Sur le fleuve Ooka de Hyacinthies

C’était un hiver ensoleillé à Carmin-sur-Mer.

La joie de tous les touristes à bord du Saint-Anne, des cyclistes et des utilisateurs de la trottinette se reflétait dans la mer de cette ville au port du soleil couchant. En revenant de sa région natale par avion depuis Parsemille, le Major Bob se dirigea vers son arène, attendant le prochain dresseur qui l’avait défié via son Pokénav quelques jours auparavant, une fonction qu’il avait mise en place devant son arène pour rentrer à Unys quand bon lui semblait.

Alors qu’il cherchait ses clefs, il vit que ses portes métalliques avaient été forcées. Un amateur ne l’aurait pas vu mais la serrure avait été maladroitement réparée. Cela faisait une éternité que le Major Bob n’avait plus à faire à eux ! Il invoqua son Pokémon dans le cas d’un combat direct. Il fit quelques pas aussi silencieux que possible. Il ne trouvait rien d’étrange jusqu’à ce qu’il entende des bruits réprimés. En voyant les gardiens de son arène bâillonnés, il était prêt à en découdre.

« Ça n’a jamais su frapper aux portes, on dirait ! se moqua Major Bob.
- Nous avons toqué, corrigea une voix masculine.
- Personne n’a répondu, continua une voix féminine.
- Alors, nous sommes entrés, finit une troisième voix.
- Qulbuuuutoké !
- La radieuse beauté des fleurs et de la lune n’est rien comparé à …
- Attendez, attendez ! interrompit Major Bob.
- Ne me coupe pas la parole, espèce de traître !
- Vous avez changé votre devise ? demanda-t-il en ignorant la remarque de Jessie.
- Jessie, nous sommes revenus à Kanto ! fit remarquer James.
- Très bien, tu as gâché notre intro.
- Il a toujours tout gâcher de toute façon, dit James.
- Que me voulez-vous ?
- Oh, le voilà exaspérer, Jessie !
- Nous avons le sale boulot, James, rappela-t-elle en appuyant sur le nous, c’est à nous que revient le droit d’être exaspéré !
- Sans compter que nous n’avons pas fini notre devise, ajouta Miaouss.
- Je ne me répéterai pas. Après ce combat, j’ai à faire ! D’ailleurs où sont vos costumes ridicules ?
- Ridicules, tu entends ça, James ?
- C’est vrai que porter une chemise ouverte en pleine hiver est tellement plus à la mode !
- Répondez-lui à la fin ! s’énerva Miaouss.
- Oh, ça va, ça va. Bon, si nous ne portons plus cet uniforme, c’est parce que nous avons quitté la Team Rocket pour de bon ! révéla Jessie.
- Ah, je vois, le vaurien t’a engrossée et vous ne pouvez plus faire grand-chose. Ha ha, ce n’est pas comme si vous aviez pu faire quoi que ce soit ! ricana-t-il. Allons, dit-il en faisant signe que ce n’était que de l’humour noir, je ne me permettrai pas de me moquer d’avantager des futurs parents ! J’imagine que félicitations est de rigueur, salua-t-il.
- M… Merci, bégayèrent Jessie et James.
- Bande d’incapables ! Ils vous amadouent un peu et vous faites les mous. Je vais m’en charger tout seul. Quand le boss verra qu’on a capturé Raichu, il me pardonnera d’avoir quitté la Team Rocket à cause de vous ! débita-t-il en sortant les griffes.
- Raichu ? Je n’ai plus de Raichu.
- Pardon ? s’étonnèrent-ils. Que veux-tu dire par là ?
- Raichu nous a quitté il y a deux ans déjà, dit-il simplement. Si c’était votre dernière mission alors vous venez encore de l’échouer et je vous prierai de quitter les lieux.
- Tout de suite ! » obéirent-ils en cœur.

Le trio n’en revenait pas. Ils n’avaient même pas eu le cœur à avouer à Major Bob que ce n’était qu’une plaisanterie. Jessie et James se rappelaient le moment où ils avaient dû relâcher Smogogo et Arbok pour protéger des Pokémon du Tyranocif. C’était suffisamment déchirant rien que de s’en remémorer. Ils n’osaient même pas imaginer ce que leurs deux Pokémon étaient advenus.

« Il n’a pas eu de chance. Les Pokémon souris font partis de ceux où l’espérance de vie est la plus courte.
- Et toi, Miaouss ? s’inquiétèrent-ils.
- Vous serez partis avant moi, malheureusement.
- Nous voilà rassurés !
- Comment ça ?
- On aura besoin de toi pour s’occuper d’Edward après notre départ.
- Oh, non, n’en parlez pas déjà, ça va me faire pleurer ! dit-il en pleurant à chaudes larmes.
- Oh, Miaouss, ne pleure pas déjà. L’enfant n’est même pas encore né ! dit Jessie en pleurs elle aussi.
- Oh, ma chérie, je déteste te voir pleurer, ça me fait pleurer aussi ! finit James en pleurant.
- J’y pense, interpela Miaouss avant que Jessie et James arrêtent de pleurer soudainement. Vous croyez que Pikachu…
- Oh, non, il n’a pas intérêt ! avertit Jessie.
- J’ai entendu dire qu’ils étaient rentrés à Bourg Palette pour le Festival Chichibu Yomatsuri, dévoila James.
- J’adore ce festival, rougit Miaouss. Le feu d’artifice à la fin est tellement beau !
- Ce sera notre ultime mission ! Allons profiter de ces préparatifs pour infiltrer la ville, les gars !
- Bien, chef ! »

Le deux Décembre s’approchait et la mairie de Bourg Palette était dans les temps. Les chars étaient décorés, les textes et les chants des Kabuki appris et les stands de nourriture n’avaient plus qu’à attendre sagement la fermentation du amasake qu’il allaient servir en grosse quantité pour réchauffer la population tout le long du festival. Le maire tenait à remercier toute la ville en célébrant la fin des préparatifs en assistant à un test de feux d’artifice accompagné d’un spectacle de Métamorph proposé par la maîtresse de l’imitation, Duplica, le trente Novembre.

Sacha se leva tôt, trop tôt pour lui. La nervosité ? L’anxiété ? La panique ? Il l’ignorait. Il sentait un mauvais pressentiment. Pikachu dormait à côté de lui. Depuis quelques temps, il regardait si les poumons de Pikachu bougeaient. Il se rassuré de cette façonRassuré de quoi ? Il l’ignorait. Pikachu vivait, c’était le plus important. Il l’observa un instant et se mit à lui caresser le menton puis à le gratter gentiment derrières les oreilles jusqu’à ce que Pikachu les agite et ouvre les yeux. Son cri « cha » du réveil était toujours le plus mignon qu’il produisait.

« Tu verras, Pikachu. Tout ira bien. On s’en sortira. Allons aux sources chaudes, ça te fera du bien. »

Pierre, Ondine, Régis et Duplica étaient tous hébergés au Laboratoire Pokémon. Le chant du Dodrio les avaient réveillés alors que les rayons du soleil étaient à peine visibles. L’excitation d’une nouvelle espèce de Pokémon était présente. Le petit-déjeuner était rapidement engloutit. C’était la première matinée où Pierre et Ondine réussissaient à manger à leurs réveils. Régis les guida dans la salle où était gardé Métamorph. Duplicaétait peinée de voir son Pokémon examiner. Elle devait se demander si elleavait bien fait de l’annoncer. Même si elle l’ignorait, elle aurait été rassurée de savoir que Métamorph était entre les mains du plus grand expert de Pokémon et qu’il n’y avait rien de mieux que d’étudier un Pokémon dans l’état le plus naturel possible. Métamorph était déjà debout, sans doute réveillé par le Dodrio ou en entendant la voix de Duplica. Elle aimait le croire, un lien infaillible disait-elle.

Ils marchèrent jusqu’à la clairière du Professeur Chen et respiraient l’air frais du matin. Ce gigantesque terrain devait faire des hectares qui s’étendait jusqu’à la route 1. Un ruisseau passait par la clairière à l’opposé du chemin des dresseurs donnant sur une plaine qui finit par un causse, plus adapté à des Pokémon de type Roche, Sol ou Acier. Duplica était émerveillée de voir qu’un lieu pareil existait pour les Pokémon attrapés. Ces reliefs confirmaient les éloges que faisait Régis de son grand-père ce qui lui donna l’élan nécessaire pour répéter leur spectacle de ce soir. Tout le monde était vêtu chaudement et assista à la répétition qui se conclut par un applaudissement et un cri de Pikachu. Sacha et son compagnon était de l’autre côté de la barrière.

« Oh, merci Sacha d’avoir assisté à la répétition !
- Merci à toi, Duplica. Pikachu en est ravi ! Tes Métamorph sont fantastiques !
- J’ai beau m’être produite beaucoup de fois sur scène, j’ai l’impression que c’est toujours une première et le trac est toujours présent !
- C’est normal, rassura Ondine. Je sais ce que c’est de travailler dans le monde du spectacle et ce n’est pas toujours évident. Faut savoir rattraper le coup quand un écart survient.
- D’ailleurs, ce Métamorph a toujours utilisé morphing comme ça ? releva Pierre.
- Oui, Mini-méta est comme son nom l’indique, petit. Il est très doué pour se métamorphoser mais garde sa taille initiale. J’ai décidé que son rôle était surtout de se transformer en Pokémon gigantesques.
- Effectivement, ce n’est pas tous les jours qu’on voit un mini Onix ou un mini Léviator, dit Régis.
- D’ailleurs, Ondine, en parlant de Léviator, je pensais pouvoir rajouter un tableau grâce à tes talents.
- Tu veux que je contribue à ton spectacle ? s’émerveilla Ondine. Ce serait un honneur, oui ! Dis-moi tout ! dit-elle en s’éloignant avec Duplica.
- Comment vas-tu, Sacha, demanda Pierra visiblement gêné.
- Plutôt bien. On a été aux sources chaudes, ce matin. Ces gars ne plaisantent pas avec le prix !
- Tu ne le dois qu’à ta renommée, s’amusa Pierre.
- Si c’était vraiment le cas, je devrais au moins avoir un tarif préférentiel, non ? Ou être accueilli comme Régis.
- Ce n’est pas si simple de prendre place. Il faut beaucoup plus de classe, Sacha, tu le sais.
- Et une cheville enflée, apparemment ! »

Ils rirent à gorge déployée. Le rire les amena à imiter chacun pour davantage de ridicule. Sacha se moquait de Régis en prenant le rôle d’une majorette avec de faux pompons dans les mains alors que Régis imitait Sacha en lançant une Pokéball sur un Pokémon qu’il n’avait même pas affaibli auparavant. Pierre prit la défense de Sacha et imita Giovanni vainquant Régis. Sacha exagérait la terreur de son rival au moment où il avait tomba sur Sacha lui avertissant de ne pas se mesurer au Champion de Jadielle. Malgré cet instant de légèreté, Régis était un peu froissé et rétorqua que Sacha avait eu de la chance que le Champion avait été remplacé par la Team Rocket. Personne ne pouvait battre Mewtwo. Personne ! Cette déclaration rappela la mission de Pierre avant de croiser Régis à Argenta. Son rire s’évanouit et la réalité le rattrapa. Régis et Sacha cessèrent de rire également. Pikachu était troublé par le silence soudain qui régnait et retourna dans les bras de Sacha.

« Sacha, je dois t’avouer une chose.
- Je sais que tu le savais, Pierre. Tout va bien, je comprends très bien que tu as essayé de me protéger. Je dois vous avouer un truc à mon tour : je crois que Pikachu va mieux, dit-il en le soulevant
- Sacha ! s’irrita Régis. Tu ne vas pas remettre ça sur le tapis !
- Non, je vous assure. C’est vrai qu’il se fatigue plus rapidement et met un peu de temps à se réveiller mais je suis sûr qu’il est tout à fait capable de faire un combat.
- Très bien ! Commençons ! Il est encore tôt. Tu n’auras pas l’occasion de te défiler sur du temps perdu, cette fois ! dit-il en sortant une Pokéball. Tortank, go ! Vu le niveau de ton Pikachu, il ne devrait avoir aucun mal à vaincre un Tortank !
- Tu es prêt, Pikachu !
- Pikaa !
- Pikachu, je te choisis !
- C’est un match à un seul Pokémon, annonça Pierre, le souffle coupé. Commencez !
- Pikachu, attaque Tonnerre !
- Tortank, attaque Repli ! Bien joué, Tortank, se réjouit Régis voyant que la carapace avait épargné son Pikachu de griller. Maintenant, Coud’Krâne !
- Pikachu esquive avec Vive-Attaque et rentre dans sa carapace par le côté !
- Quoi ? s’étonna Régis, surpris par la vitesse de Pikachu.
- Maintenant, Pikachu, Fatal-Foudre ! s’emballa Sacha.
- Pikaaaaa-Ch…
- Sacha, arrête ! cria Régis. Ton Pikachu est à bout de force ! »

Tortank sortit de sa carapace tenant dans sa patte Pikachu évanoui. Sacha trébucha jusqu’à Pikachu et le serra fort contre lui. Le cœur de Pierre s’arrêta. Le moment qu’il redoutait tant arriva. Il parvint malgré tout à garder son sang-froid et s’approcha rapidement de Sacha.

« Couvre-le chaudement, je ramène la voiture. »

Sacha était désespéré. Il n’en croyait pas ses yeux. Pikachu était si enjoué dans la source chaude. Pouvait-il absolument plus participer à aucun combat ? Il n’avait pas le temps de s’apitoyer sur son sort. Pierre était déjà là, prêt à emmener Pikachu au Centre Pokémon. Les filles courraient derrière, terrorisées du soudain cri de Régis. Pierre fit signe à Ondine de les rejoindre par trottinette. Elle retrouva sa présence d’esprit et ordonna à Duplica de rappeler tous ses Pokémon pour rejoindre Pierre et les autres. Ce dernier passa rapidement devant une figure familière derrière la clairière. C’était bien lui : le Champion de Carmin-sur-mer. Il n’avait pas le temps de le récupérer, ils étaient déjà loin.

« Infirmière Joëlle ! cria Sacha en courant vers elle tandis que Pierre se garait.
- Oh, que s’est-il passé ? demanda-t-elle en sortant du comptoir.
- On était en plein match Pokémon quand il s’est évanoui, expliqua Sacha pendant qu’elle prenait son pouls.
- Un combat Pokémon ? Sacha, ton Pokémon est trop vieux pour ça ! sermonna l’infirmière. Qu’est-ce qui t’a pris ?
- Trop vieux ? répéta Sacha.
- Donne-le-moi. Restez dans la salle d’attente, je vais m’en occuper. Viens, Leuphorie ! »

Vieux ? Etait-ce la raison de la santé de Pikachu ? Il manquait d’énergie parce qu’il était trop âgé ? Il était persuadé que Pikachu était malade et qu’il aurait trouvé un remède miracle à temps pour l’en guérir. Mais la vieillesse ? A part remonter le temps, comment y remédier ?

Pierre apparut en courant dans la salle d’attente rejoint quelque peu par Ondine et Duplica.

« Qu’a-t-elle dit, l’Infirmière Joëlle ? demanda Pierre, essoufflé.
- Que Pikachu était vieux, déclara Sacha qui coupa le souffle à tout le monde. C’est ça que tu me cachais véritablement ? Parle-moi, Pierre ! ordonna-t-il en attrapant le col de Pierre. Tu jouais l’apprenti docteur mais tu savais très bien ce que tu voyais, n’est-ce pas ?
- Arrête, Sacha, pleura Ondine.
- Arrêtez de me dire d’arrêter ! s’emporta-t-il. Ah, je vois, dit-il en observant tout le monde. Tu le savais aussi ? agressa-t-il. Vous le saviez tous en fait ! Qu’est-ce qui ne va pas chez vous ?
- Tu deviens parano, Sacha, lança Régis.
- Laisse-nous t’expliquer, tenta Ondine.
- Sacha, attends ! dit Pierre »

Personne ne courut après lui. Tous étaient paralysés. Pierre culpabilisait. Echec sur échec. Il aurait dû le dire à Sacha depuis le début. Comment il avait pu croire que cela aurait été plus simple s’il l’apprenait à la fin ? Il pensait sûrement qu’il n’aurait jamais à l’apprendre puisque tout le monde s’était tenu à ne rien dire. Dans la précipitation, quelqu’un avait dû le dévoiler involontairement. Ondine, voyant les yeux larmoyants de Pierre, s’approcha de lui et le prit dans ses bras. Duplica n’avait jamais été aussi gênée. Elle avait l’impression qu’elle n’aurait pas dû être là. Régis semblait relâché. C’était certainement mal venu et inapproprié mais il était soulagé de voir la vérité éclater au grand jour.

Sacha n’eut un seul instant de répit qu’une voix rauque et puissante lui tomba dessus brusquement en sortant du centre.

« Alors, bébé. Comment on se retrouve ?
- Major Bob, que faites-vous là ? demanda-t-il en reniflant.
- Je suis venu te voir, bien évidemment. Ton retour à ta ville natale a fait le tour des régions !
- Vous tombez mal, rétorqua-t-il à peine flatté. Je ne suis pas d’humeur. Pikachu est… Pikachu est…
- C’est ce que j’ai cru voir. Ton Pikachu n’est plus tout jeune. Si ça peut te consoler un peu, se confia-t-il, j’ai perdu Raichu, il y a deux ans déjà.
- Raichu est…
- Oui, Sacha. Ça m’a vraiment bouleversé. Tu sais à quel point il était fort ! se félicita-t-il. C’était mon Pokémon. Mais toute chose a une fin, bébé. C’est comme ça.
- Je ne peux pas, Major Bob. Ça ne peut pas être comme ça, répéta-t-il. C’est injuste, j’ai tant de choses à découvrir avec Pikachu ! Il n’a même pas revu Serena !
- Je connais un moyen si c’est ce que tu veux vraiment.
- Dites-moi ce que c’est, Major Bob, s’il vous plaît ? supplia Sacha.
- Ça ne va ni te plaire ni plaire à Pikachu.
- Je suis toute ouïe !
- Donne-lui une Pierre Foudre.
- Quoi ? Comment ça ? demanda-t-il boulversé.
- Raichu est la forme évoluée de Pikachu, non ? Si Pikachu évolue, il sera plus robuste et vivra encore quelques années.
- Vous êtes certain de ce que vous m’avancez, Major Bob ? Sans l’ombre d’un doute ?
- Sans l’ombre d’un doute, Sacha » répéta-t-il.

Sacha remercia Major Bob et retourna à l’intérieur du Centre Pokémon aussi vite qu’une attaque Tonnerre.

« Les gars, j’ai la solution !
- Ecoute, Sacha, je tenais à m’excuser…
- Pas le temps, Pierre. Major Bob a trouvé une solution pour Pikachu !
- Comment ça ? demandèrent-ils à l’unisson.
- Il suffit de faire évoluer Pikachu avec une Pierre Foudre ! enchaîna-t-il.
- Oh, il suffit, dis-tu, Sacha ? répéta Ondine.
- Effectivement, c’est très simple !
- Non, au contraire, Duplica. Pas du tout, corrigea Ondine. Sacha a déjà demandé à Pikachu pour faire le poids contre Major Bob justement et il avait refusé à l’époque.
- Oui, mais, c’est une situation différente, maintenant, pas vrai ? demanda Duplica.
- Je suis d’accord, déclara Sacha. Il aura forcément un avis différent cette fois. Mais, j’ai besoin que ce soit vous qui le lui en parlez. Vous aurez les mots justes, vous. Je ne suis pas sûr d’être à la hauteur, cette fois.
- Sacha, je… je ne suis pas sûr que ce soit à nous de lui offrir cette alternative.
- Pierre, si tu veux t’excuser, aide-moi à convaincre Pikachu, s’il te plaît. Je ne peux pas le perdre ! Je ne le veux pas !
- Sacha, lève-toi, dit Ondine. Nous allons le faire.
- Ondine !
- Seulement, ajouta-t-elle, il faut que tu saches que Pikachu a le droit de refuser.
- Il ne refusera pas, pourquoi ferait-il ça ?
- Pikachu a le droit de refuser, répéta-t-elle mot par mot de façon à ce que ce soit bien imprégné. Si tel est le cas, tu devras t’y résigner. Dis-nous que tu le sais, Sacha ! Si tu ne l’entends pas, nous ne ferons rien, lança-t-elle avec l’approbation de Pierre.
- En… entendu » abdiqua-t-il.

Si la tâche paraissait plutôt aisée, elle se compliqua lorsqu’ils se mirent en tête que l’épreuve la plus éprouvante à l’heure actuelle était que Pikachu soit réanimé. Sacha était excité à l’idée que Pikachu at un moyen de prolonger son espérance de vie mais l’étape d’avant devait être un succès pour songer à la suite. Pour ne pas saboter le moral de Sacha, Ondine, Pierre, Régis et Duplica réfléchissèrent à comment aborder le sujet avec Pikachu. Sur les faits, force était de constater que lui dire directement était la manière la plus efficace et rapide pour que Pikachu accepte bêtement et simplement. S’il voulait vivre plus longtemps, il n’y avait pas plus à réfléchir. Pierre se mit à la place de Pikachu. Tout naturellement, Pikachu voulait vivre. Allait-il accepter d’évoluer par envie d’exister quelques instants de plus ? Allait-il vivre ces nouveaux derniers instants en tant que Raichu alors qu’il avait vécu toute son existence en tant que Pikachu ? Sacha ne devait pas mesurer l’ampleur du choix qu’il donnait à Pikachu. Pierre ne voyait pas de bonne réponse à ce choix tragique.

En énonçant toutes ces hypothèses, Ondine était scandalisée par les propos employés par Pierre. « Nouveaux derniers instants » ? Avions-nous touché le fond ? Ni Ondine ni Duplica n’avaient la réponse. Elles étaient aussi perdues que Pierre et n’y voyaient pas de fin heureuse à cette histoire. Régis, lui, plus pragmatique que jamais se confortait dans la solution numéro une mais en laissant Sacha intervenir. Leur amitié étant mise à rude épreuve, eux seuls pouvaient résoudre le problème et accepter la décision de l’autre sans rejeter la faute sur qui que ce soit. Pierre adhéra aux paroles de Régis qui semblait être la situation le moins injuste de toutes. Midi passa et personne n’avait encore rien mangé. Pierre confia à Régis la lourde tâche d’annoncer la stratégie qu’ils avaient mis en place tandis qu’il allait chercher à manger pour tout le monde. Il profita de ce moment pour passer un coup de fil :

« Hé, ça va bien ?
- Oui, merci Pierre. Et vous ? Vous tenez le coup ? s’inquiéta la voix féminine
- Pikachu s’est évanoui peu après un combat contre un Tortank !
- Pourquoi Sacha a fait ça ? Il n’a rien à prouver pourtant…
- Disons que contre Régis, c’est une longue histoire. Où en es-tu ?
- J’ai pris le dernier vol de justesse. Pas facile d’obtenir la bénédiction d’un Pokémon Gardien ! Mais je devrais être là à temps. J’arriverai à Carmin-sur-Mer demain soir normalement.
- Entendu, je préviendrai le Professeur Chen qu’il faudrait une nouvelle couette dans la chambre des filles !
- On se voit à mon arrivée. Salut tout le monde de ma part ! »

Pour éviter de reproduire la même erreur, Pierre jugeait légitime que le Professeur Chen et la mère de Sacha soient tenus au courant. Vu qu’il devait être revenu près de ses amis au plus vite, ils avaient été rassemblés chez Delia et l’annonce brutale les frappa tandis que Pierre préparait à manger. Il était conscient qu’il manquait de discernement en tant que docteur mais il avait laissé son amitié le submerger. Le moment suivant, on ne pouvait percevoir que le bruit des ustensiles de cuisine et les nouilles que Pierre faisait sauter au wok. Ce dernier ne dit plus un mot et se plongea dans ses plats. Il finit par entendre des gémissements étouffés, sûrement recouverts par les mains de Delia. Le Professeur Chen se résolut à parler mais n’eut le temps que d’énoncer le prénom de la mère de Sacha en la rattrapant. Pierre se retourna et se rua sur Delia et l’examina. Elle n’était pas évanouie, juste étourdie et surprise par la nouvelle. Delia n’entendait plus que son cœur battre fortement dans sa poitrine et les échos des voix de Pierre et de Samuel. Elle devait rejoindre Sacha au Centre Pokémon, elle le devait…

Elle se tint sur ses deux jambes aussi adroitement que possible et repoussa Samuel et Pierre. M. Mime prit le sac de Delia à sa demande et courut hors de la maison.

« Rejoignez-la, Professeur Chen. Je finis et j’arrive ! »

Le grand-père de Régis courut aussi vite qu’il pouvait pour rattraper la mère de Sacha. Au vu des conséquences, Pierre se demandait s’il avait bien fait de l’annoncer telle une attaque Explosion. Aurait-il dû s’y prendre autrement de manière à ne pas choquer la mère de Sacha qui était la plus concernée des deux ? Dans l’urgence, avait-il vraiment eu le temps d’expliquer le plus calmement possible ? Etait-ce qu’il aurait dû faire ? Peut-être. Avaient-ils compris pourquoi il ne l’avait pas fait ? Il l’espérait. Plus il y réfléchissait, plus la situation le rendait fou et il perdait petit à petit son calme. En posant violemment les boîtes, une partie des nouilles rebondit et tomba au sol. Machinalement, il se baissa et rassembla ce qu’il pouvait jusqu’à ce que cela en devenait insupportable ! Pourquoi il devait être l’ami qui aurait dû lui dire la vérité ? Pourquoi il devait être le docteur qui aurait dû être impartial ? Pourquoi il avait décidé de retrouver Sacha ? Pourquoi Pikachu devait…

Pierre soupira profondément, retenant ses larmes. Il tremblait et n’aurait su dire si cela avait cessé lorsqu’il arriva au Centre Pokémon, réconfortant tout le monde avec sa superbe cuisine. Sacha remercia Pierre mais ne réussit pas à vouloir manger. Son regard s’était planté sur la croix rouge, espérant que lorsqu’elle se serait éteinte que Pikachu soit parmi eux.

« Sacha, appela Ondine. Il est bientôt l’heure du spectacle. Tu ne veux pas venir voir le spectacle de Duplica. »
- Je te remercie, Ondine, mais je préfère rester ici et attendre les nouvelles de l’Infirmière Joëlle.
- Ça te changera les idées, mon Sacha, intervint sa mère. Pikachu ne se réveillera pas plus vite en restant là. Recharge-toi en batterie et on reviendra tous avec toi ! encourage-t-elle.
- Je ne sais pas… je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.
- Nous demanderons à l’Infirmière Joëlle de nous contacter dès qu’elle sort du bloc opératoire, rassura Delia. Qu’en dis-tu ? Et n’oublie pas que Pierre a sa voiture. Il te ramènera ici en moins de deux ! positiva-t-elle. Le maire tenait particulièrement à te remercier, ce soir, Sacha. Quand il a appris que tu revenais pour fêter le festival avec nous, il voulait tout faire en grand pour t’accueillir de la meilleure façon qu’il pouvait ! »

Pierre ne trouvait pas les mots ni le courage de remercier la mère de Sacha après la déclaration qu’il avait faite. Il se sentait simplement reconnaissant que Delia ne l’accable pas. Sacha paraissait moins irrité mais plus démoralisé qu’à l’heure du déjeuner. Il finit par céder et suivit tout le monde à la mairie de Bourg Palette, autour de la grande fontaine.

Plus s’ils s’approchaient de la destination, plus les festivités se faisaient ressentir. Des lanternes étaient accrochés un peu partout sur les rebords des fenêtres des habitations et sur les câbles offrant une couleur orangée à la place. Il y avait les odeurs de la nourriture proposés par pléthores de Yatai. Ces échoppes en bois proposaient des plats populaires tous plus alléchants les uns que les autres. Ondine, Duplica et Delia comptaient se régaler avec les yakiimo tout en se réchauffant, le balançant d’une main à une autre pour ne pas se brûler. Les garçons s’étaient jetés sur les takoyaki, admirant tous la technique du chef à retourner ces boulettes de poulpes. A l’unanime, ils se prirent des verres d’amazake, égayant davantage la soirée. Une scène de concert y était installée, sûrement pour le spectacle de Duplica qui en attendant, diffusait des musiques traditionnelles de Kanto. Les filles taquinaient rapidement les garçons pour s’acheter un happi qu’ils réfutèrent aussitôt car ce n’était qu’une pré-cérémonie. La joie était réelle. Sacha était impressionné du nombre d’habitants qu’il y avait à présent. Il ne s’était peut-être jamais aperçu mais il profitait de l’air festif. Il souriait.

Alors que tout le monde s’installa confortablement sous un abri et protégé du vent, Duplica était dans les coulisses.

« Petit pot de beurre, petit pot de beurre. Le plus original des originaux se sera « désoriginalisé ». Petit pot de beurre, petit pot de…
- Duplica ?
- Oui, Monsieur le maire ? sursauta-t-elle.
- Tu…
- M’échauffais, oui. Ça m’aide à articuler, précisa-t-elle presque en s’excusant.
- Tant mieux parce que ça va être à toi ! »

Elle finit ses exercices par plusieurs souffles longs et ronds puis de puissants souffles en gardant ses lèvres collées, un bruit grossier ! Elle pouvait entendre le Maire présenter le festival qui aurait eu lieu dans deux jours conclu par un feu d’artifice de deux heures ! L’introduction toucha à son terme. Il était temps de rentrer sur scène.

Le public vit six Duplica apparaître dont cinq identiques et une haut comme dix Baies Mepo qui clôturait la file indienne. Elles se retournèrent tous vers les spectateurs et se transforment sous leurs yeux en Eoko les accueillant en une note d’harmonie puis chantèrent en canon le nom de la ville. Les Métamorph reprirent leurs formes initiales sous les applaudissements du public, laissant place à Duplica :

« Merci à tous d’être venus si nombreux assister à mon spectacle. Nous allons effectivement célébrer cette fête de la moisson avec respect et sincérité. Je ne suis pas d’originaire de Bourg Palette mais mes meilleurs amis y sont. J’ai eu la chance de rencontrer Sacha, Pierre et Ondine il y a vingt ans de cela. Il y a quelques jours, la chance m’a souri à nouveau quand je suis tombée sur le petit-fils du Professeur Chen, Régis Chen qui m’a guidé jusque-là. La vie est faite de surprises ! Beaucoup de hauts et de bas arrivent et mon rêve qui est de devenir éleveuse de Métamorph est loin d’être acquis. Ce sont mes amis qui m’ont poussée à y croire et à ne pas relâcher mes efforts ! Grâce à eux, je peux enfin montrer ce que mes Métamorph sont réellement capables. Je leur dois beaucoup parce qu’ils m’ont appris ce qu’était le travail et la volonté de réussir.
Sacha me le prouve encore ce soir, dit-elle en le montrant au premier rang Je me permets de faire cette annonce car Sacha est un réel symbole et un vrai modèle de combativité et de bravoure. C’est un moment difficile et personne n’a à affronter une telle épreuve seul. Voilà... Pikachu, le Pikachu de Sacha est actuellement en soin intensif auprès de l’Infirmière Joëlle et de son Leuphorie » balbutia-t-elle.

Le temps était peut-être mal choisi et la foule était agitée. Duplica ignorait si ses amis avaient approuvé son geste mais elle ne voulait pas que ce soit passé inaperçu. Elle inspira profondément, retenant au mieux ses larmes et déclara :

« Pikachu ne voudrait pas qu’on s’apitoie sur son sort. Nous savons tous que tout ira bien. Nous allons célébrer, tous ensemble, la force et la détermination de Pikachu et de Sacha. Que cette amitié perdure à jamais ! Pour Sacha et Pikachu !
- Pour Sacha et Pikachu ! acclamèrent-ils »

Le public était désormais déchaîné. Certains continuaient à exalter l’amitié de Pikachu et de Sacha, d’autres complimentaient Duplica pour son discours émouvant et encourageant ! Pierre pouvait voir que son vieil ami était très ému. Sentir le soutien de toute une ville était assurément ce qu’il avait le plus besoin. Il se sentait tout de même coupable quelque part.

Le spectacle approchait à sa fin et tout le monde sauta de joie et fut émerveillé par l’attaque Morphing parfaitement maîtrisé pour sa toute dernière exécution en Mew. Au moment où les applaudissements s’estompèrent, le Pokématos de Sacha sonna.

« Pierre ! J’ai besoin de toi ! »