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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 23/06/2016 à 22:10
» Dernière mise à jour le 17/11/2017 à 21:59

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre 52 : Tout va bien, ne t'en fais pas
Lorsque Lina se réveilla, elle trouva un plateau-repas posé sur une chaise à côté de son lit. Hagarde, la tête pleine de questions, elle se redressa difficilement, essayant de rassembler ses pensées.

Le bunker. Elle était au bunker. Elle se rappelait de tout. La réapparition de Joshua et Kate. L'horreur de que Lyrian avait infligé à ses compagnons. La lueur de folie qui brillait dans ses yeux alors qu'il la soulevait d'une seule main en lui écrasant la trachée.

Et puis, leurs sauveurs. Elle ne les avait que brièvement aperçus et entendus. L'inconnu en tenue grise. Et l'autre, la silhouette féminine dont elle n'avait même pas vu le visage distinctement, celle qui avait… vaincu Lyrian ?

Lina essaya de se lever, mais ses bras lâchèrent mollement et elle retomba dans les couvertures. Combien de temps était-elle restée inconsciente ? Elle n'en savait rien. Son corps était au bord de la rupture. Ses multiples blessures, la malnutrition, l'état de fatigue physique et psychologique extrême dans lequel elle se trouvait l'empêchaient de faire autre chose que dormir.

Au prix d'un effort surhumain, elle tira la chaise à elle et attrapa l'assiette. Bon sang, ce qu'elle avait faim.

… Et si la nourriture était empoisonnée ? Pouvait-elle faire confiance aux gens qui habitaient dans ce bunker ? Ils étaient probablement de X-Corp. Et s'ils la droguaient ? Qu'avaient-ils fait de ses compagnons ? Était-elle la seule survivante ?

Oh, et puis merde.

Elle était trop faible pour bouger, et elle devait reprendre des forces. Son esprit était trop embrumé pour qu'elle puisse se faire des nœuds au cerveau.

Tel une bête affamée, elle se jeta sur l'assiette et dévora l'espèce de viande filandreuse qu'on lui avait servie. On lui avait fourni des couverts en plastique, mais elle mangea avec les doigts, sauvagement.

En ce moment-même, Lina ne ressemblait à guère plus que ça : un vulgaire bestiau affaibli, chétif, squelettique. Elle emmerdait X-Corp. Elle emmerdait ce foutu monde, l'angoisse constante, la peur pour ses compagnons.

Elle avait survécu, et on lui offrait le meilleur lit et le meilleur repas qu'elle ait connu depuis des mois. Si c'était un piège, elle n'en avait actuellement rien à foutre. Elle avait abandonné la civilisation au profit de l'instinct, et son instinct lui dictait que si elle voulait survivre à ce nouvel environnement, il allait falloir reprendre des forces. Et vite.

Une fois repue, Lina constata qu'on l'avait lavée, et que ses bandages avaient été changés. Elle ne s'offusqua même pas que son intimité ait été ainsi violée. Elle était trop épuisée pour s'en soucier. De toute manière, sa notion de l'hygiène était devenue toute relative après avoir vécu des semaines dans la promiscuité et l'absence d'eau. Elle se dit qu'on l'avait surtout nettoyée pour éviter qu'elle ne dégueulasse les draps avec le sang et le sable qui la maculaient.

Après avoir vainement cherché un miroir dans la pièce pour voir à quoi elle ressemblait, elle se laissa retomber sur le matelas moelleux, et sombra dans l'inconscience plus qu'elle ne dormait vraiment.

~*~
Lina se réveillait par intermittences, toujours aussi faible. Elle avait du mal à réfléchir. Elle avait totalement perdu la notion du temps. Faisait-il nuit ? Jour ? Depuis combien de temps était-elle alitée ? Elle n'en savait rien.

Parfois, elle émergeait de l'inconscience pour trouver un nouveau repas près d'elle, qu'elle s'empressait d'engloutir.

Une fois, elle s'empiffra trop vite et faillit vomir. Son estomac lui donnait l'impression d'avoir rétréci à la taille d'un Noigrume. La malnutrition excessive pouvait-elle avoir ce genre d'effet ?

Manger autre chose que des conserves froides lui faisait un drôle d'effet. Ces plats n'avaient rien de gastronomique, ils étaient même aussi mauvais que ceux qu'elle se cuisinait à la va-vite avant le Changement. Et c'était bien là tout ce qui les rendait si exceptionnels : c'était de la nourriture d'avant la catastrophe. De vrais repas. Elle n'avait rien connu de tel pendant des mois, et n'aurait jamais pensé redécouvrir ce confort un jour.

Malgré tout, Lina n'avait pas l'impression que son état s'améliorait.

Elle avait trop exigé de son corps. Elle était maigrichonne, blessée, meurtrie. Les séquelles mettraient du temps à disparaître – si elles disparaissaient un jour.

Toujours incapable de bouger, Lina se surprit à se mettre à réfléchir. Personne ne venait la voir, et un silence de mort régnait. Parfois, elle se parlait à voix haute pour se convaincre qu'elle n'était pas devenue sourde.

Elle devait avoir l'air d'une folle.

Si l'on s'occupait d'elle ainsi, il y avait de bonnes chances que l'on prenne également soin de ces compagnons. Mais cet homme et cette femme blanche… elle les avait entendu parler de l'état critique de ses amis, juste avant qu'elle-même ne s'effondre. Qu'en était-il ? Avait-on pu les sauver ? Qui avait survécu à la puissance de Lyrian ?

Ils étaient dans un bunker de X-Corp. Il devait bien y avoir de quoi soigner tout et n'importe quoi, non ? Des médicaments, un bloc opératoire, des médecins, ce genre de choses.

Peut-être que ces gens ne leur voulaient pas de mal. Peut-être que ce bunker était effectivement le refuge dont ils avaient rêvé, et pas une cage dorée dans laquelle elle allait être confrontée à de nouvelles épreuves.

Mais une partie d'elle était devenue trop sauvage pour y croire. Peut-être qu'elle s'était trop habituée à la douleur, à la trahison, à la fuite, pour croire qu'elle pouvait réellement être en sécurité quelque part.

En tout cas, la simple présence ici d'une hybride capable de tenir tête à Lyrian prouvait qu'elle ne devait pas baisser sa garde.

~*~
« Debout. » ordonna une voix autoritaire.

Lina se réveilla en sursaut et se redressa précipitamment dans son lit, encore engluée dans des rêves où son corps n'était pas une simple carcasse douloureuse. Près de la porte d'entrée se trouvait un homme de presque quarante ans, vêtu d'une combinaison grise. Une barbe broussailleuse lui couvrait les joues. Ses traits étaient durs, et ses yeux étaient ceux d'un homme dangereux. Elle le reconnut comme étant celui qui l'avait traînée à l'intérieur du bunker, et celui qui l'avait recouchée quand elle s'était évanouie dans l'espèce d'infirmerie où elle avait surpris sa conversation avec l'hybride aux cheveux blancs.

« Pas de questions. Je répondrai à tout plus tard. On n'a pas le temps. Je m'appelle Will Stelmar. C'est tout ce que tu as besoin de savoir.
- …
- Ton ami. Le grand type noir, musclé. L'hybride. Il ne va pas passer la nuit. Si tu veux lui dire au revoir, c'est maintenant. »

La nouvelle coupa le souffle de Lina. Cet homme était d'une franchise atroce. Voyant qu'elle ne réagissait pas, le dénommé Will Stelmar s'impatienta.

« Allez. Je sais que tu ne me fais pas confiance, que tu ne connais rien de ce bunker. Tu as deux choix : me croire et me suivre, ou penser que je mens et potentiellement laisser ton ami mourir seul.
- Où sont les autres ? Qu'est-ce que vous avez fait d'eux ? cracha Lina.
- Ils ne sont pas tirés d'affaire. On s'occupe d'eux. »

La jeune fille le regarda d'un air méfiant. Il avait l'air complètement impossible. Cet homme évoquait l'agonie de Thrak sans aucune émotion.

« Emmenez-moi à lui. »

Lina hésita, puis se redressa. Peu importe qui était cet homme, s'il disait vrai ou non. Elle voulait voir Thrak.

Elle essaya de se relever, mais ses jambes tremblantes ne purent la soutenir. L'homme se gratta la barbe en soupirant.

« Tu veux que je t'aide ?
- M'approchez pas, ordonna-t-elle avec véhémence.
- Bon sang, Lina, arrête de te comporter comme un Pokémon sauvage. Laisse-moi t'aider. »

La jeune fille sentit son sang se glacer.

« Comment vous connaissez mon nom ?
- De la même manière que je connais ceux de Joshua, Thrak, Kate et Jade, rétorqua Will Stelmar du tac-au-tac. Tu les marmonnes dans ton sommeil. »

Lina plissa les yeux et observa son interlocuteur. Elle était sûre que ce n'était pas la première fois qu'il prononçait son nom. Ses souvenirs étaient flous, mais elle avait l'impression qu'il l'avait déjà appelée par son prénom lorsqu'il la traînait à l'intérieur du bunker.

Quelque chose lui disait que cet homme mentait sur toute la ligne, mais elle décida de ne pas le confronter. De toute façon, elle n'était pas en position de l'affronter. Et il l'avait sauvée, après tout, non ?

« Ok. Aidez-moi à me relever. »

Le barbu lui attrapa fermement le bras et la planta sur ses pieds sans ménagement. Un éclair de douleur fusa dans la hanche de Lina, qui grimaça.

« Appuie-toi sur moi. On y va. »

Il offrit son bras à la jeune fille, qui s'en aida pour se stabiliser. Avec l'assistance de l'homme, elle put faire un pas fébrile, puis un deuxième. Méfiante, elle constata qu'elle tenait à peu près debout, et fit signe à l'homme qu'elle était prête à y aller.

Le panneau de métal qui formait la porte de sa chambre s'ouvrit en coulissant, et ils se retrouvèrent dans le même couloir sombre que celui où elle avait erré à moitié morte. Le sang qui maculait le sol semblait avoir été nettoyé.

Avisant la multitude d'autres portes identiques qui s'ouvraient sur le corridor, Lina ne put résister à la tentation de poser des questions à son mystérieux accompagnateur.

« Vous êtes combien, ici ?
- Il n'y a que moi et Sanae. Et ton groupe, maintenant.
- Où sont les autres gens de X-Corp ?
- Il n'y a personne de X-Corp, ici, répondit Will.
- Et vous, alors ? La combinaison ?
- C'est les seuls vêtements qu'on puisse trouver ici. Je t'en donnerai une aussi. Les tiens sont dégueulasses. »

Le ton était sec, mais sans animosité particulière. Lina baissa les yeux et dut se rendre à l'évidence : il disait vrai. Son débardeur était trempé de sueur, maculé de sang et de poussière, et son short n'était pas en meilleur état

Elle boitilla quelques dizaines de secondes dans l'obscurité du couloir, faiblement éclairé par quelques néons blafards, avant de reprendre :

« Qu'est-ce qui est arrivé à Lyrian ?
- Sanae s'en est occupée.
- C'est qui, Sanae ?
- Le sujet numéro vingt-cinq du projet Apocalyptica, répondit simplement Will.
- C'est quoi, le projet Apocalyptica ? Vous êtes qui ? Et ça veut dire quoi, qu'elle s'en est occupée ? Il est mort ? le pressa Lina, méfiante.
- Il me semblait t'avoir dit que je répondrai aux questions plus tard. Tiens, on est arrivés. »

Il désigna une porte d'un geste de la main. Ils s'approchèrent, et le panneau de métal coulissa, révélant une pièce qui semblait être une sorte d'infirmerie. De nombreux lits étaient placés face à face le long des murs, formant une longue allée qui menait jusqu'à une autre porte. Des néons blafards éclairaient maigrement la pièce, clignotant parfois avec difficulté.

Et là, sur l'un de ces lits, se trouvait l'énorme silhouette Thrak. La carrure du colosse était telle qu'il menaçait de tomber du matelas.

Lina eut un mouvement de recul en voyant l'état du géant au teint mat. Il était couvert d'innombrables bandages ensanglantés, qui masquaient la moitié de son visage. D'autre plaies, sur son torse ou ses bras, n'étaient même pas pansées. Son bras droit et sa jambe gauche étaient entièrement plâtrés, et un étrange dispositif -une minerve- soutenait ses cervicales.

« Je repasserai dans dix minutes. » lâcha Will avant de retourner dans le couloir.

Le panneau se referma derrière le quarantenaire, laissant Lina seule avec le colosse.

Inquiète, elle clopina jusqu'à son ami. Plus elle s'approchait de lui, plus elle constatait à quel point il était en piteux état. Il était couvert de sang séché et craquelé, de poussière et de sable. Ses multiples bandages, attelles et plâtres masquaient la majorité de son corps et de son visage, ne laissant voir que son œil droit poché, son nez tordu et sa bouche. Chaque centimètre carré de peau visible était contusionné, violacé. Son torse se soulevait difficilement et sa paupière gonflée tremblait légèrement, comme s'il était en proie à des songes douloureux.

Lina sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle s'assit sur le lit voisin et se mit les mains devant la bouche.

Thrak avait toujours été le roc imperturbable, le colosse qui résistait aux balles, qui ne flanchait jamais, même quand tout allait mal, même quand elle, Lina, avait été jusqu'à essayer de s'ôter la vie. Il avait été le premier être vivant qu'elle avait rencontré dans le désert, celui qui l'avait empêchée de se laisser dépérir, celui à qui elle devait la vie plus d'une fois. Il l'avait protégée, conseillée, écoutée, engueulée, giflée. Et au fil des mois, elle avait appris à s'en remettre à lui, à le laisser guider le groupe.

Et voilà que ce à quoi ce fier géant en était réduit. Un tas de chair meurtrie et d'os brisés.

« Bon sang, Thrak… » murmura faiblement Lina en prenant la main du colosse.

Ce dernier ouvrit son unique paupière libre avec un râle. Son œil était injecté de sang. Il aperçut Lina et ses lèvres s'étirèrent en un mince sourire.

« Salut, Lina… Joli spectacle, hein ? »

Sa voix d'ordinaire puissante et caverneuse n'était qu'un murmure, un chuintement à peine audible. Des larmes coulèrent le long des joues de la jeune fille.

« Thrak… Je…
- Shh. Écoute-moi. Il ne... »

Une violente quinte de toux l'ébranla tout entier, et Lina crut qu'il allait mourir là, maintenant. Le torse du colosse était pris de soubresauts inquiétants, et il cracha du sang avant de retomber à l'horizontale dans un râle rauque.

« Je ne sens plus rien, tu sais ? Mes jambes, mes bras… Rien. Je crois que… Lyrian m'a brisé la colonne.
- Ça va aller, Thrak… T'es solide. Tu vas t'en sortir… hein ? murmura Lina, presque suppliante.
- J'avais promis à Andrew… de tous vous protéger si quelque chose se passait mal. Je crois qu'on peut dire… que j'ai bien raté.
- Non. Sans toi, on serait tous morts, Thrak. Au canyon, à Salmyre, dans le désert…
- Les autres… ils vont bien ? Kate… Joshua… questionna faiblement l'homme avant d'être pris d'une nouvelle quinte de toux.
- Oui, mentit Lina en s'efforçant de sourire. Oui, ils vont bien. Ils se reposent, mais ils sont en vie. Tu les as sauvés, Thrak. On te doit tous la vie.
- Bon… Bien. Et… Lyrian ? Quand j'ai perdu connaissance, cette… cette espèce de fille blanche se battait contre lui.
- Il est mort. On s'en est assurés. Il ne se relèvera pas. Tout va bien, Thrak, ne t'en fais pas. » assura Lina.

Que pouvait-elle faire ? Thrak était mourant. Elle ne pouvait pas le laisser partir avec la certitude qu'il avait échoué. Elle sécha ses joues et essaya de paraître forte et rassurée.

Même si en réalité, elle ne demandait qu'à fondre en larmes et à supplier Thrak de ne pas l'abandonner alors qu'elle avait besoin de lui maintenant plus que jamais, alors qu'elle était en plein territoire inconnu.

« Fais… attention, Lina. A cet homme.
- Will Stelmar ?
- Oui. Il n'est pas… stable.
- Pas stable ? répéta la jeune fille, intriguée.
- Je l'ai entendu parler à quelqu'un. Alors qu'il n'y avait… que nous deux dans la pièce. Il m'a l'air… dangereux, Lina. Méfie-toi de lui. Et protège les autres. Il faut... »

Thrak s'apprêta à rajouter quelque chose, mais une autre quinte de toux le secoua, et il fut pris de violents tremblements tandis qu'il toussait du sang sur sa couverture.

« Thrak ! Thrak, ça va aller... »

Elle se redressa tant bien que mal et le prit par les épaules, ne sachant que faire. La violence de la crise de toux faisait trembler le sommier métallique du lit, qui crissait sur le carrelage.

Lina s'apprêtait à retourner chercher l'homme pour lui demander de l'aide lorsque Thrak retomba soudainement dans son lit, et le calme revint dans la pièce.

« Bon sang… Tu m'as fait peur… soupira Lina en se rasseyant. Tu veux que j'appelle l'autre type ? Il doit bien avoir des médicaments pour calmer ça... »

Pas de réponse. Lina releva les yeux vers le visage du colosse en haussant un sourcil. Ce dernier fixait le plafond de son œil valide, l'air ailleurs.

« Thrak ? Tu m'entends ? »

Prise d'un terrible pressentiment, la jeune fille se releva douloureusement et approcha son oreille des lèvres du colosse.

Il ne respirait plus.

Des larmes roulèrent à nouveau le long des joues de Lina, et elle se rassit dans un silence mortuaire, incapable d'émettre le moindre son. Le chagrin s'abattit sur elle comme une chape de plomb, étouffant son esprit, enserrant son cœur.

Thrak n'était plus.