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Les douze tableaux de Jaune de MissDibule



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» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 13/10/2018 à 02:47
» Dernière mise à jour le 13/10/2018 à 21:20

» Mots-clés :   Aventure   Kanto   Mythologie   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de personnages du manga

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III et IV – Sanglier, sang glacé ~ Céry du Bois aux Chen
Iris et Jaune venaient de finir de déjeuner. Lorsque Jaune eût fini de dessiner Lydre au crayon, ce fut l’heure pour Iris de repartir : elle n’était que de passage à Kanto, et elle devait rentrer au plus vite pour s’occuper de son arène. Les deux jeunes femmes se quittèrent alors bonnes amies, la tête emplie de souvenirs incroyables.

Jaune reprit ensuite sa route vers Safrania. Elle n’était plus très loin de la grande métropole dorée, quand soudain son téléphone portable se mit à sonner. C’était un très vieux modèle, mais qui convenait parfaitement à la jeune femme, peu friande de nouvelles technologies. Elle consulta l’écran du téléphone à clapet : celui-ci lui indiqua que l’appelant n'était nul autre que Verte.

Sacrée coïncidence, puisque Jaune s’apprêtait justement à arriver dans la ville où elle habitait ! Elle décrocha, et la voix suave de Verte prit immédiatement la parole :

— Coucou, toi ! Comment va l’artiste ? Toujours à bourlinguer aux quatre coins du monde ? s’enquit-elle avec intérêt.

— Eh non ! Je suis revenue de voyage hier, figure-toi ! lui annonça triomphalement Jaune.

— Quoi ? hurla alors Verte dans le téléphone. Pourquoi tu me l’as pas dit ?

— Je voulais te faire la surprise !

— La surprise ? Euh… tu es où exactement, là ? demanda alors son amie, d’un ton peu assuré.

— J’arrive à Safrania dans cinq minutes ! C’est bien là que tu vis, non ? l’interrogea Jaune, interloquée.

— Oui, oui, mais là je suis à la pension Pokémon de la route 5… Tu veux pas plutôt m’y rejoindre ? lui proposa Verte.

— D’accord, je passe par Safrania puis…

— Non ! Enfin, je veux dire… C’est mieux que tu viennes directement en volant, non ? J’ai vraiment hâte de te revoir. Ça fait tellement longtemps ! insista Verte.

Jaune sourit : elle était touchée de voir que son amie était pressée de la voir. Même si elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’il y avait quelque chose de louche là-dessous. Elle secoua la tête : elle devait se faire des idées. Bien que ce ne serait pas la première fois que Verte manigance des choses dans son dos. Finalement, elle déclara :

— D’accord, comme tu préfères. Moi aussi je suis impatiente de te revoir. J’ai tellement de choses à te raconter !

— Et moi donc ! Tu ne vas pas en revenir ! lui assura son amie.

— Tu m’intrigues ! Bon, je suis là dans une dizaine de minutes, à tout de suite, bisous !

— Bisouuuuus !

Une fois la conversation terminée, Jaune détacha la Poké Ball de Chenipou de sa ceinture. Même s’il avait « combattu » ce matin, il était en bonne forme, ce qui la rassurait : elle s’en serait voulu de le fatiguer trop. Le petit papillon violet apparut alors, plein de vie. Elle lui expliqua rapidement où ils allaient, puis le Papilusion la souleva avec entrain au-dessus du sol. Jaune s’extasia devant la sublime vue que lui offrait la cité d’or vue du ciel : Safrania était réellement une ville magnifique.

À peine une dizaine de minutes plus tard, les pieds de Jaune foulaient le sol de l’étroite route 5, bordée d’arbres, dont le seul élément intéressant était la fameuse pension, une charmante maisonnette très colorée, au toit bleu ciel et à la porte verte, entourée d’un enclos rempli de Pokémon. Chenipou avait déposé sa dresseuse tout près de ce même bâtiment. Celle-ci le remercia chaleureusement avant de le rentrer dans sa Ball.

Jaune se mit alors à courir vers la bâtisse et son enclos, au bord duquel elle apercevait déjà une jeune femme de dos, qu’elle présumait être Verte. Alors qu’elle se rapprochait à toute allure de la silhouette, Jaune se mit à crier :

— Veeeeeeeerte !

À l’annonce de son prénom, la jeune femme aux cheveux châtains se retourna juste à temps pour voir Jaune lui sauter dessus. Ravie de revoir son amie d’enfance, la petite blonde prit allègrement celle-ci dans ses bras. Verte, un peu étonnée au début, se laissa finalement faire et rendit l’étreinte à son amie en esquissant un léger sourire.

— Ha ha, moi aussi je suis contente de te revoir, ma petite Jaune ! lui assura-t-elle en se moquant gentiment de la petite taille de son amie.

— Hé, j’ai un peu grandi, quand même ! fit mine de s’offusquer Jaune.

— Tiens c’est marrant, j’avais pas remarqué… répliqua insolemment Verte en se prêtant au jeu.

Verte n’avait pas changé. Elle était toujours aussi jolie. Ses yeux bleus brillaient toujours avec la même malice sur son visage ovale. Ses cheveux châtains et sa frange parfaitement lisses étaient couverts par le chapeau blanc qu’Argent lui avait offert. Elle était vêtue d’un débardeur bleu ciel à liséré noir avec jambières assorties, d’une jupe plissée rouge et de baskets blanches et rose pâle. Elle portait aux poignets des bracelets noirs, et une besace jaune pendait à son épaule droite.

Les deux amies continuèrent à se taquiner et à papoter pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce Jaune demande :

— Du coup, qu’est-ce que tu viens faire ici ? Tu avais déposé un Pokémon ?

— Ouaip ! Un Pokémon que tu connais très bien même ! Viens, on va à l’intérieur, je vais le récupérer. C’est plus simple si je te le montre directement ! affirma-t-elle en saisissant Jaune par le bras pour l’amener à l’intérieur de la pension.

La jeune femme frappa à la porte et entra avec Jaune, qui la suivait docilement. Un Pokémon qu’elle connaissait bien ? Elle connaissait tous les Pokémon de Verte, mais elle n’était pas certaine d’en connaître un mieux que les autres… Mais elle n’allait pas tarder à comprendre.

L’intérieur de la pension était très accueillant. Le plancher était recouvert d’un paillasson où il était inscrit « chérissons les Pokémon » et les murs vert d’eau étaient presque indiscernables, cachés derrière les adorables photos de Pokémon qui avaient séjourné dans la pension. L’ambiance chaleureuse mit tout de suite Jaune à l’aise. Elle suivit Verte jusqu’au comptoir qui trônait au milieu de la pièce, derrière lequel une dame d’un certain âge semblait plongée dans sa lecture. Elle n’avait même pas entendu les deux jeunes femmes entrer.

Pour indiquer leur présence, Verte s’éclaircit la voix en toussotant. La gérante de la pension releva alors la tête, et un sourire se dessina sur son visage ridé :

— Bonj… Oh ! La petite Verte ! Comment allez-vous depuis la dernière fois ? s’enquit-elle d’un ton maternel. Vous avez amené quelqu’un ?

— Bonjour à vous, Madame. Je vais très bien, merci. Je vous présente mon amie Jaune.

— Enchantée, fit celle-ci en s’inclinant respectueusement.

— Ravie de te connaître, ma petite. Je suis Éry Manthe. Je gère cette pension avec mon mari, l’informa-t-elle. Alors, en quoi puis-je vous aider ?

— J’aimerais récupérer le Pokémon que je vous ai confié la dernière fois, s’il vous plaît, demanda poliment Verte.

— Très bien. Venez avec moi.

Éry leur ouvrit alors le petit portillon qui permettait de passer de devant le comptoir à derrière et leur fit signe de la suivre. Les deux amies s’exécutèrent, et après un court passage dans un couloir somme toute ordinaire, les trois femmes débouchèrent alors dans l’enclos réservé aux Pokémon. Il était grand et spacieux. Le sol était herbu, mais quelques points d’eau artificiels avaient été creusés pour satisfaire les visiteurs marins. D’autres endroits étaient munis de pierres, pour le plus grand bonheur des Pokémon Roche et Sol. Il y avait également deux serres destinées aux Pokémon volants, afin que ceux-ci ne s’échappent pas.

Jaune s’amusait beaucoup à observer les différents Pokémon réunis dans l’enclos. Elle en connaissait la plupart, mais certains lui demeuraient inconnus, comme par exemple cette étrange créature au museau rose, aux défenses blanches et à l’épais pelage brun qui recouvrait jusqu’à ses yeux. Il se fracassait la tête avec véhémence sur un énorme rocher. Jaune eut de la peine pour lui et voulut s’en approcher, quand soudain Verte interrompit le fil de ses pensées :

— Tada ! Voilà mon fameux Pokémon ! s’écria-t-elle en se précipitant sur Jaune.

Pendant que cette dernière rêvait, elle n’avait même pas remarqué que la gérante avait rendu son Pokémon à Verte. Elle observa la petite créature jaune aux grands yeux brillants et aux ailes de fée qui était lovée dans les bras de son amie, et elle la reconnut aussitôt.

— Oh ! C’est la petite Bombydou que je t’ai offerte pour ton anniversaire ? s’étonna Jaune. Mais elle est un peu différente… Elle a évolué ?

En effet, durant son séjour à Alola, son amie Oléa lui avait montré ce Pokémon, et Jaune avait alors immédiatement pensé que Verte adorerait en avoir un. Déjà, parce qu’il était extrêmement mignon, mais aussi parce qu’il était de type Fée, un type de Pokémon découvert il y a quelques années. Dès son apparition, Verte en était tombée amoureuse. Jaune avait alors réussi – avec l’aide précieuse d’Oléa, capitaine d’Alola spécialisée dans ce type – à en attraper un et à l’envoyer à Verte via le PC pour son anniversaire. Celle-ci avait été ravie et n’avait cessé de s’extasier devant cet adorable Pokémon.

— Eh oui ! Ma petite Jaune a bien progressé ici, on dirait ! C’est devenu une a-do-ra-ble Rubombelle. Je vais pouvoir l’ajouter à mon équipe, maintenant qu’elle a gagné un peu d’expérience.

— Tu l’as appelée… comme moi ? demanda Jaune, stupéfaite.

— Oui ! Je trouve qu’elle te ressemble beaucoup : petite, douce, avec de grands yeux… Elle est même de couleur jaune ! se justifia Verte.

— C’est trop mignon, merci…

Verte lui répondit par un sourire. Jaune était touchée que son amie ait nommé son Pokémon d’après elle. Cela prouvait que Verte chérissait toujours autant leurs liens d’amitié, tissés par les nombreuses aventures qu’elles avaient vécues ensemble. Elle se perdit à nouveau dans ses pensées nostalgiques, remarquant à peine Éry la gérante et son amie qui se dirigeaient vers l’intérieur, afin que Verte puisse régler ce qu’elle devait à la pension.

Quand soudain, le robuste Pokémon qu’elle avait précédemment vu fracasser la roche passa à toute allure devant elle et vint s’écraser contre la clôture blanche en bois, qui se brisa sous l’effet du choc. Alertées par le bruit, Éry et Verte revinrent immédiatement dans l’enclos et restèrent figées face à la scène, catastrophées. Jaune, elle, réagit au quart de tour : elle fit appel sur le champ à son Dodrio, qu’elle enfourcha sans plus tarder, et se lança à la poursuite du fugitif.

La boule de poils enragée fonçait à toute allure sur la courte et plane route 5, et ce n’était qu’une question de minutes avant qu’elle n’atteigne les portes d’Azuria. Or Jaune souhaitait à tout prix éviter que ce Pokémon furieux ne fasse d’innocentes victimes. Comment pouvait-elle l’arrêter ? Elle entreprit tout d’abord de le rattraper, ce qui n’était pas trop compliqué, car il était bien moins rapide que Dodounet.

Le Pokémon, semblable à un sanglier en furie, balayait le sable de la route sur son chemin, aveuglant au passage Jaune, qui avait bien du mal à réfléchir dans ces conditions. Tandis qu’elle se protégeait avec son bras, elle finit par avoir une idée : si attaquer par l’arrière était trop hasardeux, alors il fallait frapper de front !

De sa main gauche, elle se cramponna de plus belle au plumage de son Dodrio, et l’utilisa son autre main pour chercher l’une de ses Poké Balls sur sa ceinture, à l’aveuglette, car ses yeux étaient toujours agressés par le sable volant. Au bout de quelques secondes qui lui parurent durer des heures, la main de Jaune rencontra enfin la sphère qu’elle cherchait. Heureusement qu’elle les plaçait toujours dans le même ordre !

La situation était critique. Azuria n’était plus qu’à une dizaine de mètres, et on pouvait déjà en distinguer les portes. Jaune priait pour que son plan fonctionne. Avec l’énergie du désespoir, la jeune femme jeta alors sa Poké Ball de toutes ses forces, en insufflant un peu de son – faible – pouvoir de télékinésie dans son lancer. Comme elle regrettait de ne pas avoir pris sa canne à pêche !

La Poké Ball tournoya sur elle-même dans les airs et s’ouvrit en plein vol, libérant un énorme Pokémon semblable à un immense rocher – il s’agissait de Gravounet, le Grolem de Jaune ayant jadis appartenu à Pierre. Le Pokémon Roche atterrit alors en plein sur la trajectoire du fuyard pour lui couper la route.

— Gravounet ! Boul’Armure, vite ! lui hurla alors Jaune, paniquée.

Le Pokémon Titanesque n’eut pas besoin qu’on le lui répétât deux fois : il couvrit sa tête de ses pattes puis tout son corps de pierre se mit à briller d’une aura bleutée. Une fraction de seconde plus tard, le sanglier furieux percutait la boule de roc dans une collision prodigieuse, qui fit reculer le Grolem de plusieurs mètres, laissant de profondes traînées dans le sol meuble.

— Bien, Gravounet ! Maintenant, utilise Jet-Pierres pour l’immobiliser ! demanda Jaune à son Grolem, alors qu’elle accourait – toujours à dos de Dodounet – vers les deux Pokémon. Mais essaie de ne pas lui faire trop mal…

Gravounet, qui tenait fermement la grosse bête poilue par les défenses, hocha la tête et s’exécuta : des morceaux de pierre présents sur son corps se désolidarisèrent alors de celui-ci et commencèrent à léviter avant de retomber lourdement sur le corps du Pokémon fuyard, qui poussa un cri de mécontentement.

Jaune, enfin arrivée à leur niveau, se précipita au chevet du Pokémon emprisonné dans la pierre : le carcan rocheux de Gravounet était si volumineux qu’elle ne voyait plus que le museau rose et les poches touffues qui recouvraient les yeux du Pokémon, apparemment toujours aussi furieux.

— Pauvre petit… Je ne sais pas ce qui t’arrive, mais je vais voir si je ne peux pas essayer d’apaiser un peu ta colère… proposa Jaune d’un ton doux.

Elle avança alors précautionneusement la main vers le front duveteux de la petite créature apeurée et entreprit de lire dans son esprit les causes de son tourment. Son pouvoir n’étant pas parfait, il ne lui permettait que de voir des images et des sensations – rien de très précis – mais elle put glaner quelques informations intéressantes. Jaune vit d’abord l’image d’une femme aux yeux bruns et aux cheveux noirs noués en nattes à l’exception d’une grande mèche qui lui barrait le front.

Puis une autre vision s’offrit à Jaune : celle de la même femme, aux côtés du petit sanglier, qui semblait vouloir le confier à une autre dresseuse. Cette autre femme, Jaune la reconnut immédiatement ; cheveux écarlates et lisses attachés en une queue-de-Ponyta basse, petits yeux perçants de la même couleur dissimulés derrière des lunettes ovales et une certaine prestance naturelle : il s’agissait d’Olga, la glaciale membre du Conseil 4 de Kanto qu’elle avait affrontée il y a fort longtemps.

La dernière scène que Jaune vit apparaître devant ses yeux avant de rompre le lien émotionnel avec le Pokémon fut l’image d’Olga abandonnant son nouveau compagnon aux bons soins de la Pension, sans un regard. Elle ressentit alors toute sa confusion, sa colère, et son mal-être lié à l’atmosphère étouffante voire suffocante de Kanto. Voilà pourquoi il avait voulu s’enfuir…

Elle retira ensuite sa main, espérant avoir un peu rasséréné le Pokémon grâce à son pouvoir. En effet, ce semblait être le cas : il ne s’agitait plus. Jaune jugea alors qu’il n’y avait plus de danger à le libérer et demanda à son Grolem de défaire sa prison de pierre. Les roches lévitèrent alors à nouveau et reprirent leur place sur le corps du Pokémon Titanesque.

Au même moment arrivèrent Verte et Éry, la gérante de la Pension. Lorsqu’elle vit Jaune caresser tranquillement le sanglier, cette dernière s’exclama, soulagée :

— Oh, Arceus soit loué, vous avez réussi à l’arrêter ! Et on dirait même qu’il va mieux grâce à vous… Quand je pense qu’il a toujours été intenable… Merci beaucoup, jeune fille !

— Heureusement que Jaune était là ! T’es la meilleure ! la félicita Verte.

— Merci, Verte. Mais, vous savez, madame, reprit Jaune en s’adressant à la gérante, je crois savoir ce qui tourmente ce pauvre petit. Il se sent mal, ici. Non seulement il a le sentiment d’être abandonné, mais en plus il fait trop chaud ici pour lui. Peut-être devriez-vous installer un coin plus froid dans l’enclos… Car ce Pokémon est de type Glace, voyez-vous.

Elle ne pouvait pas en être certaine, mais le fait que le Pokémon ait appartenu à Olga l’avait amenée à penser que c’était le cas.

— Oh, vraiment ? Alors c’était ça qui te perturbait, mon petit Cochignon ? Désolée de ne pas l’avoir remarqué… Nous n’avons aucun autre Pokémon de type Glace dans la pension et ton espèce nous était malheureusement inconnue. Ta dresseuse non plus ne nous a pas donné beaucoup d’informations à ton sujet…

Jaune était même d’avis qu’Olga ne leur avait rien dit du tout et s’était contentée de laisser son Pokémon en se contentant de tourner aussitôt les talons après. Mais elle espérait que cela irait mieux maintenant que la gérante, qui semblait être une gentille dame, comprenait mieux les malheurs de ce pauvre Pokémon.

L’incident ainsi clôt, les trois femmes et le Cochignon fuyard revinrent ensuite à la Pension où un homme âgé était affairé à réparer la clôture brisée. Jaune présuma qu’il s’agissait du mari d’Éry, M. Manthe. C’était en effet le cas, et la gérante lui expliqua aussitôt tout ce qu’elle venait d’apprendre sur leur turbulent pensionnaire. Son époux parut satisfait d’apprendre que c’était la première et dernière fois qu’il aurait à réparer cet enclos. « Encore heureux qu’aucun autre Pokémon ne se soit sauvé ! » grommela-t-il dans sa barbe.

Verte put alors enfin payer ce qu’elle devait à la Pension, et la gérante promit à Jaune de faire tout ce qu’elle pourrait pour aider Cochignon. La jeune peintre proposa même de l’emmener avec elle, persuadée qu’Olga ne reviendrait jamais chercher son Pokémon. Bien sûr, la réponse négative qu’elle reçut ne la surprit pas. Le couple de gérants était reconnaissant pour l’aide qu’elle leur avait apportée, mais professionnel avant tout : il lui était inconcevable de songer à donner les Pokémon qu’on lui confiait – et encore moins sur de simples spéculations.

Jaune fit alors une autre demande, bien plus raisonnable :

— Madame Manthe, accepteriez-vous que je reste ici pour une heure ou deux ? Je suis peintre et j’aimerais beaucoup dessiner le petit Cochignon, si vous êtes d’accord.

— Oh ! Peintre ! Quelle belle vocation ! Mais bien sûr, ma petite Jaune, je vous en prie ! Il me tarde de voir le résultat ! répondit Éry Manthe, très enthousiaste.

— Merci beaucoup, madame. Je vous montrerai le résultat, soyez-en sûre. Ça ne te dérange pas qu’on reste un peu plus, Verte ? s’enquit alors Jaune en s’adressant cette fois-ci à son amie de longue date.

— Me déranger ? Non mais tu plaisantes ? Je vais avoir le privilège d’admirer l’artiste à l’œuvre pour la première fois ! Je ne raterai ça pour rien au monde ! lui assura Verte.

Jaune esquissa alors un grand sourire. Elle consacra ensuite les deux heures suivantes à représenter au crayon la course-poursuite magistrale avec Cochignon, sous l’œil admiratif de Verte, qui la supplia de lui faire son portrait, ce que Jaune accepta de faire avec plaisir.

Après cette aventure mouvementée – mais aussi très inspirante pour la jeune artiste – il fut temps pour les deux femmes de mettre le cap sur Safrania, pour de bon cette fois-ci. Pour se remettre de leurs émotions, elles cheminèrent ensemble paisiblement sur la route 5, si courte qu’elles ne virent même pas le temps passer jusqu’à l’éclatante cité dorée.

Alors qu’elles venaient à peine d’arriver, Verte consulta machinalement sa montre et blêmit. Elle s’écria alors : « Mince, je suis en retard ! J’avais complètement oublié ! ». Et, avant que celle-ci ne puisse protester, elle agrippa le bras de Jaune en s’exclamant : « Viens, faut qu’on se dépêche ! ». Jaune n’eut alors d’autre choix que de suivre son amie – qui était décidément toujours aussi imprévisible – dans sa course effrénée.

Les deux jeunes femmes coururent à perdre haleine dans les rues de Safrania, jusqu’à enfin atteindre leur destination, qui n’était connue que de Verte : l’arène Pokémon de Morgane, devant laquelle se tenait un vieil homme aux côtés d’une Cerfrousse, qu’il retenait par la bride. Jaune avait cependant entendu dire que la spécialiste ès type Psy avait laissé sa place récemment, mais elle ignorait le nom du nouveau champion.

La jeune peintre, qui n’était pas au bout de ses surprises, s’aperçut alors que le vieil homme aux cheveux gris qui se tenait devant l’arène n’était autre que…

— Professeur Chen ! s’écrièrent en même temps les deux amies, l’une surprise et l’autre enjouée.

En effet, le célèbre scientifique que l’on aimait nommer « Professeur Pokémon » n’avait pas encore décidé de prendre sa retraite, et ce malgré ses soixante-dix ans. Son visage était certes plus ridé, et son front bien plus dégarni, mais son esprit était aussi affûté que jamais. Il aimait toujours autant sa profession, et il semblait bien parti pour l’exercer jusqu’à son dernier souffle. Le vieil homme sourit à leur arrivée :

— Jaune, Verte ! Quel plaisir de vous revoir !

— Le plaisir est partagé, Professeur, lui assura Jaune. Cela fait si longtemps… Je me rappelle encore de notre rencontre… Cette fois où je suis arrivée avec Pika dans votre laboratoire et que vous m’avez attaquée avec votre Piafabec.

— Ha ha, moi aussi, Jaune. Mais je n’avais pas le choix, je devais te tester pour vérifier que tu étais digne de confiance. Après tout, tu étais accompagnée de Pika, le Pikachu de Rouge, un puissant dresseur qui avait alors disparu. Il était hors de question de le laisser entre de mauvaises mains.

— Et l’étais-je ? demanda-t-elle malicieusement.

— Bien évidemment que tu l’étais. Vous l’étiez tous ! répondit le scientifique avec fierté.

Jaune était émue. Le Professeur semblait vraiment fier d’elle et de tous ses amis. Elle était vraiment contente d’être revenue à Kanto. Tous ces souvenirs qui la submergeaient lui rappelaient à quel point elle était attachée à sa terre natale. Elle continua à discuter avec le Pr. Chen et Verte de façon insouciante, quand soudain, une question lui vint à l’esprit :

— Mais au fait, pourquoi êtes-vous ici ? demanda curieusement la jeune ingénue.

— Verte m’a demandé de venir à l’arène pas plus tard que tout à l’heure, répondit-il en échangeant un regard complice avec la concernée. Elle m’a dit que tu serais là avec elle, alors j’ai tenu à venir pour te revoir.

— Mais pourquoi à l’arène ? insista Jaune. Il y a des lieux de rendez-vous plus commodes, quand même… remarqua-t-elle, perdue.

— Ah ça… Je laisse le plaisir à Verte de te l’expliquer. Tu ne le lui as pas encore annoncé, n’est-ce pas, Verte ? demanda rhétoriquement le professeur à la jeune brune, qui jubilait.

— Je pense qu’il est grand temps de le lui dire ! Jaune, voilà ma grande nouvelle : je suis le successeur de Morgane… La nouvelle championne d’arène de Safrania ! L’Alliance Pokémon a validé ma candidature ! explosa-t-elle de joie.

Jaune mit un certain temps à assimiler l’information… C’était donc cela que Verte lui cachait ! Finalement, la réflexion laissa place à l’euphorie, et elle se laissa aller à l’allégresse, incrédule :

— Verte, c’est formidable ! Je suis tellement heureuse pour toi ! C’est une super nouvelle ! Et dans quel type es-tu spéciali…

Soudain elle s’interrompit : elle avait deviné avant même d’avoir pu achever sa phrase :

— C’est le type Fée, hein ?

— Dans le mille ! Et maintenant, mon équipe de championne est fin prête, grâce à mon adorable Jaune !

— Qui, moi ? …Ah non, ton Pokémon, c’est vrai, j’avais oublié.

Les deux amies célébrèrent leur joie pendant encore un moment, jusqu’à être interrompues par le raclement de gorge du Professeur Chen :

— Toutes mes félicitations à nouveau, Verte. Quant à toi, Jaune, je tenais à te dire que je ne suis pas venu les mains vides : je t’ai apporté un cadeau pour ton retour.

— Oh, vous n’auriez pas dû… C’est trop aimable de votre part, répondit la concernée, gênée.

— Mais non, voyons, ça me fait plaisir… Alors, il est dans mon sac, laisse-moi juste le sor…

Soudain, il s’interrompit et se mit à regarder frénétiquement autour de lui :

— Flûte ! Céry ! J’ai lâché la bride et elle s’est éloignée ! C’est elle qui a mon sac ! s’écria-t-il, désemparé.

— Ne vous en faites pas, Professeur… commença Jaune.

— Je vais régler la situation, la coupa Verte.

— Quoi… ? fit Jaune, sans comprendre.

Son amie lui lança alors un regard déterminé et déclara :

— Je suis la championne de cette ville, à présent, Jaune. C’est à moi d’en régler les problèmes. Tu vas voir, Verte la championne va retrouver cette Cerfrousse en moins de deux ! lui assura-t-elle.

À ces mots, Jaune sourit : elle ne pouvait pas dire non à un tel discours.

— D’accord, la championne ! Vas-y, je te regarde : éblouis-moi comme l’or de ta ville !

— Jolie comparaison, l’artiste ! commenta Verte alors qu’elle s’envolait déjà dans les airs, portée par son Rondoudou gonflé d’air.

Grisée et surtout, inspirée, Jaune ne voulait pas perdre une miette des actions de Verte. Elle appela donc Chenipou pour qu’il lui permette de voler aux côtés de son amie, sous les yeux admiratifs du Pr. Chen, toujours aussi impressionné par la réactivité et la bravoure des détenteurs de Pokédex.

Verte et Jaune survolèrent ensemble le ciel de Safrania, enivrées du bonheur de pouvoir de nouveau s’amuser ensemble, comme au bon vieux temps. Mais bien sûr, elles n’en oubliaient pas pour autant leur mission : retrouver Céry, la malicieuse Cerfrousse du professeur. Ce fut alors qu’elles passaient au-dessus le marché de Safrania qu’elles retrouvèrent le cervidé coquin : cette chère Céry avait été attirée par les délicieuses odeurs du marché et était en train de tranquillement s’y balader !

— Très bien, à moi de jouer ! s’écria la championne du type Fée.

Jaune était curieuse de voir ce que son amie allait faire : elle savait qu’elle était débrouillarde, mais elle avait une légère tendance à trouver des solutions… peu conventionnelles. C’était la raison pour laquelle Jaune ne voulait absolument pas rater ça.

Verte ordonna donc à son Pokémon de la rapprocher un maximum de Céry, qui n’avait pas l’air très affolée, mais qui au contraire amusait les passants – et beaucoup moins les commerçants – car elle chipait impunément sur les étalages. Ce qui n’était pas sans rappeler à Jaune le petit Pika de Rouge, qui faisait la même chose avant de rencontrer son dresseur. C’était Rouge lui-même qui le lui avait raconté. La jeune femme s’empourpra en pensant à lui, mais reprit bien vite ses esprits et préféra se concentrer sur ce que faisait Verte.

Et en effet, cela valait le détour : au moment où Jaune porta son attention sur son amie, celle-ci lâcha la patte de son Rondoudou pour atterrir directement… sur la selle de Céry. Celle-ci, surprise, partit alors à toute vitesse, effrayant plusieurs passants par la même occasion. Mais Verte réussit bien vite à maîtriser la Cerfrousse, qu’elle immobilisa au milieu du marché. Puis elle mit pied à terre, en prenant garde à ne jamais lâcher la bride du Pokémon. La foule en délire acclama alors son héroïne tombée du ciel.

Chenipou posa alors Jaune au sol pour qu’elle puisse elle aussi féliciter son amie, qui caressait son Rondoudou pour le remercier. Peu de temps après, les deux femmes furent rejointes par le Professeur Chen, qui se déplaçait lentement.

— Et voilà, Professeur ! Comme promis, je vous rapporte votre Céry ! lui annonça fièrement Verte.

— Merci beauc… commença-t-il.

— Ah ! Alors c’est vous le propriétaire de c’te terreur ? lança alors un marchand, mécontent.

— Hum… Oui ? hésita le Professeur.

— Alors c’est vous qui devez payer pour tout ce qu’elle a mangé gratuitement ! affirma une autre commerçante.

— Oui ! Les Pokédollars ne poussent pas sur les arbres, non mais ! renchérit un autre.

Le Professeur, accablé, ne sut comment réagir. Il allait se résoudre à payer, quand soudain, les passants, qui avaient été amusés par les frasques de Céry la biche, acceptèrent de se cotiser pour couvrir la somme, qui n’était en réalité pas très élevée, car la Cerfrousse n’avait pas tant mangé que ça. Le Professeur les remercia chaleureusement pour leur générosité, et s’excusa auprès des commerçants, qui n’étaient heureusement pas rancuniers – pas tant qu’ils étaient payés, du moins. Puis le trio revint à l’arène, et même dans l’arène, pour éviter d’autres désagréments.

— Eh bien, mes aïeux, quelle histoire ! En tout cas, merci Verte de m’avoir ramené Céry, la remercia-t-il une fois de plus en caressant l’encolure de son Pokémon.

— Pas de problème ! affirma celle-ci.

— Bien, passons enfin au plus important : ton cadeau, Jaune ! reprit le scientifique.

— Merci encore, Professeur, c’est trop… fit Jaune, embarrassée.

— Attends donc de voir ce que c’est, avant de me remercier ! lui conseilla-t-il tout en fouillant dans son sac, attaché à la selle de Céry.

— Oh, rien que le fait que vous ayez pensé à moi me fait plaisir…

— Ah, je te reconnais bien là, Jaune ! Tiens, le voici ! Désolé, il n’est pas emballé…

Le Professeur lui tendit alors un appareil jaune pâle et rectangulaire, dont l’une des largeurs avait été arrondie afin d’accueillir un symbole de Poké Ball blanc.

— Un… Pokédex ? Mais j’en ai…

— Déjà un ? Oui, je sais, Rouge m’a dit qu’il t’avait confié son premier modèle. Mais je me suis rendu compte que je ne t’en ai jamais donné un à toi, alors que tu le mérites. Je voulais réparer cette erreur… Ce modèle-ci est à la pointe de la technologie : il contient des informations sur une très grande partie des Pokémon du monde. Eh oui, ce n’est pas rien ! Enfin, c’est quelque chose que je dois surtout à Cristal, admit-il.

En effet, si quelqu’un était capable d’un tel prodige, c’était bien Cristal : elle était la maîtresse incontestée de la capture de Pokémon. Jaune avait toujours été impressionnée par la manière spectaculaire qu’elle avait de propulser ses Poké Balls avec ses pieds. Elle l’avait même dessinée, quand elle était plus jeune.

— Merci énormément, Professeur, c’est un merveilleux cadeau. J’en prendrai grand soin, tout comme de l’autre, promit-elle.

— Tu comptes conserver l’autre ? s’enquit-il, surpris. Pourquoi ? Il est complètement obsolète : il n’a en mémoire qu’une petite partie des Pokémon connus à ce jour…

— Parce que c’est Rouge qui le lui a offert ! intervint soudainement Verte avec malice, uniquement dans le but d’ajouter son grain de sel.

— M… Même pas vrai… se défendit mollement Jaune, qui savait pourtant au fond d’elle que c’était la stricte vérité.

— Ha ha, je vois, commenta simplement le Pr. Chen en riant. Bien, en tout cas, ma tâche est accomplie, je peux rentrer à présent. J’ai été très heureux de vous revoir, toutes les deux.

— De même, Professeur, répondirent-elles presque en chœur, le sourire aux lèvres.

Au moment où le Professeur Pokémon s’apprêtait à sortir de l’arène avec sa Cerfrousse, son portable se mit à sonner. Il le sortit précipitamment de sa poche et décrocha presque aussitôt. Jaune fut amusée de constater qu’il s’agissait du même genre d’antiquité que le sien. La discussion semblait animée, principalement car le Professeur bombardait son interlocuteur de questions :
« Comment ça, “vous n’avez jamais vu ça“ ? Vous pouvez être plus précis ? … Tant que ça ? ».

Dans tous les cas, elle fut brève, car elle s’acheva au bout d’une ou deux minutes à peine sur un : « Très bien, j’arrive dès que possible. … Oui, oui, je ferai attention, ne vous en faites pas, je ne suis pas en sucre ! » de la part d’un Professeur visiblement très préoccupé.

Verte et Jaune échangèrent alors un regard inquiet qui signifiait : « mais que se passe-t-il ? ».