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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 23/03/2014 à 01:12
» Dernière mise à jour le 03/11/2017 à 15:23

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre 06 : Ce qu'ils m'ont fait
Il flottait. Ce fut la toute première impression qu'il ressentit. Il flottait dans le néant. Le vide absolu. Seul. Désespéré.
Puis, au loin, un son se fit entendre. Un truchement régulier, un murmure d'ici et d'ailleurs, cyclique, qui venait frapper ses tympans à intervalles réguliers, produisant un « bip » fascinant, étranger à ce monde.
Et soudain, les voix déchirèrent l'air, tonitruantes, contrastant violemment avec le silence pesant de son environnement.

« Patient stabilisé, monsieur.
- C'est un échec, résonna une voix déformée.
- Un échec ? C'est le premier à survivre ! protesta quelqu'un.
- Il ne vivra pas, Morgan. C'est le deuxième choc cardiogénique, on risque le collapsus, fit une troisième voix, plus claire.
- Bon sang, je suis généticien, pas toubib, alors expliquez-vous clairement !
- ... Son cœur est défaillant. Il bat mal. J'ai déjà dû lui faire deux injections d'adrénaline pour qu'il tienne. Mais ça ne sert à rien. Il va à nouveau faire un choc, et son cœur va finir par se dégonfler comme un Baudrive malade.
- On ne peut pas le sauver ?
- Je ne vous paye pas pour faire de l'altruisme, Morgan, déclara à nouveau la voix tordue.
- Ce n'est pas de l'altruisme. Il est le meilleur résultat que l'on ait jamais obtenu ! Imaginez les progrès qu'on pourrait faire s'il survivait... »

La mélodie des « bip » changea de tempo. A ses oreilles, elle semblait s'accélérer, comme si elle perdait ses moyens sous l'effet de l'angoisse. C'était comme si son cœur s'emballait en même temps que la musique.

« Tachycardie. Son cœur accélère. Il recommence. On va le perdre !
- Nouvelle entrée. Projet Apocalyptica, essai 24. Nouvel échec. Le sujet n'a pas supporté la transmutation. Fin de l'entrée, dicta la voix altérée comme si elle parlait dans un enregistreur. Mademoiselle Liara, laissez-le mourir. Vous disposerez du corps selon le processus habituel.
- Monsieur Taylor ! s'exclama Morgan. Ce n'est qu'un enfant !
- Ce n'est pas un enfant. C'est un cadavre.
- Je crois que ce ne sera pas nécessaire. Je crois que... ça a marché. Regardez...» murmura la voix claire.

Les notes de la mélodie aiguë se firent de plus en plus distantes, jusqu'à former une musique apaisante, agréable. Une sensation de bien-être s'empara de lui.

« Son rythme cardiaque revient à la normale. Il... se soigne tout seul...
- ... Nouvelle entrée. Projet Apocalyptica, essai 24. Correction. Le sujet est en vie. »


~*~
Le hurlement d'une femme réveilla Lyrian. Surpris, ce dernier se redressa sur son matelas, et tendit l'oreille. Dehors, des gens couraient, criaient. Des détonations retentissaient erratiquement, ricochant sur les parois du canyon, formant un tonitruant concert de mort. Qu'est-ce qui se passait... ? Était-ce une attaque des pillards de Salmyre ?
En sueur et dominé par une sensation de fatigue inexplicable, l'adolescent posa péniblement les pieds par terre et se traîna vers la sortie, intrigué. Son mal de crâne semblait avoir totalement disparu.

Dehors, les rayons du soleil pointaient difficilement au-dessus des murailles de roche. Le jour était à peine en train de se lever, et les balles pleuvaient sur le monde. Quelqu'un faisait feu. Quelqu'un qui voulait leur mort. Ils étaient attaqués. Tout autour de lui, des gens couraient, essayaient de fuir à l'intérieur des grottes, ou de s'abriter des tireurs. On criait, on gémissait, et le garçon se rendit compte avec horreur que certaines personnes, allongées par terre, ne bougeaient plus.

Une balle se planta dans le sable, à quelques enjambées de Lyrian. Ce dernier courut de toute la vitesse de ses jambes et s'accroupit derrière un rocher, les tripes nouées, le cœur battant la chamade. Parfaitement réveillé par la brusque décharge d'adrénaline, il resta hébété quelques instants. Qu'est-ce qui se passait ?!

Il risqua un rapide coup d'œil en dehors de son abri. Là-haut, sur la muraille rocheuse, il avisa quelques silhouettes. Il n'eut pas le temps de les compter. Nouvelle détonation. Quelqu'un qui courait, loin à sa gauche, s'écroula par terre en se tenant la cuisse.

Lyrian haletait. Que faire ? Que devait-il faire ? Rentrer, se cacher ? Non. Il ne pouvait pas. Cet homme était encore vivant. Il fallait l'aider.

Quelque chose en lui gronda. Comme un monstre enragé, au cri sourd, qui se réveillait d'un profond sommeil. Un monstre puissant.

Un élan de courage - ou d'inconscience, cela revenait au même - s'empara de lui et Lyrian quitta son abri, s'élançant aussi vite que possible, plié en deux, s'attendant d'un instant à l'autre à ce qu'une balle fuse et que la douleur déchire sa chair.
Mais bizarrement, il n'en fut rien. Il parvint à la hauteur du blessé, le saisit par les épaules et le traîna aussi vite que possible derrière un autre rocher. Là, il se blottit contre le roc et regarda la personne qu'il venait de secourir. C'était Joshua. L'adolescent qui les haïssait tant, lui et tous les autres rescapés des laboratoires.

« Ça va ?
- Putain non, ça va pas ! Ma cuisse ! J'ai mal ! cria Joshua, le visage déformé par la douleur.
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Le groupe de Salmyre... Les pillards... Nous ont bien eus... Ils ont dû monter là-haut à dos de Pokémon oiseaux... »

L'adolescent blessé paraissait souffrir grandement. Il serrait les dents, et Lyrian sentit la rage qui bouillait en lui. Le sang de Joshua s'écoulait de la blessure et maculait le sable poisseux.

« Qu'est-ce qu'on fait ?
- J'ai l'air de pouvoir faire quelque chose ? Hybride de merde !
- Du calme. Je vais te mettre à l'abri.
- Oublie ça, si on sort, on est morts.
- Alors qu'est-ce que je peux faire ? »

Joshua ne répondit pas tout de suite, se contentant de lâcher une flopée de jurons dont Lyrian ne connaissait pas la moitié. Soudain, le ballet des détonations changea de rythme. Les tirs étaient plus fréquents, mais quelque chose avait changé. Lyrian se pencha légèrement et observa la scène, son cœur battant la chamade dans sa poitrine. Là-haut, au sommet de la muraille rocheuse, une fusillade avait éclaté. Les assaillants faisaient visiblement face à des ennemis venus de la gauche.

« Qu'est-ce qui se passe, le monstre ? Dis-moi !
- Ils se tirent dessus, là-haut, raconta Lyrian.
- Ça doit être Thrak et les gars de la barricade. Ils ont mis du temps à réagir, putain...
- C'est le moment de bouger.
- QUOI ? Mais t'es malade !
- Ils sont occupés à se battre, ils regardent plus en bas. Accroche-toi ! »

Lyrian sentit le monstre en lui s'agiter à nouveau tandis qu'il passait le bras de Joshua autour de ses épaules. Sans ménagement, il souleva le garçon et progressa le plus vite possible, de rocher en rocher, portant tant bien que mal son camarade d'infortune incapable de marcher. Là-haut, les tirs continuaient de fuser, et personne ne sembla prêter attention aux deux garçons qui progressaient en bas.

« Bon sang, tu vas nous faire tuer ! Ma jambe, putain, ralentis ! J'ai mal !
- Tais-toi et avance ! On y est presque !
- On va où ?
- Il faut qu'on atteigne l'infirmerie. Élise va s'occuper de toi.
- Hors de question qu'une hybride me.. »

L'air siffla autour d'eux. Quelqu'un leur tirait dessus. Plus réactif que son camarade blessé, l'adolescent se jeta au sol, emmenant Joshua dans sa chute, qui cria de douleur.

« Ça... vient pas d'en haut... » haleta Lyrian.

Au sommet de la muraille rocheuse, les échanges de tirs semblaient s'être calmés. Lyrian n'osa pas se demander quel camp avait gagné. Il y avait plus urgent. Des pillards semblaient avoir pris position sur la barricade qui protégeait l'entrée du camp. A quoi jouaient-ils ?

« Les salauds... Ils ont mis des tireurs là-haut pour qu'on monte s'occuper d'eux... Et pendant ce temps ils ont pris le mur de garde sans aucun souci...
- Je vais pas pouvoir t'emmener à l'infirmerie, Joshua. Pas tout de suite, souffla Lyrian.
- On est foutus... Nos gars sont coincés là-haut. S'ils descendent, ils se feront allumer un par un. Ils pourront jamais toucher ces connards s'ils sont planqués à la barricade... »

Lyrian ferma les yeux et s'adossa au rocher. Le monstre en lui remuait de plus belle, lui tordant les tripes, comme s'il l'enfer qui se déroulait autour d'eux l'excitait. Les balles continuaient de fuser. En regardant derrière eux, là d'où ils venaient, le garçon ne vit plus personne courir. Les gens s'étaient abrités dans les grottes, derrière des rochers... ou alors ils gisaient face contre terre, maculant le sol de leur sang.

L'adolescent risqua à nouveau un coup d'œil en direction de la barricade. Les pillards avançaient, se déplaçant de couverture en couverture, canardant les tireurs embusqués au sommet pour les forcer à s'abriter.

« Ils avancent...
- Comment ça ?
- Les autres sont coincés en haut, alors il avancent...J'en vois deux, trois... Un d'eux vient de rentrer dans une grotte...
- Je comprends pas. Argh... C'est du suicide de se lancer à découvert...
- Ils doivent être désespérés. 
- Ou alors ils s'en foutent de mourir tant qu'ils peuvent buter quelques-uns des nôtres... » lança Joshua, les traits crispés par la douleur.

Des détonations sourdes leur parvinrent, accompagnées des cris de détresse de plusieurs personnes. Des lamentations féminines s'élevèrent depuis la grotte où était rentré le pillard. Une rafale mit brusquement fin aux suppliques. Lyrian ferma les yeux, refusant d'imaginer quel genre d'exécution venait d'avoir lieu dans cette caverne. Lorsqu'il les rouvrit, il aperçut le pillard ressortir de la caverne, maculé de sang. Leurs ennemis continuaient leur progression, inexorables. L'adolescent n'en comptait plus que deux. Un troisième s'était effondré, touché par l'un des gardes du camp, là-haut, au sommet de la muraille.

« Hé... mec.. Ton nom, c'est quoi, déjà... ? respira bruyamment Joshua, de plus en plus pâle.
- Lyrian..
- Eh bien, Lyrian, je pensais jamais dire ça un jour, mais si t'as un superpouvoir à utiliser, c'est le moment... »

L'adolescent regarda son camarade blessé. Le visage pâle, la bouche tordue en un rictus de douleur perpétuelle, il faisait peur à voir. De plus en plus de sang s'échappait de sa blessure.
Le monstre en lui semblait de plus en plus excité, s'agitant en lui avec furie. Lyrian avisa le rideau rouge qui masquait l'entrée de l'infirmerie. Ils n'étaient qu'à une dizaine de mètres...

« On peut pas rester là, mec... Fais quelque chose... » grogna Joshua, d'un ton presque suppliant.

Lyrian réfléchit à toute vitesse. S'ils restaient sur place, le pillard qui s'approchait dangereusement d'eux les tuerait sans hésiter, si un tir perdu des hommes postés en haut ne les atteignait pas avant.
Le garçon avisa une petite grotte à leur gauche, à trois ou quatre mètres d'eux. Une simple anfractuosité rocheuse, qui leur fournirait un abri suffisant. Mais cela impliquait de se déplacer à découvert.

Lyrian saisit à nouveau Joshua, qui laissa échapper un petit cri de douleur. Son compagnon s'appuyait moins vigoureusement à lui. Il faiblissait à vue d’œil.

« Prêt ?
- Il va... nous aligner...
- On y va ! »

Lyrian se précipita aussi vite que son fardeau le lui permettait vers la caverne, sans se retourner. Il entendit une détonation, et une ligne sanglante se dessina sur son bras gauche. Une balle l'avait frôlé.

Avec stupeur, l'adolescent s'aperçut que la grotte n'était pas profonde de plus de trois mètres. Et pire encore, elle était déjà occupée.

Une petite fille, terrorisée, se tenait là, recroquevillée contre la paroi qui marquait la fin du corridor rocheux. Elle leva vers eux un visage ravagé par les larmes et la peur. Lyrian déposa Joshua à côté d'elle, sans un mot, et se colla au mur gauche de l'entrée.

« Ça va aller, ma puce... » entendit-il Joshua murmurer à la gamine avec une douceur qu'il ne lui connaissait pas.

Lyrian entendait les pas du pillard qui marchait dans le sable. Des pas lents, espacés. Prudent, leur ennemi s'approchait lentement de la caverne, probablement par peur de leur réaction.
Ils étaient dans une impasse.
La vérité s'imposa à lui, froide, sombre et implacable. Ils allaient mourir. Ici et maintenant. Lui, Joshua, et cette enfant qui n'avait rien demandé.

Le monstre qui se débattait en lui n'était pas d'accord avec cette réalisation inexorable. Le monstre qui était en lui se moquait royalement du destin.
Le monstre qui était en lui rugit.

Le canon de l'arme du pillard entra dans le champ de vision de Lyrian. Aussitôt, avec une vitesse surhumaine, l'adolescent bondit hors de sa cachette, balayant l'arme du pillard d'un revers de la main gauche. Sa droite, elle, se referma autour de la gorge de l'homme et serra avant qu'il ne puisse esquisser la moindre réaction.

Les pieds du pillard décollèrent du sol tandis qu'il portait ses mains à son coup, suffoquant. Lyrian, le soulevant à bout de bras, rentra dans la grotte, guidé par un instinct bestial. Le visage de l'homme était déformé par la terreur. Le monstre en lui en fut révulsé. La peur qui se lisait sur les traits de cet homme ne faisait qu'attiser sa haine des humains.

Il fracassa le crâne de son ennemi sur la paroi rocheuse. L'homme cria de douleur. Lyrian frappa à nouveau. Encore. Et encore. Et encore.

L'homme ne criait plus depuis longtemps lorsque la bête en lui se calma.

Son œuvre de mort effectuée, Lyrian se retourna vers la fille et Joshua. Il tendit une main vers son camarade blessé, dans un geste l'incitant à la saisir et se relever, mais ce dernier recula et se colla à la paroi du fond de la caverne, l'air aussi terrorisé que la fillette qui pleurait à ses côtés.

Lyrian ouvrit la bouche pour leur dire qu'ils n'avaient plus à avoir peur, qu'ils étaient en sécurité, quand il comprit soudain l'horreur de l'acte qu'il venait de commettre.
C'était lui qui les terrifiait. C'était lui, le monstre.

L'adolescent tomba à genoux et contempla ses mains pleines de sang, frappé par ses actes.

« Qu'est-ce qu'ils m'ont fait... » murmura-t-il.