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Sang Royal - Tome 1 : Trahison de groudonvert



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» Auteur : groudonvert - Voir le profil
» Créé le 21/12/2019 à 16:04
» Dernière mise à jour le 21/02/2020 à 21:29

» Mots-clés :   Action   Drame   Policier   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 09 : Élodie et Draco : Naissance
- Ça ira pour demain Élodie ? s’inquiéta Lucien.
- Il faudra bien, soupira-celle-ci.

Il était près de quatre heures de l’après-midi ce dimanche-là. Lucien et elle avaient rappliqué le matin-même lorsqu’ils avaient appris que l’état de Clara avait empiré – Julie, la secrétaire de Clara, était également présente. Très inquiète pour la santé de sa sœur, la jeune blonde lui avait proposé de la remplacer quelques jours à l’arène pour qu’elle pût se reposer et se remettre.

Après avoir pris de ses nouvelles et discuté un long moment avec elle, les trois compères s’étaient installés dans des fauteuils au salon. Ils discutaient de choses et d’autres, quelquefois sans importance. Élodie trouvait amusant qu’ils ne se seraient probablement jamais rencontrés, si Clara n’avait pas obtenu son titre. Elle voyait depuis quelques temps Lucien en-dehors des cours pour s’entraîner ensemble. Elle ne connaissait pas très bien Julie, mais elle lui semblait sympathique, bien qu'un peu stressée par son travail.

- Je te trouve bien courageuse d’avoir pris cette décision, moi j’oserais pas, ajouta Julie.
- J’aurais pas osé la semaine passée, confirma-t-elle. Mais Draco m’a aidé à prendre confiance en moi.
- Draco ? souffla-t-elle surprise. Le Draco de Clara ?
- Oui, confirma Lucien, avec un sourire amusé. Il vient la voir tous les jours depuis une semaine. On dirait presque qu’il souhaite changer de Dresseur.
- Mais ça va pas ? rétorqua la blonde en lui donnant une tape sur le bras.
- Il t’a bien apporté sa Poké Ball l’autre jour, non ? la relança Lucien.
- Sérieusement ? s’étonna Julie. Je le pensais très attaché à Clara.
- Mais non voyons, qu’est-ce que vous imaginez ? rougit-elle. En plus, il est pas venu me voir depuis hier matin.

Démolosse émit un grognement à côté d’eux. Il était affalé entre leurs jambes et paressait tranquillement. Il semblait amusé par leur conversation. Ils le regardèrent un instant et le caressèrent quelques minutes. Le chien soupira d’aise. Soudain, il se releva et regarda en direction de la porte menant à la chambre de Clara. Tous trois se retournèrent, en entendant des bruits de pas. La porte s’ouvrit et sa sœur apparut dans l’encadrement de la porte en titubant.

Lucien se précipita en avant pour l’aider avant qu’elle ne tombât. Élodie et Julie les rejoignirent rapidement. Mais Clara les repoussa.

- Je voudrais…

Sa voix paraissait épuisée. Son corps la soutenait à peine, tant la maladie l’avait affaibli. Elle reprit un peu de vigueur, avant de reprendre :

- Je voudrais parler à Élodie, s’il vous plaît. Seule… à seule.

La jeune fille se demanda de quoi elle voulait bien parler. Tout semblait réglé, elle devait juste se teindre les cheveux pour qu’elle pût se faire passer pour elle. Peut-être des conseils de dernière minute ?

- Ça ira ? demanda Lucien. On peut t’aider à la ramener si tu veux.

Élodie secoua la tête. Elle pouvait bien se débrouiller seule. Sa sœur lui paraissait ailleurs et ne semblait pas avoir entendu Lucien parler. Elle prit son aînée par le bras pour la soutenir, ouvrit la porte de sa main libre, l’aida à passer le seuil et referma derrière elle.

Une douleur intense la prit au poignet: sa sœur le lui tordait violemment. Clara la repoussa contre la porte qui craqua dans un vacarme assourdissant. Elle poussa un cri de douleur à l’impact et s’affaissa contre le sol.

- Qu’est-ce que tu fais, gémit-t-elle, surprise, en relevant la tête.

Clara l’empoigna alors par le col et la souleva dans les airs et l’appuya contre la porte en bois. Celle-ci émit un craquement à l’impact. Malgré son état de santé fragile, sa sœur avait une force impressionnante.

- Pourquoi… murmura sa sœur.
- Clara… arrête… qu’est-ce… que… tu fais ? dit-elle dans un souffle saccadé.

Elle avait du mal à respirer. Bien qu’elle ne l’eût soulevée que par ses vêtements, l’empoignade l’étouffait. Clara releva alors la tête, Élodie s’attendait à la voir rouge foncé, voire presque noir, de colère, mais rien de tel. Telle une fontaine, ses joues ruisselaient de larmes. Si son visage n’était pas en train de changer de couleur sous le manque d’air, il aurait affiché la surprise.

- Pourquoi m’as-tu empoisonnée, Élodie ? lui demanda-t-elle d’un ton suppliant et plein de tristesse. Pourquoi as-tu voulu me tuer ?



5 jours plus tôt


Lors du dernier cours du mardi après-midi, Élodie et ses camarades reçurent une visite surprise à la fin du cours de « combat ». Il n’avait été guère plus intéressant que celui de la rentrée – celui où elle s’était rendormie. Leur professeur se bornait à leur enseigner la théorie. La nouvelle arrivante ne ressemblait pas du tout à leur enseignant. Il semblait difficile de dire son âge – l’enseignement des matches pouvait déjà être pratiqué à l’âge de 18 ans dans le Monde Pokémon.

- Chers étudiants, ma collègue Nicole Gesuideffyé de la Classe 1B et moi-même avons organisé un évènement spécial pour cette rentrée.

La classe émit un soupir de mécontentement. Lorsque leur Professeur, Monsieur Danstorm leur annonçait ce genre d’information, ce n’était généralement pas une bonne nouvelle. Si celui-ci avait la quarantaine et ne donnait pas des cours très enthousiasmants, sa collègue semblait jeune et pleine d’énergie. Plusieurs étudiants de la Classe 1A aurait bien aimé l’avoir eue comme enseignante.

- Eh bien, c’est quoi ces soupirs ? s’étonna la jeune professeure, avant de reprendre avec entrain : « Nous vous avons organisé un tournoi spécial interclasse ! »

Son collègue grogna en signe d’approbation. Élodie aurait juré qu’il lui avait dit quelque chose comme : « C’est toi qui l’as organisé seule ! » Les autres étudiants se retinrent de clamer leur joie, de peur d’être repris par M. William Danstorm.

- Hé bien, je m’attendais à plus d’enthousiasme de votre part, déplora-t-elle, ennuyée. Ce tournoi aura lieu vendredi. Chacun de vous affrontera un de mes élèves.
- Afin de déterminer quel adversaire vous affronterez, nous procéderons à une évaluation demain, ajouta William.
- Afin que vous ayez un niveau équivalent, compléta Nicole.
- De toute façon, Élodie battra tout le monde ! clama un des élèves à haute voix.
- Élodie ? répéta l’enseignante, interloquée. Pouvez-vous vous lever, s’il vous plaît ?

Elle en rougit de honte, mais s’exécuta. Tous les regards se tournèrent vers elle. Elle était devenue le centre de l’attention, ce qu’elle n’appréciait guère. L’enseignante hocha la tête avant de l’interroger :

- Pouvez-vous me dire pour quelle raison votre camarade a dit cela, s’il vous plaît ?
- Je suis la sœur de Clara, dit-elle simplement.
- Clara… Clara Galano ? demanda-t-elle, curieuse.
- Exactement. La Championne Ultime est ma grande sœur.
- Je suis une grande fan de la Championne, annonça-t-elle gaiement, un sourire éclatant sur le visage.

Mais qu’est-ce qu’ils avaient tous avec elle ? Certes son nom était connu dans tout Sinnoh désormais. Mais s’ils la côtoyaient au quotidien, elle doutait qu’ils fussent encore très nombreux à la soutenir. Cette attitude de « Je suis gaga de la Grande Championne ! » commençait à l’agacer.

- J’imagine que vous êtes aussi douée qu’elle au combat ?
- Pas du tout, répliqua son professeur. Elle ne connaît même pas sa table des types.

Bien que l’envie ne lui manquât pas, elle s’abstint de répondre à sa provocation. Elle ne souhaitait pas être punie ou pire, finir chez le directeur une deuxième fois en deux jours. Néanmoins, sa collègue ne s’empêcha pas de s’en charger :

- Voyons, on est là pour apprendre après tout. On n’est pas tous née pour devenir un grand Dresseur. Je suis certaine que vous trouverez votre propre voie et un avenir en-dehors de l’ombre de votre sœur, l’encouragea-t-elle.
- Je vous remercie, répondit la jeune étudiante, avant de se rasseoir et de poursuivre : « Je n’ai pas la prétention d’être le meilleur Dresseur au monde, de le sauver d’une catastrophe quelconque ou de le diriger. Je ne suis ni ma sœur… ni mon père. »

Sa dernière remarque en surprit plus d’un. Beaucoup d’étudiants connaissaient de nom Xavier Galano – il était l’un des plus généreux donateurs de la faculté et son tableau trônait dans le bureau du Directeur – mais peu d’entre eux savaient que c’était également un Dresseur très qualifié qui avait entraîné ses enfants pendant leur enfance. En plus de son mandat de maire de Voilaroc, il siégeait depuis des décennies au parlement Pokémon. Mais elle ignorait si son paternel y avait une quelconque influence.

Un sourire d’approbation se dessina sur le visage de l’enseignante quelques instants puis elle s’adressa au reste de la classe :

- Profitez du reste de votre journée pour vous entraîner. Le tournoi de vendredi constituera votre première note du semestre.

Le Professeur Danstorm s’abstint de tout commentaire supplémentaire. Alors que la sonnerie se déclenchait, ils quittèrent tous deux la classe.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Ectoplasma Ombre Nocturne ! lança Lucien.
- Cornèbre, Ténèbres ! répliqua Élodie.

À la fin du cours, la jeune fille l’avait appelé pour voir s’il accepterait un match d’entraînement. D’abord réticent, il avait fini par accepter lorsqu’elle lui avait expliqué de quoi il retournait. Ils s’étaient tous les deux retrouvés à l’extérieur du Foyer d’étudiants où se trouvaient nombre de terrains d’entraînements non couverts que la Faculté leur mettait à disposition. Les deux Pokémon se rendaient coups pour coups depuis une quinzaine de minutes, mais aucun d’eux ne semblaient vraiment prendre l’ascendant sur l’autre.

- Pourquoi s’entraîner de cette façon ? Ton Pokémon a l’avantage du type sur le mien, choisis-en un qui est désavantagé, tu y gagneras.
- Je l’sais bien, répliqua-t-elle. Mais je n’ai Cornèbre que depuis quelques mois.
- Je comprends mieux pourquoi tu ne te sers que de lui depuis qu’on se connaît, répondit le jeune homme, amusé.

En effet, Élodie possédait Gardevoir depuis l’enfance, elles avaient pour ainsi dire grandi ensemble, tout comme Démolosse et Clara. Un lien très fort les liait, mais elle ne s’en servait que rarement au combat, préférant se consacrer à ses deux autres Pokémon.

- D’ailleurs, pourquoi appelles-tu « Ombre Nocturne », « Ténèbres » ? s’étonna-t-il. J’ai remarqué qu’il s’agissait des mêmes attaques.
- Clara et moi avons été entraînées à la vieille école par nos parents. La plupart des Régions ont repris la norme Kalosienne, mais nous préférons garder l’ancien nom, expliqua-t-elle. Ce serait pareil pour Intimidation, mais aucun de nos Pokémon n’apprend cette attaque.
- « Intimidation » ? répéta-t-il.

C’était bien un étranger, pensa-t-elle, amusée. Il ne connaissait que les noms actuels des attaques, certains Dresseurs s’en servaient parfois pour surprendre les jeunes Dresseurs ou les non-natifs des Régions (comme Lucien) avec d’anciennes terminologies.

- Ca s’appelle « Regard Médusant » maintenant, répondit-elle, simplement.

Son visage s’éclaira devant les explications qu’elle lui fournit.

- Je n’aime pas trop cette attaque… murmura-t-il.
- Comment ça ? s’étonna-t-elle.
- Comment dire… elle paralyse tout Pokémon qui n’est pas de type Électrique avec une précision parfaite, expliqua-t-il sans conviction.

Élodie ne comprenait pas où il voulait en venir avec ses explications. Certes, Intimidation était effrayant et désarçonnait facilement le Pokémon adverse, mais de là à le paralyser ?

- Élodie, regarde derrière toi, chuchota Lucien.
- Qu’est-ce que… ?

En pivotant sur elle-même, elle aperçut un Pokémon qui les observait de derrière les grilles. Visiblement, il se tenait là depuis un moment. Elle ne connaissait qu’un seul de cette espèce et elle était certaine que ce n’était pas celui d’un autre qui passerait par là par hasard.

- Draco ? Mais qu’est-ce que tu fais là ? s’étonna-t-elle.

Timidement, il vola au-dessus du grillage pour la rejoindre. Il se posa à côté d’elle. L’expression de ses yeux lui indiquait une inquiétude et une tristesse qui lui fendirent le cœur. Qu’était-il venu faire ici ?

- Il s’est passé quelque chose ? lui demanda-t-elle, sachant parfaitement qu’il ne pourrait pas lui répondre.

C’est alors qu’il lui sauta dessus, comme elle l’avait vu le faire avec sa sœur. Lucien éclata de rire, alors qu’elle tombait lourdement sur les fesses et que le Dragon lui infligeait une attaque Léchouille sur tout le corps… ou plutôt, il lui léchait tout le corps, de manière amicale, de sa langue rugueuse, pleine de petits pics – comme celle des Miaouss. La sensation n’était pas des plus agréables. Mais les gestes du serpent cyan semblaient hésitants, comme s’il ignorait comment elle allait réagir.

Il semblait content de la voir – bien qu’elle ne fût partie que depuis deux jours. Après les dernières semaines où il semblait la surveiller en permanence, elle appréciait ce changement d’attitude de sa part. Elle se demandait toutefois ce qui lui était arrivé.

Elle porta ses bras à son visage pour signifier à Draco qu’elle voulait qu’il arrêtât. Il comprit le message et, un peu déçu, il s’écarta. Lucien, qui avait assisté hilare à toute la scène, se calma et lui tendit un bras pour l’aider à se relever. Elle accepta l’aide avec plaisir et étudia le visage du Pokémon : il gardait la tête basse et les yeux baissés, comme s’il ne pouvait la regarder. Peut-être souhaitait-il s’excuser pour son attitude des dernières semaines ? Ou peut-être…

L’interrompant dans ses pensées, sa Pokémontre sonna soudainement. Surprise de l’interruption, elle s’éloigna, laissant son camarade avec les trois Pokémon. En allumant l’écran, elle vit que Julie cherchait à la joindre.

- Allô, Julie ? lança-t-elle, timidement.

Dubitative, elle se demanda pourquoi elle voulait lui parler. Elles avaient certes discuté ensemble à quelques reprises, mais il lui semblait surprenant qu’elle la contactât ainsi.

- die… grave… faut… viennes !

Elle ressentit son affolement comme si elle se tenait à côté d’elle. Elle parlait vite, trop même. Bien qu’elle eût compris l’urgence de la situation au ton de sa voix, elle n’avait pas compris ce qu’elle lui avait dit. Elle tenta de calmer le jeu afin de comprendre la situation :

- Respire un bon coup et explique-moi calmement ce qui s’passe, murmura-t-elle.

Elle sentit qu’on l’épiait, elle tourna la tête un instant et constata que Draco la regardait avec un regard insistant et plein de tristesse. Lucien, quant à lui, donnait des directives à son Ectoplasma, pendant que Cornèbre volait de-ci de-là, sans but réel que le pur plaisir de sentir le vent gonfler ses plumes ébène. Elle entendit plusieurs respirations profondes se succéder à l’autre bout du fil. Julie, calmée, lui parla à nouveau :

- Élodie, tu dois revenir à l’arène, Clara est bizarre !
- Je ne reviendrai pas, clama-t-elle, orgueilleuse.

Sa grande sœur avait décidé d’être odieuse pendant plusieurs semaines, pourquoi devrait-elle revenir le jour après l’avoir quitté ?

- Écoute ce que j’ai à te dire, alors.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Un soupir s’échappa bruyamment de la bouche de Julie, alors qu’elle fixait distraitement son ordinateur. L’heure tournait, il était désormais plus de dix heures.

- Ouah, quel ennui ! s’exclama-t-elle, en réprimant un bâillement. L’heure tourne et j’avance pas…

Surprise par ce qui apparaissait à l’écran, sa phrase resta en suspens. Depuis son arrivée, elle s’échinait à effectuer la comptabilité. Les factures s’accumulaient, mais l’argent, lui, ne rentrait pas dans les caisses. Elle avait toujours pensé que l’Ultime Arène était financée par la Ligue – comme tout le monde en fait. Mais elle se trompait. Suite à quelques recherches, elle s’était rendue compte qu’une forte réserve d’argent avait été conservée des deux précédentes années, probablement parce qu’aucun Champion ne siégeait en ces lieux depuis un an.

Un son signala l’enclenchement de l’imprimante, alors que la jeune secrétaire procédait à une impression. Elle récupéra le papier et y jeta un œil pour vérifier qu’elle n’avait pas mal vu. Non, elle ne se trompait pas, le montant apparu à l’écran s’était bien inscrit, il n’y avait aucune erreur.

Elle jeta un œil à sa montre, à cette heure-là, Clara devrait déjà être réveillée. Son adversaire ne saurait tarder à arriver, elle aurait peut-être juste le temps de parler à la jeune fille de sa découverte… ? Mais le son caractéristique de la porte d’entrée qui s’ouvrait, telle une porte de centre commerciale, la tira de ses pensées.




Accoudée à l’intérieur de l’ascenseur, Julie réfléchissait. L’adversaire du jour était arrivé en avance, mais celle-ci n’était toujours pas apparue. Qu’est-ce qui pouvait bien se passer ? Elle n’aurait pas le temps de lui parler de quoi que ce soit, il fallait qu’elle descendît pour affronter son nouvel adversaire. Elle n’était jamais entrée dans la chambre de Clara, préférant lui laisser son intimité. Mais là, il y avait urgence, elle se devait de vérifier si elle était toujours endormie en premier lieu. Auquel cas, elle devrait encore se préparer, ce qui prendrait d’autant plus de temps.

Lorsque la porte s’ouvrit, son nez frémit. Sa gorge se noua, elle faillit se tourner pour vomir. Une puanteur innommable se dégageait de la chambre de la Championne. Elle sortit rapidement un mouchoir de sa poche pour se boucher le nez avant d’entrer timidement dans la salle, s’attendant presque à trouver le cadavre de sa patronne.

«
Mais non, se reprit-elle, en pensée. Ce n’est pas l’odeur d’un cadavre, c’est… »

Poussant un haut-le-cœur, elle pénétra dans la chambre. D’innombrables bouteilles d’alcool de toutes sortes, bières, vins, spiritueux, alcools forts, jonchaient le sol : vides. En observant rapidement l’état du plancher, elle supposa que leur contenu avait dû s’en déverser en grande partie. L’immondice que son odorat détectait semblait venir de tout cet alcool dont les relents avaient dû se répandre dans les airs.

Inquiète, elle se demanda comment une telle quantité d’alcool avait pu être bue en à peine deux jours. Clara avait-elle passé tout son temps libre à boire, telle une ivrogne, depuis le départ de sa sœur ? Certes, Julie avait pu l’apercevoir à quelques reprises dans un drôle d’état, mais rien n’indiquait un quelconque problème d’alcool durant ses matches.

En sortant de l’ascenseur, elle avisa Clara, étendue sur son lit, une bouteille de bière à la main près de son oreiller, d’autres l’entouraient également. Sa bouche était entrouverte et bougeait de temps en temps, comme si elle parlait toute seule. Ses Pokémon dormaient tous dans leur panier – ou perchoir, dans le cas de Xatu – comme si de rien n’était. L’étonnement transparut sur son visage, comment pouvaient-ils roupiller aussi paisiblement, alors que la pièce empestait ?

Avant de faire quoi que ce fût, Julie se précipita pour ouvrir les fenêtres, afin d’aérer. Elle lança ensuite ses Poké Balls en l’air afin que ses Pokémon viennent l’aider. Sa Sidérella usa de ses pouvoirs psychiques pour soulever Clara et la faire doucement quitter son lit, sans la réveiller, elle fit de même avec Draco. Goupelin souleva Démolosse qui grogna doucement et usa de télékinésie pour déplacer Xatu. La rousse attendit qu’ils aient quitté la pièce avant de se tourner vers son Roigada :


- Roigada, arrange-toi pour nettoyer tout ce bazard avec tes attaques Eau, s’il te plaît. Je viendrai plus tard t’aider.

« Une fois que je me serai débarrassé de toutes ces bouteilles. » grogna-t-elle pour elle-même.

Le Pokémon Royal lui jeta un coup d’œil dubitatif, l’alcool s’était répandu sur le sol, sur les tapis, dans le lit… sans compter le vomi qu’elle avait aperçu çà et là. Elle allait devoir nettoyer tout ça, sans trop savoir comment. Elle porta Évoli dans ses bras et alla rejoindre les autres au salon.





- Décidément, quel enfer ! jura Julie.

Une fois s’être assurée que Clara allait bien, elle était allée récupérer des sacs pour transporter toutes les bouteilles dans la cuisine. Elle attendrait que l’adversaire d’aujourd’hui fût parti, pour s’en débarrasser. Elle procédait ainsi afin qu’il ne se posât pas de questions sur ses aller-retours incessants. Pendant leur match, elle s’arrangerait pour nettoyer la chambre de fond en comble. C’était son dernier voyage et elle commençait à fatiguer et à perdre patience. Alors qu’elle allait quitter la pièce, sa patronne y entra.


- Alors ? lança-t-elle, pleine de sarcasmes. La Belle au bois dormant se réveille ?

La Championne, toujours en pyjama, se tenait la tête de sa main droite. Son haleine et son corps empestait, mais elle ne semblait même pas s’en rendre compte. Elle ne releva pas le sarcasme et grogna d’un ton épuisé :

- Ah ! Ma tête. J’ai aucun souvenir de cette nuit. J’ai l’impression qu’un camion m’est roulée dessus…. Tu as noté sa plaque ?

Elle se voulait peut-être drôle, mais Julie n’apprécia pas son « humour ».

- Ah ouais ? Je l’ai déjà retrouvé, il est dans ces sacs-poubelles, ton « camion ».

Elle la regarda dubitativement, sans comprendre le sens caché.

- Tu as l’heure ? demanda-t-elle, gentiment, sentant la mauvaise humeur de sa secrétaire. J’aimerais bien aller courir ce matin avant le match… Ça me réveillera.

L’envie ne lui manquait pas de la gifler pour lui mettre du bon sens dans le crâne. Mais son boulot était plus important pour elle que de passer ses nerfs sur elle. D’un ton cinglant elle lui répondit :

- Va te laver, tu pues plus qu’un Moufflair en rut. Ton adversaire t’attend en bas depuis plus de vingt minutes, alors dépêche-toi !
- Qu’est-ce qui te prend, à la fin ? s’étonna-t-elle, gardant son calme. J’te rappelle que je suis ta patronne !
- Ah oui ? répliqua-t-elle. Tâche de t’en souvenir, j’ai sérieusement l’impression de te materner là.

Julie connaissait la légendaire colère de Clara désormais. Mais la fureur accumulée lui avaient fait perdre toute prudence. Elle s’attendait à une explosion de sa part, mais elle acquiesça, reconnaissant ses torts d’être en retard. Elle se détourna et retourna au bureau pour prendre sa douche.

Une fois la porte fermée, Julie compta une minute, puis deux. Elle alla ensuite tranquillement récupérer un des sacs et l’étudia une bonne minute du regard. Puis, elle lança contre le mur avec une force surprenante. Son visage se tordit, alors qu’il se violaçait de fureur, ses taches de rousseurs rougeoyèrent. Méconnaissable, elle rugit :


- Quelle sale petite pute alcoolique, imbue de sa personne !

*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Attends, attends… la coupa Élodie. Tu es en train de me dire que tu as trouvé Clara endormie avec des bouteilles dans toute sa chambre ? Et tu as passé toute la journée à la nettoyer ?
- C’est ça, répondit la voix de Julie à l’autre bout du fil.

Interloqué par son coup de téléphone, Lucien l’avait rejointe, laissant les autres Pokémon jouer entre eux. Draco avait suivi Lucien timidement. La tête baissée, la tristesse s’y lisait comme le nez au milieu de la figure. La blonde se baissa et lui caressa la tête de sa main libre. Il écarquilla les yeux avant de se détendre sous son contact. Elle laissa ce moment durer quelques instants, avant de tourner à nouveau son attention vers Julie.

- Comment va Clara ? s’inquiéta-t-elle.
- Elle fait comme si tout allait bien, si tu voyais ça, on aurait dit qu’elle n’avait jamais été ivre.
- Elle tient peut-être bien l’alcool, supposa Lucien.

Julie eut un rire bas avant de rétorquer :

- Tenir bien l’alcool ? Elle a vidé le bar, il n’y en a plus une goutte dans l’arène.
- Je vois… répondit-il, déçu.
- Vous savez bien que ces morts l’inquiètent, tenta Élodie, pour défendre sa sœur.
- Ca n’explique pas tout, grogna la secrétaire furieuse.

Elle comprenait la réaction de la jeune femme, ce n’était pas le boulot d’une secrétaire de nettoyer derrière sa patronne. Elle aimait sa sœur, mais il était hors de question qu’elle revînt à l’arène pour une histoire d’alcool, si Clara n’avait pas supporté son départ, elle devait se remettre en question, plutôt que de se noyer dans la boisson.

- Quoi qu’il en soit, ajouta-t-elle, je ne reviendrai pas à l’arène, Julie. Clara doit assumer seule ses conneries.
- Pourquoi est-ce à moi d’en assumer les conséquences ? répliqua Julie, à nouveau affolée.
- Démissionne, répliqua Lucien. Si tu ne la supportes plus. Moi, je ne peux plus la voir non plus.
- Je peux pas… murmura-t-elle avec tristesse. J’ai besoin de ce travail…

Un travail qui ne l’enchantait guère à ce qu’avait compris Élodie, en l’écoutant. Elle avait dû passer la journée à nettoyer la chambre de sa grande sœur. Serait-elle capable d’aller tous les jours travailler dans une telle ambiance, même si elle « avait besoin de ce travail » ? Elle en doutait.

Elle prit ensuite congé de la conversation en s’excusant de ne pas savoir comment intervenir pour l’aider. Elle récupéra ensuite son Cornèbre et s’en alla. Draco la suivit, après avoir hoché la tête en direction de Lucien en guise d’aurevoir.






Après s’être assuré du départ d’Élodie, un dédain s’afficha sur le visage du jeune homme, alors qu’il pianotait sur sa propre Pokémontre pour joindre à nouveau Julie. Lorsque la secrétaire répondit, son visage s’assombrit et se couvrit de haine. Couvrant sa bouche de son autre main et après avoir vérifié une dernière fois qu’il était seul, il murmura d’une voix claire :

- J’ai une proposition à te faire. Dis-moi où je peux te retrouver.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Le froid de l’hiver s’insinuait dans son corps. Elle n’avait qu’une envie : rejoindre son lit et se blottir dedans pour se réchauffer et dormir tout son soûl. Mais elle devait réfléchir au lendemain. Élodie devait déterminer avec soin quel Pokémon elle enverrait. Elle avait envie de montrer ce dont elle était capable vendredi, montrer qu’elle était tout aussi capable en combat que sa sœur, mais elle doutait.

Que se passerait-il si elle tombait sur un adversaire trop fort pour elle ? Avait-elle seulement envie d’une humiliation ? Ses Pokémon étaient-ils assez forts ? Elle avait passé des mois à entraîner son Cornèbre, délaissant complètement ses deux autres Pokémon. Saurait-elle les contrôler comme avant ? Que se passerait-il s’ils paniquaient ? Saurait-elle les calmer ? Et si elle-même perdait ses moyens ? Comment réagiraient ses Pokémon ?

« Que ferait Clara si elle était à ma place ? » se surprit-elle à se demander.

Pourquoi devait-elle toujours se comparer à son aînée, malgré son discours de l’après-midi ? Pourrait-elle un jour quitter son ombre, comme elle a quitté l’arène ?

Un bruissement d’air l’interrompit dans ses pensées. En se retournant, elle tomba nez à nez sur Draco qui l’avait suivie. Son expression n’avait pas changé depuis tout à l’heure, que pouvait-il s’être passé entre Clara et lui ? Pourquoi l’avait-il fuie lui aussi ?

- Qu’est-ce qui se passe Draco ? demanda-t-elle une nouvelle fois avec gentillesse.

Le grand Dragon tournoya doucement autour d’elle, peut-être l’invitait-il à s’asseoir sur son dos ? Elle posa sa main sur son dos et chercha ses yeux en quête d’approbation. Le regard du jeune serpent cyan s’éclaira avec bonheur quand elle le toucha. Il roucoula d’une voix grave qu’elle ne lui connaissait pas. Elle l’enfourcha, il s’envola immédiatement vers le domicile de la jeune fille.

Le corps rugueux était chaud au toucher. À son contact, Élodie se réchauffait de minutes en minutes. Elle sentait le vent froid souffler à ses oreilles. Elle posa sa tête sur sa monture et ferma les yeux. Le reptile la regarda du coin de l’œil et sourit jusqu’aux oreilles, content de ce contact. Élodie se demanda s’il avait ce genre de relations avec Clara. Si oui, pourquoi était-il parti ? Était-ce dû à l’alcoolisme de sa sœur ? À la pression que les matches exerçaient sur lui ?

- Quoi qu’il arrive Draco, murmura-t-elle paisiblement, je serai toujours ton amie.

Elle fit courir ses doigts sur ses écailles avec douceur. Il siffla de contentement pour la remercier de son attention.

- Tu peux dormir dans ma chambre cette nuit, si tu veux.

Étonné, le Dragon tourna la tête. La surprise se lut dans son regard. Il ne devait pas s’attendre à cette proposition. Il la gratifia d’une œillade chaleureuse, elle vit tout le respect qu’il avait pour elle dans son regard. Par crainte de le décevoir, elle aurait bien du mal à lui dire qu’il devrait retourner à l’arène le lendemain.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
Deux personnes déambulèrent sur le trottoir avec une lenteur calculée. Le son de leurs pas indiquait qu’elles se rapprochaient. Sans tourner la tête, elle pouvait ressentir leur présence. Elle retint son souffle, tentant de cacher sa présence. Un lourd manteau blanc la recouvrait de la tête aux genoux et une écharpe de même couleur dépassait de son cou. Elle était bien dissimulée dans le froid hivernal qui recouvrait la ville de Rivamar.

Les deux personnes ne lui prêtèrent aucune attention et continuèrent leur chemin. Un nuage blanc et transparent sortit de sa bouche, alors qu’elle recommençait à respirer. La ville pouvait être dangereuse pour les jeunes femmes seules. Elle espérait que celui qu’elle attendait la rejoigne rapidement pour quitter cet endroit.

- Mademoiselle Blood, murmura une voix grave derrière elle.

Sans se retourner, elle sut qui lui avait parlé. Sans attendre qu’elle lui répondît, un homme, vêtu d’un lourd manteau noir et d’un chapeau de la même couleur, s’assit près d’elle sur le banc où elle avait pris place en l’attendant. Il regardait devant lui, comme s’il ne la connaissait pas. Elle décroisa les jambes sans tourner la tête, gardant sa vision tourner vers un point de l’autre côté de la rue. Elle répliqua alors froidement :

- Lieutenant The Hunter. Vous avez pris votre temps.
- Navré, notre enquête…
- Vous tient occupé, je sais ! coupa-t-elle, impatiente.

Sans plus de cérémonie, elle sortit une pochette brune de sa poche et la lui tendit. The Hunter la tint dans ses gants noirs et l’examina un instant avant de reprendre :

- De quoi s’agit-il ?
- Je n’en suis pas sûr. Il s’agit d’un virement suspect que j’ai découvert ce matin.
- Pokéagent a dépensé des centaines de milliers de Pokédollars pour préparer cette opération. J’attends plus de votre part qu’un simple « virement suspect ».

Elle grogna d’approbation, elle savait très bien ce qui l’attendait si elle ne remplissait pas ses fonctions. Elle avait été engagée pour cette opération, mais elle avait voulu y participer.

- Je vais enquêter, promit-elle. Vous aurez toutes les informations que vous souhaiterez. Mais je suis certaine que nous tenons une piste.
- Un simple transfert d’argent ne nous mènera pas à elle, vous devez trouver plus.
- Oui, Monsieur ! répondit-elle d’un ton solennel en se cognant la poitrine du poing droit.
- Bien, je vais étudier ceci.

Il se leva et jeta un coup d’œil glacial à la jeune femme :

- N’oubliez pas que vous êtes en opération, Mademoiselle Blood, ne laissez pas vos émotions prendre le dessus.

Elle ferma les yeux un instant et expira longuement, avant de souffler :

- Je sais…

Mais The Hunter avait déjà disparu dans la nuit.




Dans l’ombre d’un mur, non loin du banc où les deux compères s’étaient tenus, deux yeux rouges brillèrent tandis que la femme vêtue de blanc se levait pour s’en aller.

- Intéressant, murmura une voix grinçante avant qu’un petit éclat de rire ne se fît entendre.

Une légère détonation se fit entendre, alors que la créature disparaissait dans la nuit.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Lorsqu’Élodie entra dans sa chambre, Draco alla directement s’installer sur son lit aux duvets Pikachu. En entendant son ventre grogner, la jeune fille sourit, amusée.

- Draco, attends avant d’aller dormir. Je vais te donner à manger.

Il devait bien y avoir en réserve quelque nourriture pour Pokémon Dragon. Après tout, Clara et elle avaient partagé la même chambre pendant plusieurs mois. Normalement, il leur était interdit de manger en chambre, mais cela ne concernait pas leurs Pokémon. En ouvrant l’armoire murale près de la porte d’entrée de sa chambre, elle trouva plusieurs paquets de croquettes que sa sœur avait dû laisser. Sur l’étagère réservée à la nourriture de ses compagnons se trouvaient quatre boîtes de nourritures pour Pokémon Psy et Ténèbres – Clara et Élodie avaient principalement des Pokémon de ce type.

- Ah ! s’exclama-t-elle après les avoir écartées. Il en reste une pour toi Draco !

Elle récupéra alors des gamelles qu’elle remplit avec suffisamment de quantité. Elle sourit en pensant que le Dragon avait de la chance qu’il y en eût encore pour lui, elle aurait eu bien trop honte à aller toquer aux autres chambres pour savoir s’ils pouvaient lui en donner. Une fois prêt, elle distribua les bols et appela ses propres Pokémon.

La chambre manquait de place pour qu’une équipe de douze Pokémon mangeassent en même temps, mais à quatre, ça ne devrait pas poser de problème. Cornèbre apparut en poussant un petit cri joyeux avant de plonger le bec dans son bol. Lippoutou s’empara de sa gamelle et vint s’asseoir sur l’ancien lit de Clara pour manger. Ils ne prêtèrent guère attention au Dragon qui les regardait faire.

Quant à Gardevoir, elle s’était assise à terre près de l’oiseau noir et se servit de ses pouvoirs magiques pour soulever les boulettes et les faire venir à sa bouche. Élodie se demanda alors d’où lui venait cette habitude qu’elle lui avait observé pendant de nombreuses années. Elle avait déjà commencé quand elle était une jeune Tarsal, pourtant elle ne lui avait jamais donné ce genre d’exercices.

C’est à ce moment-là que Draco se glissa entre la fille blanche aux cheveux verts et la corneille noire de jais afin de commencer à manger. Surpris, son Cornèbre s’écarta de lui en glapissant. Élodie vit son air effrayé, alors qu’il poussait sa gamelle avec son bec pour s’éloigner et manger avec Lippoutou.

Mais Gardevoir, elle, n’apprécia guère son interruption inopportune. Une conversation animée, mais impossible à comprendre pour la jeune fille, commença entre le Dragon et la créature efféminée. En les observant, Élodie se demanda comment allait finir cette nuit. Draco restait calme, mais le ton employé, les mimiques crispées, la posture tendue et les yeux rouges qui semblaient lancer des éclairs de fureur, indiquait clairement que le Pokémon Étreinte n’aimait guère sa présence dans la chambre.

Empreinte à une colère froide, Gardevoir se releva et s’éloigna du serpent bleu. Elle s’assit contre la porte d’entrée. Élodie supposa alors que sa position lui permettait d’observer les moindres faits et gestes du reptile dans la pièce, tandis qu’elle continuait à manger distraitement.

Tandis qu’Élodie s’installait sur son lit en position du tailleur près de Cornèbre, Draco avait reporté son attention sur sa nourriture qu’il n’avait pas encore touchée. L’adolescente l’ignora quelques instants pour observer ses propres Pokémon. Ils mangeaient tranquillement avec des soupirs de bien-être, heureux de se remplir l'estomac.

En observant son Cornèbre, elle se rappela la joie qu’elle avait eue en le trouvant dans un cadeau à son anniversaire en octobre dernier. Une toute petite bouille noire avec un bec doré était apparue à l’ouverture en poussant un piaillement pitoyable. Son grand-frère lui avait offert le premier-né de sa Corboss en guise de cadeau d’entrée en fac. Elle ne s’était pas attendue à un cadeau aussi généreux et se demandait toujours si elle s’en montrait digne.

L’Évoli de Clara est plus jeune que lui, pourtant il est déjà beaucoup plus fort. Comment ma sœur fait-elle pour entraîner ses Pokémon si vite ? se demanda-t-elle.

Un piaillement de frustration et de fureur la fit complètement sortir de ses pensées : Cornèbre avait été écarté de sa nourriture. Surprise, Élodie observa médusée un Draco qui mangeait avidement dans la gamelle de la corneille, avec un air de pure satisfaction affichée. Plus loin, son propre repas, à peine touché, avait été délaissé.

- Mais que… ?

Draco qui refusait de manger de la nourriture adaptée pour son type ? Peut-être que Clara mélangeait, à l’insu de sa petite sœur, plusieurs types de nourriture pour satisfaire son Pokémon ? Soudain, Draco fut entouré d’une lueur bleu clair quelques instants avant qu'il ne se fît violemment écraser au plafond.

- VOUS POUVEZ FAIRE MOINS DE BRUIT ? ON ESSAIE DE DORMIR ICI ! rugit une voix dans la chambre voisine.

Elle n’avait pas le temps de s’excuser pour le bruit occasionné, une onde de fureur traversa la pièce, elle tressaillit en la ressentant. En levant les yeux, elle se rendit compte que la gueule de Draco était déformée par la haine, ses yeux sortaient de ses orbites, alors que les reflets rouges de ses yeux explosèrent dans ses iris. Gardevoir s’était relevée, une lumière bleutée jaillissait de ses yeux, elle tentait de maîtriser le Dragon

Un instant, elle sentit son cœur battre la chamade, souhaitant être partout ailleurs, mais pas ici. Mais elle devait faire quelque chose avant que ces deux puissants Pokémon ne commençassent à se battre. Elle comprenait la colère de ce dernier, il avait l’habitude d’une certaine nourriture et Gardevoir n’aurait pas dû le plaquer comme ça.

- Gardevoir, arrête ! s’exclama-t-elle.

Elle ne pensait probablement pas à mal, ce n’était pas la première fois qu’elle voyait son Pokémon surréagir pour défendre quelqu’un à qui elle tenait. Mais ils ne pouvaient pas commencer à se battre dans sa chambre. La femelle jeta un regard incrédule à sa patronne, avant de lentement relâcher la pression sur Draco qui retomba au sol.

Elle s’approcha de lui tranquillement, malgré la peur qui lui nouait le ventre – elle n’avait jamais vu le Dragon dans une telle colère. Elle posa une main chaleureuse contre la joue Draco. Les iris de ce dernier rougeoyèrent encore un instant avant que ses yeux ne redevinssent normaux. Il tourna la tête plusieurs fois pour voir où il était, tandis que ses paupières clignaient à plusieurs reprises. Il s’aperçut enfin qu’elle l’observait et se détendit au contact de sa main. Elle s’agenouilla alors et prit le Dragon dans ses bras, heureux qu’il fût revenu à son état normal. Il posa sa tête dans le dos de l’adolescente et ferma les yeux, appréciant ce contact prolongé.

Ce manège n’avait pas échappé à une Gardevoir furieuse de l’affection qu’ils se portaient.



Le lendemain


Le réveil sonna bruyamment ce matin-là. Une main suivit d’un bras sortit du duvet Pikachu pour appuyer machinalement sur sa Pokémontre et ainsi désactiver l’alarme. La jeune fille aux longs cheveux blonds émergea de sous sa couette. Elle bâilla longuement et s’étira avant d’ouvrir un œil. Gardevoir dormait sur le lit libre non loin d’elle. Un grand cri provint du lit d’à côté et la réveilla en sursaut.

Assise, Élodie regardait en sueur la marque noire au plafond. Celle où l’éclair avait frappé lorsque Raikou était entré dans sa chambre deux jours auparavant. Elle n’y était pas encore habituée, sans compter le fait que l’équipe de nettoyage ne viendraient qu’en fin de semaine. Sa Gardevoir s’était tournée pour s’asseoir sur le lit où elle avait dormi – lit qui appartenait à Clara un mois auparavant. Le Pokémon s’apprêtait à se lever pour la rejoindre quand on la devança.

Draco, qui avait dormi rouler en boule par terre, se leva et vint l’entourer de son corps souple. Il la lécha affectueusement avant de lui donner quelques coups de tête amicaux. Élodie, bien que peu habituée à ce traitement affectif et quelque peu douloureux du Dragon, accueillit chaleureusement l’initiative. Elle lui caressa le corps et apprécia le contact de ses écailles rugueuses.

Cette attitude n’échappa pas à Gardevoir qui fusilla Draco du regard. Le Pokémon humanoïde détourna un instant le regard avant de les séparer violemment avec ses pouvoirs psychiques. Draco se fit à nouveau expulser vers le plafond avant qu’il ne retombât immédiatement. Tous deux se jaugèrent avec un air venimeux, prêt à se sauter à la gorge.

- Gardevoir, ça suffit ! s’exclama-t-elle, avant de la rappeler dans sa Poké Ball.

Son Pokémon l’observa tristement, mais toujours en colère, avant de disparaître dans le rayon rouge. Élodie se rappela le soir avant où elle n’avait guère apprécié l’arrivée du Dragon. Son Pokémon tenait à leur relation comme un amoureux jaloux et la jeune fille se doutait qu’elle ne supportait pas d’avoir Draco dans ses pieds. Mais Élodie commençait à être exaspérée par son attitude.

Elle avait un instant pensé à la rappeler dans sa Poké Ball pour la nuit, mais la femelle aux cheveux verts dormait très souvent à l’air libre, agir autrement aurait peut-être aggravé les tensions. Finalement tout s’était bien déroulé : Gardevoir avait gardé un œil ouvert pendant quelques minutes, s’assurant que le Dragon fût plongé dans un profond sommeil, avant de poser la tête pour dormir à son tour.

- Excuse-la Draco, murmura-t-elle, avant de se rassoir sur son lit.

Il roucoula d’une voix grave en réponse, visiblement il ne l’avait pas mal pris. Il s’inquiétait juste pour elle, après tout. Le Dragon était présent deux jours auparavant, contrairement à Gardevoir, lorsque Raikou avait surgi dans sa chambre.

- Je ne t’ai pas encore remercié pour l’autre soir, ajouta-t-elle.

Il n’avait pas fait grand-chose, mais sa simple présence l’avait rassurée. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi le tigre de foudre était apparu devant elle et il ne s’était pas remanifesté depuis. Ce n’était pas pour lui déplaire après tout : la pluie, le tonnerre, la foudre et le vent l’avaient accompagné à chacune de ses diverses apparitions et être constamment sous tension de crainte de le voir réapparaître ne lui semblait pas une bonne chose.

D’abord, il lui était apparu quand elle avait transporté ses affaires avec Xatu, le Pokémon Psy de Clara. Puis en classe, le lendemain matin, il avait interrompu son combat contre un autre élève. Il avait ensuite inscrit une phrase énigmatique en anglais avec ses éclairs et, enfin, il s’était manifesté dans sa chambre. Elle ignorait ce qu’il voulait, mais son insistance lui avait laissé penser qu’il voulait devenir son Pokémon. Ce qui s’était avéré faux : il appartenait déjà à quelqu’un d’autre. Draco avait interrompu la rencontre au dernier moment en faisant irruption dans la pièce. Raikou avait ensuite disparu, la laissant dans l’expectative de ses nombreuses apparitions inexpliquées.

- Draco, je…

Elle avait chuchoté son nom, ne sachant pas trop ce qu’elle allait lui dire. Elle secoua la tête, avant de reprendre, d’un ton las :

- Tu devrais retourner à l’arène. Clara va s’inquiéter si tu n’y retournes pas.

Le reptile cyan baissa les yeux, attristé à cette annonce. Il remua la tête pour l’informer de sa désapprobation. Lorsqu’elle tendit sa main pour lui caresser la tête, il recula vivement, visiblement fâché.

- Je comprends ce que tu ressens, chuchota-t-elle. Je suis partie de l’arène parce que je supportais plus son attitude. Son état d’hier a peut-être dû te décider toi aussi, mais tu restes son Pokémon.

Les iris du Dragon se rétrécirent à deux fentes. Il siffla de colère, avant de se détourner d’elle d’un coup de queue rageur dans le vent. La jeune fille sentit le souffle soulever ses cheveux, alors qu’il s’apprêtait à partir.

- Draco… souffla-t-elle, timidement. Tu pourras toujours revenir me voir si tu le souhaites, ma porte n’est pas fermée.

Il jeta un coup d’œil derrière lui et sa colère se calma aussitôt, comme si elle n’était jamais venue. Il sourit avant d’ouvrir la porte en s’aidant de sa queue. Il quitta la pièce, alors qu’un son grave sortait de sa bouche, comme s’il chantait joyeusement.

- Quel étrange Pokémon, songea-t-elle. Clara devrait plus prendre soin de lui, quelle chance d’avoir un Pokémon si rare. Il est très câlin… peut-être un peu trop.

En y repensant, elle avait trouvé les attentions du Dragon hésitantes, indécises, comme si c’était la première fois qu’il administrait ces traitements de gentillesse à quelqu’un ou peut-être n’était-il tout simplement pas certain qu’elle réagirait de la même manière que sa grande sœur ? Elle ne se souvenait pas qu’il lui eût montré une telle affection auparavant. C’était tout naturel après tout qu’il pensât ça : il n’y était pas allé de main morte et elle eût pu réagir de manière complètement différente.

Mais le moment était mal choisi pour repenser à tout ça, elle devait se préparer pour la journée. Un combat important l’attendait qui déciderait peut-être de sa note finale à la fin de l’année. Les cours du Professeur Danstorm était principalement théorique, comment pourrait-elle achever son année si elle ne donnait pas le meilleur d’elle-même dans les rares occasions où elle se retrouverait dans la situation de l’examen final ?

Forte de cette conviction, elle se leva de son lit et rejoignit la salle de bain pour se préparer.

*_*_*_*_*_*_*_*_*
- Dernier combat des qualifications, annonça Danstorm. Élodie contre Thomas. Chacun d’entre vous ne peut utiliser qu’un seul Pokémon !

La journée avait été longue. Beaucoup d’élèves avaient quitté les lieux une fois leur combat terminé. D’un côté, ça ne la dérangeait pas d’être le centre d’attention de tout le monde, mais elle trouvait irrespectueux de leur part qu’ils s’en allassent alors que les autres devaient rester… sans savoir à quel moment ils passeraient vu que l’ordre de passage était tiré au sort.

Fatiguée par la longue journée d’attente à regarder des matches sans fin, Élodie s’avança dans l’arène et fit face à son adversaire. Elle avait l’esprit ailleurs et n’aspirait qu’à mettre un terme à cette journée. Jusqu’à présent, elle ne s’était toujours pas décidée quel Pokémon elle allait choisir pour son combat, elle prit sa Poké Ball sans regarder et envoya son Pokémon au combat. Thomas, lui, envoya un Tygnon.

- Gardevoir contre Tygnon ! présenta leur enseignant. Que le match commence !

Finalement, le hasard ne faisait pas si mal les choses : la femelle psychique avait l’avantage sur son adversaire et, plus important encore, c’était son meilleur Pokémon. Ce match serait vite plié.

- Tygnon, Pisto-Poing ! hurla le jeune homme.
- Gardevoir, Abri ! répliqua l’adolescente.

Les poings du boxeur se serrèrent, alors qu’ils devenaient gris-argenté. Son corps s’entoura de la même étrange couleur avant qu’il ne sautât en avant pour se précipiter sur son adversaire. C’était une attaque de Type Acier – la faiblesse de son propre Pokémon. Élodie ne voulait pas prendre de risques.

Gardevoir observa le Tygnon exécuter son attaque, alors qu’il arrivait sur elle, elle l’esquiva souplement en posant un genou à terre. Surpris, son adversaire recula de quelques pas, attendant la suite. Le Pokémon Étreinte se détourna de lui et fixa sa propriétaire. C’était à cet instant précis qu’Élodie sut qu’elle ne gagnerait jamais ce combat : son Pokémon la regardait avec un regard dégoûté.

- Gardevoir, qu’est-ce que… ?

Elle n’eut guère le temps de terminer sa phrase : son Pokémon se téléporta, la laissant en plan devant un public médusé par ce qu’il venait de se passer. Les lèvres de la jeune fille tremblèrent, elle sentit ses yeux s’humecter, elle tenta de garder son calme et ne pas montrer à quel point sa trahison l’avait touchée.

- Bien, nous avons donc un vainqueur par forfait. Thomas, toutes mes félicitations ! annonça gaiement Danstorm, visiblement ravi que la journée fût finie plus tôt que prévu.
- Attendez, s’il vous plaît, laissez-moi une autre chance, supplia Élodie, les larmes aux yeux.
- Non, répondit-il dédaigneusement. Vous nous avez montré une formidable incompétence dans le domaine du Dressage, vous ne savez pas vous faire obéir de votre Pokémon et le mépris de Gardevoir à votre égard ne laissait présager d’aucun doute sur la relation qui vous lie à eux. Je vais faire un rapport au Directeur sur ce qu’il vient de se passer et vous exclure séance tenante de cette formation, Mademoiselle.

La cruauté avec laquelle son Professeur lui avait jeté ses paroles à la figure la glaça sur place. Ses yeux verts s’humectèrent plus encore avant que l’eau ne coulât sur ses joues sans retenue. Honteuse de ce qu’il venait de se passer, Élodie s’enfuit à toute jambe. Heureusement pour elle, la plupart des étudiants avaient quitté le stade, l’humiliation eût été plus grand encore.

Son Pokémon l’avait abandonnée, elle ne voulait plus parler à Clara et le matin-même, elle avait ordonné à Draco de rentrer à l’arène. Comment allait-elle gérer cette situation ?

*_*_*_*_*_*_*_*_*
À l’extérieur du Foyer d’étudiants de la Faculté, se tenait Lucien. Il se tenait adossé contre le mur dans sa veste polaire bleu marine. Il observait les alentours, méfiant, s’assurant d’être seul. La journée de cours battait son plein et la plupart des élèves suivaient leurs cours ou étudiaient dans les pièces réservées à cet effet. Si bien qu’il ne devrait y avoir personne.

Cependant, il aperçut une personne vêtue d’un lourd manteau blanc avec sa capuche rabattue sur sa tête. Les mains dans les poches, elle s’approchait de lui. Lucien eut un bref mouvement de recul avant de reconnaître la nouvelle arrivante.

- Julie, vous êtes venue.
- Comme vous l’aviez demandé hier soir, répondit-elle, amusée. Encore désolée de ne pas avoir pu venir hier, j’avais déjà un autre rendez-vous.
- Ne vous en faites pas pour ça, il n’y avait rien d’urgent, susurra-t-il.

Il passa sa langue sur ses lèvres, se délectant de ce qu’il allait lui dire. Il appuya sur chacun des mots qu’il prononça avec un petit sourire non dissimulé :

- Mademoiselle Blood.


À SUIVRE