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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 10/04/2016 à 02:37
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:51

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -39 : En bas
Will et ses airs d'inspecteur du siècle dernier attiraient régulièrement les regards interloqués des passants qu'il croisait sur les passerelles de la ville supérieure. Il fallait dire que son imperméable de cuir vieillot et son chapeau à bord large contrastaient nettement avec les complets sombres et les tailleurs professionnels de ses contemporains.

Et encore, Fenrir était dans sa Pokéball, sans quoi Will aurait fait plus qu'attirer les regards.

En effet, les Pokémon n'étaient pas autorisés dans la ville supérieure ; du moins, pas sur les passerelles, ce qui était tout à fait compréhensible compte tenu du poids que pouvaient atteindre certaines de ces créatures.

Will marchait d'un pas pressé vers le point de passage vers la surface le plus proche, qu'il apercevait à travers la paroi gauche de sa passerelle, à deux cent mètres de là.

Il s'agissait d'un immeuble en forme de double hélice, terminé en sommet par un dôme de verre. Il n'existait que trois bâtiments semblables dans toute la ville. Entre les deux hélices, reliés au corps principal par des passerelles de verre se trouvaient une dizaine de tube verticaux dans lesquels circulaient des capsules pneumatiques, destinées à assurer la liaison entre la partie supérieure de la capitale et la surface. Des dizaines de silhouettes allaient et venaient par l'une des nombreuses entrées de la double hélice.

La ville haute d'Omnia ne comptait pas plus de cinq mille habitants ; cinq mille privilégiés, dont le niveau de vie était tel qu'ils pouvaient se permettre de vivre au-dessus des nuages. On retrouvait là de nombreuses personnalités, Algosyennes comme étrangères : Champions d'Arène, hommes politiques pleins aux as, la partie aérienne de la ville était peuplée de riches, qui, lorsqu'ils avaient encore besoin de travailler, occupaient des postes hauts placés tels que cadres d'entreprise et autres businessmen.

Parmi les silhouettes qui sortaient du point de passage, il était donc rare de tomber sur un habitant de la ville haute ; hormis les Elitiens, il était incongru qu'un résident de la partie supérieure d'Omnia descende à la surface - et s'il s'y risquait, personne ne pouvait assurer sa sécurité. Will était probablement l'une des rares exceptions à cette règle.

Bien qu'il ait passé la totalité de sa vie d'adulte à Omnia, Will était toujours légèrement mal à l'aise lorsqu'il se baladait dans les passerelles suspendues de la ville ; il avait l'impression d'être dans l'un de ces tunnels de verre que l'on trouve dans les aquariums, où les visiteurs pouvaient circuler sous l'eau pour observer les poissons à travers la paroi. Sauf qu'en lieu et place des Pokémon Eau, il n'y avait que des panneaux publicitaires dont les messages holographiques clignotaient de mille feux.

L'un des nombreux drones publicitaires de X-Corp survola la passerelle en vantant les mérites de la dernière X-Ball, réputée « encore plus efficace que la Master Ball ». Will jeta un œil à la Pokéball de Fenrir accrochée à sa ceinture, et eut un rictus nostalgique. Ce genre d'antiquités inefficaces était devenu rare, à Omnia. Les prouesses technologiques de X-Corp, que ce soit en matière de médecine ou d'accessoires pour Dresseurs, avaient depuis longtemps révolutionné la vie à Algosya.

Au bout de longues minutes de marche, Will arriva enfin près du point de passage. Jetant un regard vers la base de la double hélice, qui s'enfonçait en tournoyant dans la mer nuageuse, l'homme s'engagea sur la passerelle en évitant de heurter les passants qui venaient dans l'autre sens.

Il repéra une ou deux patrouilles d'Elitiens qui surveillaient les allées et venues. Vêtus de leur uniforme noir, ces hommes et ces femmes surentraînés, qui constituaient la police d'Omnia, étaient reconnaissables entre tous.

Vêtus d'une armure sombre et matelassée, à la manière d'un gilet pare-balles, ils portaient au côté un revolver imposant qui avait fait la célébrité de l'ordre. Véritable merveille technologique, leur arme était en effet équipée des dernières prouesses techniques : munitions tranquillisantes, incendiaires, lunette de visée thermique, un nombre phénoménal de gadgets embarqués qui en faisaient une arme redoutable, bien plus efficace que n'importe quel équipement que la Résistance pouvait avoir en sa possession.

Mais il ne fallait pas croire que l'efficacité renommée des Elitiens n'était due qu'à leur arme. Ces hommes et ces femmes surentraînés excellaient dans de nombreux domaines. Sélectionnés par des examens rigoureux dès l'âge de quinze ans, ils passaient de nombreux tests techniques et psychologiques pour avoir le droit d'entrer à l'Académie, ce prestigieux centre de formation où ils passeraient ensuite cinq ans.

A l'issue de leur formation, les Elitiens ressortaient experts en tactique et en combat, bien sûr, mais aussi dans d'autres domaines comme la psychologie ou le profilage. Leur rigueur, leur sens indéfectible du devoir et leur expertise dans ces domaines faisait penser, à bien des égards, à un corps militaire plus qu'à une simple police civile.

Au sortir de l'Académie, la majorité des Elitiens prenait le chemin d'Omnia, où ils était chargés de maintenir la paix et la sécurité dans la capitale - notamment dans sa ville basse. Ils étaient les rares à être autorisés à descendre comme bon leur semblait à la surface ; ils y patrouillaient régulièrement, luttant difficilement contre les réseaux de prostitution et autres cartels qui pullulaient dans l'ombre de la ville supérieure.

Ces derniers temps, avec l'avènement de la Résistance, les Elitiens étaient sur le qui-vive.

Aussi Will ne s'étonna pas lorsque l'un d'entre eux le héla avec autorité.

« Hé, vous ! »

En soupirant, l'homme releva son chapeau et se retourna. Il venait de dépasser un groupe de cinq Elitiens. L'un d'entre eux - une récente recrue, à en juger par l'absence de galons sur ses épaulettes - le regardait d'un air suspicieux.

« Où est-ce que vous allez, habillé comme ça ? » l'apostropha le bleu, un jeune homme d'à peine vingt-cinq ans.

Will soupira. Il était déjà en retard, et voilà que cet excès de zèle lui faisait perdre encore plus de temps.

« Je travaille à la surface, lâcha-t-il simplement. Et ma tenue ne regarde que moi.
- Votre nom ?
- Will Stelmar, énonça l'intéressé sans cacher son exaspération.
- Et qu'est-ce que vous allez faire à la surface, monsieur Stelmar ?
- Je vous l'ai dit, j'y travaille. Écoutez, je suis pressé. Scannez-moi, qu'on en finisse. »

L'Elitien se renfrogna, n'appréciant visiblement pas le ton de Will. Malgré tout, il obtempéra et sortit un petit cylindre métallique, pourvu d'une lentille à l'un de ses embouts. Will ôta son chapeau et laissa l'homme pointer l'appareil en direction de son œil.

« William Aaron Stelmar. Accréditation exceptionnelle pour service rendu. » énonça une voix robotique.

La recrue cligna des yeux et vérifia que la photo projetée holographiquement correspondait bien au visage de Will. Hébété, ses yeux allèrent de son appareil à l'homme, et il balbutia :

« Désolé, monsieur. Je ne vous avais pas reconnu. »

Mais Will était déjà parti.

~*~
Après s'être fait scanner la rétine pour la deuxième fois en cinq minutes -il avait toujours détesté cette sensation-, Will passa le portique qui menait aux passerelles d'embarquement et avança jusqu'à l'ascenseur 6, comme le lui avait indiqué l'hôtesse.

Peu de monde descendait à la surface, à cette heure-ci. En revanche, un nombre considérable d'employés montaient, prêts à entamer leur journée de travail dans le cœur d'Algosya. Car en effet, si la quasi-totalité des habitants de la ville supérieure occupaient des postes hauts placés voire ne travaillaient pas, une multitude d'habitants de la surface prenaient l'ascenseur tous les matins pour aller se démener dans les bureaux administratifs ou les nombreuses boutiques de la ville - des travaux qui auraient été indignes de la riche population de la partie haute d'Omnia. Cuisiniers, ouvriers de maintenance et femmes de ménage étaient également des métiers courants. Jadis, une famille se serait sentie honorée qu'un de ses enfants travaille pour quelqu'un de la ville haute, si ingrate fut la tâche - mais aujourd'hui, avec l'avènement de la Résistance, ces gens-là se retrouvaient pris entre deux feux, méprisés par la ville supérieure pour leur origine, et méprisé par la surface à cause de leur statut de serviteurs des riches privilégiés.

Will se retrouva seul sur sa passerelle, et écrasa le bouton d'appel. Les portes s'ouvrirent et l'homme s'installa dans les sièges rembourrés de la capsule pneumatique.

Après quelques secondes, les portes se refermèrent et l'ascenseur s'ébranla, filant à toute vitesse vers la surface.

En soupirant, l'homme s'installa nonchalamment dans son siège et regarda les autres capsules, qui descendaient elles aussi à toute vitesse dans d'autres tubes en verre. Autour d'eux, la double hélice du corps principal serpentait à toute vitesse vers le sol.

La ville haute d'Omnia était située à plusieurs kilomètres au-dessus du sol - on considérait qu'on y entrait lorsque l'on franchissait l'altitude des nuages, soit environ deux kilomètres au-dessus du sol. En conséquence de quoi, la descente vers la surface prenait un certain temps. On avait alors mis en place des capsules pneumatiques, fiables et rapides, qui permettaient de rallier la terre ferme en moins de cinq minutes.

Ces capsules circulaient dans trois immeubles seulement : les points de passage. Les autres bâtiments de la ville supérieure, bien qu'ils prennent évidemment appui à la surface, ne communiquaient pas avec elle ; aux alentours de l'altitude de deux kilomètres, une imposante plaque d'acier inviolable coupait les immeubles en deux, séparant clairement la ville haute de la surface.

La ville supérieure d'Omnia n'était pas très étendue ; inutile, lorsque l'on culminait jusqu'à dix kilomètres de haut. Constituée de tout au plus une centaine d'immeubles, répartis en cercle autour de la Chancellerie, elle était ridiculement petite en superficie lorsqu'on la comparait à l'immense ville qui s'étendait sur la surface.

Bientôt, la capsule de Will s'engouffra dans la mer de nuages, et ce fut le noir. Quelques spots bleutés s'allumèrent, mais la purée de pois qui régnait au-delà de la vitre rendait tout de même l'atmosphère oppressante.

L'ombre d'un ascenseur qui circulait en sens inverse passa brièvement dans le champ de vision de Will avant que la capsule ne disparaisse également, avalée par les nuages. L'homme rajusta son chapeau et attendit patiemment la fin de cette descente qu'il effectuait tous les jours depuis sept ans.

Et puis, au bout de longues secondes, le triste spectacle de la ville basse noyée sous la pluie s'offrit à ses yeux au fur et à mesure qu'il descendait vers le sol.

Les belles tours de verre et d'acier de la ville haute avaient laissé la place à des colonnes de métal et de béton grisâtre, que quelques rares fenêtres perçaient ça et là. Pour éviter que les immeubles de la ville haute ne s'effondrent sous leur propre poids -ou qu'ils ne fassent l'objet de tentative de sabotages meurtrières-, on avait considérablement fortifié leur base, qui n'étaient désormais que de tristes blocs massifs de matériaux spécialement étudiés pour leur résistance. Dans l'ombre de la ville supérieure, tout n'était que béton armé, acier forgé et plastique composite sali par la pollution. Les nuages, que les immeubles empêchaient de circuler, s'entassaient au milieu de ces tours froides et noires, plongeant la ville basse dans l'obscurité morose d'un mauvais temps qui ne cessait jamais.

Des centaines d'appartements se trouvaient à l'intérieur de ces masses démesurées de béton. Les habitations précaires s'empilaient sur deux kilomètres de haut, jusqu'à ce qu'une chape d'acier blindé et soigneusement surveillée ne vienne couper l'immeuble en deux, séparant définitivement la ville basse de la partie supérieure d'Omnia.

Plus de la moitié de la population d'Omnia s'entassait dans ces gratte-ciels, écrasés par la présence de la ville haute. Le reste vivait dans des immeubles plus petits qui s'étendaient autour, ou encore dans les immenses banlieues précaires qui formaient une véritable couronne de bidonvilles autour du centre. Entre chaque immeuble, dans les immenses artères d'asphalte que parcouraient des centaines de voitures, de métros et de piétons, la masse grouillante des habitants de la ville basse évoluait péniblement, comme une mélasse qui s'écoulait mollement dans les rues.

La double hélice de verre et d'acier qui constituait le corps principal du point de passage laissa bientôt la place à une immense masse de béton semblable aux autres, et Will fut à nouveau plongé dans le noir. Le tube de verre dans lequel circulait sa capsule s'enfonça dans ce bloc grisâtre de ciment, et le triste spectacle qu'était la ville basse disparut aux yeux de l'homme.

Ce dernier attendit patiemment que sa capsule freine et s'immobilise. Les portes s'ouvrirent alors sur un tunnel d'embarquement glauque, à peine éclairé par quelques néons faiblards. Will rajusta son chapeau et se mit à marcher dans le tunnel. Ses pas résonnaient contre les parois sales, et pour la énième fois, il ne put s'empêcher de remarquer à quel point ce spectacle tranchait avec les belles passerelles d'embarquement suspendues de la ville haute.

A l'extrémité du tunnel, deux portes blindées. Will les poussa lourdement et se retrouva dans le hall.
Constitué d'une simple salle sur laquelle s'ouvraient tous les tunnels d'embarquement, il était rempli de caméras, de portiques de détection et d'Elitiens. Des drones armés assuraient également la surveillance, volant en bourdonnant au-dessus d'eux. Les murs noirs et blindés étaient percés de quelques rares fenêtres, et, droit devant Will se trouvaient les guichets d'embarquement, où quelques personnes dont les papiers n'étaient pas en règle se disputaient constamment avec des hôtesses installées derrière des vitres blindées.

Un labyrinthe de barrières rempli de monde serpentait des guichets jusqu'à l'entrée du bâtiment – une simple porte à tourniquet. Will, qui venait en sens inverse et n'avait donc pas à endurer l'attente devant les guichets, franchit le hall d'un pas pressé et se retrouva bientôt dehors.

Il fut ravi d'avoir emporté son imperméable lorsque la pluie l'assaillit à l'instant où il sortait. Comme presque toujours, il pleuvait sur la ville basse, la faute aux immeubles qui arrêtaient les nuages dans leur course. Dès qu'il se retrouva dehors, Will fut happé par la marée ininterrompue de passants pressés et bougons qui inondait les rues.


Crédit : Dontnod Entertainment - Adrift concept art

Son agence n'était pas située directement sous la ville supérieure, aussi lui faudrait-il prendre le métro pour quitter le centre. Cette perspective ne l'enchantait guère ; il n'aimait pas les wagons surpeuplés et odorants des transports en commun de la surface. Malgré tout, Will s’engouffra dans l'une des bouches de métro, descendit quelques escaliers et attendit sur les quais sales et fatigués. Les parois de la station étaient couvertes de graffitis, de slogans haineux contre la ville haute et le gouvernement de Taylor, et de restes d'affiches publicitaires déchirées. Ça et là, quelques individus vêtus de haillons se réchauffaient près des braseros. Le métro Omnien avait toujours été un refuge pour les sans domicile fixe ; certains groupes criminels eux-mêmes y avaient leur planque, exploitant les rames abandonnées pour se cacher des Elitiens.

Le réseau de métro d'Omnia était probablement le plus compliqué du monde ; ce tentaculaire système s'étendait jusqu'à la frontière des bidonvilles extérieurs, et ce dans tous les sens. Il fallait plus de quatre heures pour traverser la ville basse d'un bout à l'autre. Fort heureusement pour Will, son agence n'était pas très éloignée du centre-ville.

La rame est arriva bientôt, crissant sur les rails en s'arrêtant. Il s'agissait d'un vieux métro d'acier rouillé qui gémissait et survivait plus qu'il ne roulait vraiment. Une foule compacte en sortit, et Will dut jouer des coudes pour pouvoir se faire une place à l'intérieur. Évidemment, il n'y avait pas de place assise.

La ligne qu'il empruntait était celle qui menait dans les quartiers mal famés de l'est de la ville ; en conséquence de quoi, son délabrement était assez avancé.

Will endura le trajet pendant une dizaine de minutes avant de quitter la rame. Lorsqu'il quitta la station et se retrouva à la surface, le décor avait légèrement changé. Les immeubles ne montaient plus jusqu'à disparaître dans les nuages, et avaient retrouvé une taille raisonnable ; les rues étaient moins bondées. Loin à l'ouest, on observait encore les immenses bâtiments du centre-ville ; à l'est, on apercevait une vieille zone industrielle désaffectée.

Will traversa la rue et se dirigea vers un immeuble d'une quarantaine de mètres de haut, fait de briques carmin salies par la pollution. Une lourde porte de bois surmontait un petit perron. Coincé entre deux bâtiments identiques, l'immeuble n'avait rien de spécial, si ce n'était les petites plaques en métal placardées à côté de la porte. Il y en avait trois. La première indiquait un cabinet de kinésithérapie au premier étage. La deuxième était si sale et si vieille qu'elle était devenue illisible.

Quant à la dernière, elle lisait : « Will Stelmar – Détective privé. 3e étage. »

Will poussa la porte de chêne et se retrouva dans le hall. Un escalier de lourdes marches de béton s'enroulait autour d'un ascenseur qui ne marchait plus depuis des mois.

Il se mit à gravir les marches quatre à quatre. Arrivé sur le palier du troisième, il aperçut un homme qui attendait devant la porte de son cabinet. Grand et costaud, il était vêtu d'un long manteau sombre, légèrement trop propre et stylisé pour être issu de la ville basse. L'air sévère et les tempes grisonnantes, l'étranger leva les yeux vers Will en grommelant. Il devait avoir la cinquantaine.

« Tu es en retard.
- Quatre mois qu'on s'est pas vu, et c'est la première chose que tu trouves à me dire. » répondit Will en souriant.

Les deux hommes échangèrent une poignée de main chaleureuse, et le dénommé Garvin détailla Will du regard en grommelant.

« Salut, Garvin. C'est bon de te revoir.
- Toujours la même tenue, hein ? T'es resté coincé au siècle dernier, c'est ça ?
- Tu peux parler. Si tu voulais passer inaperçu avec ce genre de truc, c'est raté. Personne ne porte ça, à la surface, ricana Will.
- On évite de descendre en uniforme, en ce moment. Les Elitiens sont plus détestés que jamais depuis que la Résistance fout la merde partout. » grogna Garvin.

Will fouilla dans les poches de son éternel imperméable marron et en tira un trousseau de clé. Après quelques secondes passées à batailler pour trouver la bonne, il donna un tour de serrure et ouvrit la porte.

« Bienvenue dans mon palace. » fit-il en refermant la porte derrière Garvin.

Le cabinet de Will n'était pas très grand. Une salle d'attente chichement meublée avait été aménagée à gauche de l'entrée ; à côté, une pièce fermée à clé faisait office de cuisine, de chambre et de débarras. Entre les deux se trouvaient des sanitaires ; et, enfin, à droite en rentrant, se trouvait le bureau de Will, noyé sous les dossiers et les papiers.

La pièce était constituée d'un simple meuble en bois verni, de quelques armoires de métal où s'entassaient les dossiers, et de deux sièges plus ou moins confortables de chaque côté du bureau. Sur ce dernier trônait un ordinateur dépassé depuis longtemps par la technologie de la ville supérieure, mais fort utile au demeurant. Sur une étagère près de la fenêtre se trouvait une machine à café surexploitée.

« Installe-toi, invita Will en jetant son chapeau sur le bureau. Tu veux un café ?
- Volontiers. » accepta le cinquantenaire en s'asseyant.

Le détective décrocha la Pokéball de sa ceinture et la jeta nonchalamment dans un coin du bureau. Elle s'ouvrit dans un déclic, et un éclair bleu zébra l'air. L'instant d'après, Fenrir s'étirait en grommelant près du siège de Garvin. L'Arcanin jeta un regard grognon à Will, qui haussa les épaules.

« Désolé, mon vieux, j'ai fait aussi vite que j'ai pu !
- Il ne supporte toujours pas d'être enfermé, hein ? » sourit Garvin.

L'Elitien aux tempes grises flatta l'encolure du Pokémon – un geste qui aurait valu à n'importe qui d'autre de voir sa main arrachée. Mais Fenrir connaissait bien le cinquantenaire, et se laissa faire d'un air satisfait.

« De pire en pire. Plus il vieillit, et plus il devient grognon.
- Comme son Dresseur, lança Garvin.
- Je t'emmerde, papy. » rétorqua Will avec un demi-sourire.

Il s'assit en face de Garvin et lui tendit sa tasse de café, tout en soufflant sur la sienne.

« Tu as encore déménagé, remarqua l'Elitien aux tempes grises.
- Le loyer de l'autre cabinet était trop cher.
- Les indemnités ne te suffisaient pas ?
- Les indemnités payent tout juste mon loyer là-haut, et c'est déjà pas mal. » grommela Will.

Il but une gorgée de son café tandis que dans son coin, Fenrir posait sa lourde tête sur ses grosses pattes et les regardait discuter. Garvin posa sa tasse et se frotta les mains, comme s'il cherchait ses mots.

« Alors tu vas peut-être être content. J'ai du travail pour toi.
- Comment ça, tu as du travail pour moi ?
- Le Commissariat a du travail pour toi. » corrigea Garvin.

Will tiqua.

« Je bosse pas avec les Elitiens, Garvin, et tu le sais.
- Écoute au moins ce que j'ai à te dire.
- Mmh. »

Il but une nouvelle gorgée et se tut, écoutant son ami de mauvaise grâce. Le cinquantenaire s'enfonça dans son siège et se polit les paumes, réfléchissant visiblement à la meilleure manière d'approcher le problème.

« J'imagine que tu sais qu'on est un peu dépassé par les événements en ce moment.
- Oui. J'ai vu pour le coup de filet d'hier. Bien joué.
- Bah, grommela Garvin en évacuant la remarque d'un geste. Ce que Riviera a oublié de dire aux médias, c'est qu'on n'a rien fait dans l'histoire. C'est un indic anonyme qui nous a contacté il y a une semaine en nous indiquant où et quand faire la descente. On est arrivés à l'endroit indiqué, et on n'a eu qu'à les cueillir comme des fleurs. Riviera voulait faire passer ça pour un succès, histoire de rassurer les gens. Mais le problème, c'est que l'interrogatoire n'a rien donné.
- Parce qu'ils opèrent en cellules.
- Exactement. Les types qu'on a arrêté ne savent rien, ou presque. Ils se contentaient de pirater le système de détection rétinienne. Ils n'ont aucune idée d'où se planquent les Résistants qu'ils ont fait monter.
- Ah, ce cher Officier Riviera... soupira Will, pensif.
- Comme tu dis. Enfin bref. Il y a deux jours, on a reçu une demande de protection rapprochée. De la part de Tia Taylor.
- Tia Taylor ? La fille du Chancelier ?
- Elle-même. Elle a reçu des menaces de morts.
- Signées ?
- Non. Anonymes. Mais la probabilité qu'elles viennent de la Résistance n'est pas négligeable.
- Ça pourrait être un petit con qui s'amuse à faire le malin, objecta Will. Vous êtes sur les nerfs, en ce moment, et j'en connais plus d'un qui rêverait de donner du fil à retordre aux Elitiens.
- C'est bien possible, et ce serait pas la première fausse alerte qu'on nous enverrait. Mais avec l'attentat sur la Chancellerie de la dernière fois, on préfère ne prendre aucun risque. Surtout si c'est la vie de la fille de Taylor qui est menacée.
- Ok. Et quel est le rapport avec moi ?
- C'est là que tu vas te marrer. On a immédiatement proposé à la fille Taylor de détacher deux Elitiens à sa protection en permanence, mais elle a refusé.
- Pourquoi ?
- Parce qu'elle veut que ce soit toi. » lâcha Garvin.