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Effacé de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 10/01/2019 à 10:31
» Dernière mise à jour le 04/04/2019 à 14:32

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 23 : Prédateur
« Il est des douleurs si tenaces qu'elles ont l'air de défier le temps. » Anne Baratin.


***


— C’est vrai, ça ? s’étonna Lyco. Il n’y a plus de pokémon de type Psy, sauf ce Xatu ? Plus un seul autre ?
— À ce qu’il paraît, oui, répondit Ève, pensive. Mais tu sais, on n’a pas accès à la vérité universelle. On s’est contenté de se renseigner sur la région. Au-delà, les choses se passent peut-être différemment. J’ai entendu dire que le virus Némélia existait encore, ailleurs. Donc je suppose qu’on a une vie pas si horrible que ça.

Les premiers rayons de soleil commençaient à poindre au-delà des cimes. La forêt bruissait autour d’eux, s’éveillant enfin. La charrette avançait lentement ; ils allaient bientôt quitter les Forêts de l’Est.

Ève croqua dans une des pommes qu’elle avait trouvé près de leur campement la veille. Comme elle en avait cueilli une trentaine, il valait mieux les manger rapidement, et la jeune femme se goinfrait. Lorsqu’ils seraient dans les plaines, la chaleur rendrait vite les fruits flétris. Ils avaient de toute façon assez de viande séchée si le trajet se passait comme prévu.

— Bakrom, attrape ! s’écria Ève en lançant une pomme vers le garçon.

Celui-ci, pour une fois installé avec eux à l’arrière, tendit vivement le bras et saisit le fruit au vol, sans rien dire. Il mordit dedans du bout des dents, sans rien ajouter.

— Hé, Petite Dent, t’as fini de mordiller mon sac ? s’agaça la jeune femme. Y’a rien à manger dedans, pas touche !

Le pokémon obéit en aboyant vivement. Il semblait tout prendre comme un jeu et saisissait difficilement les reproches. Il se hissa sur Lyco, qui sourit et le caressa entre les oreilles. Le pokémon s’allongea presque sur lui, quémandant d’autres caresses.

— Il aime vraiment tout le monde, cet idiot de clébard, lâcha Ève. Face à un ennemi, je te parie qu’il se roule à ses pieds plutôt que de l’attaquer. La seule chose qu’il a le courage de pourchasser, ce sont les carabings ! Et encore, il faut le motiver !

Lyco rangea son carnet dans son propre sac et laissa le canidé se jucher près de Darren, à l’avant. Le colosse se retourna au même moment :

— Ça y est, on sort.

Lyco se redressa, curieux. Les arbres et les rochers s’étaient fait plus rares depuis un petit moment, mais en effet, il n’y en avait plus devant. Rien qu’une vaste terre aride, ponctuée de collines, de roches ocres et, parfois, de grandes herbes sèches ou de cactus fleuris.

Et, aussi loin que se portait le regard, rien. Aucune être humain, aucune habitation, aucune meute de némélios.

Rien d’autre qu’un vaste paysage sans fin.

Non, il y avait bien une chose ; une route, un peu plus claire que le reste. Elle semblait avoir été faite autrefois de pierre, et même si elle avait bruni et pris la teinte ocre qui semblait majoritaire dans la zone, elle se détachait un peu du reste et filait droit vers le nord, serpentant à peine.

— C’est la route que nous devons suivre, déclara Ève en surprenant le regard du jeune homme. Et tu vois, loin à droite, là-bas ? Il y en a une autre. Elle est plus visible, car entretenue par les soldats de Mervald. Elle mène à Psyhéxa.
— C’est loin, Psyhéxa ?
— Deux jours de marche. Un peu moins avec un bestiau pareil, ajouta-t-elle en pointant du doigt l’infatigable frison. Mais malgré ça, il va nous falloir cinq jours pour attendre le Vallon du Silence, et deux de plus pour rejoindre le plateau où se trouvent l’ermite et son Xatu. S’ils n’ont pas changé d’emplacement depuis la dernière fois.

Lyco cerna l’inquiétude dans son ton.

— Il y a des risques ?
— Oui. Évidemment. Ils sont même peut-être morts, depuis le temps… mais ne fais pas cette tête. Même si l’ermite est mort, son Xatu doit encore vivre là-bas, dans les environs. Peut-être même avec les vagabonds du Vallon. Ces bêbêtes ont une grande longévité, tu sais. Et elles savent bien se défendre.
— Même si ça ne les a pas empêchés de disparaître.

Ève sourit.

— Tu marques un point. Mais bon, de toute façon, d’après nos dernières infos, ce vieux devrait toujours être là-bas. On n’aurait pas entrepris ce voyage sans en être à peu près sûr…

Lyco hocha la tête, un peu nerveux. S’ils faisaient tout ça pour rien… alors il n’aurait plus les moyens de retrouver ses souvenirs. Cette simple idée l’angoissa plus qu’il ne l’aurait cru possible.



***


Le vent et la poussière.

C’était devenu l’une de leurs seules et uniques pensées.

Les plaines étaient sans cesse balayées par des bourrasques qui sifflaient de manière insidieuse et continue, sans la moindre pause. La nature, infatigable, semblait avoir décidée de les exténuer, de les faire taire.

Car il fallait bien l’avouer : depuis qu’ils avaient quitté les Forêts de l’Est, au matin, le vent n’avait pas faibli, et les voyageurs avaient à peine échangé quelques mots. Le vent était agaçant. Il était bruyant, tenace, perfide, et insinuait du sable fin jusque dans leurs vêtements. Ils avaient beau être hors du Désert de la Désolation, Lyco sentait tout de même sa présence écrasante, pas si lointaine que ça. Il était quelque part à l’ouest, et le climat était presque le même de ce côté.

Plus doux, peut-être, et certainement moins ardent, mais tout aussi déprimant.

Frison continuait d’avancer en suivant cette sorte de route presque invisible. Au moins, le terrain était plat et il ne peinait pas trop. Mais il arrivait que la charrette tressaute lorsque ses roues s’engageaient au-dessus d’une craquelure plus large que les autres.

Darren avait bien fait de leur faire remplir plusieurs gourdes d’eau avant de quitter les bois ; vu le paysage, il paraissait évident qu’aucune rivière ne coulait dans la région. Peut-être y avait-il de petites sources d’eau parmi les quelques collines qui venaient parfois rompre la monotonie de la vallée ? Il y avait parfois de maigres traces de végétation, donc c’était plausible.

Comme ils auraient pu apercevoir une meute ou un groupe armé à des kilomètres de distance, Lyco était régulièrement plongé dans la lecture de son petit carnet. Il avait rabattu une couverture au-dessus de sa tête, pour étouffer le bruit du vent et empêcher le sable de s’engouffrer partout. Malgré la toile qui les abritait du ciel, les bourrasques charriaient à l’intérieur des volutes insupportables.

Tenant son carnet légèrement en dehors de cet abri de fortune pour que le soleil en éclaire les pages, il devait toutefois arrêter régulièrement sa lecture.
Encore une fois, il dut l’agiter devant lui après qu’une brise l’air recouvert d’une fine couche de sable ; ça ne l’aidait pas à se concentrer. Les chapitres n’étaient pas très longs, mais il lisait lentement, et il avait peu avancé.

En ce début d’après-midi, il avait tout de même réussi à lire ceux qui évoquaient les pokémons de type Combat et Glace ; l’un comme l’autre étaient aujourd’hui des types méconnus. On disait que des pokémons Glace vivaient encore quelque part, loin au nord, et que des polagriffes s’aventuraient parfois dans le pays, à la recherche de nourriture. C’était sûrement pour cette raison que l’Arène de Mervald en avait accueilli un couple, lorsqu’il y était encore.

Les types Combat étaient rares, et certaines espèces avaient disparus. Visiblement, il y avait peu de données sur eux dans le carnet. Il était effrayant de se dire que le climat, la guerre et l’Épidémie avaient pu causer tant de disparitions, et faire éteindre tant d’espèces.

Refermant le carnet en soupirant, Lyco releva la tête vers Ève ; emmitouflée dans ses propres couvertures, elle dormait près du monticule de sacs et de gourdes. Elle profitait du voyage pour se reposer un peu, et c’était normal. C’étaient bien elle et Bakrom qui avaient passé la deuxième moitié de la nuit à monter la garde dans la forêt.

Darren pilotait la charrette, comme toujours, avec sa grosse cape de voyage. Son capuchon était rabattu sur sa tête, lui donnant un air encore plus fourbu et renfrogné que d’habitude. Bakrom tenait à la main la pokéball de Petite Dent, et plissait les yeux pour observer le paysage à l’arrière de la charrette. Il ne semblait pas spécialement vigilant, pour une fois, juste pensif. Lyco fut presque tenté de lancer une conversation.

Mais le vent siffla et apporta un nuage de sable avec lui. Le garçon se cacha de nouveau sous son abri de fourrure, impatient d’arriver dans un endroit plus tranquille.



***


Lacrya empila la dernière bûche sur le tas de bois près des écuries. Elle passa une main sur son front moite et se permit de relâcher ses muscles noués par l’effort.

Même s’ils n’étaient que quatre à être partis pour le Vallon, la différence se ressentait dans le groupe, surtout au niveau des tâches ménagères ! Ils n’étaient partis qu’hier, mais elle avait déjà dû prendre un tour de garde au petit matin, et s’était occupée de l’habituelle et quotidienne activité de Darren, qui allait dans une clairière voisine pour y couper et ramasser du bois. En un sens, cela faisait du bien, de bouger un peu. Ses bras forcissaient un peu. La jeune femme était presque certaine qu’elle avait retrouvé son physique d’antan ; celui qu’elle avait avant de maigrir dans les geôles de l’Arène.

Lacrya retourna au foyer pour se reposer un peu auprès du feu. Elle savait qu’elle n’aurait pas le loisir de s’arrêter avant le soir. D’autres heures de garde l’attendaient. Celles de Boralf.

Si ce dernier était plus colérique que Darren, Lacrya devait bien avouer qu’il tenait à cœur son rôle de chef en l’absence du colosse. Il avait délaissé son rôle de sentinelle pour aller négocier des meubles faits main contre des vivres, chez un groupe de survivants qui vivait non loin d’eux dans la forêt.

Lacrya fit un signe de la main à un homme qui réparait la clôture entourant la propriété ; il s’acharnait dessus depuis plusieurs heures. Un Pokémon avait tenté de foncer à travers les barbelés et les tôles, vers midi ; il avait été repoussé par l’intervention des sentinelles mais avait réussi à bien abimer leurs maigres protections. On supposait qu’il s’agissait d’un scobolide, vu la puissance de l’impact et l’apparence écrasée de certaines plaques métalliques.

La jeune fille allait rentrer dans le foyer quand un bruit de sabots retentit entre les arbres. Elle pivota, pour voir soudain arriver Boralf, monté sur Bourrinos. Tauros, qui les suivait en traînant derrière lui un chariot bancal, entra à son tour dans la clairière. Visiblement, l’échange avait porté ses fruits. Le bruit attira des pillards, qui s’empressèrent de poser leurs questions.

— Ça s’est bien passé ? demanda un homme. Qu’est-ce qu’on a eu ?
— Quelques chaises, sculptées par un des menuisiers, répondit Boralf en mettant pied à terre. Et vous savez quoi ? Il y a même ce qu’ils ont appelé un canapé. En pièces montées, et avec des sortes de coussins rembourrés en laine de wattouat.

Des voix excitées retentirent, et certains commencèrent à décharger le chariot, avec empressement. Lacrya espéra secrètement que Boralf allait lui dire de prendre une pause, qu’il allait se charger de les faire. Mais à ce moment, quelque chose d’inhabituel provoqua un cri d’alerte d’une sentinelle.

Tout le monde pivota vers l’entrée de la clairière.

La sentinelle, le ventre transpercé par un bras humain, saignait abondamment. Son corps fut repoussé sur le côté et tomba dans l’herbe, inerte et sanguinolent.

Un homme se tenait là, le bras recouvert du sang de sa victime.

Lacrya sentit une bouffée de colère et de peur lui bloquer la respiration.

Karyl.



***


La charrette s’arrêta à l’abri d’une grotte creusée au pied d’une colline. Frison fut prestement détaché et se jeta presque littéralement sur les herbes sèches qui étaient balayées par le vent, à quelques mètres de là. Petite Dent lui cherchait des noises en sautillant autour de lui et en lui mordillant les pattes. Le bovin l’ignorait totalement, accaparé par la nourriture.

Darren l’observa un moment et se retourna :

— Laissons-le se reposer un moment. La chaleur l’épuise.
— C’est bête qu’il ait autant de fourrure autour du crâne, se moqua Ève. Ça lui tient trop chaud.
— On aurait dû prendre Tauros, grommela Darren en se maudissant en silence.

Lyco laissa son carnet sur la charrette et descendit à terre en laissant sa couverture derrière lui. Ici, il y avait moins de vent. La colline les protégeait un peu des bourrasques et le sable restait à sa place au fond des fissures du sol crevassé. Il n’y avait plus besoin de plisser inutilement les yeux.

— Hé, Lyco ! lança Ève avec entrain. Un peu d’exercice, ça te dit ? Un petit combat à mains nus ?

Le garçon, surpris, n’hésita pourtant qu’une poignée de secondes avant de lui répondre.

— Oui, pourquoi pas.

Ève laissa son couteau entre les mains de Darren, qui leva les yeux au ciel, dépité. Bakrom se hissa sur le siège de la charrette pour observer le combat sans rien dire.

Lyco et Ève se placèrent l’un en face de l’autre. Le garçon demanda :

— Il y a des règles ?
— Voyons voir, quelque chose de simple… songea Ève. Mettre l’autre à terre ?

Darren, agacé, marmonna quelque chose dans sa barbe et ajouta, plus fort :

— Interdiction de frapper au visage et en-dessous de la ceinture, c’est clair ? Vous aurez besoin de toutes vos facultés si on tombe sur des ennemis.

Le colosse soupira alors que les deux combattants acquiesçaient énergiquement.

— C’est parti ! s’écria Ève.

Aussitôt, la jeune femme s’élança, aussi vive qu’à son habitude. Lyco sentit quelque chose battre en lui, et cela lui rappela brièvement les combats d’Arène. Quelle que soit cette puissance, ou cette sensation étrange qui le prenait à chaque combat, il savait qu’elle venait de son inaccessible passé. Il était rassuré de voir qu’il pouvait encore compter sur elle.

Même si elle ne fut pas suffisante pour lui permettre d’esquiver le premier coup.

Le poing d’Ève le frappa au torse ; elle avait visé le côté droit, plus bas que l’aisselle. Une zone sensible. Si Lyco n’avait pas bougé un minimum, il aurait déjà facilement été mis à terre.

Se concentrant, il pivota et passa tout son poids sur son pieds gauche, avant d’attaquer à son tour. Ève évita son attaque d’un simple pas en arrière et d’une torsion des hanches. Lyco bloqua son poing avec ses mains, mais un autre coup l’atteignit au ventre. Il se pencha en avant, et Ève le saisit aux épaules avant de le rejeter en arrière. Perdant l’équilibre, Lyco retomba dans la poussière, surpris.

— Je t’ai eu ! se vanta Ève avec un grand sourire.

Ils réitèrent plusieurs duels ; Darren s’était déjà lassé de les regarder et surveillait Petite Dent, qui avait une fâcheuse tendance à toujours vouloir s’éloigner seul. Bakrom, lui, ne quittait pas les combats des yeux. Ève les gagnait tous sans trop d’efforts ; Lyco n’était pas mauvais, non, mais il manquait certainement d’entraînement, et certains de ses gestes tenaient plus de la pulsion imprévisible que d’une attaque réfléchie.

Pas comme autrefois.



***


— Karyl, qu’est-ce que tu fais là ? s’exclama Lacrya, alarmée.

Les pillards, armés, avaient dégainés leurs épées ou leurs couteaux. L’un d’eux avait un pistolet à six coups. Boralf fronça ses épais sourcils :

— Quoi, c’est ce connard de prisonnier qui a fui avec nous dans le Désert ? Comment a-t-il pu tuer Poeba sans armes…
— Lui-même, dit Karyl en lâchant un rire amusé. Pour vous servir.

Il ponctua sa phrase d’une courbette pleine de moquerie, et ajouta :

— Maintenant, je suis Karyl Braun, au service du gouverneur. Je viens tuer ce cher petit con d’Effacé, où est-il ? Il se cache derrière l’un de vous ?
— Tire ! lança Boralf en ignorant les dires de l’ex-prisonnier.

L’homme au pistolet visa soigneusement et fit feu une fois. Karyl essaya d’éviter mais la balle le toucha en pleine poitrine. Déséquilibré, il fit quelques pas en arrière en titubant, puis se redressa. Il esquissa un sourire. La balle retomba à ses pieds, dans l’herbe, et il retint un rire moqueur.

— C’est assez violent, dites-moi, gronda-t-il. Ça va encore me laisser une cicatrice qui va mettre des jours à disparaître.

Si tout le monde fut trop abasourdi pour répliquer, celui qui tenait le pistolet tira de nouveau. Karyl, anormalement vif, plongea sur le côté. Les deux balles passèrent au-dessus de lui. Boralf lança :

— Vous trois, allez chercher des armes ! Grocaillou, tue ce gars tout de suite, utilise toute ta puissance !

Boralf n’avait aucune idée de ce qui se passait, mais une chose était sûre. Si ce Karyl était au service du gouverneur Mervald, il fallait le tuer. Le fait qu’il se soit pris une balle signifiait qu’il avait peut-être un gilet en kevlar sous sa tenue de voyage ; Grocaillou arriverait à faire fi de cette protection et à l’éliminer.

Le pistolet fut vite vidé de ses balles ; Karyl avait été touché une deuxième fois. À la jambe.

Il se redressa de nouveau, et, encore une fois, sourit. Aucune blessure n’était visible.

Les gilets pare-balles ne protégeaient pas les jambes. Ce qui se produisait était clairement contre-nature. Lacrya attrapa l’épée courte que lui lança un des pillards partis chercher les armes, entreposées tout près d’eux sous le hangar. Karyl fondit soudain sur l’un des hommes.

À une vitesse impossible.

La tête du pillard tomba, arrachée violemment par les mains surpuissantes d’un Karyl rayonnant :

— J’aime bien voir vos visages déformés, comme ça ! Qu’est-ce que ça fait d’être impuissant ?

Grocaillou, le gigalithe, projeta des pierres dans la direction de Karyl. Celui-ci les évita et saisit le pokémon entre ses mains ; au moment-même où un couteau de jet eut la prétention de vouloir se planter dans son dos. La lame rebondit sur lui comme elle aurait rebondi sur de la roche.

— Vous êtes marrants ! lança Karyl en soulevant le gigalithe.

Le pokémon lâcha un grognement rauque. Karyl le projeta droit vers Lacrya à la seule force de ses bras.

Une masse de près de trois cents kilos fonça sur elle. Lacrya avait l’impression de vivre un cauchemar atrocement réel. Elle plongea sur le côté et sentit le pokémon Roche frôler son dos. Une secousse violente ébranla le sol quand Grocaillou retomba.

Lacrya releva la tête.

Karyl para une épée avec une main. La lame fit des étincelles à son contact, mais aucune blessure n’apparut sur la peau de l’ancien prisonnier. La jeune fille eut comme une révélation.

Ce n’était plus le Karyl qu’elle connaissait. Il obéissait à Mervald, désormais. Et il possédait d’étranges facultés.

Pas de doute.

Karyl était devenu un Mutant.



***


Lyco plissa les yeux en obstruant le soleil de sa main droite. Il suivait du regard la silhouette acérée qui planait dans le ciel, à une hauteur vertigineuse. L’ombre ailée lâcha un cri rauque mais puissant, qui résonna jusqu’à la charrette.

— Qu’est-ce que c’est ?

Ève se chargeait de piloter, pour une fois, et Darren ne quittait pas des yeux le pokémon qui planait au loin :

— Un airmure. Ce genre de bête est rare, et dangereuse. Il n’y a plus beaucoup de pokémons oiseaux. Il ne connaît pas de prédateur. Nous serions incapables de le tuer, à cause de son armure.
— Il pourrait s’en prendre à nous ?
— Non. Il s’attaque rarement à des groupes. Il privilégie les proies solitaires ou les proies de petite taille. Parfois les charognes.

Lyco aurait aimé écrire ces informations dans son carnet, car il avait beau avoir lu un chapitre consacré aux type Vol, il était certain qu’airmure n’avait eu droit qu’à un bref paragraphe. Mais il n’avait pas de quoi écrire. De toute façon, le carnet n’était là que pour donner des informations globales, pas pour s’attarder sur chaque détail de chaque espèce. Le papier était trop rare pour ça.

La charrette contourna un creux au pas. Ève lança une directive à Frison, qui accéléra un peu. Un coup de vent souleva une chape de poussière qui emplit leur champ de vision pendant quelques longues secondes.

— Si nous avions pris la route principale, lâcha Darren, nous devrions déjà être arrivé à Psyhéxa.
— Tu vois cette petite montagne, à l’est ? renchérit Ève. On peut normalement la voir depuis la cité.

Lyco acquiesça, curieux.

— Donc, si on s’en tient à nos plans initiaux, nous sommes dans les temps ?
— Oui, répondit Darren. C’est une bonne nouvelle. Nous n’avons pas encore rencontré de problème... c’est presque louche. D’habitude, ces plaines grouillent de petits herbivores et de meutes en chasse.

Soudain, une voix s’éleva non loin de Lyco et le fit sursauter.

C’était Bakrom.

— Tu n’as pas remarqué, Darren ? la région est plus sèche qu’il y a deux ans. Nous aurions déjà dû avoir traversé deux ou trois rivières, et nous n’avons trouvé que des sources asséchées.
— Oui. Le climat est plus sec, aussi. Et les plantes sont plus rares. J’espère que le Vallon n’a pas trop changé…

Lyco suivit la conversation avec intérêt. Il nota dans un coin de sa tête que Bakrom et Darren étaient déjà venus dans ces plaines deux ans auparavant. Ils avaient beau avoir un repaire aujourd’hui, ils avaient apparemment beaucoup voyagé par le passé.

Le jeune homme lâcha un soupir quand une autre bourrasque leur envoya littéralement une pelletée de sable. Il fallait voir ça du bon côté des choses : si tout allait comme prévu, ils seraient au Vallon du Silence dans trois jours. Il avait hâte de s’éloigner de cette poussière et de ce vent agaçant.

Plus que cinq jours avant une potentielle rencontre avec l’ermite et son Xatu.

Lyco croisait les doigts. Ses souvenirs n’avaient jamais été aussi proches de lui.