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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 05/04/2016 à 00:43
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:51

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -40 : Omnia
Le réveil poussa un cri strident, et se mit à vibrer si fort qu'il en fit trembler la table de nuit. Son écran digital, seule source de lumière dans la pénombre de la pièce, s'éclaira et afficha six heures.

Avec un grommellement las, une main d'homme émergea des couvertures et tâtonna quelques instants, cherchant à faire taire la sonnerie crissante de cette machinerie infernale.

Après une âpre lutte aveugle, la main triompha et écrasa le bouton du réveil de tout son poids, avant de se rétracter sous les couvertures dans un grognement satisfait.

C'était sans compter sur l'Arcanin qui dormait au pied du lit. L'énorme Pokémon Feu leva péniblement l'une de ses lourdes pattes et l'abattit sur les draps, avant de tirer la couette par terre et de poser sa tête dessus.

« Fenrir... » soupira l'homme allongé dans le lit.

Le feu qui brûlait à l'intérieur de l'Arcanin réchauffait l'appartement ; mais l'homme, simplement vêtu d'un boxer, agrippa la couverture injustement volée par le Pokémon, cherchant à la ramener sur son matelas qu'elle avait quitté bien trop tôt à son goût.

Peine perdue. La lourde tête de l'Arcanin clouait la couette au sol. L'homme batailla quelques secondes, pour la forme, puis poussa un soupir vaincu.

« On se demande qui est le Dresseur de l'autre, parfois... » grommela-t-il d'un ton mi-irrité, mi-amusé.

Fenrir souffla du museau, l'air indifférent, puis retourna à sa sieste. Son Dresseur s'assit sur le bord du lit en poussant un râle digne d'un septuagénaire perclus de rhumatismes. Sa grogne était telle que l'Arcanin ouvrit un œil réprobateur.

« Ouais, ben si on m'avait pas forcé à me lever, je serai peut-être de meilleure humeur. » bougonna l'homme, grognon.

Il s'étira lentement et frappa dans ses mains.

Aussitôt, les stores qui masquaient la baie vitrée s'ouvrirent, laissant la lumière se déverser dans la chambre.

« Bonjour, monsieur Stelmar. Il est actuellement 6h02. Voulez-vous que je vous rappelle votre emploi du temps du jour? » lança une voix féminine désincarnée.

Ébloui par le torrent de lumière qui abondait depuis l'extérieur, Will se cacha les yeux de la main.

« Stores à 50%, ordonna-t-il d'un ton agacé. Et oui, rappelle-moi mon emploi du temps.
- Une seule entrée aujourd'hui. Vous avez rendez-vous avec Garvin Keithr à votre agence à 7h00, déclara l'ordinateur domestique tandis que les volets se baissaient légèrement.
- Envoie un message à Garvin. Dis-lui que je serai là à 7h15, soupira Will.
- Message envoyé. Je me dois également de vous rappeler que vous avez un mois de retard sur votre loyer, monsieur.
- Mmh. Fais chauffer le café. »

L'homme passa une main dans ses cheveux ébouriffés et s'installa devant la baie vitrée, toujours en caleçon.

Comme à chaque fois, il s'abîma dans la contemplation des gratte-ciels d'Omnia. Ces immenses tours de verre et d'acier qui s'élançaient vers le ciel avaient quelque chose de fascinant pour Will, qui perdait volontiers une dizaine de minutes chaque matin à en contempler l'étonnante complexité.

La ville supérieure d'Omnia avait quelque chose d'irréel, d'impossible, qui ne cessait de l'étonner. D'immenses tours semblables à des arbres défeuillés s'élançaient vers le ciel, à plus d'un kilomètre au-dessus du sol - si hauts que les nuages, la plupart du temps, s'amoncelaient en contrebas, formant une mer opaque et cotonneuse qui masquait les bidonvilles de la surface.

Will étudiait les passerelles suspendues qui serpentaient au-dessus de la mer de nuages qui s'agitait en contrebas. Ces tunnels de verre, maintenus en l'air par un savant jeu de filins d'acier, lui faisait penser à des pantins articulés par les ficelles d'un marionnettiste.

Les passerelles étaient déjà parcourues par de nombreux piétons, qui allaient d'un pas pressé. En tant que capitale de la région d'Algosya et ville la plus peuplée du monde, Omnia n'attendait pas. Hommes d'affaires, cadres supérieurs et directeurs en tous genres allaient et venaient dans leurs complets sombres, circulant entre des gratte-ciels aux formes plus modernes et sophistiquées les uns que les autres. Ces géants d'acier et de verre, véritables prouesses du monde moderne, avaient fait la renommée d'Omnia : la ville si haute que ses habitants vivaient au-dessus des nuages.

Les dizaines d'immeubles gigantesques formaient une véritable forêt d'acier, qui émergeaient de la masse nuageuse pour s'élancer vers un ciel où brillait toujours le soleil. A Omnia, on n'était pas soumis aux aléas du climat ; la ville était toujours ensoleillée, et les passerelles couvertes protégeaient les habitants du vent et du froid.

Du moins, lorsque l'on avait la chance -et les moyens- d'habiter dans la ville supérieure. L'immense partie de la population qui vivait dans les bidonvilles à la surface, elle, n'avait pas cette vue en se levant le matin. Mais cela, il était facile de l'oublier, lorsque l'on était du bon côté de la barrière.


Crédit : Aurélien Duglas sur ArtStation

« Votre café est prêt, monsieur. » l'avertit la voix artificielle.

Will s'arracha à sa contemplation, jeta un regard à Fenrir qui somnolait toujours et fila vers la cuisine.

Son appartement n'était pas si grand, surtout comparé aux autres demeures de la partie supérieure d'Omnia, bien plus luxueuses. De la chambre, un couloir sobrement décoré s'ouvrait sur une petite salle de bain sans baignoire, une cuisine mal rangée et une chambre d'amis dont Will se servait de débarras. A l'extrémité du corridor se trouvait la salle de vie principale, meublée d'un canapé de cuir essoufflé, d'une table dont le vernis craquelait, d'un écran plat qui ne servait jamais et d'une bibliothèque remplie d'ouvrages divers - une curiosité, à l'époque où toute la littérature était numérisée.

A dire vrai, tout ou presque dans cet appartement serait apparu comme une bizarrerie aux yeux des contemporains de Will. Bien qu'il ne soit âgé que de trente-six ans, l'homme entretenait en effet une passion particulière pour les antiquités ; éternel nostalgique du siècle dernier, il limitait son usage des nouvelles technologies au strict minimum. Sa télévision prenait la poussière, l'appartement était dépourvu de terminal informatique ou de projecteur holographique, et un invité aurait été bien en peine de trouver le moindre meuble récent.

La seule exception à ceci était son assistant domestique - il n'existait plus aucune habitation à Omnia qui n'en soit pas équipée. Et bien qu'il fut un éternel grincheux, Will devait reconnaître que cet ordinateur personnel, quoique dépourvu d'intelligence, était un assistant précieux.

Will attrapa la tasse de café qui l'attendait en fumant. Tout en soufflant légèrement dessus, il se rapprocha de la baie vitrée de la salle et reprit sa contemplation de la ville qui s'éveillait.

« Des nouvelles récentes ? demanda-t-il à voix haute.
- Connexion à Omnews, lança la voix féminine désincarnée. La campagne électorale poursuit son cours. Les derniers sondages annoncent que 67% des Algosyens souhaitent voir Jack Taylor être réélu au poste de Chancelier. Voulez-vous en savoir plus ?
- Non. Change de sujet.
- Le Commissariat d'Elite d'Omnia a annoncé avoir interpellé dans la nuit trois Résistants lors d'une descente à la surface. Les individus seraient à priori responsables des nombreux piratages d'ascenseur des dernières semaines.
- Continue.
- D'après les premiers rapports d'enquête, les trois hommes auraient réussi, à l'aide d'une faille informatique, à pirater le système de détection rétinien des ascenseurs de plusieurs points de passage. Ils auraient exploité cette faille pour faire monter plusieurs Résistants dans la ville supérieure.
- Est-ce qu'on a établi un lien avec les attentats de la semaine dernière à la Chancellerie ?
- D'après la déclaration de l'Officier Frank Riviera, les premiers interrogatoires n'ont pas permis d'établir de connexion claire entre ces passeurs et les terroristes responsables de l'explosion à la Chancellerie mardi dernier. Les trois individus arrêtés ont avoué avoir infiltré des Résistants, mais n'ont pas pu fournir d'informations sur les attentats de la Chancellerie.
- Ils opèrent par groupuscules isolés... murmura Will. Ils cloisonnent les infos pour éviter qu'un membre arrêté n'emmène les autres dans sa chute.
- Voulez-vous en savoir plus?
- Ça ira. »

Pensif, l'homme sirota son café en regardant l'immeuble de la Chancellerie au loin. Plus grand bâtiment d'Omnia, il était le cœur administratif de la ville, et la résidence du Chancelier, le leader de la région d'Algosya. La semaine dernière, à l'heure de pointe, une explosion avait retenti dans une salle de conférence au 118e étage, tuant plusieurs bureaucrates et faisant une vingtaine de blessés. Le Chancelier Jack Taylor, qui était censé mener une réunion à cet étage ce jour-là, n'avait dû sa survie qu'à une urgence de dernière minute qui l'avait forcé à quitter la ville dans la matinée.

Le tragique événement avait plongé la ville dans l'émoi le plus total, et, évidemment, avait été revendiqué par la Résistance.

On ignorait qui étaient exactement ces anarchistes. Apparus trois mois plus tôt, ils avaient inquiété la population dès le départ en posant une bombe dans un magasin de vêtements de luxe, faisant une trentaine de morts parmi la population aisée d'Omnia.

Ils avaient aussitôt enchaîné en publiant une vidéo sur les réseaux sociaux, où un homme encagoulé à la voix déformée exécute de sang-froid un Elitien menotté. Le spectacle, glaçant d'effroi, avait terrorisé la population avant d'être retiré des réseaux. Peu après, il avait été révélé que la victime était soupçonnée de se servir de son statut d'agent des forces de l'ordre pour couvrir certains trafics douteux. Mais le message qui s'affichait en lettres de sang à la fin de la vidéo était resté gravé dans tous les esprits.

« Nous sommes la Résistance. Et nous allons arracher le mal à la racine. Nous allons vous faire tomber de votre piédestal. »

Le mouvement avait depuis lors multiplié les coups d'éclat, revendiquant de nombreux attentats, incendies, sabotages. Un mois plus tôt, une passerelle bondée de monde s'était effondré, condamnant les piétons à une chute mortelle ; un incendie avait ravagé un Centre Pokémon. A chaque acte terroriste, le mouvement semblait s'enhardir, au grand dam des Elitiens, ces agents surentraînés qui consistaient la police d'Omnia, mais qui pourtant, peinaient à faire avancer l'enquête.

Les médias s'étaient emparés de l'affaire, et la psychose s'était installée. Le gouvernement avait décrété l'état d'urgence, et publié de nombreuses consignes de sécurité. Jack Taylor, Chancelier très apprécié qui arrivait à la fin de son mandat, avait vu sa cote de popularité déjà bien haute gagner plusieurs points. Les résultats de la prochaine élection ne faisaient aucun doute, désormais ; et l'on était d'ailleurs ravi à l'idée que Jack Taylor dispose de cinq années supplémentaires pour éradiquer ce mouvement anarchiste.

A Omnia, la sécurité avait été renforcée : des fouilles avaient été mises en place à l'entrée des bâtiments publics ; des manifestations avaient été reportées voire annulées ; les communications d'éventuels suspects étaient étudiées ; les Elitiens multipliaient les patrouilles dans la ville haute, et les descentes à la surface. De nombreuses lois avaient été votées et appliqués, autant pour faciliter le travail des forces de l'ordre que pour rassurer la population.

Bien que seule la capitale ait été touchée, les autres villes importantes de la région, notamment Salmyre, avaient également été l'objet de mesures de renforcement de sécurité.

Le message de la Résistance était clair : ils abhorraient Omnia, sa ville supérieure et les valeurs qu'elle représentait. Probablement issus des bidonvilles de la surface, ils cherchaient à déstabiliser le régime et Omnia dans son ensemble - mais Omnia était le cœur de la République d'Algosya, et en s'en prenant au Chancelier, les Résistants s'en étaient pris à tous les Algosyens.

Un aboiement impérieux le tira de ses réflexions. Finissant son café, Will se retourna et aperçut son Arcanin qui attendait à l'entrée de la cuisine, l'air mécontent. Lorsqu'il était debout, le Pokémon Feu le dépassait de plusieurs centimètres, et son air majestueux en aurait intimidé plus d'un - mais Will, dont Fenrir était déjà le Pokémon alors qu'il n'était qu'un Caninos, n'en fut nullement impressionné.

« Ah, oui. Désolé, mon vieux. » fit-il en tapotant la truffe du Pokémon, qui souffla d'un air impatient.

L'homme posa sa tasse et versa les croquettes dans la gamelle de Fenrir, qui s'empressa de les dévorer. Amusé, Will le laissa à son festin et fila dans la salle de bains. Il n'avait que trop rêvassé et allait être en retard ; même si depuis toutes ces années Garvin avait sûrement appris que la ponctualité n'était pas le fort de Will.

Ressortant de la douche moins de cinq minutes plus tard, l'homme s'arrêta un bref instant devant le miroir, puis fila dans sa chambre. Apercevant le réveil qui affichait 6h45, Will lâcha un grognement.

« J'espère que t'as fini, Fenrir, parce qu'on est censé être à l'agence dans une demie-heure ! » cria-t-il en enfilant sa chemise.

Il enfila sa cravate et son pantalon de toile avant de quitter la pièce. Près de la porte d'entrée, l'Arcanin l'attendait d'un air impassible, se pourléchant les babines.

« On voit Garvin aujourd'hui, mon vieux. Qui sait ce qu'il nous veut encore, hein ? » sourit Will en grattant le Pokémon sous le menton.

Il attrapa son imperméable du siècle dernier et enfila son chapeau de cuir. Là aussi, son inexplicable goût pour ce qui était passé de mode étonnait ses contemporains, et Will ne doutait pas qu'il trancherait particulièrement avec les autres passants une fois dans la rue. Mais peu lui importait. Là où il allait, personne ne jugeait les gens sur leur apparence.

« Allez, on y va. »


Crédit : Klei Entertainment - Invisible Inc. concept art