Bleuet fané de M@xime1086

Très tôt, n'en pouvant plus de rester les yeux ouverts à fixer le plafond, Gary quitta la chambre. L'hôtel était encore silencieux. On entendait un bruit lointain d'aspirateur passé dans une chambre, des bruits de vaisselles et d'eau qui coulait.
La salle où l'on prenait les petits-déjeuners était désertée par les clients. Quelques couples dévoraient des tartines, se jetant des regards langoureux par dessus leur tasse de café.

Sur le très grand buffet qui s'étendait aux extrémités de la pièce, il prit un plateau et déposa quelques fruits : bananes, pommes, oranges, pamplemousses. A l'intérieur de plusieurs thermos alignés étaient renfermés des boissons chaudes : thé, café. Il se servit dans un gobelet en plastique du thé vert.

Le jeune homme prit place à une table. Avant d'entamer son repas, il déposa devant lui ses quatre Pokéball. Celles de ses fidèles compagnons. Hyporoi, Lucario, Tropius, Lampéroie.

Il avait déjà fait son choix pour l'entraînement. Il avait entendu des clients révéler que Luana disputait exclusivement des combats doubles. Ce serait une première pour lui.

« Prenez des forces. »

Il tendit son assiette à Lucario et Lampéroie. Ce dernier dévora les pommes tandis que le Pokémon combat jeta un regard suspicieux à son dresseur. Il croisa les bras, détourna la tête, dédaigneux. Visiblement il n'acceptait pas cette nourriture.

« Un intense entraînement nous attend. Un combat d'arène aussi. »

Les deux Pokémon dévièrent leur regard vers lui, stupéfaits. Reprendraient-ils les matchs ?
Lampéroie se jeta avec plus d'appétit sur les fruits. Gary, attrapa la banane qui restait et la tendit à Lucario. Ce dernier repoussa le fruit avec la paume de sa main.

« S'il-te-plaît. Cela ne te fait pas plaisir d'affronter un champion ? »

Lucario considéra la banane et la saisit. Il l'éplucha puis la rendit à son dresseur.

« Merci mais je n'ai pas faim.
- Lucarrr ! »

Le Pokémon combat lâcha cette contestation qui fit lever quelques têtes. Gary lui sourit, attendri. Il accepta de manger un peu si lui aussi se laissait tenter par quelque chose. Il retourna au buffet pour remplir encore son plateau.

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A présent, ils mangeaient tous de bon appétit. Lucario jetait quelque regards discrets à son dresseur pour connaître les réflexions qui le plongeaient dans un mutisme inhabituel.

« On disputera un match en double. Il faut que vous appreniez à vous entendre et à faire équipe, dit-il après avoir avalé une longue gorgée de thé tiède. »

Lucario et Lampéroie se dévisagèrent. Le Pokémon électrique était le dernier arrivé dans l'équipe. Il n'avait pas eu l'occasion de fréquenter ses semblables. Gary avait suspendu sa carrière avant son arrivée. Ils avaient fait très peu d'entraînements ensemble.
Lucario aurait voulu faire équipe avec Tropius ou Hyporoi qu'il connaissait depuis des années. Ils avaient grandi ensemble, sué pour faire gagner à leur dresseur les preuves de leurs forces. Malgré ce désir enfoui, il respectait la décision de son maître. Gary devait savoir ce qu'il faisait.

Ondine arriva au moment où il quittait le réfectoire. Elle rayonnait. Quand elle aperçut Lucario et Lampéroie marchant à ses côtés, elle lui demanda où il allait.

« Je vais m'entraîner. J'ai envie de défier Luana. »

Elle le regarda d'une drôle de façon. S'il lui avait dit qu'il se baladerait les fesses à l'air dans tout l'hôtel, en poussant des cris de Mammochon enrhumé, l'expression de son visage n'aurait pas été tellement différente.

« Tu vas rester là-bas toute la journée ?
- Non, je vais m'arrêter à midi. On mange ensemble ? »

Ils se donnèrent rendez-vous devant leur chambre pour midi puis il fila en vitesse, comme s'il avait peur de rater un bus.

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Dans la salle d'entraînement, l'ambiance était studieuse quoique bon enfant. Les dresseurs apportaient avec leur motivation des conseils qu'ils prodiguaient à leurs collègues. Lucario se plut à frapper dans les sacs de sable. Il variait les assauts : un coup avec ses poings, un coup avec Aurasphère. Lampéroie concentra ses offensives avec des Coup d'Boule cinglants.

Gary aussi s'entraînait. Il les accompagnait en frappant avec eux dans les sacs puis encaissait leurs attaques pour les motiver à frapper plus fort. Sentir la sueur couler de son front, son cœur s'emballer, ses muscles se contracter dans l'effort, lui fit du bien.
Cette première session d'entraînement fut encourageante. Lucario et Lampéroie avaient l'air rassasiés de s'être autant dépensés.

« Excuse-moi ? »

Gary s'apprêtait à quitter la salle quand un homme l'arrêta. Il avait dans les mains une boîte en bois. Sa coiffure excentrique étonna Gary. Du gel retenait des mèches de cheveux en pétard. Ses boucles dorées le rendait dynamique rien qu'en le regardant. Ses vêtements attiraient l’œil de par leurs couleurs vives. Son jean était troué à plusieurs endroits. Il dégageait une énergie presque électrique.

« Il est à toi ce Lampéroie ?
- Oui, pourquoi ?
- Tu n'as jamais voulu le faire évoluer ? »

Gary baissa la tête vers son Pokémon puis répondit qu'il n'y avait jamais songé. Que de toute façon il n'avait pas de Pierre Foudre. L'inconnu ouvrit la boîte.

« Je te l'offre. Je n'en pas besoin. Elle te sera plus utile qu'à moi.
- Pourquoi ?
- Je suis un dresseur spécialiste des Pokémon électriques. J'espère ouvrir un jour ma propre arène. J'ai aimé la façon dont tu as entraîné tes Pokémon. Tu dois être un bon dresseur. Tu as des badges ? »

Gary, gêné, répondit avec un sourire maladroit qu'il n'en avait que quatre à son actif.

« Accepte cette pierre. Tu n'es pas obligé de faire évoluer ton Lampéroie. Peut-être qu'elle te servira plus tard. »

Le brun ouvrit la bouche pour dire quelque chose puis se ravisa. Devait-il accepter ce cadeau ?

« Pourquoi me l'offrir ? On en se connaît pas.
- En fait, j'aimerais te demander un service en échange de cette pierre... »

Il chercha ses mots.

« Voudrais-tu t'entraîner avec moi ? Jusqu'à demain ? Je cherche quelqu'un avec qui partager cette expérience.
- Si tu veux ! S'exercer à plusieurs est plus motivant. »

Les deux dresseurs se serrèrent la main en même temps qu'ils se présentèrent. Celui qui avait accosté Gary se nommait Lucas. Ils se donnèrent rendez-vous une heure plus tard, au même endroit, pour poursuivre leur entraînement qu'ils souhaitaient mettre en commun.

Après une bonne douche rafraîchissante, Gary attendit sa femme comme convenu. Elle ne vint pas. Il était une heure moins-le-quart lorsqu'il se décida à descendre dans le hall, demander à l'accueil si elle ne lui avait pas laissé un message. Rien.
En remontant les marches menant au réfectoire, il croisa Luana.

« Qu'est-ce qui se passe ? Vous avez l'air pressé, lui dit-elle.
- Je cherche ma femme. Vous ne l'auriez pas vue ? »

Elle parut embarrassée. La championne hésitait à lui dire qu'Ondine était au téléphone depuis trois heures avec son ami Sacha. L'état de demi-énervement dans lequel était plongé Gary lui fit regretter de lui avoir lâché cette information. Cependant, le jeune homme n'eut pas la réaction qu'elle attendait : au lieu de s'emporter, de réagir au quart de tour, il semblait calme, presque indifférent. Comme si ce renseignement recelait une vérité universelle à laquelle il devait se plier.

« Demain, êtes-vous disponible pour un match ?
- Demain ? Mais oui.
- A quatorze heures ? »

Elle acquiesça et se séparèrent. Gary retourna à la salle attendre Lucas. Au moins le dresseur aux Pokémon électriques n'était pas le genre à poser des lapins...

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La seconde session d'entraînement de la journée fut éprouvante. Gary n'avait rien avalé depuis le matin ; le petit-déjeuner lui semblait être des graines pour oiseaux qu'il aurait picorées. Son estomac grognait quand il restait immobile ; pour le faire taire, il bougeait mais cela l'épuisait : les gargouillements redoublaient alors.

Lucas avait apprit à Lucario à concentrer une forte décharge dans son poing au vu de lancer une attaque Poing-Éclair efficace. Le Pokémon combat, en fracassant deux sacs de sable, maîtrisa rapidement les coups rudimentaires de Close Combat.
Lampéroie fit quelques progrès. Il apprit à lacérer correctement les sacs avec Mâchouille.

Les deux dresseurs tissèrent rapidement de solides liens d'amitié. Leur mutuelle motivation les rendait presque inséparables. Lucas trouva dommage que Gary ait dû suspendre son voyage alors qu'il avait un don pour l'entraînement et les combats.

« Tu as quelque chose de prévu demain à quatorze heures ? Je livre un combat avec la championne Luana. »

Lucas bondit sur l'occasion. Il pourrait assister aux progrès de son ami, en tirer des enseignements. Le terrain où se déroulerait le combat se situait au sous-sol de l'hôtel.
A dix-sept heures, ils se séparèrent. Gary, en quittant la salle, redoutait d'entrer dans la chambre qu'il partageait avec sa femme. Elle n'était pas venu s'excuser de lui avoir poser un lapin alors qu'elle savait qu'il s'entraînait depuis le matin.

Il traîna des pieds jusque devant la porte marquée par le nombre "112" ; il resta immobile un moment puis tourna la poignée. Un courant d'air le fit reculer. Ondine était là, assise en tailleur, un livre posé sur le lit. Elle leva la tête, lui sourit.

« Comment s'est passé ton entraînement ? »

Elle referma le livre, le posa sur la table de nuit.

« Ça été. J'affronte Luana demain, à quatorze heure. Tu veux venir ?
- Bien sûr ! Cela fait tellement longtemps que je ne t'ai pas vu combattre. »

Il prit une serviette sèche sur la table, la jeta sur le lavabo de la salle de bain. Il s'enferma à l'intérieur, prit une longue douche. Ondine ne s'était rendue compte de rien. Elle n'avait pas conscience de lui avoir posé un lapin, d'avoir manqué un rendez-vous. Cela pouvait arriver.
Que ce fut à cause de Sacha, encore et toujours lui, ça, il avait du mal à le digérer. Que devait-il faire ? Lui dire qu'ils avaient eu rendez-vous et qu'elle n'était pas venue ?

S'il en parlait, il n'était pas certain de rester aussi calme qu'il le laissait croire. Cela se transformerait en scène de ménage, en crise de jalousie. Il voulait éviter ça. Comment lui faire comprendre qu'il en avait marre que Sacha soit toujours entre eux ?

Il lui laisserait une seconde chance demain. Oublier un déjeuner était anodin ; un combat, beaucoup moins.