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Effacé de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 27/12/2018 à 16:58
» Dernière mise à jour le 04/04/2019 à 14:32

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 22 : Le début du voyage
« Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n'en lisent qu'une page. » Saint Augustin d'Hippone.


***


— Grocaillou et Piaf vont rester ici, signala Darren en vérifiant une nouvelle fois son sac.

Le gigalithe, à proximité, lâcha une espèce de grognement d’assentiment ; Boralf acquiesça avec ferveur :

— Je suppose qu’Ève veut emmener Petite Dent avec elle ? C’est son pokémon. Et de toute façon, il n’est pas assez docile pour monter la garde ou nous défendre.
— Je le pense aussi.

Darren soupira en relevant la tête vers la charrette. Frison, harnaché pour le départ, frappait des sabots, impatient de prendre la route. Le colossal pillard songeait qu’ils allaient sûrement manquer de discrétion. Mais ils ne pouvaient pas faire autrement que de compter sur le pokémon et ce moyen de transport, pour être revenu d’ici deux semaines. À pied, ils auraient été exténués et leur rythme n’aurait certainement jamais permis d’arriver au Vallon du Silence avant un mois.

— J’hésite à prendre Tauros aussi, finalement... Frison pourrait vite se fatiguer dans les plaines.
— Il est résistant, le rassura son bras droit. Et puis on a bien pris soin de l’alléger, cette charrette. Si tu avais vu les barrettes en acier qu’ils avaient ajouté pour soutenir ce vieux toit… un vrai travail d’amateurs, si tu veux mon avis. On a dû retirer près de cent kilos de ferraille, en plus de l’armature, donc ne t’en fais pour ce Frison. Il va tenir le coup, c’est un costaud. Faites juste des pauses en journée, et ça devrait le faire.

Darren hocha la tête positivement, mais garda son visage aussi lisse et inexpressif qu’un roc. Malgré tout, ce voyage ne le rassurait pas. Ils pourraient peut-être récupérer les souvenirs de Lyco, mais laisser ses compagnons deux semaines seuls ne l’enchantait pas, surtout en leur retirant des pokémons. Leur sécurité était plus importante que le reste.

Mais bon, Amelis y tenait, et il était vrai que s’ils retrouvaient le Lyco d’antan… peut-être qu’ils s’en sortiraient bien mieux, après tout. Et que cette idée de soulèvement contre Mervald, qui trottait dans la tête de la majorité des pillards et bandits sévissant dans les Forêts… et bien ce n’était pas une idée totalement folle.

Le règne de Mervald durait depuis des années. Il avait lancé la construction d’une ébauche de cité en plein désert, et créé une sorte de milice armée. « Pour faire régner l’ordre », c’était l’une de ses phrases préférées à l’époque. Darren s’en souvenait bien ; il vivait dans les collines rocheuses du sud quand tout cela avait commencé.

La vie était toujours aussi dure aujourd’hui. Certes, il n’y avait plus de Néméliens transmetteurs de virus, ni d’épidémie… mais la pauvreté, la faim, la soif et les pokémons sauvages, eux, étaient toujours là. Partout. Prêts à annihiler des groupes entiers de survivants.

Mervald avait peut-être réussi à faire régner un semblant d’ordre dans ce monde désolé et en ruines, mais avec lui, il avait apporté son lot de problèmes supplémentaires. Il menait d’étranges expériences liées au virus Némélia, mettait en place les cruels jeux de l’Arène, et laissait les gens des bidonvilles mourir à petit feu en se complaisant dans l’opulence.

Parfois, Darren se surprenait à rêver d’un monde meilleur. Mais bien vite, la réalité le rappelait à l’ordre implacable.

Un monde parfait, ça n’existait pas. Et n’existerait jamais.

Mais un monde meilleur… pourquoi pas ?



***


— Bon…

Lyco se tenait, gêné, face à Lacrya. La jeune fille, insensible à l’agitation qui régnait autour de la charrette et dans le camp des pillards, paraissait renfrognée, et soucieuse.

Le jeune homme, une épée au côté et un petit sac léger sur le dos, avait revêtu une cape de voyage et une nouvelle tenue, toute propre. Il était prêt pour le Vallon du Silence, et se sentait à la fois excité et effrayé à la perspective de cette longue excursion.

— Je vais y aller, s’excusa le garçon en faisant demi-tour.

Il se dirigeait vers la charrette où venait de grimper Darren. Ève et Bakrom discutaient encore avec d’autres pillards, mais il paraissait évident que l’heure du départ avait sonné. Lacrya hésita, puis lança :

— Fais attention à toi, Lyco.
— Oui, toi aussi, dit-il en se retournant brièvement.

Avec un petit sourire, il lui fit un signe de la main et se jucha à l’arrière de la charrette, lançant son sac sur ceux des autres. Frison meugla et la voix sèche de Darren claqua, rappelant à l’ordre Ève qui ne savait décidément pas s’arrêter de discuter avant le départ.

— C’est pour aujourd’hui ou pour demain ? s’énerva-t-il.
— J’arrive, j’arrive !

Lacrya se sentait assez anxieuse. Non seulement leur voyage n’était pas dénué de risque, mais surtout… elle avait peur pour Lyco. S’il retrouvait ses souvenirs, serait-il vraiment le même à son retour ? À quel point aurait-il changé ? La considérerait-il toujours comme… comme une amie, ou alors se tournerait-il plus vers les pillards avec qui il était étroitement lié, et l’abandonnant par la même occasion ?

Lacrya secoua la tête, chassant ses mauvaises pensées. Il fallait se concentrer sur le présent, et ne pas se laisser déconcentrer par l’avenir.

Ève monta enfin, suivie de Bakrom ; le jeune homme avait troqué ses habituels vêtements noirs contre une tenue plus légère aux teintes brunes, parfaite pour se fondre dans les décors du nord. Il ressemblait à un chasseur, habillé ainsi. Ce qu’il était, en quelque sorte.

Les pillards firent des signes de la main, lancèrent des encouragements, et Frison s’élança doucement vers la route ; la charrette quitta la plaine en brinquebalant et en soulevant un nuage de poussière, et disparut finalement entre les arbres. Lacrya, amère, ne bougea pas. Du coin de l’œil, elle surprit le visage inquiet et un peu pâle d’Amelis.

Elle comprit que ses pensées devaient être un peu similaires aux siennes.



***


Darren et Bakrom étaient assis sur la banquette avant, silencieux. Lyco devinait cependant qu’ils étaient aux aguets, prêts à réagir en cas d’embuscades, ou à scruter les arbres à la recherche d’un mouvement suspect. Installé à l’arrière, près de la pile de sacs, le jeune homme était pour le moment assez serein.

— Alors, Lyco, tu la sens bien, cette petite aventure ? souffla Ève.

Il ne savait jamais trop comment réagir avec Ève. Elle l’intriguait, l’agaçait parfois à trop parler ou se montrer envahissante, mais il devait bien avouer que son énergie était contagieuse.

— Oui, prêt.
— J’ai hâte de voir à quoi ressemble le Vallon du Silence ! lança-t-elle d’un air guilleret.
— Moi aussi. Je ne connais que l’Arène, le désert et la forêt, lui rappela-t-il en souriant.

Ève acquiesça vivement en s’adossant à la toile épaisse qui leur cachait le ciel et les bords latéraux de la charrette. Elle jeta un œil vers l’arrière, et son regard se perdit dans le sentier qu’ils empruntaient dans des sous-bois plongés dans la pénombre.

— On va passer par des petites routes, dit-elle d’un air pensif. C’est très aride, le nord. Pas aussi chaud et sableux que le Désert de la Désolation, heureusement, mais presque tout aussi… désert !
— On ne risque pas de tomber sur des soldats de Mervald ? Il y en a dans le coin, non ?

Ève secoua la tête et passa une main dans ses cheveux blonds :

— Non, il y a peu de chances. Les soldats patrouillent uniquement près des cités. C’est pour ça que les routes ne sont jamais sûres, personne ne les protège. Et on va prendre soin de bien contourner Psyhéxa. On risque de se faire attaquer, mais c’est pas pour rien que Darren a choisi de nous emmener, Bakrom et moi.

Lyco hocha la tête ; ça faisait pas mal de temps qu’il avait comprit qu’ils étaient tous les deux des combattants expérimentés, presque autant que Darren. Si ce dernier préférait les armes lourdes ou les masses, Ève avait l’air très tournée vers les dagues, couteaux et autres projectiles tranchants. Lyco l’avait déjà vu viser des cibles à plus de vingt mètres et s’entraîner avec détermination ; elle était rapide, très rapide. On sentait ses années d’expérience dans le domaine malgré sa jeunesse apparente.

Il avait cru entendre qu’elle avait été élevée par des bandits de renom avant de rejoindre le groupe, ce qui expliquait en partie son talent certain ; quand on combattait avec des armes blanches et que les ennemis avaient parfois des armes à feu, vestiges du passé, il fallait du courage et surtout un entraînement extrême pour parvenir à s’en sortir. Un couteau de lancer avait peut-être moins de portée et de puissance qu’une balle, mais s’il touchait sa cible au bon endroit… le combat était gagné très vite. Et aucune munition n’était gâchée : chaque couteau lancé était récupérable et réutilisable !

Bakrom aussi était un combattant aguerri, malgré son jeune âge. Contrairement à Lyco qui dépassait un peu la vingtaine, le garçon n’avait pas plus de dix-sept ans. Pas bien gros, on devinait tout de même des bras solides sous ses vêtements. Et il était respecté de tous malgré sa tendance à rester silencieux et dans son coin la plupart du temps. Il n’était pas timide, non, et pas ronchon comme Darren… il n’aimait juste pas se faire remarquer, apparemment. Du moins, Lyco n’avait pas trouvé d’autre explication.

Lorsqu’il l’avait entendu s’exprimer, c’était avec une voix posée, sans tremblements, sans tic de langage qui aurait pu le rendre honteux. Sans rien de particulier, finalement. Il était d’un naturel discret.

Il avait été sauvé par les pillards alors qu’il était condamné à terminer sa vie dans un trafic d’esclaves dans le nord du Désert. Et il avait été entraîné ensuite par un connaisseur des armes pour se faire une place dans le groupe de Darren ; mais Lyco ignorait qui était cet expert. Jamais aucun pillard ne s’était étendu sur le sujet.

— Ce voyage me plaît déjà ! s’exclama Ève. Ah, ce que ça fait du bien, de changer d’air, de temps en temps !
— Moins de bruit, derrière, râla Darren. Ouvrez l’œil, un peu. On n’est pas à l’abri d’une attaque surprise tant qu’on ne sera pas en terrain découvert.
— Mais j’ai trop hâte ! répliqua Ève.
— Oui, peut-être, mais attends qu’on sorte vivants de cette forêt avant de t’exciter, compris ?

Ève soupira mais ne répondit pas. Elle faisait tournoyer distraitement son couteau dans ses mains, et décida de jouer le jeu. Elle se tourna vers l’arrière de la charrette, vérifiant que personne ne les suivait ou ne les observait depuis les broussailles qui s’enracinaient sur les bords du chemin de terre.

Frison avança ainsi pendant une bonne heure, à un rythme assez soutenu ; les passagers étaient bien secoués, et silencieux. Sortir des Forêts de l’Est était la première étape du voyage, et quasiment la plus dangereuse. Ils avaient beau être partis au milieu de la matinée, ils risquaient fort d’avoir à dormir quelque part dans les bois, à moins que Darren ne se décide à avancer un peu de nuit pour se poster à la lisière nord.

Tendant une main vers son sac, Lyco en sortit un petit carnet jauni, aux bords racornis. Il était vieux, abimé, mais rempli d’informations utiles. Il avait été rédigé par une des femmes du groupe des pillards, l’une des seules à savoir lire et écrire convenablement. Elle lui en avait prêté un exemplaire avant le départ, jugeant qu’il était celui qui en avait le plus besoin.

Comme il n’avait pas eu le temps de beaucoup se consacrer à apprendre à lire, il avait de grosses lacunes, et ne savait pas tout déchiffrer ; à moins de prendre son temps pour comprendre les choses.

Posant le carnet sur ses genoux pour le moment, il reporta son attention vers les Forêts, prudent. Il aurait au moins quelque chose à faire lorsqu’ils s’arrêteraient pour faire le camp. Il avait envie d’en savoir plus sur le monde et les pokémons qui le peuplaient encore, et le carnet était truffé de ce genre de renseignements.

Lyco avait beau avoir entendu cette histoire de guerre de la bouche d’Amelis, il fallait bien avouer que c’était assez complexe à résumer clairement. Il avait envie d’en savoir toujours plus.

Tout ce qu’il avait appris au sujet des pokémons, c’était que les type Insectes étaient maîtres dans les bois, et qu’au-delà de leurs frontières, seuls certains genres de ces bestioles avaient survécu. Et d’autres mêmes avaient vu le jour malgré l’Épidémie.

Le carnet près de son épée, il affuta son regard pour scruter les racines ombragées des pins.



***


Karyl Braun se hissa à la seule force de ses bras au sommet d’une colline rocheuse.

La dernière colline rocheuse.

Les immenses Forêts de l’Est s’étendaient à perte de vue devant lui. Le bruissement des arbres et le lointain cri d’un scarhino parvînt à ses oreilles, colporté par le vent frais qui souffla au visage du nouvel agent de Mervald.

Une excitation nouvelle s’agita en lui. Il avait hâte de retrouver ces pillards, et de leur faire comprendre qui était le plus fort. Il avait encore en travers de la gorge les mots de Darren qui l’avait invité à quitter le groupe ; il repensait aussi à cette insolente Lacrya ; et à cet abruti d’Effacé aux facultés si étranges. Il était là pour l’assassiner, ce petit enfoiré.

Heureusement, son contrat ne l’empêchait pas de tuer ceux qui l’avaient abandonnés ou contrariés. Karyl s’en frottait déjà les mains de plaisir.

Après ces deux jours de marche dans les plaines arides, depuis Psyhéxa, il était aussi soulagé de découvrir un autre paysage, plus vivant et plus animé. Il devait y avoir beaucoup de vie entre ces arbres. Parfait pour tester encore un peu sa puissance avant les choses sérieuses.

Karyl Braun commença à descendre la colline sans se préoccuper des petites pierres qui dégringolaient à sa suite ; il n’était pas vraiment inquiet. Il avait éliminé un groupe de bandits et une meute de lougarocs, durant ces deux journées.

Les coups de feu avaient creusé des petites cicatrices sur son corps solide, les morsures animales avaient simplement déchirés ses vêtements sans lui faire le moindre dommage apparent. Et certaines de ses rares blessures disparaissaient, peu à peu ; la guérison ne s’activait pas seulement en cas de saignements. Même les impacts de balles se faisaient plus ténus.

Ce Némélia 3 qu’on lui avait inoculé était un vrai petit miracle. Il comprenait bien mieux l’engouement de Mervald à créer des Mutants sous ses ordres, désormais. Un seul d’entre eux pouvait faire la loi face à une dizaine d’hommes aguerris. Et Karyl savait bien qu’en ce monde, les hommes aguerris n’étaient plus légion.

L’agent de Mervald atteignit le pied de la colline et s’avança à grands pas vers la lisière des arbres. Une fine herbe rase essayait de s’extirper du sol sec à cet endroit, et Karyl remarqua que ce dernier devenait plus humide à mesure qu’il avançait. Il y avait peut-être une rivière dans les parages. Parfait pour se désaltérer. Il avait beau avoir des pouvoirs, manger et boire était encore un besoin vital pour lui.

Il disparut entre les arbres, un sourire carnassier flottant sur ses lèvres.



***


La charrette tressaillit violemment quand elle roula sur une aspérité de la route. Lyco heurta le rebord sur lequel il s’était assis avec violence et grogna de dépit. Les routes méritaient vraiment d’être rénovées. Si l’entièreté du voyage se déroulait de cette manière, nul doute que ça allait leur causer de belles douleurs un peu partout.

La nuit tombait, doucement mais sûrement. Ève avait sorti son medhyéna, Petite Dent. Le pokémon, installé sur les sacs à dos, était certainement plus à son aise que les passagers humains. Curieux, il reniflait le sac de provisions mais veillait à ne plus mordre dedans ; il avait déjà subi les grondements inquiétants de Darren et les ordres affolés de sa dresseuse.

Les jambes pendant dans le vide, Lyco était installé à l’arrière de la charrette, et contemplai la forêt qui défilait. Au cours de la journée, la végétation s’était faite moins dense, les cris des pokémons insectes plus rares. Les arbres, eux, étaient plus petits et moins touffus, et désormais il n’y avait guère plus de feuillus mais uniquement des conifères, parfois maladifs. La route aussi avait changé.

De chemin cahoteux, étroit et parfois boueux, c’était désormais une large sente sèche et craquelée. Ils approchaient d’une zone aride, tout semblait le leur crier haut et fort.

Ils avaient fait quelques pauses pour permettre à Frison de récupérer un peu, et aussi pour s’étirer après ces heures d’inactivité pourtant éreintantes. Lyco se rendit compte soudain que voyager n’était pas comme on se l’imaginait tout d’abord ; ce n’était pas un plaisant trajet plein de découvertes, de rebondissements, de lieux magiques. Non, rien de tout ça.

C’était un trajet long et pénible, monotone, et fatigant. Il s’ennuyait, à dire vrai. Ils n’avaient pas croisé âme qui vive, qu’il s’agisse de bandits, de voyageurs ou de pokémons sauvages. Et avec la nuit qui venait, ils ne risquaient plus grand-chose dans cette zone. Les pokémons nocturnes étaient rares par ici, et les attaques humaines de nuit étaient improbables.

Frison ralentit soudain l’allure ; Darren venait de tirer sur les rênes. Il jeta par-dessus son épaule :

— Nous allons quitter la route et nous installer quelque part dans le coin, à l’abri des arbres. On va faire le camp.
— Le soleil est à peine couché, se plaignit Ève. On pourrait aller plus loin.
— Pas la peine. On est déjà près de la lisière. Ce Frison avance vite. Il suffira d’à peine une heure demain pour trouver les plaines arides.
— Comme tu veux… se renfrogna la jeune femme.

La charrette s’engagea entre les arbres, assez espacés pour les laisser passer de front. Ils roulèrent lentement pendant deux ou trois minutes, avant que Darren n’arrête la charrette près d’un rocher recouvert de mousse.

— Ici, nous serons un peu protégés du vent, déclara-t-il.

Les passagers descendirent. Petite Dent, excité, s’empressa de renifler l’herbe sèche et les pins qui entouraient leur campement provisoire.

— Bakrom, aide-moi à ramasser du bois. On va faire un feu ici et fabriquer un réflecteur. Ève, occupe-toi de placer quelques collets aux alentours, histoire qu’on soit vraiment tranquille pour traverser les plaines, dans les prochains jours.
— Oui, chef ! lança Ève en se tenant bien droite, moqueuse.
— Lyco, tu peux détacher Frison et le laisser se reposer ? Il faudrait aussi quelqu’un pour sortir les couvertures. Par contre, on ne pourra pas tous dormir dans la charrette, ça paraît évident.
— Je m’en occupe, répondit le garçon.



***


Une rafale souffla brusquement, agitant les flammes près de Lyco. Le réflecteur, une simple palissade de fortune faite de branches attachées entre elles par des ficelles solides, permettait toutefois que le froid ne soit pas trop mordant. Toute la chaleur était dirigée sur son couchage et celui de Darren.

Bakrom et Ève avaient élu domicile dans la charrette, juste à côté. Adossé au rocher, et emmitouflé dans une grosse couverture en fourrure d’ursaring, Lyco montait la garde avec le colossal chef des pillards, dont le front plissé trahissait une certaine inquiétude. Il regardait attentivement la pénombre environnante et semblait tiquer au moindre bruit qui résonnait dans les bois.

Moins prudent, le jeune homme baissait parfois les yeux sur son carnet, essayant d’en déchiffrer le sens, qui lui échappait parfois totalement. Si seulement il avait prêté plus d’attention lors de ces brefs cours de lecture improvisés…

Frison s’agita un peu dans son sommeil, puis s’immobilisa de nouveau, sa respiration puissante résonnant de manière régulière. Attaché à un arbre, le pokémon était un excellent moyen pour eux de sentir également l’arrivée de prédateurs ou d’ennemis. Malgré son air indolent, Frison avait une ouïe particulièrement fine. Tout comme Petite Dent, qui était juché sur le siège avant de la charrette, l’air fier. Personne ne lui avait rien demandé, mais le medhyéna avait un sommeil entrecoupé ; il dormait par petites tranches de quelques minutes, comme la plupart des canidés. Dès lors qu’il avait les yeux ouverts, il imitait Darren et se mettait à monter la garde.

Peut-être considérait-il le colosse comme un chef de meute ? Ils communiquaient tous les deux par aboiements et grognements, après tout.

Lyco se pencha sur son carnet, qu’il tourna légèrement vers les flammes. Il avait mal aux yeux, à force de les plisser pour voir quelque chose dans l’obscurité. Sans compter qu’il lui fallait réfléchir à ce qu’il lisait, et associer les lettres à des sons…

Les espèces de pokémons. C’était à ce chapitre conséquent qu’il en était. Le seul Type de pokémon à être quasi-totalement décimé — dans les limites du monde connu actuellement — était le type Plante. Tous les autres possédaient encore quelques spécimens isolés, parfois très peu, ou parfois beaucoup, beaucoup trop. Les Type Insectes, notamment. Ils se multipliaient à une vitesse folle, mais heureusement, ils se cantonnaient principalement à des milieux séparés des humains. Les Forêts de l’Est étaient un des rares endroits où les deux groupes coexistaient.

Le Type Normal ne comportait que quelques rares espèces, généralement de gros bestiaux comme Frison, Tauros, ou même les ursidés qui pullulaient encore dans les bois. Lyco parvint à lire qu’il existait ce qu’on appelait des ronflex, bien que rares, et également des némélios. Ces derniers vivaient en meute et semblaient être de redoutables prédateurs. Ils habitaient en région chaude, et il était possible d’en croiser sur le trajet qu’ils allaient emprunter, dans les plaines arides entourant la région de Psyhéxa.

— Tu as déjà vu des Némélios ? chuchota le garçon.

Darren resta silencieux quelques secondes. Son interlocuteur crut que, plongé dans ses pensées ou trop concentré par sa surveillance nocturne, il ne l’avait pas entendu. Mais il répondit enfin, dans un souffle, après de longues secondes de silence :

— Oui, deux ou trois fois.
— Comment ça s’est passé ?
— Pour moi, très bien, mais ceux qui m’accompagnaient ne s’en sont pas tous sortis. C’était il y a longtemps.
— Je ne comprends pas ce qui est écrit, là. « Ils peuvent cracher des… » ?

Darren ne jeta qu’un bref coup d’œil au carnet puis reporta aussitôt son attention vers les bois.

— Des flammes, je suppose.

Lyco acquiesça, maudissant sa bêtise. Au moins, ce voyage long et pénible allait certainement lui permettre de lire et, peut-être, de s’améliorer. Ce n’était pas très utile, mais c’était plaisant, de découvrir des mots, des phrases entières, contenues dans quelque chose d’aussi petit qu’un carnet.

C’était comme un fruit rempli de connaissances et de savoir. La lecture lui plaisait bien. Il était vraiment dommage que le papier fût une denrée aussi rare que les armes.

Et encore plus dommage qu’une épée soit plus vitale qu’une plume.