Bleuet fané de M@xime1086

Céladopole. Une des plus grandes métropoles de la région. Elle n'a rien à envier à sa cousine Safrania ou à sa sœur Argenta. Ses gratte-ciels sont tout aussi impressionnants. La cité des plantes a le mérite d'être parfumée à chaque coin de rue. Le surnom de "capitale du parfum" n'est pas usurpé. Même si Gary n'était pas venu expressément pour acheter des flacons des plus grands parfums au monde, il profita des allées aux senteurs printanières.

Il se rendit dans une boutique dans le but d'offrir un parfum à Ondine. La directrice, une grande femme aux cheveux coupés courts, habillée d'un kimono, vint en personne l'accueillir.

« Je cherche un parfum à offrir. Pour une femme.
- Très bien. Connaissez-vous ses goûts ? Se parfume-t-elle déjà ?
- Oui. En fait, elle m'a dit être déjà passé ici il y a plusieurs années lors d'un voyage. J'aimerai lui offrir le parfum qu'elle avait acheté à l'époque. »

La directrice le mena vers un présentoir raffiné constitué de multiples flacons aux formes diverses et aux couleurs éclatantes.

« Vous rappelez-vous du nom ou bien d'un détail qui puisse déterminer ce parfum ? »

Il réfléchit tout en s'approchant des fioles exposées.

« Peut-être que la senteur vous guidera... ? suggéra la jeune femme.
- Malheureusement non. J'ai une mauvaise mémoire olfactive...
- Sinon, je peux peut-être vous conseiller ? Comment décriveriez-vous cette femme ? Je veux dire caractériellement. »

Gary énuméra une liste d'adjectifs : énergique, sensible, passionnée, sérieuse. Il se souvint enfin d'un détail qui pouvait mettre la directrice sur la voie.

« Elle m'a dit que le nom du parfum contenait le mot "jonquille".
- Ah ! »

Elle se faufila derrière un rideau de perles, à l'arrière-boutique. Elle en sortit avec un très beau flacon jaune.

« Ce parfum est l'un des premiers que nous ayons mis sur le marché. Il s'appelle "Rêve de Jonquille". Il convient très bien aux jeunes femmes. »

Il examina le flacon, sentit une fragrance avant de confirmer, sans en être certain, que ce devait être celui-là qu'Ondine avait acheté il y a des années de cela.
Avant de régler son achat, elle osa lui demander s'il ne cherchait pas de parfum pour lui.

« Pour moi ? A vrai dire je ne me parfume pas très souvent.
- Vous devriez. Cela mettrait en valeur vos traits. Vous êtes un très bel homme. »

Il sourit, gêné. La jeune femme tourna autour de lui, l'examinant de plus près. Elle posa sa main droite sur sa poitrine, ferma un instant les yeux. Elle sondait ses émotions. Pour comprendre et mieux connaître les goûts de ses clients, elle avait recours à cet examen des plus original.

« Vous êtes sportif, légèrement impulsif. Je sens quelque chose de fort. Une sorte de fébrilité et de fragilité intérieure. Sous cet air d'homme fort, vous êtes quelqu'un qui a besoin qu'on le remarque. J'ai ce qu'il vous faut ! »

Elle le laissa un moment désabusé dans la boutique vide. Elle lui présenta un flacon rectangulaire, d'un bleu clair et profond.

« Voici "Fraîches Rencontres". Un parfum pour homme, très subtil. Les notes de tête sont composées de bergamote et de mojito ; les notes de cœur sont la cardamome, la lavande, le rhum et les notes de fond sont le ciste, le patchouli et le bois de santal.
- Les notes de têtes ?
- Je vais vous expliquer. Les notes de têtes sont les fragrances que l'on sent dès la vaporisation. Elles peuvent durer deux heures. Les notes de cœur sont les plus importantes : elles représentent le cœur du parfum et sont caractéristiques de celui-ci. Enfin, les notes de fond restent pendant plusieurs jours, leur but est de rester le plus longtemps sur la peau. »

Pendant tout ce cours magistral, elle planta ses yeux couleur émeraude dans les siens. Une sorte d'intimité s'était nouée en quelques secondes. Elle s'approcha de lui si près que leurs lèvres se touchaient presque.

« J-je suis marié. C'est pour ma femme, le parfum, dit-il en soulevant le flacon qu'il tenait. »

Elle lui attrapa la main, inspecta son alliance, déçue.

« Vous étiez si charmant. Avec une part de gentleman en vous. Il y en a très peu ces temps-ci.
- Je n'ai pas autant de qualités que vous voulez bien le croire.
- Acceptez ce parfum. Ne serait-ce que pour vous réconfortez.
- Me réconfortez ?
- Vous êtes malheureux. Cela crève les yeux. »

C'était bien la première fois qu'une femme lui parlait aussi franchement et ouvertement. Il accepta le cadeau en souvenir de cette douce franchise qui lui plaisait bien. Cela lui parut ironique de se parfumer avec des fragrances portant le nom d'alcool tel que le rhum ou le mojito. Savait-elle pour son passé et son présent mêlé d'effluves ?

Avant de payer le flacon destiné à sa femme, il se renseigna auprès de la directrice sur l'arène de Céladopole.

« Elle est fermée toute la matinée. La championne tient une conférence sur les Pokémon plantes dans un bâtiment non loin d'ici. Vous souhaitez la défier ?
- Oui. Je suis venu exprès pour ça.
- Pas que, dit-elle en désignant le parfum "Rêve de Jonquille". Voulez-vous que je vous emmène voir cette conférence ?
- Je ne sais pas.
- Avez-vous des Pokémon plantes ? »

Elle semblait attendre beaucoup de cette réponse, s'accrochant aux lèvres de cet homme blessé. Comme si le reste de son existence en dépendait.

« J'ai un Tropius.
- Merveilleux ! Il sera parfait pour la conférence ! La championne adore demander aux visiteurs d'exhiber leurs Pokémon plantes ! Elle sera sans doute ravie d'apprendre que vous possédez un tel Pokémon ! »

L'enthousiasme de la directrice l'étonna.

« Venez me chercher à quatorze heures, je vous emmènerai voir la conférence. Peut-être qu'Erika souhaitera vous défier après ? »

Elle le quitta, un clin d'oeil complice suspendu au bout des cils.

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Assis à la table d'une terrasse, le dresseur admirait son nouveau badge. Il prenait un café avec la championne Erika qui s'était révélée être la directrice de la boutique où il avait déniché les parfums.
Lorsqu'il apprit son identité au moment de la conférence, il fut déconcerté. En plus d'être une adversaire redoutable, Erika était une très belle femme.
Même si les cheveux bleus qu'elle retenait par un bandeau rouge lui rappelait malheureusement une certaine personne...

« Le badge Prisme est le plus coloré de tous ceux que j'ai en ma possession.
- Combien en as-tu ?
- Maintenant, sept. »

Shawn Mendes – Treat You Better
Le soleil éclatait en petites touches lumineuses, réchauffant la terrasse quasi-déserte. Erika n'arrivait pas à détacher son regard du challenger qui l'avait défié quelques instants plus tôt. Elle s'approcha sensiblement de lui, huma le délicat parfum dont il s'était vaporisé plus tôt.

« J'étais sérieuse tout à l'heure quand je t'ai dit que ta trissesse dominait. Quand on a, comme moi, l'habitude de sentir toutes les subtilités des parfums, on apprend à flairer ces choses-là. »

Il tourna la tête, visiblement peu enclin à poursuivre la conversation sur ce terrain-là.

« L'arène a l'air d'avoir été construite récemment, fit-il remarquer en désignant la haute bâtisse au toit reprenant les motifs d'un Rafflésia, émergeant des quartiers voisins. »

On aurait dit une grosse fleur au milieu des grattes-ciel ; un brin de nature dans une ville trop urbaine.

« Oui. Il y a des années de cela, un incendie a ravagé le gymnase. Heureusement il n'y a pas eu de blessés. Un garçon très courageux à secouru mon Ortide prisonnier des flammes.
- Ah oui ? »

Gary ne s'attendait sûrement pas à retrouver de nouveau sur son chemin le dresseur du Bourg-Palette.

« Il s'appelait Sacha. Il avait un Pikachu. »

Où qu'il aille, il fallait que ce dresseur le poursuive.

« Je le connais.
- Ah ? fit Erika, surprise.
- Vous avez sans doute rencontrer Ondine qui voyageait avec lui.
- Ah oui, en effet. D'ailleurs ils se chamaillaient souvent, ces deux-là. Ils étaient mignons. »

Un café chaud renversé sur son pantalon ne lui aurait pas produit pareil agacement. Il soupira.

« Pour me défier, il s'est introduit dans l'arène déguisé en fille. C'était la première fois qu'un challenger montrait autant de détermination ! Outre le sauvetage de mon précieux Pokémon. »

A mesure qu'elle parlait de lui, l'expression de Gary s'assombrit. Il aurait eu envie de se lever de table et de disparaître très loin. Erika remarqua enfin le changement qui s'opérait chez lui.

« Le parfum "Rêve de Jonquille" est pour Ondine, n'est-ce pas ? Alors vous êtes mariés ? »

Il acquiesça simplement sans piper mot. Erika se sentit mal à l'aise d'aborder le sujet mais voulait connaître le fond des choses, celles qui remuaient l'homme pour qui elle ressentait une vive attirance non réciproque.

« C'est elle qui te rend aussi malheureux ? Pour qu'un homme soit à ce point accablé, il n'y a que l'amour. La passion des cœurs est la plus destructrice.
- Je ne sais plus où j'en suis. Comme tu l'as si justement souligné, Sacha et Ondine sont "mignons" ensemble. »

Après la colère d'il y a quelques jours, la résignation faisait place nette. Ses yeux se mouillèrent sans qu'aucune larme ne coule.

« Tu ne dois pas te laisser bouffer par la jalousie. Elle t'aime, j'en suis persuadée. Si elle t'a épousée et non lui, c'est qu'elle a choisit sa préférence. Tu es quelqu'un de bien. Ne te laisse pas aveugler. Je... »

Il la regarda, étonné qu'elle ne termine pas sa phrase. Elle tâtonnait, cherchait ses mots.

« Tout à l'heure, quand j'ai posé ma main sur ta poitrine, j'ai senti quelque chose. De terrible.
- De terrible ? Comment ça ?
- Une vive impression de douleur, de colère, de rancœur. Ces mauvaises énergies prennent de plus en plus de place. Il faut que tu sois capable de les repousser. Sinon elles t'amèneront à commettre le pire. Je l'ai vu. »

Comment avec un simple geste avait-elle vu autant de choses que lui-même ignorait ? Elle posa une main réconfortante sur la sienne.

« Qu'est-ce que tu as vu ?
- C'est trop flou. Tout ce que je peux te dire c'est de combattre le mal qui germe en toi. »

Qu'entendait-elle par "le mal" ? Était-ce la jalousie, les doutes, l'alcool ?
Ils se quittèrent avec amertume. Lui voulait en savoir plus sur l'avenir qui l'attendait ; elle, laissait un homme au destin funeste s'en aller sans avoir pu l'aider concrètement.

Désormais, à chaque fois que Gary se parfumait, il songeait à la prophétie d'Erika et voulait que les fragrances lui apportent une dose de courage pour combattre ce mal qui l'angoissait tant.