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GREAT WARS T.1 : All men dream, but not equally de Eliii



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» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 25/10/2017 à 15:24
» Dernière mise à jour le 25/10/2017 à 15:24

» Mots-clés :   Action   Alola   Guerre   Mythologie   Présence d'armes

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19- Bienvenue en enfer
« Que Dieu ait pitié de mes ennemis, parce que moi pas. »
— George S. Patton (1885 - 1945) —


* * *


On dirait une bouche béante prête à engloutir n'importe quoi — ou n'importe qui. Informe, l'entrée noire et obscure ferait vaciller même la volonté du général Jackson. Qui sait ce qui se cache vraiment à l'intérieur ?

Une bête légendaire, a priori, c'est ce qu'on leur a dit et c'est ce qu'ils espèrent au fond, parce que sinon ça veut dire qu'ils rentreront bredouilles. Le grand chef n'aimera pas ça, et il leur passera un savon comme il sait les faire, puis retour à la case départ.

L'équipe a tout intérêt à ce qu'il y ait vraiment ce Tokotoro là-dedans.

Debout face à ce trou noir qui marquera peut-être une victoire importante pour Unys, le lieutenant Weigall reste à l'affût, ses pokémons à côté de lui. Vicky est toujours aussi alerte, et Bernard, malgré son indolence, garde l'œil vif.

Pourtant, le dresseur ne se sent pas en sécurité, là dans le noir, à surveiller cette drôle de porte qui ne lui inspire rien d'autre qu'une envie irrépressible de s'en approcher. Les mystères que ces ruines recèlent, il aimerait bien pouvoir les toucher du doigt.

Comprendre l'évolution de la civilisation alolaise était, au début, la raison principale de sa venue sur ces terres hostiles aux étrangers. On lui a accordé ce droit sous réserve de son engagement dans l'armée, et maintenant le voilà à faire la guerre plutôt que de mettre au jour des trésors antiques.

Parfois il se dit que le destin a quelque chose de trop ironique ; c'est qu'il doit être réel, alors. En tout cas, l'atmosphère autour se fait de plus en plus oppressante à mesure qu'il garde les yeux rivés sur la cavité. Un frisson court le long de son dos.

« C'est qu'il commence à faire vraiment froid... »

C'est bien la première fois qu'il prête attention à la température pendant l'un de ses tours de garde. D'habitude il se contente de garder une vue d'ensemble, de rester silencieux et imperméable à toute distraction.

Il se souvient de ce qu'il a éprouvé plus tôt ; il a peur de la mort.

Peut-être que c'est cette crainte nouvelle de l'inconnu et de l'inévitable qui le préoccupe tant que ça, et qui l'empêche de se focaliser sur sa tâche. De toute façon, combien de temps ça fait maintenant ? Pas loin de deux heures, on l'enverra se coucher dans pas longtemps et il se sentira un peu mieux...

Soudain Bernard remue, bouge les pattes, et se relève tant bien que mal. Les prunelles émeraude du jeune homme s'agitent à droite et à gauche, en haut et en bas. Rien du tout. Pourtant il n'est pas tranquille, et il sent une goutte de sueur couler le long de son visage.

Y a bien quelque chose, il n'est pas encore fou... Puis il reconnaît un son, il tend l'oreille. Oui, c'est familier. Juste le bruit qu'il entend tous les jours, à longueur de temps. Il se calme. Ce ne sont que des bottes dans le sable, c'est sûrement la relève.

Parfois le désert, ça met les nerfs à fleur de peau inutilement. Weigall respire un grand coup, et se détend pour regarder arriver la silhouette un peu floue. Là comme ça, difficile de dire qui c'est... Puis apparaît le bout rougeoyant d'une cigarette et quelques volutes de fumée disparates.

Le général, sûrement. C'est en tout cas bien lui qui vient le saluer une minute plus tard, un demi-sourire au coin de la bouche, pokéball à la main.

Comme toujours il a l'œil alerte, et fronce les sourcils en voyant la mine du plus jeune ; traits tirés, cernes bien visibles et surtout, le regard beaucoup plus fuyant que d'habitude. Les émeraudes remuent sans savoir où se poser.

« Hé, petit, vous vous sentez bien ? »

La voix grave résonne un moment dans le vide ambiant, et l'écho finit par s'estomper. Le blondinet ne réagit pas ; il est revenu à sa contemplation de la porte. Macarthur suit son regard, intrigué.

« On s'en rend pas toujours compte à la lumière du jour... Mais ça fait plutôt peur, cet endroit. On dirait la bouche d'un monstre. Ou l'entrée des enfers. »

Il a l'impression que ses mots se perdent dans le lointain, mais l'autre écoute ; il esquisse même un sourire, parce qu'il a pensé à la même chose. Peut-être que c'est pareil pour tous ceux qui posent le regard sur cet antre.

Un crépitement indique à Weigall, sans qu'il ait besoin de regarder, que le général a tiré une bouffée de fumée. En y pensant, il fait ça à longueur de journée. Drôle de rituel.

Y a peut-être un sens à ça, peut-être pas. Il en sait rien, et il ne sait même pas pourquoi il y accorde de l'attention, là maintenant. Il ferait mieux d'aller se coucher, sûrement. C'est pour ça que le supérieur est là, non ?

Autant le lui demander.

« Mon tour de garde est fini, mon général ? »

Le grand brun sursaute légèrement, comme s'il ne s'attendait pas à l'entendre parler. C'est sûrement le cas. Puis il hoche la tête doucement.

« Dans dix minutes, petit. Je voulais juste, euh, régler un petit quelque chose avec vous avant ça. »

Il a l'air embarrassé, et se gratte la nuque du bout des doigts. Weigall aussi fait ça souvent.

« Sauf si vous êtes trop fatigué pour ça maintenant, bien sûr...
— Ça va. »

Le jeune homme baisse la tête, mais sourit, comme s'il pensait à quelque chose de plaisant et de déplaisant à la fois. C'est un peu ça, ce trou noir qui n'attend que lui ; un lieu extraordinaire qu'il n'a le droit d'explorer que pour commettre des horreurs.

« Curieusement, je crois que j'aurai du mal à m'endormir de toute façon. »

Un silence précaire suit cette déclaration, et il ne reste que le son faible et lointain du sable qui remue sous les effets de la brise. Macarthur jette le mégot d'un geste désinvolte, et la petite source de lumière disparaît.

Maintenant il n'y a que le croissant de lune qui éclaire à peine les dunes.

« Vous êtes sûr de vous, pour l'exploration des ruines ? reprend finalement le général, impassible. Y aller avec la moitié des effectifs... Et si ça tourne mal ? »

Le blondinet paraît méditer là-dessus ; au moins, il ne regarde plus l'entrée sombre, maintenant, c'est déjà un pas en avant. Ses prunelles vertes semblent revenues à la réalité. Vicky, les oreilles dressées, a presque l'air curieuse d'entendre la réponse.

« Alors vous direz aux grands pontes de l'état-major que je suis un très mauvais soldat, mon général. »

L'autre va pour répliquer, comprenant le sous-entendu à peine voilé dans la phrase, mais il est pris de vitesse.

« Ça me paraît évident, vous allez rester à l'extérieur, parce qu'en tant que chef d'équipe il faut bien assurer votre survie. Ne contestez pas, s'il vous plaît, ce serait vous mettre en danger. »

Un bref regard, furtif, en direction des ruines, puis retour à l'interlocuteur. Sourire indulgent, qui a quelque chose de triste.

« Hé, il faut bien un général pour récolter la gloire, non ? »


* * *

Dès les premières heures du matin, la lumière du jour éclaire presque solennellement le petit groupe — cinq personnes en tout — qui s'éloigne du campement. Armés de leurs pokéballs et d'un paquetage assez léger mais nécessaire à leur survie, ils deviennent de plus en plus petits à mesure qu'ils avancent.

Marchant à un rythme tranquille et régulier, les silhouettes font presque figure de cortège funèbre, comme ça. Et c'est peut-être le cas ; qui sait si elles ne marchent pas vers la mort ?

C'est ce que se dit le général Macarthur en les voyant se faire engloutir par la grande gueule noire béante qui sert d'entrée à des lieux maintenant désolés. Au fond, il espère vraiment que cette créature y est, même s'il ne croit pas fermement aux légendes régionales.

Aux légendes tout court, d'ailleurs.

C'est vrai, pourquoi fonder une guerre sur une hypothétique créature du folklore, quand on peut simplement rameuter des renforts et faire venir plus d'armes ? A moins que le ministère soit sur la paille à ce point, mais on ne lui a rien dit.

C'est bien de Jackson, ça, de ne pas donner le pourquoi du comment.

« J'espère au moins qu'elle existe, sa bestiole », songe le général, amer.

Tout ce qu'il peut faire maintenant, de toute façon, c'est attendre. Attendre et espérer. Que tout se passe bien, que la créature soit là, qu'elle ne pose pas problème et qu'elle soit vraiment la clef de tout.

Il boit une gorgée d'eau, remarque que sa gourde est presque vide, et lâche un soupir contrit avant de se laisser tomber contre un rocher. Ses jambes ne l'auraient plus porté très longtemps, avec pareil état d'esprit.

Vaut mieux se laisser aller, parfois, et faire confiance aux autres.

« A vous regarder, on dirait que vos collègues sont déjà morts. »

Le général manque de sursauter en entendant la voix devenue depuis peu familière. Debout juste derrière lui, elle le regarde d'en haut, ses mèches noires retombant sur son visage de façon désordonnée.

Son expression est détendue, mais ses yeux reflètent toujours sa méfiance naturelle. Sûrement à juste titre, face à l'ennemi.

« Vous m'avez fait peur... qu'il soupire, en passant une main lasse sur son front.
— Peur, moi ? »

Elle laisse échapper un drôle de ricanement, sincère mais teinté d'un fond de mépris. Difficile de la blâmer pour ça.

« Et pourtant, c'est pas vous qui avez les pieds et les poings retenus par des cordes... Vous savez pas à quel point c'est compliqué de marcher, comme ça... »

Puis elle soupire, et se laisse tomber à côté de lui, en prenant soin de laisser un bon mètre de distance. Il la dévisage un moment, ses yeux bleus plus sévères que d'habitude, et ses joues plus creusées que lorsqu'il était encore au Hano-Hano.

Il hoche la tête calmement, et étend un peu plus ses jambes dans le sable, la couleur de l'uniforme se fondant presque avec celle de l'environnement. Sous le soleil, les bottes brunes brillent d'un éclat lumineux.

« Ça, je vous l'accorde, ça doit pas être facile. Tenez, donnez-moi vos mains. »

Suspicieuse, elle reste sur la défensive, et ne s'exécute pas ; ses yeux plissés sont suffisamment éloquents quant à ce qu'elle pense.

Le général lève les yeux au ciel.

« Oh, allez quoi, si je voulais vous faire du mal ce serait déjà fait. »

Pour illustrer son propos, il tire de sa poche un petit canif, à la lame courte mais effilée ; les rayons solaires se reflètent dessus et lui donnent l'air aveuglant.

De mauvaise grâce, elle tend ses mains, et en peu de temps le morceau de corde qui enserre ses poignets se rompt. Elle daigne lui offrir un sourire en sentant ses mains libres de tout mouvement.

« Merci, c'est toujours ça de pris... Dites, vous avez pas peur que j'essaie de me détacher les pieds avec les mains ? »

Macarthur hausse les épaules, comme si la réponse coulait de source ; c'est plus ou moins le cas, d'ailleurs.

« Avec l'épaisseur de cette corde, vous aurez du mal... Et j'aurais le temps de vous lier les mains une deuxième fois avant que vous arriviez à faire bouger ça.
— C'est pas faux... N'empêche, tout ça c'est bizarre, non ? »

Le militaire ne sait pas à quoi elle fait référence, exactement, mais il ressent la même chose. C'est bizarre, le désert, et puis cet objectif de mission singulier... Cette opération de récupération qui s'est passée sans accroc...

Tout se déroule presque trop bien, et c'est un peu ça qui lui fait peur. Après tout la chance finit par tourner, et à ce moment-là on est bien vite désemparé. Il y a juste à espérer que ça n'arrive pas tout de suite, pas à cette étape si importante de la mission.

Ce qu'elle doit trouver bizarre, elle, c'est sûrement le fait de ne pas être placée sous une tente et surveillée par un type lourdement armé. Sûrement que ça se passe comme ça, sous le commandement d'un autre.

« Si vous parlez de votre semblant de liberté... Disons que vous avez eu de la chance de tomber sur moi. »

Il se tourne vers elle, et arbore l'expression la plus sérieuse dont il est capable. Les voilà bien loin, les plaisanteries de la salle d'état-major. Ça lui manque un peu, mais au moins là où il est, il voit la réalité et pas seulement ce que disent les rapports.

De temps en temps ça a du bon, de faire face à la mort et aux terribles conséquences de la guerre pour de vrai. On a tendance à en avoir une vision biaisée quand on se retrouve autour d'un whisky.

« Vous pouvez avoir tous les préjugés du monde sur nous autres Unysiens... C'est votre droit et vous avez raison... Mais pensez-y, on n'est pas tous des brutes qui veulent étancher une soif de meurtre. »

Puis il tire de sa poche un étui argenté, duquel il sort une cigarette. Ça l'apaise, et là il en a sûrement bien besoin.

« J'imagine que vous avez entendu parler de Brighton. »

A la mention de ce nom, il s'attend à la voir se raidir et peut-être même écarquiller les yeux de frayeur, mais rien ne vient. D'habitude les Alolais, quand ils entendent ce patronyme...

Là, rien du tout. Peut-être qu'elle ne l'a pas rencontré, encore, ou qu'elle n'a pas eu vent de ses exactions. Peu probable, mais après tout...

Elle s'empresse néanmoins de le détromper.

« Ouais, ce type aux yeux jaunes... La seule fois où je l'ai vu, ça doit bien remonter à un mois et demi, il dirigeait le camp de prisonniers de Kokohio. Sur Ula-Ula, vous situez sûrement. Eh bien je traînais pas mal dans le coin pour glaner des infos, repérer les défenses et tout... Mais on l'a remplacé rapidement, par un type à qui il manque un bras. J'sais pas s'il est toujours là-bas, celui-là. »

Macarthur saisit à qui elle fait allusion, et secoue la tête brièvement.

« Non, je crois pas... Ça change assez souvent, parce que personne veut rester là-bas longtemps. »

Il tire une bouffée de sa cigarette, laisse la fumée faire son chemin, et garde les yeux rivés sur son interlocutrice. Sous ses airs revêches et ses mèches noires en désordre, cette Cilliana reste une jeune femme ayant hérité de toute la beauté des traits alolais.

Avec un petit quelque chose de différent, sûrement sa peau plus claire et ses pommettes plus marquées. Assurément un visage qu'on n'oublie pas.

« Puisqu'on en est à se faire des confidences... Vous travailliez seule, pour aller faire de la reconnaissance à Kokohio ? C'est plutôt dangereux.
— Vous autres étrangers m'avez appris à braver le danger. »

Elle fait une drôle de moue, qui ressemble un peu à un sourire en coin.

« Ouais, j'y allais toute seule, parce que le camouflage ça me connaît et... Je dois avouer que le travail d'équipe, c'est pas ce que je fais le mieux. »

Le général hoche la tête et détourne les yeux, sentant qu'elle n'a pas envie d'en dire plus à son sujet ; elle doit sûrement penser qu'elle en a trop dit, d'ailleurs.

Il reste là à observer les dunes de sable qui remuent sous l'impulsion du vent, et la fumée de sa cigarette qui s'évanouit dans l'air.

« Ennemie ou pas, vous manquez pas de courage... C'est admirable. »


* * *

« Suivez-moi et surtout... »

Weigall s'interrompt, le temps de s'habituer à l'écho de sa voix, répercuté contre les murs et le haut plafond de pierre. C'est bizarre, comme impression, d'entendre son propre timbre comme s'il venait d'ailleurs.

Le jeune homme se ressaisit, et jette un regard en direction de l'entrée — ou sortie, maintenant qu'ils sont à l'intérieur. Vu d'ici, ça semble moins effrayant, et la lumière de dehors pénètre un peu dans les ruines.

L'éclairage n'est cependant pas optimal ; quelques pierres tombées d'en haut permettent aux rayons du soleil de passer, mais ça reste assez sombre.

« Surtout faites attention où vous mettez les pieds. Et ne touchez à rien avant de me le demander, aussi, parce que cet endroit est bourré de pièges. »

Tranquillement, il balaie du regard le mur le plus proche, fait de grandes pierres grises taillées en gros blocs. Il a déjà eu l'occasion de visiter ce genre de ruines sur l'île de Mele-Mele, et les parois étaient recouvertes de plantes grimpantes. Ici, rien, à cause des conditions climatiques.

Il ne tarde pas à repérer une sorte de symbole abstrait sur l'une des pierres, une sorte de lettre ancienne ; pour avoir étudié les langues locales et les alphabets antiques, le lieutenant est capable de l'identifier comme l'équivalent d'un « A ».

Or dans ses observations, un « A » correspond à un avertissement. Il se tourne vers ses quatre coéquipiers. Snow le regarde avec attention, et Marlowe paraît un peu sceptique.

« Voyez le signe là, sur le mur ? »

Toutes les paires d'yeux se dirigent vers ledit signe gravé, et même Vicky semble fascinée par ce qu'elle voit, du haut de l'épaule de son dresseur. Il l'aurait bien délogée parce qu'elle pèse son poids, mais rien n'y fait, elle refuse de marcher.

Le colonel hausse un sourcil, intriguée.

« Est-ce que ça veut dire que si on appuie sur cette pierre-là, ça déclenche un piège ? Des pointes qui sortent du sol, ou quelque chose comme ça ?
— Ne confondez pas les récits des aventuriers un peu prétentieux et les vrais modes de défense antiques locaux, mon colonel », répond Weigall avec un demi-sourire amusé.

Un peu ennuyée par cette espèce de démonstration, la femme blonde fait la moue ; elle n'aime pas tellement qu'on joue les professeurs en pleine mission, mais pour arpenter ces lieux sans risquer de mourir...

Le médecin du groupe, lui, a plutôt l'air de trouver ça amusant ; il garde une expression impassible, mais ses yeux brillent d'un éclat malicieux.

« Ce que vous voyez n'est pas juste un dessin abstrait, mais une lettre de l'ancien alphabet alolais. Peu de recherches ont été effectuées là-dessus, mais c'est assez pour que n'importe qui ayant lu le livre de Mr...
— Si vous pouviez en venir au fait... » soupire Snow.

Embarrassé, le blondinet hoche la tête et fait mine de replacer sa casquette correctement sur son crâne. Il n'a pas l'habitude d'être importuné quand il explique quelque chose, d'autant plus que le sujet l'intéresse au plus haut point.

Néanmoins, ce qui intéresse le colonel n'est pas de comprendre l'ennemi, mais de s'en débarrasser. C'est d'ailleurs la principale différence entre eux deux.

« Ce symbole correspond à notre lettre « A », et dans le langage codé de l'époque — hé, nous ne sommes pas les seuls à en avoir un —, ça voulait dire « avertissement ».
— Pour dissuader des intrus de venir fouiner ici ? questionne un jeune soldat.
— Non, plutôt pour exhorter les gens du coin à faire attention où ils marchent, selon les théories les plus répandues. Mais on n'en sait pas grand chose, au fond. »

Il s'interrompt un instant pour se gratter la nuque, et coule un nouveau regard en coin sur la fameuse lettre, finement gravée dans la pierre solide.

« Ces gens avaient l'habitude de tout graver sur les pierres, alors si vous voyez un symbole de ce genre, vous m'avertissez... Ça vous vaudra un cours comme celui-là à chaque fois, mais vaut mieux ça que de mourir. »

Il ouvre la sacoche qu'il porte à l'épaule pour en tirer une gourde d'eau, en boit une gorgée, et observe ses camarades. S'ils n'ont pas l'air rassuré, ils paraissent cependant attentifs à ce qui se dit et à l'environnement autour d'eux.

Vicky, par contre, n'arrête pas de jeter des œillades dans toutes les directions, et garde les oreilles tendues, comme à l'affût d'un potentiel danger. Ce qui ne doit pas manquer, dans le coin, mais impossible de repérer les pièges grâce à son ouïe.

Tout ce qu'ils devront faire, c'est rester vigilants à chaque seconde, et avancer pas à pas dans ces ruines qui gardent les clefs de mystères vieux de centaines d'années.

Weigall s'apprête à refermer son sac, lorsqu'il sent la poigne de Snow sur son bras. Elle le regarde sans ciller, comme si elle voulait lui dire quelque chose.

« Mon colonel ? »

Elle agite son pistolet pour attirer son attention.

« Votre arme. Vous devriez la sortir et l'avoir à la main.
— Je ne suis pas sûr que...
— Ne discutez pas, lieutenant. »

Il songe à la défier, mais ce ne serait pas une sage décision, alors il s'exécute, quand bien même il déteste tenir ce genre d'outil. Normalement, ça ne devrait pas lui servir, parce qu'il n'y a pas d'ennemis à l'intérieur... A moins qu'ils soient tapis quelque part à les attendre.

Weigall espère sincèrement que non ; ce serait vraiment dommage d'abîmer ainsi de tels vestiges du passé. Il serre les doigts autour de la crosse de l'arme, et soupire.

En avant, vers la mort ou la victoire.