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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 26/06/2016 à 03:27
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:54

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -30 : Maligne malice
« Alors, Officier Riviera, cet entretien ? demanda Garvin d'un ton neutre.
- Je pense qu'il est nécessaire de déclarer Stelmar inapte au poste. J'imagine que vous vous y attendiez. »

L'hologramme de Riviera retroussa les lèvres en une moue dédaigneuse. Garvin, assis avec lassitude dans son fauteuil de bureau, ne se laissa pas démonter et soutint le regard incisif de celui qui était désormais son égal, et non plus son supérieur.

« Le diagnostic n'est pas glorieux. L'entretien a révélé de gros problèmes de reconnaissance de l'autorité, une propension marquée à l'autodestruction et des signes de dépression, annonça la voix déformée de Riviera. Je le soupçonne également d'alcoolisme léger.
- Vous savez comme moi que mademoiselle Taylor refusera que quiconque d'autre assure sa protection rapprochée.
- Mademoiselle Taylor devra se faire une raison. Will Stelmar est influençable et manque de stabilité émotionnelle. Le risque que cette mission dégénère est trop élevé.
- C'était le meilleur agent que le Commissariat ait connu ces trente dernières années, rétorqua Garvin.
- Et cet agent a été brisé par ce qu'il s'est passé il y a huit ans. » répliqua l'autre Officier.

Garvin se retint de grimacer. Il détestait débattre avec Riviera. On ne pouvait pas gagner.

« La cour martiale l'a reconnu coupable de faute professionnelle grave, rappela Riviera en enfonçant le clou. Vous pouvez vous estimer heureux, Officier Keithr. Si Stelmar n'avait pas été désigné comme responsable de fiasco, c'est vos carrières à tous qui auraient été stoppées net.
- Ses rapports de service étaient élogieux, et il a continué d'aider le Commissariat à l'occasion après avoir ouvert son cabinet. Vous savez comme moi que personne n'est plus qualifié que lui, répliqua Garvin sans se laisser provoquer.
- La question n'est pas de savoir s'il est doué ou non. Nous parlons de la protection de la fille unique du Chancelier, en pleine période de réélection, Officier Keithr. Il faut y assigner un agent solide, dont on sera sûr qu'il sera capable de garder son sang-froid en toutes circonstances. A ce titre, Stelmar est trop instable.
- …
- Cet homme n'est plus que l'ombre de lui-même, Keithr. Et j'ajouterai que ce genre… de conséquences désastreuses aurait pu être évité si l'on m'avait informé à l'époque de la liaison entre l'agent Stelmar et l'agent Sunderland. »

Garvin serra les poings. Les relations entre deux Elitiens étaient fortement déconseillées au sein d'un même service. A l'époque, le cinquantenaire avait couvert Diane et Will, et Riviera venait de lui rappeler subtilement qu'il était parfaitement conscient de la part de responsabilité de Garvin dans l'affaire.

« Si je comprends bien, rien dans votre diagnostic n'établit avec certitude que Stelmar n'est pas à même de mener la mission, reprit Garvin.
- … Non, en effet. Mais vous connaissez mon avis, Officier Keithr. Si vous prenez la décision d'affecter Stelmar à ce travail malgré mes objections, vous devrez vous porter garant de lui.
- Je suis au courant, merci, grogna le cinquantenaire.
- Si tel est le cas, vous n'ignorez pas, je l'espère, les conséquences désastreuses que pourrait avoir l'échec de Stelmar sur votre carrière, ajouta Riviera.
- … Ce sera tout, Officier Riviera. Je vous tiendrai au courant de ma décision.
- Bien. Bonne journée. »

L'hologramme disparu et Garvin s'affala dans son siège. Le vieil Elitien se passa une main sur le visage en soupirant. Pourquoi fallait-il que tout soit toujours aussi compliqué ?

~*~
« Monsieur Stelmar ?
- ...
- William Aaron Stelmar ? »

Will, qui somnolait adossé à la paroi de verre, releva la tête et détailla le jeune Elitien qui l'avait harangué.

« Lui-même.
- L'Officier Keithr vous convoque dans son bureau à 18h50. La salle porte le numéro 6S008. »

Le bleu devait avoir vingt-et-un, vingt-deux ans, pas plus. Aucun galon ne décorait ses épaulettes. Will le remercia distraitement, jeta un coup d’œil à sa montre, constata qu'il lui restait une demie-heure à attendre, et retourna donc à sa demi-sieste.

L'entretien avec Riviera avait été un supplice. Au bout d'une heure de joute verbale plus ou moins respectueuse avec l'Officier, Will avait gentiment été reconduit dans le hall, en attendant que l'on délibère sur son cas. D'ordinaire, les résultats d'une P.R.E. étaient connus le lendemain ou le surlendemain, mais Riviera lui avait assuré, de sa voix mielleuse, que l'affaire ne prendrait pas plus d'une heure ou deux – un signe de plus que Will avait royalement foiré l'entretien.

Ça avait été un supplice. Riviera s'était efforcé de faire revivre à Will les moindres détails de cette journée que le détective s'était tant employé à oublier ; il lui avait demandé de parler du procès, de la perte de son badge, de la dissolution de l'escouade dont il était membre.

Après quoi, Will avait eu le droit aux habituels tests de Rorschach, Pavlov et autres examens plus ou moins abstraits censés évaluer sa santé mentale, sa personnalité, sa propension aux différents extrêmes. Jadis, au sortir de l'Académie, Will aurait su déjouer les pièges et s'en sortir avec brio ; mais ses cours de psychologie étaient loin derrière lui, désormais, et il avait constaté avec amertume que Garvin n'avait peut-être pas tort lorsqu'il lui disait qu'il vieillissait.

Frustré, plus énervé contre lui-même que contre Riviera, Will s'était assis dans le hall en pestant, ignorant les regards des Elitiens intrigués. Plusieurs d'entre eux l'avaient reconnu, il en était sûr, mais aucun n'avait pris la peine -ou le risque ?- de venir le saluer. Will aurait bien aimé discuter un peu avec Lacroy, en souvenir du bon vieux temps, mais son ancien collègue avait disparu.

Lorsque l'heure approcha, Will se leva de son banc en grommelant et commença à monter les escaliers vers le sixième étage. Il s'agissait du palier du département criminel, dont Garvin avait été promu responsable.

Le détective pénétra dans la tour centrale et arpenta à nouveau les couloirs. L'on approchait de l'heure à laquelle la majorité des Elitiens rentraient chez eux, et les corridors se vidaient petit à petit. Dehors, le soleil déclinait rapidement. Bientôt, il n'y aurait plus que le service de nuit pour veiller sur le Commissariat et Omnia dans son ensemble.

Will se dirigea plein sud et arriva bientôt à la salle que lui avait indiquée la recrue. Il frappa deux coups secs, et entendit la voix de Garvin l'inciter à entrer.

Le privé ne se fit pas prier et pénétra à l'intérieur, refermant la porte derrière lui, étudiant son environnement d'un regard circulaire.

Le bureau de Garvin était une pièce assez spacieuse, mais chichement meublée. Plusieurs étagères couvertes de dossiers garnissaient les murs ; une vitrine près de l'entrée contenait les nombreuses décorations et médailles qu'avaient pu recevoir Garvin au cours de sa carrière. Ce dernier, assis sur un fauteuil sobre face à la porte, jetait à Will un regard fatigué par-dessus son bureau.

« Plutôt confortable, commenta Will en s'approchant.
- Et décoré avec meilleur goût que ton cabinet, rétorqua Garvin, toujours aussi pince-sans-rire.
- … Quelles décorations ? Il n'y a quasiment rien, ici.
- C'est bien ce que je dis. Content de voir que tu as au moins décidé de porter des fringues décentes aujourd'hui, et pas ton espèce de tenue de flic ripou. »

Will secoua la tête, amusé, et serra la main que Garvin lui tendait. Cela faisait des années qu'il n'avait pas vu son ami dans l'uniforme des Elitiens ; malgré le passage du temps, il lui allait toujours aussi bien.

« Assieds-toi, l'invita l'Officier en désignant un siège face au bureau. Je sors de l'entretien avec Riviera et Krusig.
- Krusig ? répéta Will. Le grand blond, sans aucun humour ? Il bossait à la crim, non?
- C'est le responsable des P.R.E, maintenant.
- Oh. »

Le détective s'assit, remarquant à nouveau à quel point son ami avait l'air fatigué. Il envisagea de lui demander des nouvelles de ses examens, mais l'Officier ne lui en laissa pas le temps :

« T'as pas mal foiré ton examen, apparemment.
- … Désolé, Garvin. Je sais que t'as fait beaucoup d'efforts pour essayer de m'avoir cet entretien.
- T'y es pour rien. Je ne pensais pas que Riviera insisterait à ce point pour qu'on lui refile ton cas. J'imagine qu'il a appuyé là où ça fait mal ?
- J'aurai dû m'y attendre, acquiesça Will. Il a toujours été très doué pour provoquer les gens en restant dans les limites.
- C'est un vrai con, mais il n'a pas son pareil pour cerner les gens.
- Et j'imagine que son diagnostic est particulièrement mauvais ? grommela le détective.
- Pas autant que je le pensais. Il s'est contenté d'émettre un avis négatif. Il aurait pu directement refuser le dossier.
- Vraiment ? Pourquoi est-ce qu'il ne l'a pas fait ?
- Aucune idée. Il m'a laissé la possibilité de me porter garant de toi. »

Will fronça les sourcils. Lorsque les résultats d'une P.R.E. étaient imparfaits, un Elitien pouvait décider d'endosser la responsabilité de l'agent extérieur, et de se porter garant de lui – auquel cas, toutes les éventuelles infractions commises par l'agent recruté étaient imputées à l'Elitien. Très peu osaient recourir à ce processus ; il pouvait s'avérer extrêmement dommageable pour une carrière.

« Rassure-moi, tu ne l'as pas fait, hein ? »

Garvin soupira et s'étira lentement, faisant craquer ses jointures.

« Si, tu l'as fait, devina Will. D'où l'entretien avec Krusig.
- J'ai vu avec les gars du recrutement. Tout est réglé. Si t'es d'accord, j'envoie le mail à la miss Taylor maintenant.
- Bon sang, Garvin, fallait pas... souffla Will.
- Quoi ? Tu n'envisages pas de ruiner ma carrière indirectement, si ? sourit faiblement Garvin.
- Riviera comptait sur ça, c'est ça ? Tu le savais. Tu savais qu'il voulait que tu te portes garant. Il t'en veut toujours, c'est ça ?
- Pas qu'à moi. Pourquoi est-ce que tu crois que Lacroy a été affecté à la sécurité de l'entrée, avec son CV ? »

Le vieil Elitien soupira et s'enfonça un petit peu plus dans son fauteuil.

« Après que Riviera t'ait retiré ton badge, on a tous eu le droit à un joli petit sermon. Ceux qui ont témoigné contre toi au procès n'ont pas été très inquiétés, mais les autres… Lacroy et moi avons été mutés dans des services où nous n'avions rien à faire. J'avais déjà six galons, alors j'ai vite rebondi, mais Lacroy a eu plus de mal.
- Pourquoi est-ce que tu ne m'en a jamais parlé ? s'étonna Will.
- Ne sois pas ridicule. Nos histoires d'avancement de carrière n'ont rien de comparable avec ce que toi, tu as perdu ce jour-là, rétorqua sèchement Garvin.
- Vous avez cherché à me défendre. Riviera n'avait pas à vous punir. Ce n'est pas normal.
- Ce qui s'est passé il y a huit ans est autant de notre faute que de la tienne, Will. On était dans la même escouade. Ce qui n'est pas normal, c'est que ta sentence ait été plus sévère que la nôtre.
- Vous n'avez rien à vous reprocher, répondit Will en fronçant les sourcils. C'est moi qui ai tiré le premier. Si je n'avais pas…
- Arrête, Will, le coupa son ami. Arrête. Je t'interdis de croire à leur version. Peut-être que Riviera, les juges et tous les autres se sont convaincus que ce qu'il s'est passé il y a huit ans était de ta faute, mais toi, je t'interdis de croire que tu es responsable de tout ça.
- La cour martiale a statué que j'étais coupable, papy, lui rappela Will.
- La cour martiale a aussi décidé de te verser des allocations à vie et de t'accorder une accréditation pour descendre à la surface bosser en tant que privé, rétorqua Garvin. Et viens pas me dire que c'était pour tes années de service. Ils avaient besoin d'un bouc émissaire, et tu étais le meilleur candidat. C'est tout. Tu as payé bien plus que tu ne devais. Maintenant, tu vas me laisser t'aider à retrouver une situation décente.
- Pas si c'est au détriment de la tienne, papy. Je peux pas te laisser faire ça, protesta Will. Imagine que j'échoue ? Que la fille Taylor se fasse tuer ? Cette fois, c'est ton badge que Riviera prendrait. C'est ce qu'il veut. Tu ne peux pas le laisser jouer avec toi comme ça. »

Garvin soupira et leva les yeux au plafond. Il recula son siège et ouvrit l'un des tiroirs de son bureau, avant d'en sortir une pochette cartonnée, qu'il jeta devant Will.

« J'espère que tu te rappelles de tes cours de traumatologie, lança-t-il d'une voix neutre.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda le détective.
- Le résultat des examens dont je t'avais parlé au Daisy's. »

Will haussa un sourcil, intrigué, et ouvrit la pochette. Il en sortit divers feuilles représentants des résultats de prise de sang, d'examens au scanner ou encore d'IRM. Il jeta un coup d’œil à ces dernières, et comprit immédiatement ce qui n'allait pas.

Le détective leva les yeux vers son ami.

« Garvin, je suis désolé…
- J'ai un cancer du pancréas, gamin. Il a déjà commencé à métastaser. Dépistage trop tardif. Les médecins m'ont donné deux ans maximum.
- Au nom de...
- Je me contrefous de ma carrière. Riviera peut s'amuser s'il le veut, je suis déjà foutu. Je ne suis pas opérable. Dans une semaine, je vais poser ma démission et passer le temps qu'il me reste avec ma famille. Mais avant, tu vas me faire le plaisir de me laisser me porter garant de toi, et accepter ce boulot, d'accord ? »