Bleuet fané de M@xime1086

« Je m'incline. »

Le challenger qui faisait face à Ondine rappela son Hyporoi. La jeune rouquine s'approcha du bassin pour féliciter son Staross qui une fois encore avait brillé par sa tactique et sa force. L'homme qui venait de perdre le combat se dirigea vers elle, lui serrant amicalement la main.

« Bravo. Vous êtes ravissante lorsque vous êtes sous les feux de l'action. J'aurais l'immense plaisir de venir vous affronter de nouveau quand mes Pokémon seront plus en forme. »

Il lui baisa la main. Ondine, gênée par ce geste galant, se mit à rougir. Daisy, une des sœurs de la championne, avait assisté au combat. Elle n'arrivait pas à détacher son regard de la scène qui se déroulait sous ses yeux amusés. Une fois le charmant invité éclipsé, Daisy se jeta sur Ondine pour lui arracher ses impressions.

« Comment le trouves-tu ? Il est super mignon et courtois ! C'est rare de rencontrer des hommes qui sont aussi polis avec les femmes.
- Je n'ai connu que des garçons galants, tu sais, rétorqua la rouquine.
- Tu veux parler de Sacha ?
- Ce n'est pas à lui que je pensais. Sacha a d'autres qualités que la galanterie. Pierre et Jackie sont des gentleman, eux. »

Le ton sec d'Ondine étonna sa sœur. D'habitude quand elle évoquait Sacha et ses amis, elle ne tarissait pas d'éloges.

« Cet homme te fait de l'effet, je le vois à ton attitude troublée. »

Ondine voulut répondre mais pourquoi chercher à brouiller les pistes. Elle ne se cachait jamais aux yeux de Daisy, la seule de ses sœur à qui elle pouvait se confier sans être jugée ou moquée en permanence.

« J'avoue que quand je l'ai affronté, j'étais plus intéressée par ses yeux verts que par le combat.
- Lui aussi, d'ailleurs. Il ne t'a pas quitté du regard. »

L'étonnement se lisait sur le visage de la rousse.

« Tu vas le revoir très vite si il veut obtenir le badge Cascade. A mon avis, tu as une touche. Et cette fois ce n'est pas un Magicarpe mais bien un homme ! Je suis contente pour toi !
- Ne t'emballe pas trop. Ma ligne n'est jamais assez solide pour retenir ma prise. On verra bien la prochaine fois. »

Les jours passèrent sans que l'homme qu'Ondine attendait ne revint à l'arène. Les spectacles que donnaient ses sœurs ne faisaient pas raccourcir ses journées puisqu'elle en était exclue. Violette avait été très claire à ce sujet : Ondine ne s'occupait que de l'arène. Les Sœurs Sensationnelles fonctionnaient très bien sans la cadette de la famille. Cela ne dérangeait pas Ondine puisque son rôle de champion d'arène lui plaisait.

Pourtant un soir, au moment des répétitions, l'homme vint à l'arène. Celle-ci était fermée au public le temps des répétitions. Violette se mit en colère de voir débarquer un challenger d'Ondine alors que l'arène était close.
La rouquine n'eut pas le cœur à renvoyer cet homme qui avait apporté avec lui un bouquet de bleuets. Il le lui tendit galamment.

« Voici pour vous. J'ai cherché dans toute la région de Kanto des fleurs qui pouvaient me faire rappeler vos sublimes yeux azurés. »

Le bouquet de bleuets était énorme et tenait à peine dans les mains de la jeune femme. La championne sentait derrière elle le regard pesant de ses sœurs.

« Vous êtes sûr de ne pas vous être trompé de femme, monsieur ? Parce qu'Ondine n'est pas la plus jolie, objecta Violette, visiblement vexée.
- Ondine est la seule preuve sur terre que la beauté existe. »

Ondine, les joues carmins, semblait rire intérieurement de l'affrontement entre cet homme et sa sœur.

« Je ne me suis pas présenté : Gary. »

Psykokwak, attiré par les voix, vint se blottir contre les jambes de sa dresseuse. Ce geste affectueux attendrit le jeune homme.

« Je suis venu demander à Ondine de jouer dans le spectacle de ce soir. »

Les Sœurs Sensationnelles poussèrent un véritable cri de surprise. Ondine lâcha son bouquet. Violette répliqua d'un air condescendant :

« C'est moi qui gère les spectacles aquatiques ici. Ondine fera ce que je lui dirais de faire.
- Je vois. »

Gary s'approcha de Violette et lui décocha un sourire sarcastique. Il haussa les épaules dans un geste de profond dédain.

« Vous êtes pathétique mademoiselle. La jalousie ne vous va pas au teint. Ondine serait une bien meilleure sirène que n'importe quelle danseuse professionnelle. »

Ce compliment toucha la rouquine qui se précipita pour ramasser le bouquet à ses pieds. Psykokwak s'amusait avec les pétales tombés au sol.

« Je ne vais pas changer mon programme à cause d'un caprice mal venu, continua Violette.
- Violette, Ondine peut le faire. Pour une fois. »

Ondine n'arrivait pas à croire que Daisy vienne soutenir l'étrange idée que Gary proposait.

« Faites comme vous voulez. Mais si le public est mécontent, ce Gary remboursera l'intégralité des billets. »

Violette s'en fut en coulisses pour préparer les tenues. Lily, discrète jusque-là, vint avertir Ondine du rôle principal qu'elle allait tenir. La rouquine répondit assurément qu'elle connaissait le scénario du spectacle par cœur. Rassurée, Lily s'éclipsa. Daisy ramassa le bouquet de bleuets et entraîna Psykokwak plus loin.

« Vous allez être magnifique ce soir, assura Gary, les yeux pétillants.
- Je ne sais pas quoi dire... Pourquoi faites-vous cela ? Qu'est-ce que ça vous apporte ?
- Vous êtes belle, tout le monde doit le savoir. »

C'était la première fois qu'Ondine recevait autant de compliments en si peu de temps. Autant de dévouement chez un homme, cela l'étonnait. Certes elle ne se trouvait pas hideuse mais elle se considérait très loin derrière ses sœurs qui avaient toujours eut du succès auprès des garçons, contrairement à elle.
La championne d'arène avait abandonné sa fidèle couette pour laisser ses cheveux flotter librement derrière sa nuque. Elle avait l'air plus mûre que son âge.

« J'espère vous y voir, à ce spectacle, lâcha-t-elle. »

Gary, amusé par cette invitation qu'il n'espérait plus, figea sur ses lèvres un sourire qui voulait dire : "ma présence est l'évidence même". Psykokwak fit une nouvelle apparition, courant dans tous les sens. Ondine se frappa le front en constatant que le canard s'étouffait avec des bleuets coincés dans son bec. La jeune femme le rattrapa juste avant qu'il ne tombe dans le bassin.

« Qui est-ce qui m'a fichu un Pokémon aussi... ! grogna-t-elle en enlevant les boutons de fleurs du gosier de son Pokémon. »

Psykokwak se laissa faire, les yeux légèrement mouillés par l'inquiétude de voir sa vie s'arrêter maintenant.

« Mais tu as avalé presque tout le bouquet ma parole ! gronda la championne en retirant encore des bleuets après cinq minutes d'opération. J'espère qu'ils ont bon goût au moins. Ça t'apprendra. »

Pskykokwak ravi d'avoir la vie sauve, s'échappa dans les tribunes pour faire une petite sieste post-traumatique. Gary avait disparu.

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Dans les coulisses, Violette ne cachait pas son mécontentement. Elle triait les tenues qu'allait enfiler ses trois sœurs dans moins d'une heure. Lily essayait de la calmer, relativisant les propos de l'inconnu. Le visage de Violette était sans cesse tourner vers le piteux bouquet de bleuets que Psykokwak avait en partie avalé. Elle rit sous cape, contente d'avoir au moins gâché un des cadeau qui avait été offert à Ondine.

« Tu es vraiment méchante, fit remarquer Daisy à sa sœur en lui désignant l'état des fleurs. Tu n'as pas honte d'avoir fourré dans le bec de ce pauvre canard un si beau bouquet ?
- Si seulement ça avait été à Ondine que je l'avais fait avalé... Cet homme m’horripile ! Pour qui se prend-t-il ! »

Violette se tut à l'arrivée d'Ondine. Elle lui jeta le costume de sirène dans les bras et quitta les coulisses. La championne s'assit sur une chaise, contrariée de la situation dans laquelle cet inconnu la mettait. Cependant une joie secrète la faisait vibrer : pouvoir à nouveau enfiler ce costume était presque un privilège tant elle l'avait peu mis ces dernières années. Les seules fois où elle avait pu le porter furent quand ses sœurs voyagèrent à travers le monde, abandonnant l'arène ainsi que les spectacles. Bien sûr, elle avait été seule à animer ces show et avait dû adapter le scénario pour une seule personne.
Le succès avait été au rendez-vous, les tribunes comblent. A leur retour, les trois sœurs furent choqués par la demande croissante que leur imposaient les spectateurs.

Violette était celle qui menait les activités qui se déroulaient dans l'arène à la baguette. Tel un petit chef despotique, rien de devait dépasser dans ses plans. Gare à la sœur qui n'obéissait pas gentiment à la jolie Violette. Elle encourait des risques pour sa santé physique mais surtout morale. La demoiselle au cheveux bleutés était capable de persécuter l'un des membres de sa famille sans scurpules. Ça avait été le cas d'Ondine pendant de longues années. Violette lui avait longtemps reproché d'être un garçon manqué, maladroite avec les adolescents qui venaient la draguer. Ils avaient été peu nombreux mais à chaque fois qu'un garçon s'approchait de la rouquine, Violette et Lily s'arrangeaient pour lui casser du sucre derrière le dos. Le garçon déguerpissait en quatrième vitesse sous l'influence des deux sœurs.

Néanmoins, le seul garçon qu'elles n'avaient pas réussi à effrayer fut Sacha. Le fait qu'il voyage avec leur sœur ne leur avait pas rendu la tâche facile. Mais d'après les dires d'Ondine, il s'était chargé seul de l'embêter. Mais ces chamailleries étaient loin des défauts que Violette attribuait à sa sœur. Sacha était un garçon qui avait réussit à approcher Ondine sans connaître le courroux de ces chipies. Mais même ce rapprochement n'avait pas porté ses fruits, contrairement aux désirs dissimulés de la jeune championne. C'était la seule fois que Violette ne s'était pas mêlée des affaires de cœur de sa sœur.

« Ondine, dépêche-toi d'enfiler ta tenue ! »

Daisy lui secoua légèrement l'épaule. A la simple évocation de Sacha, Ondine se retrouvait troublée, émue.

« Tu penses à ton gentleman ? hasarda Daisy en allant chercher sa tenue accrochée à un cintre."

Ondine se leva, s'enferma dans la cabine destinée aux changement de tenue des spectacles sans dire un mot. Quelques minutes après y être entrée, elle entendit un bruit à la porte. Elle ouvrit le battant. Psykokwak lui tendit quelques bleuets qui avaient échappé au massacre. Daisy s'avança vers sa sœur, essayant d'interpréter le geste du Pokémon.

« Je crois qu'il veut s'excuser. »

Ondine s'accroupit, souleva le canard et le porta dans ses bras. Elle le câlina affectueusement. Ce n'était pas la première fois que ce Pokémon maladroit commettait des impairs. C'est ce qui faisait son charme. Daisy, habillée en prince charmant, vint lui murmurer quelques mots à l'oreille.

« Ce n'est pas de sa faute. Violette l'a forcé à engloutir tout le bouquet. Heureusement il ne s'est pas étouffé... »

Le sourire d'Ondine s'effaça, laissant place à des traits crispés. Les bras enlaçant Psykokwak se contractèrent. Quand est-ce que Violette allait-elle lui foutre la paix ?

Malgré la colère que l'on pouvait étudier sur son visage, la championne d'Azuria était d'une rare beauté. Elle avait laissé ses cheveux courts, refusant le port de la perruque. Son corps s'était transformé depuis qu'elle avait arrêté de voyager. Des formes plutôt généreuses se dessinaient sous sa tenue légère. Elle portait élégamment un haut azur constitué d'assemblage de coquillages qui recouvrait sa poitrine. La queue de la sirène qu'elle avait enfilé était des plus classique : des écailles roses et dorés parsemaient l'extrémité de ses jambes cachées. Le seul bijou qu'elle ne quittait jamais était un magnifique collier dont le joyau représentait une bicyclette orangée. Sacha le lui avait envoyé durant son voyage à Unys, lors d'une visite dans un magasin de Volucité.

« Il ressemble comme deux gouttes d'eaux à celui que... Bref, tu voulais que je te rembourse ton vélo, le voilà ! Quand je serais devenu un maître Pokémon, je serais suffisamment riche pour t'en racheter dix !"

Ondine s'était contenté de celui-là. Bien sûr cette affaire de vélo carbonisé était une excuse. Du moins, au début elle lui en voulait. Mais voyager aux côtés de ce garçon avait été une sorte de remboursement affectif. Ce long voyage occupait une place particulière dans son cœur contrairement à sa bicyclette qui n'était qu'un objet sans valeur. Elle l'avait compris lors de son retour à Azuria.

Psykokwak se pencha vers Ondine et fixa la tige d'un bleuet à sa coiffure. Daisy examina sa sœur, tout en approuvant la customisation qu'apportait le Pokémon eau.

« Cela te permettra de rendre hommage à Gary pour qui tu t'es aussi bien habillée. Le bleu te va à ravir »

Leur conversation fut interrompue par Violette. Toujours d'une humeur exécrable, elle pesta contre le retard de ces sœurs.

« Lily s'occupe de faire entrer les spectateurs, préparez-vous ! D'ailleurs elle a prévenu Marine qu'elle ne jouera pas ce soir, qu'Ondine la remplace. »

Cette dernière attrapa le bras de sa sœur.

« Tu vas me laisser tranquille, oui ? J'aimerais savoir pourquoi tu as agressé Psykokwak ! »

Violette plissa les yeux. Décidément Ondine ne changerait jamais de comportement.

« Ton Pokémon m’agace. Il traîne dans mes pattes depuis que tu es revenue à Azuria. »

Cette explication ne suffit pas à Ondine. Daisy préféra déguerpir, redoutant le choc des titans.

« Avoue que tu ne supportes pas qu'un homme vienne me séduire sous tes yeux. Tu as toujours été comme ça avec moi et avec les garçons que j'aimais. Mais celui-là, je ne te laisserais pas le manipuler ! »

D'un geste violent, Violette libéra son bras. Elle planta ses yeux ambrés dans ceux de sa petite sœur.

« Tu verras que j'arriverais à le faire mien. »

Violette rebroussa chemin, laissant sa cadette atterrée. Les poings crispés, Ondine se mit à courir vers le bassin aussi vite que son costume le lui permettait. Des rideaux la cachaient des regards curieux du public. Parmi la foule amassée le long des gradins, elle reconnut Gary. Le jeune homme était debout, soucieux. Il portait un costume des plus distingué, couleur chocolat. A la boutonnière, Ondine réussit à apercevoir un bleuet.
Machinalement elle pressa la fleur posée entre les mèches de ses cheveux pour s'assurer qu'elle était bien fixée. Elle mit une petite épingle pour parer à toute éventualité.

Les spectateurs s'assirent au fur et à mesure sous les yeux anxieux d'Ondine qui ne quittait pas le beau Gary. Celui-ci, pour occuper ses mains fébriles, tripotait le bleuet accroché à sa veste. Il tourna son visage vers les coulisses. Il plissa les yeux, incertain de ce qu'il voyait.

Le silence s'installa dans l'arène. Violette était en face d'Ondine, devant le plongeoir destiné à l'entrée en scène des personnages de l'histoire.

L'enregistrement annonçant l'entrée d'Ondine dans le bassin s'actionna dans les hauts-parleur perchés au plafond. La sirène, s'avança d'un pas qu'elle voulut léger. Les paupières closes, elle se figea au dessus du bassin.

« Il était une fois... commença la narratrice. »