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Sang Royal - Tome 1 : Trahison de groudonvert



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» Auteur : groudonvert - Voir le profil
» Créé le 15/02/2020 à 19:54
» Dernière mise à jour le 03/10/2022 à 18:13

» Mots-clés :   Action   Drame   Policier   Sinnoh   Suspense

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Chapitre 12 : Les Portes ouvertes
« Tu as changé d’avis, Draco ? Tu es venu achever le travail ? »
« Tu as changé d’avis, Draco ? »
« Tu as changé d’avis ? »
« Tu as changé d’avis ? »
« Comment ça, tu as changé d’avis ? »


- J’ai changé d’avis, parce que ce que l’on veut faire est mal !
- Tu le savais depuis le début ! On a tout planifié ensemble !
- Crois-moi… j’en suis désolé. Un jour… j’espère que tu comprendras ma décision.
- JAMAIS, TU M’ENTENDS ? JAMAIS !


- Réveille-toi, Draco !

De vifs coups de museau sur le cou l’empêchaient de dormir. Mais avait-il vraiment envie de continuer ? Le cauchemar qui le poursuivait depuis plus de cinq ans, accentué par sa confrontation du soir précédent, ne lui donnait guère envie de prolonger son sommeil. Il ouvrit alors les yeux et remarqua son camarade dont les yeux écarquillés trahissaient son inquiétude.

- Tout va bien Démolosse, murmura-t-il.
- Tu gémissais dans ton sommeil, rétorqua-t-il.

Malgré son ton dur, le jeune Dragon reconnut également la malice du chien joueur. Leur dispute du soir précédent avait disparu, du moins pour Démolosse. Mais pas pour lui : elle ne lui rappelait que trop bien sa trahison.

- Visiblement il s’est passé quelque chose la nuit dernière, l’informa Démolosse.
- Passé ?

De quoi parlait-il ? S’il savait ce qui était arrivé, il ne lui aurait pas parlé aussi gentiment depuis son réveil. Combien de temps avait-il dormi ?

- Un nouveau meurtre a eu lieu, lui révéla-t-il avec tristesse.
- Rien de neuf, en somme, soupira le Dragon. C’est pour me dire ça que tu m’as réveillé ?

Il regretta aussitôt ses paroles en voyant le regard embrasé que lui envoya le chien ténébreux.

- Il est bientôt midi, Draco. Avec les heures de sommeil en retard et l’heure à laquelle tu es rentré, je t’ai laissé dormir.
- Merci…

Il n’ajouta rien et Draco lui en était reconnaissant. Ils avaient toujours eu une rivalité depuis qu’ils se connaissaient. Mais malgré son caractère dur, tous deux avaient su nouer une amitié. Une amitié fragile qui, à cause de tous ses mensonges, risquait de voler en éclat.

- Bref, Clara a reçu un téléphone en milieu de matinée. Visiblement, l’Inspecteur Mattz a voulu venir aux nouvelles.
- Et il en a profité pour lui annoncer la mauvaise nouvelle, devina le Dragon.
- C’est ça. La victime est… hésita-t-il. Un peu différente.

Qu’est-ce qui pouvait être aussi compliqué à expliquer ? Qu’il le dît et puis c’est tout ! Draco en agita la queue pour lui montrer son impatience.

- Une Infirmière Joëlle a été découverte morte baignant dans une marre de sang hier soir. D’après ce que j’ai cru comprendre, la mort remontrait en début de soirée entre 19 h 15 et 21 h 15.
- QUOI ? s’écria le Dragon.
- Et elle portait la marque, ta marque sur sa poitrine.
- Où… où a-t-elle été découverte ? questionna-t-il, les écailles frémissantes d’inquiétude.

Démolosse le scruta d’un air étrange. Mais il n’en avait que faire, il voulait une réponse.

- Près de Voilaroc.
- Je vois…

« C’est impossible ! J’étais à la Faculté de Rivamar à ce moment-là. Il est physiquement impossible que… »

Il s’agitait tellement sur sa couche que Démolosse entreprit de le calmer avec quelques rapides coups de langue. N’y arrivant pas, il le questionna :

- Mais qu’est-ce qui t’arrive encore ?

Sa décision était prise, il ne pouvait revenir en arrière.

- Je dois aller sur la scène du crime, je dois… je dois vérifier quelque chose.
- Tu rigoles ? lança-t-il incrédule. C’est Élodie la Championne aujourd’hui et on a un match dans une heure !
- Tu as besoin que je te materne aussi ? répliqua-t-il d’un ton venimeux qui surprit le chien. Débrouille-toi !

Et il s’envola et quitta la chambre de Clara par la fenêtre, plantant là un Démolosse abasourdi.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Adossée contre la porte menant à l’arène de combat, Julie pianotait sur ses bras croisés avec une impatience manifeste. Les yeux rivés sur la porte d’entrée, elle attendait l’arrivée d’Élodie. L’adolescente devait remplacer sa patronne pour les combats, mais elle était en retard. Elle avait espéré pouvoir discuter avec elle des évènements du jour précédent avant le match, mais il paraissait évident qu’il n’y aurait pas le temps. Il restait à peine une dizaine de minutes avant l’arrivée du challenger…

- Elle n’aurait quand même pas décidé de nous planter elle aussi ? se demanda-t-elle à haute voix.

Démolosse grogna à côté d’elle. Julie était allée le chercher un quart d’heures plus tôt. Une autre mauvaise surprise l’avait attendue lorsqu’elle se rendit compte que Draco avait disparu. Elle avait interrogé le chien ténébreux pour savoir si le Dragon serait là pour le combat, mais, furieux, il lui avait répondu d’un signe de tête négatif. Évoli ayant également disparu, Clara resterait seule.

- J’espère que notre adversaire du jour demandera un combat simple à deux Pokémon, soupira la secrétaire. Je n’ose imaginer ce qu’il se passerait autrement.

Elle porta sa main droite à son front, ferma les yeux et réfléchit. Clara avait une confiance aveugle en ses Pokémon. Démolosse serait tout à fait capable de s’en sortir seul face à n’importe quel adversaire.

Soudain la porte en verre s’ouvrit et une jeune fille aux cheveux bruns entra. En regardant la nouvelle venue, Julie crut voir sa patronne, avant de se rendre compte qu’il s’agissait d’Élodie. La ressemblance entre les deux sœurs la frappa. En raccourcissant sa coupe et en teignant ses cheveux, l’adolescente ressemblait désormais comme deux gouttes d’eau à son aînée. La tenue qu’elle avait arborée aujourd’hui semblait provenir de la garde-robe de Clara.

- Vous voilà enfin ! s’exclama Julie.

Son ton était pressant, mais aucune colère ne s’en échappait. Elle ressentit du soulagement en la voyant enfin arriver. Démolosse se précipita vers elle en remuant la queue, visiblement content de la voir. Élodie se baissa pour le prendre dans ses bras, mais son visage n’affichait aucune émotion ; impossible de dire son état de pensée à ce moment-là. Le chien ténébreux l’observa en coin, visiblement aussi surpris qu’elle. Elle s’approcha de l’adolescente alors que celle-ci se relevait en époussetant sa jupe verte.

- Bonjour Élodie. Je vous remercie d’être venue aujourd’hui, malgré…
- Ce n’est rien, ça me fait plaisir, la coupa-t-elle avec un sourire forcé.

Julie se rendit compte que quelque chose n’allait pas. Élodie semblait prendre sur elle pour ne rien laisser paraître, mais elle souffrait. La secrétaire se rendit compte que l’adolescente ne semblait avoir aucune envie d’être là.

- Votre apparence est époustouflante, lui lança-t-elle d’un ton enjoué, espérant lui changer les idées. On dirait que Clara et vous êtes jumelles.

Élodie se contenta de hocher la tête. Julie n’insista pas ; elle ne semblait guère encline à parler de sa sœur. La jeune fille regarda autour d’elle, avant de la questionner :

- Draco n’est pas là ?
- Je suis désolée, il ne sera pas là pour le combat d’aujourd’hui.

L’adolescente poussa un soupir de soulagement qui l’étonna. Démolosse renifla bruyamment à côté d’elles. En lui jetant un œil, elle surprit son regard embrasé. Était-ce de la détermination ? De la colère ? Elle se demanda alors ce qui avait bien pu se passer entre les deux Pokémon. Elle le rappela dans sa Poké Ball avant de la tendre à Élodie qui la récupéra sans grande conviction. Avant que les deux jeunes femmes n’eussent ajouté quoi que ce fût, la porte vitrée de l’arène s’ouvrit une nouvelle fois.

- Bonjour la compagnie ! lança un homme, d’un ton enjoué.

L’adversaire d’Élodie avait finalement fait son apparition. Dans la vingtaine, il arborait une barbe fournie et des cheveux courts, tous deux noirs de jais. Il portait des habits dans le style typique du rockeur. Sa veste de dresseur et son pantalon noir étaient déchirés par endroit, notamment au niveau des genoux. Un T-shirt avec un Tadmorv imprimé dessus se voyait également. Il portait son manteau sous le bras.

- J’avais hâte de vous affronter enfin ! s’exclama-t-il en lui tendant sa main aux ongles grisâtres.
- Bonjour, murmura Élodie en grimaçant – son haleine puait la cigarette. Enchantée de vous rencontrer.

« Si elle ne s’affirme pas un peu plus, elle ne fera jamais illusion. » pensa Julie.

Elle s’approcha des deux Dresseurs et les invita à entrer dans l’arène. L’homme observait Élodie avec tant d’insistance, qu’elle commençât à se demander s’il ne se doutait pas de la supercherie.

- Pourquoi me regardez-vous comme ça ? demanda Élodie timidement.
- Oh rien, désolé. Je vous avais vu votre finale à Unionpolis l’année dernière. Je dois dire que j’attendais ce moment depuis longtemps.

Inquiètes, les deux filles s’entreregardèrent, attendant la suite.

- J’avais hâte de vous affronter en combat Double ! s’exclama-t-il, joyeux.

L’horreur frappa Julie. Cela ne pouvait plus mal tomber. Trois des Pokémon de Clara étant absents, Élodie n’avait qu’un seul Pokémon pour se battre. Sans compter que contrôler un Pokémon qui n’est pas le sien n’était déjà pas simple, alors en faire combattre deux ?

- Un problème ? s’étonna-t-il.
- Non, rétorqua Élodie, visiblement plus sûre d’elle. Tout va bien. Pouvez-vous me rappeler votre prénom s’il vous plaît ?
- Appelez-moi Stéphane.
- Enchantée, Stéphane, je suis Clara, Grande Championne de cette arène.

Elle avait parlé comme sa sœur : d’une voix assurée, pleine de confiance. Julie était impressionnée, Élodie entrait finalement dans son rôle. Mais comment allait-elle se battre ?




Une petite détonation se fit entendre, alors que Xatu se téléportait. Il se trouvait tout en haut des gradins, hors de vue des combattants sur le terrain. De là il observait chacune des confrontations entre Clara et ses adversaires. La jeune Championne l’ignorait, mais, malgré sa disparition des jours précédents, le jeune oiseau Psy avait assisté à tous ses combats. Il tenait ainsi sa promesse : protéger les humains de Démolosse.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

La neige recouvrait tout le paysage… mais aucun flocon ne tombait. Le froid s’insinuait dans ses écailles, mais le jeune Dragon s’en moquait. Il ne ressentait plus le froid comme un danger, mais comme un évènement passage dont il devait s’acclimater. Clara l’avait entraîné dans les pires blizzards que ce monde connaissait pour l’endurcir. Cette simple bise n’allait pas le tuer.


Essoufflé d’avoir volé d’une traite depuis la grotte jusqu’à Voilaroc, il se posa un instant au sol. La ville se profilait à l’horizon, bien que située à plusieurs kilomètres de là, une haute tour s’apercevait déjà de là.

« À une époque, ce lieu était connu comme étant le Quartier Général de la Team Galaxie. » se remémora-t-il.

Aujourd’hui, le bâtiment avait été agrandi et expurgé de tous les méfaits de l’organisation criminelle. L’entreprise, qui y avait ses locaux, garantissait la prospérité de la ville avec les nombreux emplois qu’elle avait créée. Il connaissait tout cela, car il s’agissait de l’entreprise du père de Clara. La jeune fille lui en avait parlé une fois avec des étoiles dans les yeux, visiblement ravie de la réussite de son paternel.

- Pfiou, sacrée vue d’ici hein ? s’exclama une voix derrière lui.

Il se retourna brusquement. Surpris, il reconnut Évoli qui se tenait sur une clôture en bois d’où elle pouvait observer tout le paysage.

- Qu’est-ce que tu fais là ? s’étonna-t-il. Tu ferais mieux de rentrer, au lieu de te les geler !
- Parle pour toi, rétorqua-t-elle, malicieuse. J’ai une fourrure pour me protéger de l’hiver, toi t’es un dragon.
- Tu marques un point, concéda-t-il avec humeur.

Toutefois cela n’expliquait pas ce qu’elle fabriquait à cet endroit-là. L’avait-elle suivi ? Impossible : il était beaucoup plus rapide qu’elle.

- Tu cherches la scène de crime, pas vrai ?
- Tu es au courant ? s’étonna-t-il.

Elle agita la queue, espiègle, avant de l’inviter à la suivre. Il s’exécuta, mais il ne put s’empêcher de la questionner à nouveau :

- Comment ça se fait que je te retrouve ici ?
- J’ai entendu la conversation entre Clara et l’Inspecteur. J’ai décidé de venir jeter un coup d’œil. Par contre, je ne sais pas ce que toi tu fais là.
- Je devais vérifier quelque chose, soupira-t-il, évasif.
- Alors qu’Élodie a son premier jour en tant que Championne ? T’aurais pu choisir un meilleur moment, le rabroua-t-elle.

Des fois il se demandait qui était l’adulte. Pour son jeune âge, elle se permettait de le prendre de haut et de lui donner la leçon avec une impertinence qu’il n’appréciait guère.

- Des fois on n’a pas le choix… et puis… je pense qu’il vaut mieux qu’Élodie ne me voit pas aujourd’hui.
- À cause de ce qu’il s’est passé hier soir ? s’enquit-elle.
- Comment… ?
- Je t’ai surpris à rentrer tard et tu semblais vraiment triste… pour une raison que je n’explique pas.

La jeune chatte semblait bien plus intelligente qu’il ne le pensait. Il se remémora alors qu’elle avait soigné Clara deux jours plus tôt, il se demandait toujours d’où lui venait toutes ses connaissances.

- Tu devrais pas t’inquiéter Draco. Tout rentrera dans l’ordre, Clara se remettra de sa maladie…
- Honnêtement, je ne crois pas que tout rentrera dans l’ordre… Les évènements se sont compliqués...
- Crois-moi, le coupa-t-elle. Tout rentrera dans l’ordre avant la fin. Regarde, on est arrivés !

Son brusque changement de conversation le surprit autant que les paroles qu’elle avait prononcées. De quelle « fin » pouvait-elle bien parler ? Ils ne vivaient pas dans un roman à l’eau de rose où tout le monde sait très bien que tout se terminera bien. C’était la vraie vie, il y avait des morts, des personnes prêtes à tout pour gâcher la vie des autres.

En regardant à nouveau devant lui, il aperçut à son tour les cordons de sécurité jaune de la police où un « Ne pas traverser, scène de crime ! » était imprimé dessus à intervalles réguliers. Un sentiment étrange le traversa alors qu’il observait les lieux. La tristesse l’envahit, une femme avait trouvé la mort dans les pires souffrances imaginables. Il ne savait pas pourquoi, mais il s’en sentait responsable, alors qu’il se trouvait à des dizaines de kilomètres de là le soir précédent. Le corps avait été enlevé et la police avait quitté les lieux, mais le sang qui s’était répandu lors de la mise à mort se voyait toujours.

- Qu’est-ce que tu vas faire ? demanda Évoli, curieuse.
- Ce que je pensais inutile jusqu’à maintenant : je vais reproduire le meurtre, marmonna-t-il d’un ton sérieux.

La jeune chatte le regarda avec des yeux ronds comme des soucoupes.

- Comment ça ? le poussa-t-elle.
- Tais-toi, s’il te plaît. Je dois me concentrer.

Il ferma les yeux. Il inspira et expira plusieurs fois jusqu’à que son corps se détendît complètement. Ses muscles se relâchèrent, il se laissa flotter dans les airs, comme s’il se trouvait à la surface de l’eau où il était né. Dans son cerveau, il y eut comme un petit déclic dans les rouages de son esprit, alors qu’il se connectait au passé.

Tout doucement, les yeux toujours fermés, il s’éleva au-dessus des banderoles jaunes. Dans sa tête, il voyait une Leveinard et une jeune femme aux cheveux roses qu’il ne reconnaissait pas. Il se pencha tout doucement en avant s’élança vers l’humaine. De la queue, il la frappa à l’estomac, la propulsant en l’air. Il entendit son Pokémon geindre de terreur, mais ne s’en préoccupa guère. Il rejoignit sa victime, son visage était tordu par la douleur et elle ne semblait pas le voir. Par des coups rapides, il la fit voltiger en tous sens, telle une tornade. Puis, d’un dernier coup de queue dirigé vers le ciel, il la propulsa une dernière fois. Il se présenta ensuite au-dessus d’elle, prêt à l’achever. Il se concentra, se prépara à subir la douleur puis hésita un instant en tentant de voir si la femme vivait toujours, l’avait-il déjà tuée ?

- Pourquoi tu t’es arrêté ? l’interrompit Évoli, avec étonnement. Tu te souviens plus comment finir l’enchaînement ?

Il rouvrit les yeux, si dans l’ancienne réalité, le combat n’avait duré qu’une minute, Draco avait pris tout son temps pour reproduire les mouvements. La jeune chatte l’avait interrompu avant le coup final, mais il ne lui en tint pas rigueur. Il n’avait pas besoin d’aller plus loin dans sa recherche du passé.

- Non, Évoli. Je sais parfaitement comment lancer la dernière attaque.
- Alors pourquoi ? répéta-t-elle.
- D’abord comment tu la connais déjà ? répliqua-t-il. Tu sais beaucoup trop de choses pour une gamine à peine sortie de l’œuf.

Elle sursauta au ton pris par le Dragon. Il ne souhaitait pas l’effrayer, mais cherchait à comprendre d’où elle tirait toutes ses connaissances.

- Par ma mère, soupira-t-elle.
- Ta mère ? répéta-t-il. Quand… ?
- Avant qu’elle ne mette dans la boîte pour m’envoyer auprès d’Élodie et Clara, le coupa-t-elle.

Elle était à peine née quand elles l’avaient trouvée, se souvint-il. Qu’est-ce qu’elle racontait ?

- Ma mère m’a élevée en cachette pendant environ six mois. Elle… m’a tout appris. Tout appris sur le passé, le présent et ce qu’il adviendra.
- De quoi parles-tu ? s’alarma-t-il.

Connaissait-elle son secret ? Il secoua la tête pour se reprendre, bien sûr que non. Il ne connaissait pas sa mère, elle lui avait certes parlé d’elle deux nuits auparavant, puisque c’est grâce à elle qu’ils avaient pu s’échapper de l’arène fermée à double-tour. La colère le gagna quand il repensa à l’horrible femme qu’elle accompagnait.

- Ne t’en fais pas, Draco. J’ignore pourquoi tu as quitté ton ancien Dresseur. Mais n’oublie jamais, que je suis de ton côté, grand frère.
- Ne m’appelle pas comme ça, soupira-t-il.

Depuis qu’ils se connaissaient, elle avait pris l’habitude de l’appeler ainsi, mais il détestait ça. Ils n’avaient aucun lien de parenté, ils n’avaient même pas de groupe d’œufs commun, alors pourquoi s’obstinait-elle à l’appeler ainsi dès qu’ils se retrouvaient seul ?

- Tu ne m’as pas répondu, pourquoi t’es-tu arrêté ? reprit-elle.

Elle ne manquait pas de culot de revenir sur le sujet précédent alors qu’elle ne lui avait donné que des réponses vagues à ses propres questions. Qui était-elle en réalité ?

- Je me suis arrêté, parce que le meurtrier s’est stoppé un court instant.
- Comment ça ?
- Rentrons, Évoli. Nous n’avons plus rien à faire ici. Je t’expliquerai en chemin.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Lorsque la lueur rouge se dissipa, Démolosse put voir son adversaire. Il hoqueta de surprise en voyant le Roucarnage et le Métalosse. Il constata avec effroi que c’était un combat en Double. En tournant la tête, il reconnut Gardevoir.

« C’est mauvais ça. Ca fait des années que je n’ai plus combattu avec elle. » pensa-t-il.

La situation ne pouvait pas plus mal tomber. Draco, son partenaire de toujours ? Absent. Clara, sa maîtresse adorée ? Malade. Il avait pensé pouvoir s’entraîner un peu avec Élodie avant le premier combat, mais elle était arrivée très en retard. Le pire sans doute restait le regard flamboyant de colère de Gardevoir. Comment allaient-ils s’en sortir ?

- Au moins, j’ai l’avantage de Type contre Métalosse.
- Te prends pas trop au sérieux, Démolosse, le rabroua la femelle blanche. Ne sous-estime jamais l’ennemi.

L’ennemi ? C’était un simple combat ! Ce serait plutôt à elle d’arrêter de se prendre trop au sérieux. Il cracha de frustration, la situation aurait été beaucoup plus simple si Draco ne l’avait pas laissé en plan. Quelle mouche l’avait piqué à celui-là ? Et depuis quand Élodie et Gardevoir étaient-elles aussi tendues ?

- Commencez ! s’exclama Julie.

Les quatre adversaires ne bougèrent pas tout de suite. Chaque Dresseur semblait attendre de voir ce que l’autre ferait avant de bouger. Attitude normale pour un challenger, mais étonnante pour la Championne sensée être une spécialiste du combat double. « Ressaisis-toi Élodie ! » l’implora-t-il en pensée. « Je suis là, tout va bien se passer. »

- Gardevoir, couvre-moi, lui murmura-t-il sans la regarder.
- Quoi ?! s’insurgea-t-elle. Tu rêves ! J’vais pas servir de punching-ball pour tes beaux yeux !
- Gardevoir, c’est pas le moment, grogna-t-il entre ses dents.

Mais elle l’ignora superbement. Démolosse soupira, décidément le combat partait mal. Son partenaire habituel connaissait parfaitement sa manière de fonctionner. Il ne considérait pas Draco comme un punching-ball, mais comme le premier rôle.

- Gardevoir, Pouvoir Lunaire sur Roucarnage ! s’exclama Élodie.
- Métalosse, Pisto-Poing !

Alors que la femelle chargeait une boule rose-violet qu’elle projeta sur le grand oiseau. Le Pokémon Pattefer commença à tournoyer sur lui-même, ses pattes sur les côtés. Il tournait si vite qu’il n’était plus qu’une masse indistincte. Il frappa l’attaque de son adversaire qu’il retourna à son destinataire, tout en poursuivant son Pisto-Poing.

- Démolosse, Lance-Flammes ! contra Élodie.
- Mauvaise idée, grogna-t-il en réponse.

Certes elle était super efficace contre son adversaire, mais sa puissance en serait grandement diminuée, à cause de l’attaque Fée. Mais il s’exécuta tout de même. Il passa devant sa partenaire et cracha un véritable torrent de feu sur son adversaire. Celui-ci n’en eut cure et se servit du Pouvoir Lunaire comme bouclier – comme Démolosse l’avait imaginé. Le Pokémon Acier frappait sans discontinuer dans la balle violette pour qu’elle poursuive sa route.

Soudain Démolosse se sentit projeter en l’air, alors que Roucarnage le percutait sur le côté avec une Aéropiqué. Il jappa de surprise avant de s’écraser un peu plus loin. Poussant son avantage, Métalosse profita de l’arrêt du Lance-Flammes pour attaquer de front Gardevoir… mais celle-ci se téléporta pour l’esquiver.

- Démolosse, Déflagration ! ordonna la Championne remplaçante.

Non ! Pas maintenant ! Il avait profité du coup porté pour créer son clone en toute discrétion et prendre appui sur celui-ci pour s’éclipser. S’il attaquait déjà, il révèlerait la supercherie tout de suite !

- Qu’est-ce que tu attends ? lança la femelle blanche à celui qu’elle prenait pour lui. Tu dois lui obéir, tu te souviens ?

Démolosse grogna de dépit. Il n’avait pas vraiment le choix. Des trois, c’était lui le spécialiste des combats en double et ils l’obligeaient à se passer de ses points forts.

« Quel dommage ! Oh oui ! Quel dommage que je n’arrive jamais à aller jusqu’au bout ! » grinça-t-il, en colère, non pas contre elles, mais contre lui-même.

Du côté de l’arène, il cracha sa Déflagration, large d’un bon mètre de diamètre, le souffle et sa provenance surprirent ses adversaires. Mais Métalosse s’en protégea facilement avec un Abri, alors que Roucarnage l’avait esquivée en volant. Les attaques du Chien Ténébreux manquaient encore de puissance.

- Ton Démolosse a créé un clone à son effigie et tu as tenté de nous surprendre, je te reconnais bien là, Clara, le complimenta Stéphane.

Son style de combat était complètement différent de celui de sa grande sœur : celle-ci lui laissait toute latitude, se contentant d’annoncer quelques attaques ou stratégie. Elodie, elle, donnait chaque ordre sans laisser placer à une quelconque improvisation. Mais son adversaire, lui, fonctionnait comme sa maîtresse. Il annonçait quelques attaques et utilisait l’élément de surprise. Un bon Dresseur laissait ses Pokémon agir comme bon leur semblait. Un très bon Dresseur savait parfaitement les intentions de ses Pokémon à tout instant. Un Champion Ultime pouvait faire les deux et ne prononcer aucun mot durant un match. Démolosse se rendit alors compte qu’ils ne gagneraient jamais ce combat, s’il ne prenait pas les choses en patte.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Installée sur son dos, les pattes écartées pour s’agripper à son cou, Évoli se cramponnait à lui tandis qu’il retournait en volant à la Grotte Retour. Il ne ressentait guère son poids, mais il devait maintenir une vitesse suffisamment lente pour qu’elle ne tombât pas.

- Alors ? Comment tu as fait pour savoir ce qui s’était passé ? lui demanda-t-elle.

Il hésita un instant avant de lui répondre. Il n’était pas certain qu’elle comprendrait.

- En laissant mon corps se détendre et en connectant mes sens aux lieux. J’ai revécu une scène passée.
- Comme une méditation ?
- C’est ça.

Elle connaissait la méditation ? Elle le surprendrait toujours.

- Tu pourrais m’apprendre à le faire ?

Il émit un sifflement joyeux, ressemblant à un rire.

- Ce n’est pas quelque chose que l’on apprend facilement, surtout pour un Pokémon ordinaire comme toi.

À ce moment-là, il sentit qu’elle l’étranglait à force de serrer ses petites pattes. En tournant le regard, il put constater qu’elle était en colère.

- Je ne suis PAS un Pokémon ordinaire ! jappa-t-elle.
- Oui, bien sûr, reconnut-il en secouant sa tête. N’importe quel Pokémon ne se considère pas comme un être ordinaire. Pourtant, je ne crois pas que Démolosse soit capable de réussir cette technique.

Alors qu’elle desserrait son étreinte, il sentit qu’elle se calmait. Elle reprit d’une voix plus douce :

- Draco, comment as-tu appris à faire ça ?
- Mon mentor, répondit-il simplement.
- Clara a… ?
- Non, coupa-t-il. Un humain, aussi doué soit-il, ne peut réussir à faire ça. Cela demande un état méditatif absolu qu’aucun humain ne peut atteindre.
- Pourtant, toi tu y arrives, remarqua-t-elle.

Il ne répondit rien. En effet, il en était capable. Mais cela ne marchait que si une très courte période de temps s’était écoulée. Et surtout si la personne était suffisamment proche de lui pour pouvoir devenir lui.

- Tu sais, murmura-t-il. Cela fait partie d’un passé que je cherche à oublier… mais il me poursuivra toute ma vie.
- Je l’ai rencontré, tu sais. Celui que tu appelles ton « mentor ».
- Quoi ?! s’exclama-t-il.

Il fit une embardée qui faillit désarçonner la jeune chatte. Ses pupilles se rétrécirent en deux fentes, alors que son corps tremblait. Une onde de peur le glaça, alors qu’il perdait peu à peu le contrôle de ses membres.

- Calme-toi, j’te rappelle que je suis sur ton dos ! grimaça la jeune chatte.

Quelqu’un devrait un jour lui dire que « Calme-toi ! » ne calmait jamais personne. Mais son ton doux qui ne trahissait aucun reproche ni aucune crainte, le poussa à se reprendre. Il s’arrêta quelques instants pour se détendre. Alors qu’il reprenait la route, il lui demanda :

- Comment tu le connais ?

Elle ne répondit pas tout de suite. Draco se demanda si elle cherchait ses mots pour éviter de le contrarier une nouvelle fois.

- J’ai trouvé que c’était quelqu’un de gentil. Il me semblait très respectueux à mon égard.
- Il est vrai qu’il a ses bons côtés, confirma-t-il, alors que la nostalgie l’envahissait. Avant mon départ, nous nous entendions à merveille tous les deux.
- Qu’est-ce qui s’est passé ? l’interrogea-t-elle, curieuse.
- Lorsqu’il a une idée fixe, il est presque impossible de le faire changer d’avis. Nous nous étions mis d’accord sur un projet, mais… j’ai changé d’avis. Depuis il m’en veut, expliqua-t-il en tremblant légèrement. Je peux sentir sa colère quand il est proche de moi… Une colère si terrifiante qu’elle le transforme en véritable monstre.
- Plus terrifiante que celles de Clara ? s’étonna-t-elle.
- En comparaison, ce sont des tempêtes dans un verre d’eau, confirma-t-il en soupirant.


Il la laissa méditer ses paroles. Il ne pouvait lui avouer que depuis toutes ses années, il redoutait sa vengeance. Il savait qu’un jour il devrait l’affronter… et mourir. Reportant son attention sur son vol, il vérifia qu’il fût dans la bonne direction en regardant autour de lui. Il hoqueta de surprise en voyant la scène juste en-dessous de lui. Évoli émit un cri de stupeur à fendre ses tympans.

- Quelle horreur !


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Le combat que se livraient les quatre Pokémon s’était poursuivi pendant plusieurs minutes. Élodie, n’ayant pas l’habitude de contrôler deux Pokémon aussi différents en un combat double, restait largement dominée.

- Vent Violent ! s’exclama alors Stéphane.

Le Métalosse planta ses griffes dans le sol, alors que le Roucarnage commençait à battre puissamment des ailes. Ses yeux rougeoyèrent, alors que son plumage se tendait. Les vents tournoyaient à une vitesse folle, tandis qu’une tornade commençait à se former à quelques mètres de Gardevoir.

- Psycho, sur la tornade ! ordonna Élodie.
- Toi aussi, Psycho ! contra Stéphane avec fermeté.

Les deux Pokémon Psys concentrèrent alors leurs pouvoirs psychiques sur la trombe. La femelle blanche tentait de l’empêcher de tourner, tandis que son adversaire essayait de l’accélérer. Aucun des deux ne semblaient de force supérieure à l’autre. Des gouttes de sueur perlèrent sur le front du Pokémon Étreinte, concentrée comme jamais. Perdant patience, l’homme proclama :

- Canicule !

Tout en continuant à battre furieusement des ailes, le Roucarnage inspira profondément avant de cracher une violente bourrasque enflammée. La puissance combinée des deux courants d’air eut raison des pouvoirs psychiques de Gardevoir. Elle hurla de douleur, alors qu’elle était emportée dans les vents tumultueux où une chaleur extrême se ressentait.

« Incroyable ! Il peut lancer deux attaques en même temps ! » s’alarma Démolosse, surpris. « En terme de pures capacités, ce Roucarnage est plus fort que moi. »

La femelle blanche usa de la Téléportation pour s’échapper. Elle s’effondra au sol près du clone du chien ténébreux. Pantelante, épuisée, elle se releva péniblement. Avisant son partenaire, elle cracha avec colère :

- Tu vas m’aider ou quoi ? C’est un deux contre deux !
- C’est quoi ton problème à la fin ? rétorqua son clone, une lueur enflammée dans son regard. Toi et Élodie êtes tendues, tu pêtes un plomb pour un rien depuis le début du combat… Qu’est-ce que j’vous ai fait ?

Elle détourna le regard avant de s’adresser à lui, son visage s’était ridé. De la détermination ? Plutôt de la haine, supposa le chien.

- Draco ne t’a rien dit, hein ? Rien ne m’étonne de la part de ce lâche.

Draco ? Que voulait-elle dire ? Avec une peur grandissante, il attendit la suite :

- Cette espèce de taré est venu dans la chambre de ma Maîtresse hier soir et l’a attaquée.
- QUOI ?!

C’était donc ça la raison pour laquelle il avait quitté les lieux ? Il ne voulait pas devoir assumer ses actes auprès de lui ? Mais sa partenaire n’en avait pas fini :

- Je n’ai pas pu la protéger, murmura-t-elle en baissant la tête.

Il sentit le regret poindre dans sa voix, avant qu’elle ne reprît, furieuse :

- Il l’avait à sa merci, mais il est parti. Il est parti avant de revenir comme si de rien n’était, cette espèce de sale petit con prétentieux. Je suis certaine que c’est Clara qui lui a ordonné de jouer avec les nerfs de ma Maîtresse. Elle voulait qu’elle souffre, elle voulait lui faire du mal, elle…

Elle se déchaînait dans des propos incohérents. Mais le peu qu’il avait compris lui suffisait : Draco lui avait caché des choses durant toute la semaine. Alors qu’ils s’étaient mis d’accord sur qui la surveillerait, il n’en avait fait qu’à sa tête.

« Tu prenais du bon temps avec elle pour échapper à Clara, alors qu’en réalité tu jouais avec ses émotions, hein ? Tu ne t’en tireras pas comme ça Draco ! »

Son esprit bouillonnait, alors que son corps tremblait de rage. Ses muscles saillants semblaient grossir à vue d’œil. Ses yeux s’assombrissaient, ses iris devenant complètement noirs. Il s’aperçut à peine que le Métalosse frappait d’un Poing Météor une Gardevoir inconsciente du danger. Roucarnage avait détruit son propre clone d’une puissante Piqué.

Sortant de l’ombre, il avança alors de quelques pas sur le terrain. Il ne se contrôlait plus, la colère lui dictait ses actes. Il ne pensait plus à ce qu’il allait faire, uniquement à son envie d’en terminer vite avec eux. Il se moquait des conséquences désormais. Draco n’était pas là, mais il devait punir quelqu’un.

- Vous croyez que c’est fini ? aboya-t-il. Je vais vous montrer de quoi je suis capable !

Il rejeta la tête en arrière et chargea une Vibrobscure. Son âme était chargée à bloc d’idées noires, double conséquence de l’emploi de trois Machination et des révélations de l’humanoïde psychique. Il recracha alors son attaque au sol. Tel un voile de ténèbres, elle recouvrit l’ensemble du terrain dans un dôme noir d’où ne transperçait aucune lumière. Le terrain était complètement plongé dans l’obscurité la plus totale qu’aucune lueur ne pourrait jamais éclairer.

Il ne voyait rien, tout comme ses adversaires. Mais il savait parfaitement où les trouver. Il ressentait leur peur, leur effroi... Il se délectait de leur impuissance.

- Je pourrais vous asphyxier avec le feu qui brûle en moi, ricana-t-il. L’air, pas plus que la lumière, ne peut atteindre cet endroit. Vous êtes complètement à ma merci désormais.


La stupeur se lut sur le visage de Julie, alors qu’un gigantesque dôme de ténèbres s’était formé devant elle.

« Cette puissance, c’est incroyable ! » s’exclama Julie en pensée.

En observant le combat que se livraient les trois Pokémon, une conversation entre Clara et elle lui revint en mémoire.

- Dans l’ordre de puissance, Démolosse est mon Pokémon le moins fort. Draco est capable de l’empêcher de pratiquer ses attaques de prédilection, tout en connaissant sa manière de fonctionner. Quant à Xatu… aucun Pokémon n’est capable de le battre, lui avait-elle expliqué.
- Je vois. C’est pour ça que tu utilises toujours Démolosse en premier ?
- Non,
avait-elle ajouté avec un sourire amusé. Je l’utilise toujours en premier… pour que mes adversaires aient une chance de me vaincre.
- Comment ça ?
s’était-elle étonnée.
- Démolosse montre son vrai potentiel quand il est acculé.

Elle comprenait désormais ce dont sa patronne lui avait parlé. Démolosse, seul contre deux adversaires… était invincible. L’attaque Ténèbres qu’il venait de lancer avait une force impressionnante. Elle dégageait de telles ondes de colère, de haine, de malheur et de désespoir qu’en être victime laisserait des séquelles physiques… mais probablement mentales également.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

- C’est mauvais, très très mauvais ! miaula Évoli, alors qu’il se rapprochait du sol. Qu’est-ce qu’on va faire Draco ?

Un véritable carnage se profilait devant leurs yeux. Le jeune Dragon sentit la bile monter dans sa gorge, alors qu’il s’apprêtait à vomir. Il se retint de justesse, mais sa compagnonne n’y parvint pas et se pencha sur le côté pour s’y exécuter.

Une large clairière couverte de neige s’étendait sous leurs yeux. Draco se posa près d’un grand tas de neige à bonne distance des corps, sa passagère sauta à terre. À quelques mètres d’eux, deux Métang se tenaient l’un à côté de l’autre dans une mare de sang. Il les voyait de dos, mais aucun mouvement n’indiquait qu’ils étaient encore vivants. Plus loin, un Roucarnage était couché au sol, les ailes repliées sur sa poitrine. Un Braségali, un Mélodelfe, un Arcanin et un Héliatronc complétaient la liste de victimes.

- Où est leur Dresseur ? s’inquiéta Évoli.
- À mon avis on le retrouvera errant dans l’hiver dans les prochaines heures, marmonna le Dragon, se souvenant du mode opératoire du coupable.
- Mais pourquoi assassine-t-on tous ces Pokémon ? se demanda-t-elle avec effroi. Quel est le but ?

« Elle qui prétendait tout savoir quelques heures plus tôt, elle ne savait visiblement pas grand-chose, » jugea Draco.

Il n’avait guère d’espoir de trouver des survivants, mais il devait toutefois s’en assurer auprès de chacun d’eux. Il se garda d’approcher les deux Métang, jugeant préférable de garder le pire pour la fin. Mais alors qu’il vérifiait l’état du Roucarnage, Évoli poussa un cri qui l’interpela immédiatement :

- Draco, c’est un Métalosse !

Surpris, il ferma les yeux pour assimiler cette nouvelle information avant de la rejoindre auprès du corps coupé en deux du Pokémon Pattefer. Il remarqua alors une foule de pics d’aciers pointant dans la direction de l’autre partie. Chacune d’elle avait un œil rouge qui regardait le ciel sans le voir. Et puis tout ce sang…

- Donc, ils sont tous morts… soupira-t-il. Mais pourquoi… ?

Il n’y comprenait plus rien. Deux meurtres en moins de vingt-quatre heures…

- Pourquoi s’être servi d’une attaque Dragon pour tuer un Pokémon Acier ? murmura-t-il.
- Et pourquoi ne pas avoir tué les autres avec une attaque Dragon d’ailleurs ? se demanda Évoli.
- Tu as raison…

Et ce n’était pas la seule question sans réponse. Draco avait également pu constater que le Démolosse de Marc – l’ami de Lucien et premier challenger de Clara – avait lui aussi été assassiné avec une attaque Dragon. Alors que son Dracolosse – pourtant faible à ce type – avait eu droit à un traitement différent. Et la plus grande question de toutes : comment tous ces Pokémon avaient pu être tués ?

Clara suivait l’enquête de loin et avait demandé à plusieurs reprises des informations complémentaires à l’Inspecteur Mattz. Draco avait ainsi pu apprendre au détour de leurs conversations que la cause de la mort était un arrêt cardiaque, il y avait certes une trace sur le corps d’une piqûre, mais les autopsies n’avaient révélé la trace d’aucun poison. Alors comment le meurtrier s’y était-il pris ? Et pourquoi ne pas avoir utilisé la même méthode sur toutes ses victimes ?

Et puis… pourquoi avoir tué un deuxième Roucarnage ? Pourquoi avoir tué une Infirmière Joëlle ? Pourquoi avoir commis un massacre parmi les Pokémon qui vivaient dans la large plaine qui s’étendait derrière l’Arène Ultime ? Évoli l’interrompit soudainement dans ses réflexion :

- Tu ne sens pas une drôle d’odeur ?
- À part l’odeur du sang ? ironisa-t-il.

Il renifla tout de même, intrigué. C’est alors qu’il ne sentait rien de spécial autre que celle du sang qu’il se rappela l’état de son odorat.

- Désolé, mais j’ai perdu toute capacité olfactive depuis que je m’entraîne avec Démolosse.

Elle ne commenta pas sa remarque. Il sentit son questionnement tourbillonné dans sa tête, mais elle préféra revenir sur le sujet qui les préoccupait :

- Leur odeur me fait penser à la peur. Une peur telle que tout envie de vivre les aurait quittés, un profond désespoir les aurait atteints avant de mourir.
- C’est un peu normal, vu qu’ils sont morts assassinés, rétorqua-t-il.

Il la dévisagea pour l’inciter à poursuivre, ne voyant pas où elle voulait en venir.

- Cette odeur provient uniquement de ces deux-là, insista-t-elle en pointant Métalosse et Roucarnage de la queue.
- Du désespoir, de la peur… qui n’a atteint que deux Pokémon sur six, alors que tous sont morts… Et le fait que ce Métalosse ait été coupé en deux par une attaque Dragon… énuméra-t-il dans un souffle.

Alors qu’une idée émergeait dans son esprit, le jeune Dragon sentit le désarroi s’emparer de son corps. Évoli s’était éloignée de lui pour renifler les autres cadavres et s’assurer qu’elle ne se trompait pas. Lorsqu’elle revint, il murmura la gorge nouée :

- C’est mauvais, Démolosse sait.

Elle regarda d’un air interrogateur, ne comprenant pas où il voulait en venir. Tremblant, il se recroquevilla sur lui-même avant de révéler :

- Je ne suis pas le seul à posséder une attaque interdite.
- Interdite ? répéta-t-elle, les yeux ronds. Que veux-tu dire ?
- Il y a cinq ans, Clara m’a interdit d’employer une très puissante attaque de type Dragon, c’est cette attaque qui est utilisée depuis plus d’un mois pour commettre tous ces meurtres… jusqu’à aujourd’hui.

Il s’interrompit quelques secondes, laissant le temps à son interlocutrice de digérer l’information avant de poursuivre :

- Démolosse a toujours voulu être le meilleur. Il s’entraîne depuis cinq ans dans ce but. Dans le but de battre Xatu, il a développé une attaque de Type Ténèbres d’une puissance inimaginable. Non seulement elle inflige d’importantes dégâts physiques au Pokémon adverse, mais elle tire sa puissance de tous les sentiments négatifs de Démolosse. La victime en ressort traumatisée à vie.
- Tu veux dire que… s’enquit Évoli, comprenant où il voulait en venir.
- C’est ça, l’attaque Machination est très puissante, mais si le Pokémon ne se contrôle pas, elle lui fait commettre l’irréparable. Démolosse s’est vu imposer le sceau de l’interdit sur son attaque pour ces raisons-là… Il a dû perdre le contrôle quand il a appris…

Il s’interrompit, penaud. Il ne voulait rien dire à Évoli. Il avait quitté l’arène en quête de réponses pour pouvoir tout lui expliquer à son retour. Mais il n’avait pas encore toutes les réponses dont il avait besoin. Sa confrontation avec Élodie du soir précédent et sa rencontre avec Gardevoir la nuit de l’empoisonnement de Clara lui avait donné de précieuses informations. Mais il restait encore des zones d’ombre.

- Draco, quoi qu’il arrive, je te ferai toujours confiance, l’informa-t-elle en posant sa patte sur son dos écailleux.

Les paroles de la chatonne se voulaient rassurantes, mais pourrait-elle tenir sa promesse en apprenant ce qu’il avait fait ?

- La situation n’est pas figée dans le temps, tu sais. Dis-toi que s’il te déteste aujourd’hui, demain n’est pas encore fait. Votre relation sera toujours amenée à évoluer…
- Évoluer ? répéta-t-il.

Un éclair traversa aussitôt son esprit. La solution était si évidente, alors pourquoi n’y avait-il pas pensé plus tôt ?

- Viens Évoli. On retourne à l’arène, s’exclama-t-il avec un sourire en coin.
- Tu as compris quelque chose ? s’étonna la jeune chatte.

Son corps en frémissait d’enthousiasme. Une lueur déterminée s’alluma dans ses iris noirs et rouges. Avec une force capable d’ébranler les montagnes, il s’exclama intérieurement :

« Oui j’ai compris ! J’ai compris le plan tordu du meurtrier ! »




Les deux Pokémon s’étaient renvolés à tir d’ailes. Le souffle que produisit le décollage du Dragon éparpilla la neige du gros tas près duquel ils se trouvaient… Une jambe humaine apparut, le pantalon noir était déchiré à certains endroits.

Des bruits de pas s’entendirent, s’approchant du lieu du crime. Une personne grogna de dépit avant de récupérer le cadavre enterré sous la neige.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Lorsqu’elle entendit l’ascenseur se mettre en marche, signe que quelqu’un montait, Clara se redressa sur son lit. Malgré son état de fatigue, l’inquiétude l’avait empêchée de dormir. Elle se demandait comment sa sœur s’en sortait, avait-elle eu raison de lui imposer cette charge ? Elles avaient toutes deux des caractères bien différents, Élodie arriverait-elle à tromper son adversaire en jouant la comédie ? Comment se passerait le combat ? Est-ce que Draco et Démolosse joueraient le jeu ? Et puis… quel était son état de pensée depuis le jour précédent ?

Elle se souvenait à peine de ce qui s’était passé. Elle n’arrivait pas à croire que sa sœur eût pu tenter de l’empoisonner. Elle ne pouvait la croire capable de lui vouloir du mal. Mais, sa réaction ne valait guère mieux. De rage, elle avait détruit le papier que la jeune fille lui avait écrit, avant de l’étrangler. Seule l’intervention de Julie et Lucien l’avait empêchée de commettre l’irréparable. Sa secrétaire lui avait touché un mot, lui révélant qu’elle ignorait tout de ce qui s’était réellement passé le jour précédent.

Elle plongea son visage dans ses mains, quelques larmes coulèrent sur ses joues. La honte lui étreignait le cœur. Elle espérait de tout cœur que toute cette histoire n’était qu’un rêve, que tout ce qui s’était passé ces derniers jours n’avaient été qu’un cauchemar duquel elle s’apprêterait à se réveiller.

- Élodie… je suis désolée pour hier. Ma réaction était complètement disproportionnée… murmura-t-elle, comme pour elle-même.
- C’est un peu trop tard pour ça, grommela une voix.

Surprise, la jeune championne laissa retomber ses mains et se tourna pour voir qui avait parlé. Élodie se tenait adossée contre la porte de l’ascenseur de sa chambre, bras et jambes croisés. Alors que sa benjamine s’approchait d’elle, elle eut la désagréable impression de se regarder dans un miroir. Les mêmes cheveux châtains et ondulés tombaient sur les épaules de sa sœur, les mêmes yeux verts la fusillaient du regard, les traits de son visage, les mêmes sillons nasogéniens se dessinaient entre ses lèvres et son nez.

Elle portait également une tenue qu’elle aurait jurée sortie de son armoire. Un simple changement de coupe de cheveux, un peu de maquillage pour gommer les quelques différences et porter ses propres habits, suffisait-il pour transformer Élodie en une copie conforme d’elle-même ?

« On se ressemblerait à ce point ? » s’étonna-t-elle.

Sa « jumelle » s’assit alors sur le lit baldaquin et la toisa. Elle commença alors à lui caresser la jambe de sa main gauche, la sensation fit frissonner Clara. Ce n’était pas désagréable en soit, mais Élodie n’avait jamais agi de la sorte. La jeune fille se redressa un peu plus sur son oreiller avant de lui demander :

- Qu’est-ce qui se passe Élodie ?

La douce caresse se changea alors en une poigne ferme sur cuisse, la douleur qui en résulta la fit grimacer. En tournant son visage vers sa sœur, elle vit son regard enflammé, mais elle semblait garder son calme.

- Tu as envoyé Draco pour te venger, hein ? s’exclama-t-elle.
- De quoi tu parles ?

Elle n’avait rien demandé à son Pokémon et elle le voyait mal agir de la sorte, ce n’était pas son genre d’attaquer des humains.

- Ton Draco en avait assez de toi et de tes sautes d’humeur, révéla-t-elle, d’un ton doucereux. Il est venu passer du temps avec moi dès que l’occasion se présentait.

Clara aurait préféré l’entendre hurler sa colère, le ton méprisant qu’elle employait lui faisait froid dans le dos. Qu’est-ce Draco lui avait infligé pour qu’elle se sentît obliger de faire souffrir son aînée ?

- J’sais pas comment tu l’as appris, mais je suis sûre que c’est toi qui l’as forcée à venir dans ma chambre hier soir. Tu espérais qu’il me tue hein ?

Elle n’en croyait pas ses oreilles, jamais elle ne souhaiterait la mort de qui que ce fût. Encore moins celle de sa petite sœur.

- Mais il a changé d’avis… Probablement en souvenir de mon amitié avec lui, il a changé d’avis. Mais j’imagine que c’était pour me faire souffrir un peu plus qu’il est revenu, hein ? Pour s’assurer que malgré tout je souffre d’être ta petite sœur inutile et gênante qui a volé le Pokémon de sa grande sœur !

Ses propos n’avaient aucune cohérence et Clara n’y comprenait absolument rien. La seule chose vraisemblable dans cette histoire était que Draco avait agi de son propre chef. Pour une raison qui lui échappait, il s’était rendu dans la chambre d’Élodie.

- Mon aide à l’arène ? Tu peux l’oublier. Te servir de bouche-trou parce que tu es malade ? Laisse tomber, c’est terminé. Je ne veux plus jamais te revoir !
- Mais enfin, Élodie… murmura-t-elle.
- Ah j’avais failli oublier. Le Directeur Smith te fait savoir que tu as échoué à ton examen de rattrapage. Dommage pour toi, ton grand rêve de petite étudiante parfaite ne se réalisera jamais, lui révéla-t-elle avec un rictus de dégoût non dissimulé.

Sans ménagement elle se releva et quitta la pièce à grandes enjambées. Clara, impuissante, ne s’y opposa pas. Qu’aurait-elle pu dire ? Elle n’avait jamais vu sa sœur avoir une telle réaction jusqu’à aujourd’hui. Elle ignorait quel mot utiliser pour l’apaiser et même dans le cas contraire, l’adolescente ne lui avait pas laissé l’occasion de parler.

Qu’est-ce qui venait de se passer ? Pourquoi Élodie avait été aussi odieuse avec elle ? Certes elle n’avait jamais été l’adolescente gentille et la grande sœur idéale dont tout le monde rêverait. Son caractère détestable auprès de tout le monde se rappelait gentiment à elle à chaque occasion, mais jamais, ô grand jamais, elle n’aurait ordonné à ses Pokémon d’attaquer sa petite sœur.

- Draco, qu’est-ce que tu as foutu ?

Elle replongea dans son lit. Le bras replié sous son visage tel un coussin, elle commença à sangloter. Elle n’arrivait pas à croire qu’en l’espace de deux jours, elle avait presque tout perdu. Ses rêves envolés en fumée, sa sœur et sa confiance en son Pokémon. Un instant, elle sentit un marteau-piqueur cogner dans sa tête, alors que sa confrontation lui restait en mémoire. Réfléchir lui donnait de douloureux maux de tête.

- Il y a quelque chose qui cloche dans toute cette affaire, murmura-t-elle. Tout semble bien trop préparé pour n’être qu’une coïncidence.

Elle ignorait tout de l’identité du meurtrier et de ses méthodes, mais en réunissant suffisamment d’éléments, elle comprendrait tous les sens cachés de cette affaire… alors peut-être, peut-être pourrait-elle tout expliquer à sa petite sœur… et se réconcilier ? Avec une bouffée d’espoir, elle chuchota tristement :

- Rien n’est figé dans le marbre. La situation peut toujours évoluer.


*_*_*_*_*_*_*_*_*

Il haletait, épuisé. Il attendait, effondré sur le flanc à l’entrée de l’arène, le retour de Draco. Il avait un compte à régler avec ce traître. Il savait que dans son état de fatigue actuel, il ne pourrait jamais le confronter à coups de crocs et de griffes, mais sa langue conviendrait très bien. C’était toujours le risque à courir lorsqu’il employait ses attaques les plus puissantes. Il se retrouvait alors vidé de toute énergie. S’il ne parvenait pas à vaincre son adversaire, c’en était terminé pour lui.

- Maudit Draco, tu ne perds rien pour attendre !

Soudain, dans le soleil couchant, il le vit finalement arriver. Il volait bas et plus lentement qu’à l’ordinaire. La fureur enflamma ses prunelles, il ne savait pas s’il pourrait lui pardonner un jour ce qu’il avait fait.

« Élodie a toujours été gentille avec nous, ce que tu as fait est impardonnable ! »

Il s’aperçut alors qu’Évoli était sur son dos. Elle s’agrippait fermement pour ne pas tomber. Lorsque le Dragon le vit, il ralentit encore et se posa à bonne distance de lui. Le regard du jeune Dragon semblait triste, comme s’il savait déjà ce que Démolosse allait lui dire. Il se releva tant bien que mal pour lui faire fasse.

- Évoli, entre dans l’arène s’il te plaît, murmura le Dragon d’un ton las.
- Ça va aller ? s’inquiéta-t-elle.
- Oui. Mais dépêche-toi, il faut en finir.

Elle s’approcha de la porte, mais n’entra pas tout de suite. Elle jeta un coup d’œil vers le chien ténébreux, elle semblait sur le point de lui dire quelque chose, mais se ravisa. Elle préférait peut-être laisser les deux Pokémon s’expliquer entre eux. Démolosse attendit patiemment que l’entrée se fût refermée avant de s’adresser à Draco.

- Qu’est-ce que tu as fait ? grogna-t-il.

Draco ne répondit pas tout de suite. Péniblement, le jeune cabot s’avança et se planta devant lui, leurs museaux se touchaient presque. La tristesse se lisait dans les yeux de son « camarade », mais il n’en tint pas compte.

- Qu’est-ce que tu as fait ? cracha-t-il d’un ton venimeux.
- J’ai fait ce que j’avais à faire, répliqua-t-il en détournant le regard.
- Et ça valait la peine de détruire la relation de Clara et Élodie pour ça ? aboya-t-il. Tu es content, hein ? Tu as eu ce que tu voulais ?

Calmement, Draco lui répondit. Il semblait conscient que ce qu’il avait fait était mal, mais il s’expliqua :

- J’ai découvert l’identité du coupable. Je sais quelle méthode il a employée pour empoisonner Clara. Je sais également pour quelle raison il l’a fait, tout comme je sais ce qu’il cherchait samedi soir. J’ai compris ce qu’il cherchait à faire depuis le début. Je sais également de quelle manière il s’y prend pour approcher ses victimes. J’ai également découvert qui a tué tous les Pokémon dans la plaine, je sais également pourquoi il les a tués et pourquoi il a tué une Infirmière Joëlle.

Médusé, Démolosse se trouva incapable de répondre. Draco continua avec un calme parfait sa récitation :

- J’ai toutefois encore trois questions sans réponse. La première : comment le meurtrier a-t-il tué tous les Pokémon avec un arrêt cardiaque ? Pourquoi n’a-t-il pas employé cette même méthode pour tuer un Démolosse et un Métalosse ?
- Un… un Métalosse ? répéta le chien ténébreux.
- La deuxième, poursuivit Draco sans tenir compte de sa remarque, quel est le mobile du meurtrier ? Qu’est-ce qui le pousse à haïr Clara au point de vouloir lui faire du mal et de détruire son avenir ? Et enfin… troisième question : qui est le traître ? Je ne crois pas que le meurtrier ait agi seul, le coup semble beaucoup trop compliqué pour qu’il n’y ait eu un informateur à l’intérieur même de l’arène.

Il s’arrêta, essoufflé. Il s’apprêta à reprendre quand Démolosse, furieux, l’en empêcha :

- Tout ça pour ça hein ? Tu as fait ami-ami avec Élodie, manipulé ses sentiments, pour mieux la trahir pour obtenir tous ces renseignements ? Tu n’avais donc aucun moyen de les trouver autrement ?
- Je…
- Eh bien laisse-moi te dire une chose, coupa-t-il. Tu es fort, tu es intelligent, mais malgré toutes tes connaissances, tes coups-bas et tes coups tordus pour arriver à tes fins, il y a une chose que tu n’as pas appris.

Il planta ses yeux dans les siens et lui postillonna à la figure avant de murmurer d’un ton dédaigneux :

- Tu ne sais pas pour quoi tous ces Pokémon ont été tués et tu ne pourras jamais le savoir parce que ni Clara, ni Élodie ne sont rattachés de près ou de loin à ces meurtres.

Le Dragon se détourna, une larme coula sur sa joue. Démolosse se rendit alors compte qu’il voulait lui dire quelque chose, un élément encore plus concret, un élément qui pourrait peut-être tout changer. Mais il avait changé d’avis, jugeant probablement qu’il ne servait à rien d’essayer d’arranger les choses.

- Démolosse, ça… je le savais depuis le début.

Le chien ténébreux en resta sans voix. Il dut tendre l’oreille pour comprendre ce que chuchota faiblement le Dragon :

- Le sang.




*_*_*_*_*_*_*_*_*



La pièce était faiblement éclairée par une lampe suspendue au plafond. Mais des projecteurs de chantier se voyaient çà et là. Une personne, méconnaissable dans l’ombre, semblait attendre accoudée à l’un des spots. Alors que la grande porte du fond s’ouvrait, elle se releva pour accueillir le nouvel arrivant.

Je souris intérieurement en voyant la personne arriver. Je pensai d’abord qu’il s’agissait du garçon appelé Lucien, mais les longs cheveux et l’odeur qui se dégageait de lui me fit plutôt penser à une fille.

- Tout se passe comme prévu ? s’enquit l’inconnu.
- Oui, répondit simplement son interlocutrice.

Je sentis qu’elle était particulièrement agacée, mais je n’aurais su dire pour quelle raison.

- C’aurait été beaucoup plus facile si tu n’avais pas tué ce type ! ajouta-t-elle avec colère. Qu’est-ce qui t’as pris de faire ça ?
- Mes raisons ne te concernent pas. Tiens-t’en au plan.
- Tes plans tordus ne me facilitent pas la tâche. Tu as de la chance que je fasse mon travail jusqu’au bout, je n’aurais jamais pu l’empoisonner autrement.

Furieuse, elle ne put s’empêcher de l’accuser ouvertement :

- À cause de toi, Dragomir m’a découvert !
- Et alors ? répliqua-t-il. Moi, il ne sait pas qui je suis.

Il éclata de rire, un rire qui faisait perdre tous ses moyens à n’importe qui. Décontenancée, je vis la jeune fille reculer de quelques pas, elle semblait effrayée. Une pointe de fierté perça en moi, mon agent faisait du très bon boulot.

- Tu as découvert où il l’avait caché ? reprit-il.
- Je n’ai aucune certitude, mais il n’est pas dans la maison. Il doit l’avoir sur lui
- Sur lui ? répéta mon agent avec intérêt.
- Sa perle du cou peut s’ouvrir, répondit-il en haussant les épaules. Mais impossible de l’approcher.

Un silence pesant s’installa quelques minutes, je pris quelques instants pour réfléchir aux implications de cette nouvelle information. Mon agent reprit alors la parole.

- Très bien. Pour l’instant, nous n’allons plus intervenir…
- On attendra le moment propice…
- Pour les prendre par surprise.

Il sortit alors un dossier qu’il tendit à son interlocutrice. Celle-ci avança alors dans la lumière et je pus enfin la reconnaître. Il s’agissait de Clara…

« Non, attends. Élodie a pris sa place aujourd’hui. » me remémorai-je.

- Voici ta nouvelle cible, expliqua mon agent.

Élodie ouvrit le dossier et un sourire sadique s’afficha sur son visage.

- Très bien, patron.

J’avais été dubitatif au début sur son choix, mais je devais reconnaître que mon agent s’était entouré des meilleurs.




Perchée sur un arbre à la lisière du bois, Gardevoir observait l’Arène Ultime, le visage métamorphosé par la haine.

- Clara, crois-moi, tu ne l’emporteras pas au Paradis !



À SUIVRE