énergie, les Prines soignent tous les effets négatifs reçus par un Pokémon et les Resins baissent la Défense Mentale.

- A quoi ça va servir ? l’interrogea-t-il.
- Gnnh, geignit-elle en réponse avant de poursuivre : « Celle que mâche Démolosse va baisser sa fièvre. La tienne va lui redonner de l’énergie, les miennes vont l’aider à combattre le mal qui la ronge. »
- Tu sais de quoi il s’agit ? s’étonna-t-il.
- Non, reconnut-elle. Mais j’crois pas que ce soit la grippe que tu m’as décrite.
- Je vois.

Tout en s’appliquant à poursuivre son travail, il commença à réfléchir. Une maladie transmissible rendant gravement malade un être humain en aussi peu de temps, que cela pouvait-il bien être ? Au bout de quelques minutes, une idée lui était apparue, mais elle lui paraissait inconcevable.

Une fois le tout prêt, la jeune chatte récupéra le verre et versa le contenu dans la bouche de Clara, puis massa la gorge pour qu’il atterrît dans son estomac. Elle récupéra ensuite les deux assiettes et s’employa à ce que la jeune Championne les avalât également.

- Bien, déclara Évoli, une fois qu’ils avaient tout administré. Je ne peux pas faire grand-chose de plus, il lui faudrait un vrai médecin.
- Tu as été remarquable, murmura Démolosse, reconnaissant.

La jeune chatte le remercia d’un mouvement joyeux de la tête avant d’ajouter :

- On va devoir veiller sur elle à tour de rôle.
- Le mieux serait qu’on trouve un moyen de sortir, rétorqua le Chien Ténébreux.
- Et pour quoi faire ? questionna-t-il de dépit. Si la police vient, elle ne devrait pas être là avant quelques heures…

Démolosse acquiesça. Sa Maîtresse semblait hors de danger pour le moment, mais il fallait qu’un docteur vînt la voir et la soignât correctement.

- Allez vous reposer tous les deux, murmura le canidé. Je vais veiller sur elle un petit moment.
- Comme tu veux… Réveille-moi s’il y a du nouveau, répondit-il avec un soupir de soulagement.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Un vent doux et frais se levait sur le Lac Courage, son contact provoquait des vagues dans l’eau. Le jour se levait doucement et la fraîcheur de la nuit commençait à s’estomper. Il se tenait au bord du lac et admirait ce merveilleux paysage éclatant de lumière du lever de soleil. Aspirant l’air frais, heureux de se trouver là, seul… Du moins c’est ce qu’il pensait.

- Un Draco ? prononça une voix frêle et enfantine juste derrière lui.

Il se retourna vivement et un grondement monta de sa gorge. Une fillette aux cheveux bruns se tenait devant lui. Elle les conservait détachés en une coupe tournée vers l’arrière, deux franges encadraient son visage juvénile. Elle semblait débuter son adolescence. Ses yeux verts semblaient éteints, comme si aucune vie ne les animait.

Il s’étonna de voir aucune surprise, aucune appréhension sur son visage de découvrir un Pokémon aussi rare que lui sur le rivage d’un lac. Habituellement, son espèce ne vivait que dans le fond des lacs et en mer. Il étudia son corps, sa posture. Aucune émotion ne transparaissait de son être.

- Qu’est-ce qui t’es arrivée ? murmura le jeune Dragon.

Il ignorait s’il pouvait lui accorder sa confiance. Il cherchait une personne digne. Il avait besoin de s’accrocher à l’idée que rien ne serait pire que son précédent propriétaire. Oh, il ne l’avait pas maltraité, bien au contraire. Mais la noirceur de ses ambitions l’avait inquiété au plus haut point. Il avait renié son Dresseur, cassé sa Poké Ball et s’était enfui.

La brunette lança une Poké Ball en l’air. Bleu marin avec de nombreuse taches blanches sur son ventre, avec de grandes oreilles et une queue ressemblant à un flotteur, l’Azumarill apparut. Il se tint devant lui, prêt à passer à l’action. Le serpent bleu étudia ses adversaires et se dit que le mieux pour voir ce que valait un Dresseur, c’était de l’affronter au combat. Il se posta en position d’attaque et attendit que son adversaire agît.

- Azumarill, Pistolet à O, lança-t-elle, d’une voix neutre, presque sans conviction.

Une simple attaque eau ? Elle comptait donc bien le capturer. Elle ne cherchait pas à le mettre K.O. rapidement, mais simplement à l’affaiblir. Il répliqua alors par sa propre attaque. Les deux jets se percutèrent et une douce pluie se forma, arrosant les deux adversaires.

Son opposant n’eut pas le temps de réagir, alors qu’il était déjà sur lui, armant une Queue de Fer. Il répliqua aussitôt de la même manière. Mais alors que les deux coups se confrontaient, le Pokémon Aqualapin se retourna pour le frapper avec un Poing-Glace. Il sentit le coup passé et grogna de douleur. Il s’éloigna de lui rapidement et lança :

- Tu es bien entraîné, ma parole !
- Tu te défends bien pour un Pokémon sauvage, répliqua-t-il.
- Alors, voyons donc ce que tu vas faire contre ça…

Il lança alors un Tonnerre. Il en contrôlait la puissance pour ne pas porter une frappe trop rude à son adversaire, souhaitant seulement voir comment il le gérerait. De manière surprenante, il frappa d’une nouvelle Queue de Fer le sol et se souleva en équilibre sur elle. Lorsque l’électricité le parcourut, il ressentit aucune douleur. Il mit un terme à son attaque.

- Malin ! dit-il, impressionné.
- Tu fous quoi exactement ? s’énerva-t-il.
- Je vous teste, répliqua-t-il.

Surpris, il ressortit son membre du sol d’un coup sec. Il jeta un œil à sa patronne, ne sachant pas ce que cela signifiait. Celle-ci n’émettait aucune réaction à ce qu’il se passait sous ses yeux.

- Inutile de la regarder, ta Dresseur est incapable de nous comprendre, lui rappela-t-il.
- Je sais, je suis pas stupide, contra l’Azumarill.
- Qu’est-ce qu’elle a ? demanda-t-il, intrigué.
- C’est pas tes affaires, gronda-t-il, mais son ton dur laissa place à de l’inquiétude : « On sait pas trop, elle nous entraîne bien, mais… elle a la capacité émotive d’une petite cuillère. »

Il comprenait un peu mieux la situation. La jeune fille le rendait mal à l'aise. Son opposant avait raison : elle n’agissait pas de manière normale. L’aider semblait à sa portée, mais pour cela, il devrait lui accorder sa confiance définitive.

- Je vais devenir son Pokémon, annonça-t-il.
- Quoi ? s’exclama Azumarill, surpris. Comme ça, sans combattre ?
- Oui. Retourne dans ta Poké Ball.
- Mais…
- MAINTENANT ! cracha-t-il, furieux.

Surpris par son changement d’attitude, il détala avant de disparaître dans un rayon rouge. Les Pokémon pouvaient décider d’eux-mêmes d’y retourner ou bien d’en sortir, mais normalement, seuls leurs Dresseurs en décidaient ainsi. La jeune fille n’avait toujours pas bougé, aucune réaction. Il rampa vers elle, tranquillement. Il tendit son corps et leva le cou, puis la tête pour lui baiser le front.

- Jeune Dresseur, je te fais confiance. Je te fais don de mes pouvoirs, fais-en bon usage.

Une lumière aveuglante sortit du corps de la perle de son cou. Une bonne minute passa, la brunette cligna plusieurs fois des yeux avant de les fermer. Lorsque la luminosité soudaine s’estompa, Draco s’écarta d’elle. Clara ouvrit les yeux et tourna la tête plusieurs fois, avant de poser son regard sur lui, affolée.

- Où… où suis-je ? Que s’est-il… passé ? murmura-t-elle enrouée.

Draco l’observa reprendre conscience. La pré-adolescente sans émotion qu’il avait rencontrée, se métamorphosait sous ses yeux. Il s’avança et appuya son long corps contre le sien. Elle le regarda un instant, troublée par ce geste inattendu. Elle ne se souvenait pas de ce qui venait de se passer. Elle posa timidement sa main sur son long corps puis commença à le caresser. Ce geste tendre le fit frémir. Il sut qu’il pourrait lui donner sa confiance par ce simple contact.

- Je veillerai sur toi et te protégerai… Mais je te reprendrai ce que je t’ai donné si tu t’en montres indigne, se jura-t-il.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Il sentit de petits coups s’enfoncer plusieurs fois dans son ventre. Quel dommage, il avait envie de rester encore quelques instants dans son rêve du passé de sa première rencontre avec son amie. Jamais elle ne le déçut. Elle avait été un choix remarquable, malgré son sale caractère. Il ignorait toujours ce qui lui était arrivé auparavant, mais son action l’avait libérée.

Et depuis ce jour, il n’avait jamais cessé de veiller sur elle, tout comme elle sur lui. Une profonde amitié s’était tissée entre eux. Ils ignoraient tout du passé de l’autre, mais cela ne le dérangeait aucunement. La petite fille sombre, sans émotion, avait disparu et était devenue une belle jeune femme et heureuse – du moins c’était ce qu’il espérait. Jamais il n’avait regretté son don. Mais elle avait de nouveau besoin de lui aujourd’hui et il se sentait impuissant.

Il ouvrit les yeux, Démolosse se tenait au-dessus de lui et le regardait, la patte tendue et les griffes dehors. Son partenaire ignorait tout des circonstances de sa rencontre avec Clara, ils ne s’étaient rencontrés qu’au Centre Pokémon. Il bâilla avant de lui demander :

- Qu’est-ce que tu veux ?
- Tu grognais dans ton sommeil, je m’inquiétais, répondit-il. Tout va bien ?
- C’est bon… Tu veux que je te remplace ?

Avant que le chien ténébreux ne répondît, il s’étira de tout son long. Évoli se réveilla en sursaut à cause de ses mouvements. Ils s’étaient endormis l’un contre l’autre dans sa couchette. Elle aimait bien dormir avec l’un de ses aînés ou avec Élodie à l’époque, mais rarement avec Clara, ce qui l’étonnait. Après tout, c’était elle qui l’avait élevée. Elle regarda autour d’elle d’un air ensommeillé avant de murmurer :

- Qu’est-ce qui se passe ? Quelle heure est-il ?
- Il est un peu plus de trois heures, répondit-il. Draco, il y a des gens dehors… probablement la police.

De ses deux pattes avant, Évoli se donna deux paires de baffes au visage pour se réveiller complètement. Elle leur lança ensuite :

- Allez-y tous les deux. Je m’occupe de Clara.
- Ça va aller ? murmura le Dragon, mal à l'aise à l'idée de les laisser seules.
- Tout va bien se passer, elle sait se défendre, le rassura son compère.

La jeune chatte approuva, avant de remuer la truffe. Une lueur d’excitation s’alluma dans ses yeux. Elle repartit toute contente vers la jeune Championne afin de la veiller.

- Comment va-t-elle ? demanda-t-il.
- Les remèdes semblent faire effet, répondit le chien en haussant les épaules. Évoli semble savoir ce qu’elle fait.
- Ça m’étonne de sa part… Elle n’a pourtant que quelques mois…
- Qui sait d’où elle vient ? Notre Patronne ne l’a jamais nourrie au biberon.

En effet, aussi étrange que cela pût paraître, la chatonne avait toujours refusé le lait. Elle avait paru sevrée depuis longtemps quand ils l’eurent rencontrée. Mais le moment semblait mal choisi pour réfléchir à tout ça. Ils devaient à présent trouver un moyen de sortir, maintenant que les secours étaient arrivés.

Une fois entrés dans l’ascenseur de la chambre, Draco tendit le cou pour appuyer sur le bouton menant à l’accueil de l’arène. Heureusement qu’il fonctionnait toujours malgré l’état d’urgence. Sans escalier et les fenêtres fermées, impossible de monter ou de descendre autrement. Quand les portes s’ouvrirent, ils pénétrèrent dans la pièce sombre et se dirigèrent immédiatement vers la sortie. La porte s’ouvrit sans bruit, mais ils ne purent continuer.

- Un mur métallique nous enferme, constata-t-il.
- Impossible de le soulever ou de passer au travers, ajouta son compère.
- On pourrait tenter de communiquer avec l’extérieur ? suggéra le Dragon.
- Tu veux faire ça comment ? En « Kaimorse » ? rétorqua-t-il. Tu sais le taper ?
- Pourquoi pas ? As-tu une autre suggestion ?

Il lui indiqua qu’il n’avait aucune autre idée à proposer. Mais Draco constata qu’il commençait déjà à réfléchir : il avait fermé les yeux et paraissait en pleine concentration.

« Queue de Fer, ça fera un long, Souplesse, ça fera un court. pensa-t-il.

Il se répéta mentalement la phrase qu’il voulait dire : « Clara en danger, Xatu absent. ». Puis se remémora rapidement les différents signes pour construire les lettres dans cet étrange langage qu’était le « Kaimorse ». Puis il frappa. Il frappa plusieurs fois, changeant souvent d’attaque pour faire transmettre son message. Tout en laissant un peu d’espace entre chaque coup pour se faire comprendre.

Lorsqu’il termina son message, il laissa un peu de temps, puis recommença, une fois, puis une deuxième. Il voulait s’assurer qu’il fût passé. Quelques minutes passèrent, puis une dizaine. Il trépignait d’impatience tellement l’attente lui semblait longue.

Puis enfin, quelqu’un frappa sur le mur de l’autre côté. Il mémorisa chaque ensemble, chaque lettre, chaque mot dans sa tête et traduisit le message : « Wailmer noyé, Dresseur en fuite. ». Ils répétèrent le même message en boucle pendant plusieurs minutes, attendant visiblement une réponse. Draco secoua la tête de dépit.

- Ca n’sert à rien, humains et Pokémon ne sont pas destinés à se comprendre, soupira-t-il, frustré.
- Tu perds ton temps, j’ai un autre moyen de sortir ! grogna Démolosse. Écarte-toi !
- Attends, qu’est-ce que tu…

Il tourna son attention vers lui et étouffa une exclamation. Une aura étrange et maléfique entourait son partenaire. Elle était sombre et recouvrait presque entièrement sa tête. Machination, utilisée à son paroxysme, avait cet effet.

- Ne me dis pas que tu comptes te servir de l’O…
- Oui ! rugit-il. Alors dégage, si tu veux pas être pris dans l’attaque.

Il s’écarta vivement. Le calme était revenu dans la pièce, depuis que les personnes à l’extérieur avait cessé de frapper sur la porte, comprenant l’inutilité de leurs tentatives. Le chien ténébreux, qui n’avait jamais aussi bien porté son nom, commença à concentrer toute sa puissance dans sa gueule entrouverte.

- Démolosse, attends.
- Quoi ? répliqua-t-il après avoir stoppé son attaque d’un mouvement rageur.
- Ca pourrait être dangereux, on sait pas où se trouvent les gens derrière la porte.

Il comprit l’argument, mais il voulait quand même sortir de là à tout prix.

- Alors, dis-leur de s’écarter, il doit bien y avoir un Pokémon pour comprendre le message !
- Rends-moi un service, s’il te plaît.

D’abord réticent, il accepta.

- Renifle l’arène, et dis-moi s’il y a quelque chose de suspect.

D’un grognement, il s’exécuta. Le serpent bleu voyait bien qu’il n’en avait pas envie, mais qu’il s’exécutait parce qu’il croyait en l’utilité de sa demande. Plusieurs minutes s’écoulèrent alors qu’il étudiait les odeurs, la truffe en l’air.

- Il y a bien… une odeur. Celle que j’ai senti à plusieurs reprises, confirma-t-il. Et si j’ouvre la porte…
- Il pourra s’enfuir, termina Draco.

Une lueur sauvage s’éclaira dans ses yeux. La réponse à toutes leurs questions se tenaient peut-être juste là. Ils n’avaient plus qu’à se baisser pour la saisir.

- Pourquoi tu m’as demandé ça ? questionna-t-il, curieux.
- J’ai eu la sensation d’être observé dans la cuisine, répondit simplement Draco. Mais la présence de cet individu semble confirmer… une théorie.
- Une théorie ? répéta son compagnon. De quoi parles-tu ?
- Il est possible que Clara…

Il s’interrompit un instant. Il savait qu’il allait jeter un pavé dans la mare et rendrait Démolosse fou de rage.

- Je pense que quelqu’un l’a empoisonnée. Et ce quelqu’un… est l’un de ces trois-là !

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Aux alentours de trois heures du matin, Tanguy émergea du tunnel accompagné de Mme Galano et de l’Inspecteur Mattz. Un calme étrange régnait sur la plaine. S’il avait créé la machine anti-téléportation et conçu le système électrique, le quarantenaire n’était jamais venu ici. D’autres s’étaient chargés de mettre en place le système. Plus il se tenait éloigné de cet endroit, mieux il se portait.

Il regardait de tous côtés avec un œil curieux, il ne craignait pas une attaque d’un Pokémon sauvage, mais il avait perdu l’habitude des étendues sauvages et inconnues. Son voyage initiatique remontait à loin après tout.

- Alors, c’est donc ici l’Ultime Arène ? grommela la vieille femme. Ils auraient pu trouver mieux que cet endroit au milieu de nulle part.
- J’ai cru comprendre que la Grotte Retour est une épreuve en soit, répondit Tanguy.
- Pour ce que ça vaut… N’importe quel péquenaud peut venir ici, répliqua-t-elle.

Cette mégère acariâtre l’énervait. Il perdait déjà son temps à venir jusqu’ici, pourquoi devait-il en plus supporter ses commentaires négatifs ? Dans la grotte, elle s’était plainte que le Flash de son Luxray n’éclairait pas suffisamment la grotte à son goût. De colère, il l’avait rappelé et les avait plongés dans le noir… Mais sans en démordre, elle demanda à son propre Pokémon d’exécuter le sien. La lumière qui s’échappa du joyau du Mentali l’avait complètement aveuglé pendant plusieurs minutes. Non seulement avait-il éclairé toute la grotte avec une puissance impressionnante, mais l’avait maintenu à la même intensité durant toute la traversée.

« Qu’est-ce que c’est que ce Pokémon ? » avait-il marmonné de dépit.

Sans commentaire, ni remerciement, elle avait alors poursuivi son chemin sans les attendre, son Pokémon sur ses talons. Une fois habitués à la violente luminosité, ils avaient dû courir pour la rattraper. D’autant que seul l’Inspecteur connaissait le chemin… Du moins, c’est ce qu’il croyait. Elle les avait emmenés d’un pas assuré, semblant visiblement savoir où ils devaient se rendre. Cela ne l’aurait pas surpris qu’elle fût déjà venue à l’arène auparavant.


Ils montèrent rapidement et en silence jusqu’à l’arène. Il constata alors qu’une autre brigade avait déjà pris possession des lieux. Une équipe de médecins se tenait prête également avec tout leur matériel comprenant notamment une civière. Le bâtiment, plongé dans le noir, ressemblait à un château de film d’horreur avec ses pointes métalliques surplombant le haut des portes et les deux coins du bâtiment. Une épaisse muraille de fer bloquait l’entrée de l’extérieur, impossible d’entrer à l’intérieur.

- Inspecteur Mattz, vous êtes arrivé ! lança une jeune femme, soulagée. Vous avez convaincu le Champion de vous accompagner ?
- En effet, confirma le concerné. Vous êtes… ?
- Sous-Brigadière Hélène de Montmoulin, se présenta-t-elle d’un ton anxieux. Je suis celle qui a pris l’appel au secours. Je n’aurais jamais cru qu’une telle catastrophe…
- Assez de jérémiades, dites-nous ce qui s’est passé, tonna une voix forte.

Il n’eut pas besoin de se retourner pour savoir que c’était Mme Galano qui avait parlé. Son ton autoritaire surprit la jeune policière. Elle portait un ensemble bleu, composé d’une longue jupe, une chemise épaisse sous lequel il devinait un gilet pare-balles. Se voyaient également de nombreuses poches posées à la verticale, ainsi qu’une radio attachée sur son épaule gauche. Un étui fermé contenant son pistolet était accroché à sa ceinture. Il espérait qu’elle n’eût pas besoin de s’en servir. Elle avait l’air de sortir de l’école de police. Après un court instant, elle balbutia une réponse :

- Aux alentours de minuit, j’ai reçu un appel du téléphone d’urgence de l’arène. Mais la personne à l’autre bout du fil n’a rien dit.
- Vous voyez ? grogna Tanguy. Une simple plaisanterie d’ado.
- Mais, répliqua-t-elle mécontente de l’interruption inappropriée, la personne a actionné le bouton d’urgence avant d’entendre un bruit de chute. J’ai également entendu un gémissement de chien, avant que l’appel ne soit coupé.
- Probablement son Démolosse, commenta Tara.

La voix de la vieille femme avait perdu de sa dureté et semblait compatissante pour sa fille. Mais, pensa-t-il, ça ne devait être que passager. Le Mentali s'agitait à côté d'eux, tournant autour de sa maîtresse, agitant sa queue fourchue en signe d'impatience. Tara s’expliqua :

- Ma fille est très attachée à son Pokémon et c’est probablement réciproque. Ils sont nés en même temps, elle dormait dans sa couche et lui la rejoignait dans son lit. Ils étaient inséparables…

On aurait pu entendre une mère émue donnant des anecdotes sur son enfant. Mais Tanguy se rendit compte qu’elle racontait son histoire d’une voix mécanique, sans émotion, comme si elle se moquait de ce qu’avait vécu sa fille. Néanmoins, le fait que ces deux-là fussent si proches expliquerait aisément son gémissement. Cette histoire semblait véridique finalement : il croyait mal à cette suite de coïncidence qui avait mené à cette situation.

- Vous ne trouvez pas ça étrange ? murmura-t-il. Si votre fille était menacée ou ne se sentait pas bien, elle aurait eu tout loisir d’appeler de sa Pokémontre ou avec le téléphone du bureau de sa secrétaire. Pourquoi se servir du téléphone d’urgence ? Au risque d’appuyer sur le bouton de fermeture de l’arène ?
- Peut-être n’est-ce pas elle qui a appelé, suggéra la policière.
- Non, ça n’est pas possible, rétorqua l’Inspecteur Mattz. Seul le Champion en exercice et sa secrétaire peuvent le faire. Il faut être en contact permanent avec un lecteur d’empreinte pour pouvoir téléphoner ou appuyer sur le bouton d’urgence. Y a-t-il un moyen d’arrêter cet état d’urgence depuis l’extérieur ?

Quelques secondes passèrent, alors que Tanguy réfléchissait aux paroles de l’Inspecteur. Puis il se rendit compte qu’il s’adressait à lui. Il répondit alors, sûr de lui :

- Non impossible. Un mot de passe doit être entré dans l’ordinateur portable du champion pour désactiver le système.
- Et le système électrique ? questionna Tara. On pourrait le couper.
- Non, impossible, répliqua le blond grisonnant. L’électricité provient d’une batterie annexe installé dans l’enceinte même du bâtiment. Le toit n’a aucune ouverture. Les pylônes que vous avez vu à la sortie de la grotte arrêtent de fonctionner, l’électricité est utilisée uniquement pour ceux que vous voyez au-dessus de l’arène. Les ascenseurs marchent toujours ; ils sont reliés à un système externe. Mais tout le reste n’a plus de courant.
- Et si on détruit le dispositif anti-téléportation ? demanda Hélène.
- À supposer que vous y arriviez, l’explosion qui en résulterait nous tuerait tous.
- En résumé, vous nous dites que c’est la merde, jura-t-elle en colère.

En effet, elle avait parfaitement décrit la situation. Ils pouvaient cela dit détruire la porte d’entrée avec une attaque suffisamment puissante, c’est-à-dire plus forte que du C4. Le mur en acier était renforcé de plusieurs couches et il ne pouvait se détruire facilement.

- Tout n’est pas perdu, il y a un moyen d’entrer, annonça-t-il en jetant un regard entendu à l’Inspecteur.
- En effet, confirma-t-il. Nous pouvons toujours effectuer une téléportation coordonnée.
- Comment ça ? demanda la vieille femme, intéressée.
- Durant l’état d’urgence, il est impossible de se téléporter dans le bâtiment. Sauf si un Pokémon Psy utilise Téléport à l’intérieur en même temps qu’un autre à l’extérieur, nous créerons une sorte de portail qui nous permettra d’entrer, expliqua Tanguy.
- Et Mademoiselle Galano a un Xatu, lança joyeusement l’Inspecteur. La situation va se débloquer rapidement, maintenant.

Tara Galano écoutait attentivement les échanges, songeuse. Tanguy se questionna sur ses motivations, entendre la nouvelle aurait dû au moins lui décrocher un sourire de soulagement. Mais rien ne semblait en mesure d’altérer son expression impassible.

Soudainement, ils entendirent des coups portés contre le mur métallique. Ils n’avaient pas tous la même force, mais il semblait avoir une logique. Comme si…

- On dirait du morse ! lança Hélène, la jeune policière.
- Vous sauriez traduire ? questionna Mattz.

Mais avant qu’elle ne répondît, un cri déchirant de douleur déchira l’atmosphère. Ils se retournèrent vivement tous les quatre, c’était le Mentali qui hurlait de désespoir. Quelque chose clochait dans l’arène et ce message l’inquiétait désormais.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Mais qu’est-ce que tu racontes, là ? Tu es cinglé !

Comme il s’en était douté, Démolosse était furax. Non pas contre l’éventuel empoisonneur, mais contre lui. Il avait osé penser que quelqu’un avait voulu tuer sa Maîtresse. Mais il dirigeait sa colère contre lui-même aussi, Draco le savait. S’il avait raison, son partenaire s’en voudrait à mort de ne pas avoir su la protéger.

- Si ce que tu dis est vrai, elle serait morte depuis longtemps ! chargea-t-il, furieux.
- Le temps que met un poison pour agir dépend de l’organisme de la personne, également.
- C’est quoi ces conneries encore ?

Le chien ténébreux le regardait furieusement mais d’un air dubitatif. Le Dragon bleu voyait qu’il ne demandait qu’à le croire, mais il fallait qu’il le lui démontrât.

- Il existe un poison, un poison très particulier, qui n’est pas mortel pour les humains.
- Mais mortel pour les Pokémon, c’est ça ? grinça-t-il.
- En effet. Il provoque de fortes fièvres. À un niveau tel que la personne n’est plus capable de se mouvoir correctement. Au final, il peut arriver qu’elle soit victime d’hallucinations et perde la notion de la réalité, si ça se prolonge.
- Et tu dis que c’est pas mortel ? ironisa-t-il.
- Non, l’organisme finit par éliminer la toxine naturellement au bout de quelques jours. Mais ce sont les pires de votre vie, soupira le serpent cyan.

Démolosse secoua la tête pour se calmer. Ils allaient devoir se mettre en chasse et débusquer le fouineur qui était entré dans l’arène, mais pour cela il devait diminuer son état de fureur pour se concentrer.

- Est-ce contagieux ?
- Seulement s’il y a contact avec le… Oh non, Évoli ! siffla-t-il, affolé.
- Quoi, qu’est-ce qu’il y a ? Draco, qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il, surpris par son cri.
- Elle a léché la blessure de Clara quand elle l’a soignée, pas vrai ?

Démolosse le regarda d’un air grave. Son anxiété le rendait nerveux, mais il ne voyait pas pourquoi il s’inquiétait. Il parla d’une voix apaisante, même si cela ne lui ressemblait pas. Mais lui-même, si calme et posé d’habitude, se comportait étrangement.

- Oui, mais elle va parfaitement bien. Tu l’as vu à ton réveil et tu l’aurais senti si quelque chose ne jouait pas, non ? Elle dormait à côté de toi.
- Mais c’est… c’est impossible, murmura-t-il.
- Tu veux aller la voir ? proposa-t-il, compatissant.
- Non c’est bon. Il y a plus important.

Évoli avait ingurgité le poison. Il n’en doutait pas. Il ne pouvait se transmettre que par le sang, il aurait dû s’en inquiéter plus tôt, mais l’épuisement de la nuit l’avait emporté sur tout le reste. Comment cette jeune chatte pouvait encore être vivante ? Cette toxine foudroyait n’importe quel Pokémon en quelques minutes. Mais s’il avait déjà entendu parler de quelques-uns qui avaient survécu à l’expérience, ils restaient très rares.

« Qui es-tu vraiment Évoli ? murmura-t-il, tout doucement.

- Tu as dit quelque chose ? demanda Démolosse, curieux.
- Non, répondit-il simplement. Nous devons retrouver ce type, maintenant.
- Attends… Comment as-tu compris que c’est l’un de ces trois-là ?
- Si c’était cette Lou, l’empoisonneuse, elle aurait eu ces symptômes il y a deux jours, répliqua-t-il, un peu énervé tant la solution lui paraissait évidente.
- Et les seuls qui aient passé du temps avec elle plus tard, ce sont eux, conclut-il.

Exactement. Mais il y avait quelque chose d’étrange dans toute cette histoire et découvrir qui se promenait dans l’arène l’aiderait peut-être à le découvrir. Ils se mirent en route, Démolosse ouvrait la marche, la truffe tantôt en l’air, tantôt au sol. Il se dirigea vers l’ascenseur menant à la cuisine. Il le suivit et appuya sur le bouton que l’ascenseur descendît. Il actionna ensuite la machinerie pour qu’il remontât. En attendant que la porte se réouvre, il demanda :

- Dis-moi, comment ça se fait que tu n’aies pas remarqué son odeur avant ?
- La maladie. Elle empestait tellement qu’elle cachait tout le reste. Quand je l’ai revue le soir-même, elle devait aller mieux, expliqua-t-il simplement. Pourquoi tu veux savoir ça ?

Draco ne répondit pas. Sa tête bourdonnait de pièces de puzzles, il ne voulait pas perdre sa concentration en lui répondant.

« Ca y est, maintenant je commence à comprendre. C’est comme ça qu’il l’a empoisonnée, je comprends également pourquoi il l’a fait. Mais il n’avait pas prévu que la fermeture d’urgence et a dû improviser. Son propre piège s’est refermé sur lui-même ! » pensa-t-il avec un sourire en coin.

En quittant l’ascenseur, ils se dirigèrent tous deux vers les toilettes proches de la cuisine. D’un coup sec, ils ouvrirent la porte qui s’ouvrit avec bruit. Un œil rouge les regarda, plein de haine et d’amertume. Démolosse cracha une petite flamme en l’air pour qu’ils vissent son identité.

- Tout ça explique bien des choses, mon cher ! jappa-t-il, joyeux de leur trouvaille.
- En effet, grâce à toi, les pièces du puzzle commencent à s’assembler, confirma-t-il, heureux.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Mentali, ça suffit ! s’écria Tara Galano.

Le Pokémon Soleil se tut immédiatement. Sa plainte les avait tous surpris, mais l’absence de douceur dans le ton de sa propriétaire dérangea fortement le Champion Électrique. On ne traitait pas ainsi son Pokémon en souffrance.

- Dites donc, est-ce ainsi que vous traitez vos Pokémon ?!
- Ce ne sont pas vos affaires ! répliqua-t-elle avec colère. Et je vous rappelle que je suis la femme du Maire de Voilaroc, un peu de respect.
- Maire d’une ville corrompue jusqu’à la moëlle, j’en s’rais pas fier à votre place ! rugit Tanguy.

Elle lui en aurait inspiré, si elle avait dit qu’elle était la mère de l’Ultime Championne. Certes, sa fille était connue pour son alcoolisme, mais on ne l’avait jamais surprise en train de s’en prendre verbalement à son Pokémon. Mais, elle s’était plutôt servie du nom de son mari, ce qui l’avait rendu encore plus furieux. Mélina, l’ancienne Championne, avait perdu la vie cinq ans auparavant, quand elle avait essayé d’enrayer la corruption dans la police municipale.

- Je ne vous permets pas ! Savez-vous qui nous sommes ? cracha-t-elle.
- Je m’en…
- Taisez-vous ! les interrompit Hélène, avant d’ajouter quand elle les vit répliquer : « Tous les deux. J’essaie de comprendre le message. »

En effet, le bruit se répétait, comme un cycle, en tout ils l’entendirent trois fois. Elle retranscrit ce qu’elle entendait sur un bout de papier. Lorsqu’elle termina sa transcription, elle traduisit en s’aidant de sa Pokémontre. Elle en effectua deux, ne sachant pas tout à fait à quoi correspondait chaque son entendu. Le son fort correspondant une fois à un court et une autre fois à un long et le faible inversement. Une fois terminé, elle jeta son papier de dépit.

- Qu’est-ce que ça dit ? demanda l’Inspecteur Mattz.
- Ca n’a aucun sens, soupira-t-elle.

Tanguy récupéra la feuille tombée au sol et lut les deux propositions :

« Homme ivre dans un bordel. »
« Poissirène noyé dans du chocolat. »

Il faillit tomber à la renverse en arrivant à la même conclusion. Il donna le papier à Mattz qui le donna ensuite à la vieille acariâtre. Elle lâcha le billet qui s’envola. Elle se tourna vers son Pokémon et lui demanda :

- Tu as compris le message, pas vrai ?

Mentali acquiesça. Bien sûr, c’était évident. Il avait poussé un cri de désespoir parce que ce message indiquait qu’il y avait un problème. Les Pokémon avaient visiblement créé un système de communication similaire au Morse, mais le leur ne correspondait pas à ceux des humains. Voilà, pourquoi leur message n’avait aucun sens. Ce n’était pas Clara qui avait tapé le message, mais ses Pokémon !

- Ma fille ne va visiblement pas bien, dit-elle, confirmant ce qu’il pensait.
- Et à en juger par sa réaction, nous ne sommes pas au bout de nos surprises, grogna-t-il. De toute façon, avons-nous un Pokémon pouvant utiliser Téléport ?

Il regretta de ne pas avoir posé cette question plus tôt. Ils auraient dû se préoccuper dès le début de ce problème et appeler quelqu’un tout de suite. Sinon, ils devraient poireauter des heures dans le froid à attendre qu’un autre vînt avec un Pokémon Psy. Mattz, Hélène et lui-même hochèrent négativement. Les autres policiers et les médecins ne lui procurèrent pas non plus une réponse satisfaisante. Il s’apprêtait à appeler l’Infirmière Joëlle pour qu’elle vînt avec son propre Pokémon, mais étonnamment, Tara les informa d’une voix forte :

- Mentali s’en chargera.
- Ce Pokémon n’apprend pas Téléport, rétorqua-t-il, surpris.
- En effet, je ne parle pas de l’attaque Téléport, confirma-t-elle. Mentali va se servir de sa Capacité Terrain.
- Une « Capacité Terrain » ? répéta-t-il.

Un coup d’œil aux deux autres lui apprit qu’ils n’en savaient pas plus que lui.

- Ce Mentali vient d’Almia, expliqua-t-elle. Les Pokémon Rangers s’en servent pour leurs missions sur le terrain.
- Je vois… et cette Capacité Terrain va permettre d’entrer dans cette forteresse ? demanda Mattz, intéressé.
- Non, mais si quelqu’un se sert de Téléport à l’intérieur, notre lien pourra quand même se créer. Seulement, on ne pourra nous en servir qu’une seule fois.
- Je vois… Sous-Brigadière de Montmoullin, envoyez en morse le message suivant : « Prêt à téléporter, signal attendu ! »

Il aurait voulu lui dire que c’était inutile, puisque les Pokémon ne comprendraient pas. Mais Hélène s’exécuta tout de même sans lui laisser le temps d’intervenir. Elle répéta son message plusieurs fois, attendant visiblement qu’on lui répondît. Mais nul bruit de frappe sur le métal ne leur parvint en retour.

Alors, ils attendirent, sans piper mot. Il commençait à avoir un peu froid à mesure que le temps passait. Il relâcha son Luxray qui se colla immédiatement à lui pour le réchauffer. Ils devaient attendre et voir ce qui se passerait ensuite. Peut-être que les Pokémon de Clara trouveraient une solution.

Il se sentait inutile. On était venu le chercher pour l’amener ici, alors qu’au final il n’avait servi à rien, ce qu’il savait depuis le départ. Toutes les informations qu’il avait fournies aurait très bien pu l’être dans sa salle à manger autour d’un café pour l’Inspecteur Mattz et d’un verre d’eau pour lui.

« Nuit pourrie ! » grogna-t-il en silence.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Vas-y Draco, murmura Démolosse. Tape le message.

Une bonne heure avait passé depuis qu’ils avaient découvert l’individu. Laissé sous la surveillance de son compagnon, il avait rejoint Clara et Évoli. Celle-ci se portait à merveille et semblait heureuse comme un nouveau-né à surveiller la jeune Championne. Elle l’informa de la présence d’un Pokémon Psy à l’extérieur de l’arène. Il comprit alors qu’ils avaient une chance de sortir de là et sauver Clara.

Puis, il était retourné auprès du chien ténébreux pour lui expliquer ce que la chatonne lui avait révélé. Ils se trouvaient maintenant devant la barrière métallique. Draco arma son Queue de Fer pour frapper son nouveau message :

« Téléport dans 3 coups »

- N’oublie pas notre marché, grogna Démolosse. Si tu fais ce qu’on te dit, on te laissera partir.
- On a chacun nos intérêts dans l’histoire, répondit une voix féminine.

Son œil rouge brillait dans le noir. Bien qu’ils sussent tous les deux qui elle était désormais, il n’avait plus besoin de s’éclairer pour y voir quoi que ce soit.

- Je vais dire « Téléport dans 3 » une fois. Ensuite je dirai « Téléport dans 3 coups » et je ferai une pause. Quand j’aurai tapé trois fois, tu lanceras ton Téléport, lui ordonna le Dragon.
- J’ai compris c’est bon, répliqua-t-elle furieuse.

Il exécuta alors ses coups. Prenant bien son temps pour marquer chaque différence de son. Il voulait que la Mentali de l’autre côté comprenne son message. Lorsqu’il eut frappé son dernier coup pour former le « s » final, il attendit une bonne minute pour la laisser se préparer. Alors, il frappa une fois. Une deuxième… Il inspira profondément, espérant que cela marcherait et frappa une troisième fois.

Un cercle de lumière violet-rose apparut au milieu de la pièce. Sa puissance les éblouit tous les trois durant un instant. Il illumina également un visage blanc avec des yeux rouges très expressifs dont l’un d’eux se cachait sous ses cheveux vert pomme. Une longue robe blanche à l’extérieur, verte à l’intérieur, lui descendait jusqu’au pied. Ses bras arboraient la même couleur que ses cheveux et un étrange pic rouge s’enfonçait dans son dos et ressortait de sa poitrine. La créature qui se cachait dans l’arène était une Gardevoir.

Au milieu de la source lumineuse apparurent alors trois personnes. L’une d’elle portait un épais manteau brun sous lequel se voyait un costume-cravate impeccable. Draco le reconnut instantanément comme l’Inspecteur Mattz. Les deux autres portaient des vêtements similaires – pour se protéger du froid très certainement. Ils transportaient chacun une mallette. Le Dragon supposa qu’il s’agissait de médecins.

Démolosse mena les trois hommes à l’étage, pendant que Draco garda un œil sur le Pokémon Étreinte. Ils avaient conclu un marché pour débloquer la situation, mais il n’avait aucune confiance en elle. Il la laisserait partir une fois les portes ouvertes, mais jusque-là il la surveillerait. Les minutes passèrent en silence. Personne n’ouvrait la bouche pour parler ; ils n’avaient rien à se dire. Soudain, la porte de l’ascenseur se réouvrit : Évoli les rejoignit en courant.

- Qu’est-ce que tu fais là ? C’est pas un endroit pour une gamine, la sermonna-t-il.
- Vous avez réussi ! Clara va pouvoir se remettre sur pied ! lança-t-elle joyeusement, ignorant sa remarque.
- Calme-toi, répliqua-t-il exaspéré de son attitude.

S’il comprenait sa joie, ce n’était pas vraiment le moment. Quand elle aurait déguerpi, ils pourraient se réjouir. Pour l’instant, il devait encore veiller à ce qu’elle ne fît rien de suspect.

- C’était parfaitement stupide, ce que tu as fait.

Gardevoir ne pipa mot et garda son attitude impassible. Évoli la regarda un instant, tenta de s’approcher, mais il lui bloqua le passage d’un geste de la queue.

- Mais qu’est-ce qui te prend ? Elle ne me fera aucun mal. N’est-ce pas ? On s’est toujours bien entendues toutes les deux, murmura-t-elle en s’adressant à elle.

La créature détourna les yeux. Elle ne savait quoi lui répondre. Draco la remercia silencieusement de ne pas rendre les choses plus compliquées encore.

Quelques instants plus tard, un grand bruit se fit entendre : la grille métallique s’ouvrit. La liberté s’offrait désormais à eux, après avoir été enfermés pendant plus de quatre heures. Évoli détala à l’extérieur en miaulant de joie. Gardevoir la suivit plus tranquillement, peu pressée de s’en aller. Les néons s’allumèrent soudainement, illuminant la pièce. Surpris par la soudaine luminosité, Draco ferma un instant les yeux avant de suivre les deux autres. Toutefois, il s’arrêta à l’entrée.


Assis à côté de son Luxray qui lui tenait chaud, Tanguy avait observé l’Inspecteur Mattz et les deux médecins se téléporter à l’intérieur de l’arène. Quelques minutes s’écoulèrent, avant que la paroi bloquant l’accès ne remontât et ne libérât enfin l’entrée avec un grand bruit.

- Voilà, mon vieil ami. Cette histoire est enfin terminée, nous pouvons rentrer chez nous !

Il bâilla sans gêne aucune et s’étira. Il comptait informer l’Inspecteur Mattz de son départ avant de rentrer chez lui et dormir tout son soûl le reste de la journée… Il remarqua alors un Évoli courir vers le Mentali. Un Gardevoir la suivit plus lentement quelques instants plus tard.

- Tout ça pour ça ? grommela-t-il. Il y avait un Gardevoir dans l’arène depuis le début !

Il s’attendait à voir la créature sautiller de joie à l’idée de pouvoir sortir, mais elle gardait un air maussade et ne semblait pas heureuse de quitter sa prison d’une nuit. Il surprit même alors un hochement de tête négatif de sa part. Étrange ! Était-il adressé à quelqu’un ?

- Mentali, on s’en va, annonça Tara Galano.

Elle ne restait pas pour voir comment allait sa fille ? Qui était donc cette vieille femme ? Que voulait-elle vraiment ? Elle avait fait tout ce chemin ? Mais pourquoi ? Son Pokémon la rejoignit en jetant de temps à autres des regards inquiets vers l’Évoli.

Il remarqua alors un autre Pokémon à l’entrée de l’arène. Il n’avait pas quitté l’enceinte du bâtiment, mais la lumière éclairait un Draco. Ça ne dura qu’un instant avant qu’il ne disparût dans l’arène, mais Tanguy crut voir une flamme de colère embraser ses yeux noirs et rouges.


Évoli se précipita vers la Mentali. Elles se frottèrent mutuellement leur museau, heureuses de se retrouver. Elles s’assirent ensuite l’une à côté de l’autre, enroulant leur queue autour de l’autre. Elles observèrent le manège des humains, pendant quelques instants.

- Ma chérie, je suis tellement heureuse, miaula la chatte Psy.
- Mère, je ne pensais jamais te revoir… quand tu m’as déposée dans cette boîte…
- Je ne l’ai jamais regretté. Je savais que tu aurais une meilleure vie qu’auprès de moi, répondit-elle avec tristesse.
- Mais je… tu m’as tellement manqué !
- Je sais… Mais sans ça, ton destin ne s’accomplirait pas.

La jeune chatte ne comprenait pas où elle voulait en venir. Elle espérait la questionner plus, mais une vieille dame l’appela. Avec une larme aux yeux, elle embrassa le front de sa fille avant de s’éloigner. Évoli la regarda partir en tentant de contenir ses larmes. Les retrouvailles furent courtes, mais au moins elle avait pu revoir celle qu’il l’avait élevée et aimée. La vieille Mentali se retourna plusieurs fois vers sa fille avant qu’elle n’arrivât finalement auprès de sa maîtresse. Elles s’en allèrent dans la nuit.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Vous ne pouvez pas partir ! tonna Mattz.
- J’ai passé toute la matinée ici, sa sœur, sa secrétaire et son ami sont là, alors laissez-moi partir !

Lorsque Tanguy était venu dire au revoir à l’Inspecteur, celui-ci lui avait proposé de rester dormir à l’arène, au vu de l’heure tardive. À contre-cœur, il avait dû reconnaître que rentrer maintenant l’aurait obligé à passer la journée au lit pour se reposer. Mais une fois avoir dormi jusqu’à neuf heures, pris son petit-déjeuner, il ne souhaitait plus que rentrer avant de passer sa journée ici. Mais l’Inspecteur ne semblait pas de cet avis. Il venait de revenir de sa chambre :

- Je souhaite que vous la rencontriez.
- Pas besoin, j’ai pas envie de connaître cette gamine pourrie-gâtée.
- Mais vous ne la connaissez pas ! s’insurgea-t-il.
- Vous avez vu sa mère ? Si elle est aussi colérique qu’on l’dit, je sais de qui elle tient ! Je n’tiens pas à la rencontrer.

Ils se trouvaient tous deux à la table de la cuisine, deux bouteilles d’eau trouvée dans un placard les accompagnaient. Un Démolosse se tenait près d’eux, couché par terre. L’évier contenait une assiette et une cuillère à soupe, une tasse et une petite cuillère ainsi qu’un verre et tous ses ustensiles utilisés pour son petit-déjeuner. Le Champion Électrique avait pensé nettoyer la vaisselle pour passer le temps, mais le chien aboyait et montrait les crocs dès qu’il approchait sa main du robinet. La discussion des deux adultes avait été houleuse, ils avaient laissé ses amis veiller la Championne – les médecins l’avaient ramenée dans son lit. Elle ne s’était pas réveillée depuis.

D’un geste ferme et définitif, l'Inspecteur lui indiqua de le suivre. Il bougonna, mais obéit. Il dut reconnaître que la sœur de Clara semblait plus douce et plus gentille que leur mère. Peut-être se trompait-il à leur sujet ? Non, la Championne avait mis la police et lui-même sens dessus-dessous pour pas grand-chose. Élodie lui semblait plus mature que son aînée, si elle avait été à sa place, jamais elle n’aurait causé une telle pagaille.

En entrant dans la chambre, Tanguy la vit couchée dans son lit King-size de couleur blanc. La dernière fois qu’il l’avait vue, elle était blanche comme un linge, elle avait visiblement repris des forces. On avait bandé sa tête et une perfusion intraveineuse avait été posée à son bras reliée à un sac contenant un liquide transparent pendant à un porte-manteau.

Un sourire timide éclaira le visage de la jeune Championne quand l’Inspecteur vint la voir. Sa sœur vint à son chevet, Lucien et une jeune femme habillée d’un tailleur bleu se tenaient chacun d’un côté du lit. Le Draco qu’il avait aperçu à quelques reprises voletaient autour d’eux. On aurait dit qu’il les surveillait eux tous. Un Évoli complétait le tableau, il se tenait assis à côté de la jeune blonde.

- Élodie prendra en charge l’arène, annonça la secrétaire.

Tanguy jeta un œil interrogateur à la concernée, elle semblait déterminée, bien qu’un peu nerveuse à l’idée de la tâche qui l’attendait.

- Je me servirai des Pokémon de Clara, déclara-t-elle. Je m’entends bien avec eux.

Elle lança un regard appuyé au Dragon, mais celui-ci ne le remarqua pas et poursuivit son manège.

- Mais n’est-ce pas dangereux ? demanda Mattz. Ne serait-il pas plus sage de faire une annonce ?
- Non, hoqueta une voix fiévreuse. Pas d’annonce. Je ne veux pas que l’on sache que je suis malade.
- Mais…
- Clara et moi nous ressemblons beaucoup, fit remarquer Élodie. Il suffit que je me teigne les cheveux et que je les coupe et personne ne remarquera la différence.
- Mais vous n’avez pas le même caractère, insista-t-il.
- Ne vous en faites pas, toussota Clara. Je lui fais confiance.

Personne à part Tanguy ne sembla remarquer le regard appuyé qu’elle lança à sa sœur. S’il avait des commentaires à donner sur ce point, il les garda pour lui. La conversation ne le concernait pas. Tout ça n’était que des enfantillages, en tant qu’adulte, il aurait fermé l’arène le temps de sa convalescence. Mais cette fille n’était qu’une gamine irresponsable après tout.

- Élodie, Lucien, Julie… reprit Clara. Sortez, s’il vous plaît. J’aimerais discuter avec eux.
- Comme tu veux, je vais au salon, déclara Élodie.
- Appelle-nous si tu as besoin, ajouta amicalement Julie.
- Ta Pokémontre fonctionne de nouveau, on a remis des piles, compléta Lucien.
- Merci à tous les trois. Je vous suis reconnaissante.

Une fois mis au courant, tous les trois étaient arrivés aux alentours de neuf heures et demie. Ils n’avaient plus quitté son chevet, attendant qu’elle se réveillât.

- Je vais faire la vaisselle, lança Lucien, prêt à aider.
- Je vais t’aider, proposa Élodie.
- Non ! les coupa Clara. Je m’en occuperai moi-même.
- Ne sois pas ridicule enfin. Tu dois te reposer, déclara Julie, surprise de sa réaction.
- Faites ce que vous voulez, mais la vaisselle, il en est hors de question ! proclama-t-elle, furieuse.

Tous trois haussèrent les épaules avant de s’en aller. Elle avait obtenu ce qu’elle voulait, mais à quoi bon ? Tout ça pour de la vaisselle, quelles gamineries, pensa Tanguy. C’est quoi son problème avec la vaisselle sale ? Son Démolosse l’aurait bouffé s’il avait insisté pour la nettoyer lui-même. Lorsque la porte se referma, elle se redressa et retira la perfusion de son avant-bras.

- Mais qu’est-ce que vous faites ? tonna l’inspecteur. Vous ne voulez pas vous soigner ?!
- Calmez-vous un peu, bougonna-t-elle. J’ai besoin d’avoir les idées claires, je la remettrai quand on en aura fini.

Il n’insista pas. Si Tanguy avait été à sa place, il l’aurait attaché au lit et la lui aurait remise de force. Cette histoire lui avait fait perdre déjà bien assez de temps, inutile qu’elle retombât malade par sa propre stupidité. Mais il ne pipa mot.

- Inspecteur, avant que ces trois-là fassent le contraire de ce que je leur ai dit, allez récupérer tout le contenu du lavabo et envoyez-le à la scientifique, ordonna-t-elle.
- Qu’est-ce qu’on doit chercher exactement ? demanda-t-il, un peu surpris par sa demande.
- Le verre, l’assiette à soupe et la tasse sont les trois derniers objets qu’on m’a apportés hier avant que j’m’écroule, expliqua-t-elle. Vérifiez-les et vérifiez la soupe au frigo également.

Il prit note dans un calepin et s’éloigna pour rejoindre la cuisine. Il le rejoignit rapidement et lui demanda en chuchotant :

- Et c’est tout ? Vous vous exécutez comme un p’tit chien, parce que c’est la Championne Ultime ?
- Elle doit avoir ses raisons, répondit simplement Mattz. Elle m’a…
- Gamine pourrie-gâtée, le coupa-t-il un peu trop fort.
- Dites donc, vous ! gueula une voix.

Les deux hommes se retournèrent, surpris par le ton. Clara s’était levée de son lit, elle titubait, mais s’approcha tant bien que mal d’eux. Son visage avait tourné au cramoisi et ses traits étaient déformés par une fureur incroyable.

- Sortez, dit simplement Clara à l’inspecteur. Appelez-moi dès que vous avez du nouveau.

Soulagé, Mattz prit ses jambes à son cou et sortit de la pièce. Tanguy s’apprêtait à partir également, mais elle n’en avait pas fini avec lui.

- Pour qui tu t’prends ? lui lança-t-elle en colère. T’es Champion, je l’suis moi aussi. Un peu de respect !
- Montrez-moi que vous le méritez ! Et je n’vous permets pas de me tutoyer ! contra-t-il rageusement.

Si elle s’apprêtait à répliquer, elle n’en eut pas le temps. Elle s’effondra dans ses bras, il eut à peine le temps de la rattraper. Il la ramena à son lit et remit la perfusion. Il s’apprêtait à partir, furieux qu’on l’ait obligé à rester pour assister à cette scène. Mais une voix faible l’en empêcha :

- Attendez… laissez… laissez-moi tout vous expliquer, supplia Clara.

Sa colère s’était visiblement dissipée, aussi soudainement qu’elle était apparue. Tanguy supposa qu’elle ne la maîtrisait pas, sa mère et son ton hautain et dédaigneux le dégoûtait. Mais cette fille, fragile, à peine sortie de l’adolescence lui faisait presque pitié dans ce lit où elle gisait faiblement. Il s’assit sur le lit près d’elle et l’écouta.

- Vous êtes Champion, vous avez dû vous entraîner pendant des années pour atteindre votre niveau, n’est-ce pas ?
- Oui, confirma-t-il simplement.

Il ne voyait pas vraiment où elle voulait en venir.

- Je me suis entraînée – elle toussa avant de reprendre – pendant cinq ans. Dans la neige, le froid, le désert, la pluie, l’orage, la canicule… j’ai connu tous les climats et pourtant, je n’ai pas été malade une seule fois.
- Et bien, ça change. On tombe tous malades, un jour ou l’autre.
- En effet, confirma-t-elle d’une voix faible. Ma maladie au début me semblait normale. Une simple grippe, peut-être un peu plus sérieux. Je me souviens à peine de ce qui s’est passé la nuit dernière, j’ai l’impression d’avoir rêvé pendant des jours.
- Les médecins disent que vos Pokémon ont tout tenté pour vous soigner par eux-mêmes, l’informa-t-il. Vous aviez une sale blessure à la tête.

Il avait eu l’occasion de discuter avec eux quelques minutes durant la matinée. Ils avaient attendu le réveil de Clara, mais avait dû repartir dès qu’ils se furent assurés que tout allait bien. Elle tapota son front un instant et grimaça lorsque le choc lui fit mal.

- Mes Pokémon m’ont toujours été fidèles et débrouillard… Je savais que je pouvais compter sur eux.
- Vous avez beaucoup de chance, peu de Dresseur peuvent se vanter d’avoir une telle relation avec eux.

Elle lui apparaissait sous un jour nouveau désormais. Elle avait mauvais caractère, ce qui lui venait probablement de sa mère, mais elle tenait sincèrement à ses Pokémon, tout comme ils s’inquiétaient pour elle.

- Vous vous souvenez de ce qui s’est passé cette nuit ? demanda-t-il, finalement soucieux connaître le fin mot de l’histoire.
- Je me suis sentie de plus en plus mal, sentant que quelque chose clochait, j’ai voulu… appeler les secours. Mais ma Pokémontre ne s’allumait pas, ensuite… Je ne sais plus trop. On m’a transportée au bureau où il y a le téléphone d’urgence, probablement Draco et Démolosse. Je me suis réveillé assise dans le fauteuil… j’ai à peine eu la force d’utiliser le téléphone, mais après, c’était le noir.
- Je vois…

Donc la théorie de la police était bien la bonne. Elle avait effectivement tenté d’appeler les secours, mais elle s’était effondrée avant. Cela correspondait également avec la découverte de la police à leur arrivée.

- L’Inspecteur Mattz a découvert que votre Pokémontre n’avait pas de pile, vous n’auriez jamais pu appeler qui que ce soit, lui révéla-t-il.

Elle ne répondit pas tout de suite, le temps de digérer l’information.

- Ça confirme ce que je pensais. C’était bien un coup monté.
- Pardon ? Un coup monté ? répéta Tanguy, surpris.

« Mais où va-t-elle chercher tout ça ? se demanda-t-il.

Il ne la voyait plus comme cette gamine pourrie-gâtée. Elle avait visiblement vécu plusieurs années seule avec ses Pokémon. La vie l’avait endurcie. Il n’aurait peut-être pas dû la juger aussi vite.

- L’assiette remplie de soupe, le médicament avec le verre d’eau, le thé dans la tasse… Ces trois éléments m’ont été préparés par les trois personnes qui se prétendent mes amis. Et l’un d’eux en a profité pour m’empoisonner.

Cette révélation le choqua. Quelqu’un haïrait suffisamment Clara pour vouloir la tuer ? Ou peut-être sautait-elle sur les conclusions ?

- Qu’est-ce qui vous fait dire ça ? demanda-t-il.
- Les attaques contre les Dresseurs, répondit-elle faiblement.

Aurait-elle des informations inconnues de la police ? Tous les Champions de Sinnoh étaient au courant de ce qui se passait dans la région et avaient reçu une accréditation de l’État de la Région pour agir s’ils voyaient quelque chose de suspect.

- Vous devez le dire à la police ! s’insurgea-t-il.
- Non. Je veux régler ça moi-même. Je veux pas que ma sœur soit traitée comme une suspecte si elle n’y est pour rien.

Sa sœur, bien sûr. Toutes les deux semblaient très proches. Élodie avait accepté de prendre sa place à l’arène, par amour pour Clara. Il comprenait sa position, maintenant. Si elle l’avait pris pour une ado alcoolique, pourrie-gâtée et immature, au premier abord, il se rendait compte qu’il s’était bien trompé sur son compte.

- Vous avez des preuves ? demanda-t-il.
- Non aucune. Je ne sais pas pour quoi on a tenté de me tuer, ajouta-t-elle d’une voix où sa faiblesse transparaissait. J’ignore quel mobile ils pourraient avoir pour tuer tous ces Pokémon. Tout ce que je sais, c’est que la nuit où le Galopa de Marc, mon premier adversaire, est mort, ils étaient tous à l’arène quand il s’est pointé.
- Et vous n’avez rien dit à la police ? questionna le Champion Électrique.
- Non…

Il pensait que le moment était venu pour lui de partir. Clara avait grandement besoin de se reposer maintenant. Mais avant, il se devait d’exécuter une dernière action :

- Je suis désolé Clara. Je vous ai mal jugé toute la journée. À partir de maintenant, vous aurez tout mon soutien. En cas de problème, n’hésitez pas.
- J’aurais préféré… qu’on se rencontre dans de meilleures… circonstances.

Elle termina sa phrase dans un murmure presque inaudible. Elle tourna la tête et s’endormit. Après un dernier regard, Tanguy retourna au salon prévenir qu’il partait. Il s’en alla en sifflotant, heureux finalement d’avoir été réveillé au milieu de la nuit.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Clara dormait du sommeil du juste depuis un bon moment. Un tic-tac insistant de sa Pokémontre la réveilla en sursaut. En la consultant, elle remarqua qu’il était presque quatre heures de l’après-midi. Elle grimaça en se redressant, son front lui était douloureux. Elle s’appuya sur ses coudes et récupéra sa Pokémontre sur la table de chevet et l’approcha de sa bouche.

- Allô ? dit-elle, enrouée.
- Inspecteur Mattz à l’appareil. Nous avons effectué les analyses que vous aviez demandé.

Elle se réveilla complètement à cette annonce.

- Alors ? demanda-t-elle d’une voix pressante. Qu’avez-vous découvert ?
- Nous n’en sommes pas encore certains, mais nous avons découvert des gerbes dans la soupe, très probablement la maladie qui vous a affectée.
- Je vois…

Déçue ? Un peu. Elle s’était trompée et avait sauté sur les conclusions trop rapidement. Mais elle se sentait aussi un peu soulagé. Cela signifiait que c’était Lou qui l’avait rendue malade en l’aidant avec la soupe. Aucun des trois ne pouvait être le responsable.

- Cependant, nous avons peut-être découvert autre chose…

Mais elle ne s’était pas trompée, son soulagement se transforma en un instant en une froide stupeur quand l’Inspecteur lui annonça la suite.






Tête baissée, Clara cachait ses émotions derrière une façade impassible. Impossible de dire ce à quoi elle pensait à ce moment-là. Elle avait à nouveau ôté sa perfusion, tout en conservant l’aiguille fichée dans son bras. Elle n’avait guère envie de s’embêter avec ça. Elle déambulait dans le couloir menant au salon, tel un zombi.

En ouvrant la porte, elle remarqua à peine qu’Élodie, Julie et Lucien sirotait tous un soda dans les canapés. Surpris, ils se retournèrent en l’entendant arriver. Elle faillit tomber à nouveau, mais ils se précipitèrent vers elle et tentèrent de l’aider à marcher. Mais elle les repoussa.

- Je voudrais…

Sa voix trahissait à quel point son corps était faible.

- Je voudrais parler à Élodie, s’il vous plaît… Seule… à seule.

Les deux autres échangèrent un regard. Sa sœur hocha la tête et la prit par le bras pour la soutenir et la ramener à son lit. La jeune championne se laissa faire. La blonde tourna la poignée de sa main libre et l’aida à franchir le seuil. Lorsque sa sœur referma derrière elle, elle tordit son poignet qui l’aidait et la repoussa contre la porte. Elle poussa un cri de douleur et de surprise.

- Qu’est-ce que tu fais ? gémit-elle.

Elle se recroquevilla contre le bois, alors que son aînée s’approchait d’elle en titubant. Toujours tête baissée, elle s’avança. Avec une force surprenante, contenu de la situation, elle l’empoigna par le col et la souleva dans les airs et la posa contre la porte en bois, ce qui provoqua un grand bruit.

- Pourquoi… murmura-t-elle.
- Clara… arrête… qu’est-ce… que… tu fais… ?

Élodie avait du mal à respirer. Lorsque sa sœur releva la tête, elle s’attendait à voir son visage rouge sang de sa fureur. Mais non… Elle n’en voyait aucune trace. À la place, des larmes coulaient à flot, telle une cascade qui tombe dans un bassin. Elle n’essayait même pas de les retenir. Toute sa peine et sa détresse de lisaient sur son visage comme dans un livre ouvert.

- Pourquoi m’as-tu empoisonnée, Élodie ? demanda-t-elle d’un ton suppliant plein de tristesse et de regret. Pourquoi as-tu voulu me tuer ?



À SUIVRE !