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Cosmos de Feather17



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» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 12/09/2021 à 13:14
» Dernière mise à jour le 28/11/2021 à 16:17

» Mots-clés :   Action   Aventure   Fantastique   Hoenn   Médiéval

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7: L'Île Bartolomé
La facilité déconcertante avec laquelle Mehdi a tordu les barreaux métalliques qui le séparaient d’Aron a attiré l’attention de l’homme très mince assis contre le mur de son propre compartiment. Il a rampé avec difficulté sur le sol miteux et a sorti une main rachitique hors de sa cellule pour attraper celle d’Aron alors que les fugitifs s’apprêtent à quitter l’endroit. L’homme lui parle dans un patois qu’il ne connait pas, mais la peur dans ses yeux et ses lèvres qui tremblent devant une mâchoire édentée arrivent à faire passer le message : il supplie qu’on le libère.

Aron fait un signe à Mehdi qui prépare ses muscles pour tordre les barreaux de sa cellule, mais Qispi l’en empêche.

— On ne peut pas libérer tous les prisonniers ! s’affole-t-elle à demi-voix.
— Pourquoi pas ? s’étonne Aron. Si nous on peut sortir, qu’est-ce qui nous empêche de les faire sortir eux aussi ?
— Justement, vous ne pouvez pas sortir normalement. Vous êtes les prisonniers du Seigneur Bartolomé.

Qispi a vraiment l’air terrifiée par leur présence hors de leur cellule.

— Sauf que je n’ai jamais demandé à être enfermé ici, se défend Aron. Et ce Bartolomé commence à me courir sur les haricots. Alors si Mehdi et moi, on peut sortir, ce monsieur aussi le pourra.

Aron a pris sa décision : il libérera tous les honnêtes gens qui voudront quitter les lieux et rien ne le fera changer d’avis.

Mehdi s’exécute et écarte les barreaux de la cellule. L’homme s’écroule dans ses bras et le téra le soutient tant bien que mal. Un rayon de soleil transperce la pénombre depuis une fissure dans la paroi rocheuse et le visage de l’homme apparaît enfin nettement. Quelque chose inquiète Aron. L’homme qu’il vient de libérer n’a pas l’air beaucoup plus âgé que lui. Certes, il le dépasse de deux têtes, mais les traits de son visage semblent le placer dans la catégorie des jeunes gens. Et pourtant, il lui manque quelques touffes de ses cheveux grisâtres, signe indiscutable d’un âge avancé, et sa peau est marquée par des rides de labeur.

Qispi leur indique qu’ils n’ont pas de temps à perdre et ils passent à la cellule suivante. Cette fois-ci, le vieil homme ne répond pas à leur appel. Il est couché au sol et dort paisiblement.

— On ne peut pas tous les sauver, répète Qispi, une ombre sur son visage.

Aron ne comprend pas pourquoi le vieil homme ne se réveille pas à son appel. Après tout, s’il se repose, qui est-il pour le perturber dans son sommeil réconfortant ? Trop souvent Aron a été perturbé dans ses nuits et il connait la frustration de ne pas réussir à se rendormir. Il décide donc de le laisser dans sa cellule.

Quitter les cachots n’est pas chose aisée. Premièrement, parce qu’ils ne connaissent pas l’endroit où se situe la sortie. Ensuite, parce qu’à intervalles réguliers, Qispi les somme de se cacher au détour d’un couloir, dans un renfoncement entre les pierres qui constituent les murs froids de la prison.

Une fois, deux hommes au ventre large, vêtus des mêmes vêtements que la garde qui avait accompagné le Seigneur Bartolomé lors de son arrestation la veille, sont passés dans le couloir humide et ont manqué de les croiser. Il s’en est fallu de peu : c’est Mehdi qui les a poussés derrière une colonne de pierre. Après quelques secondes d’attente, les pas des gardes se sont évanouis dans la pénombre.

— Ils se dirigent vers vos cellules ! s’horrifie Qispi. Il faut absolument sortir d’ici avant qu’ils constatent votre disparition.
— Et si on leur demandait le chemin ? demande naïvement Aron.
— Tu ne comprends pas ? Ce sont les gardes du Seigneur Bartolomé ! Et le Seigneur Bartolomé n’a pas autorisé qu’on vous libère.
— Oui, oui, j’ai compris. Le Seigneur Bartolomé est un méchant et il va nous casser les pieds jusqu’au bout. Mais comment on va sortir d’ici ?
— Par chance, j’ai une très bonne mémoire visuelle. Ça fait longtemps qu’on m’a enfermée ici pour que je nettoie les cachots, mais je sais qu’on est tout près de l’endroit par lequel ils m’ont emmenée. Venez.

Qispi ouvre la marche dans le couloir miteux et Aron la suit. Derrière lui, Mehdi titube sous le poids du jeune prisonnier qui a du mal à tenir sur ses deux jambes. La petite esclave s’arrête enfin devant une porte en bois massif verrouillé par un énorme cadenas rouillé.

— Il nous faut trouver la clé qui ouvre…

Mais Mehdi l’interrompt. D’un coup de pied bien placé, il arrache la porte de ses gonds et celle-ci s’effondre dans un fracas. Un vent agréable inonde les cachots, chasse l’odeur nauséabonde à laquelle Aron n’a toujours pas réussi à s’habituer, et la lumière de l’aube pénètre dans la prison. Devant eux, l’herbe fraîche du matin les invite à sortir à l’air libre, et une colline leur indique le chemin à suivre pour s’éloigner en toute discrétion du fort.

Une fois à l’extérieur, Aron prend un grand bol d’oxygène. Ça n’assouvit pas la faim qui lui déchire l’estomac, mais ça lui procure une sensation d’apaisement qui l’avait manqué. Loin de ces maudits cachots, il arrive enfin à calculer tout le mépris qu’il ressent pour le Seigneur Bartolomé. Comment peut-on traiter de la sorte ses esclaves ? N’importe qui qui possède une prairie aussi belle a le devoir de la partager avec son entourage, esclaves ou pas !

Ils sont à présent au sommet de la colline et le fort dans lequel il était retenu prisonnier s’étend de tout son long derrière lui. Heureusement que Qispi connaissait les lieux, sinon il aurait pu errer dans les cachots une éternité tellement l’endroit lui semble grand. Par-dessus le bâtiment qu’il a quitté, le manoir du Seigneur Bartolomé surplombe la colline sur laquelle ils viennent de fuir. Nora doit se trouver là-bas.

Aron amorce un mouvement pour faire demi-tour mais Qispi le retient par le bras.

— Qu’est-ce que tu fais ?
— Mon amie Nora doit être à l’intérieur avec le Seigneur Bartolomé, explique Aron. Il faut qu’on la prévienne qu’il n’est pas très gentil et qu’elle ferait mieux de changer de fréquentation.
— Tu es fou ?! Tu sais ce que fait le Seigneur Bartolomé quand un de ses sujets défie son autorité ?

Aron hoche de la tête.

— Il le brûle vif !

Aron se pétrifie sur place.

— Mais… pourquoi il fait ça ??! Ne me dis pas qu’il… le mange ?
— Bien sûr que non, c’est interdit par la loi de manger des humains.
— Mais alors, pourquoi brûler des humains ? Moi, quand je brûle du rougeot, c’est pour le manger.
— Car c’est la punition. Si un esclave n’obéit pas à son maître, alors il ne lui est plus d’aucune utilité.
— C’est horrible ! Ça devrait être interdit !

Qispi le regarde étrangement. Elle n’a pas l’air de comprendre son dégoût. Aron, lui, ne comprend pas qu’elle trouve cela normal. Tous les deux sont en désaccord et n’arrivent pas à comprendre la réalité l’un de l’autre.

— Quoi qu’il en soit, maintenant que tu as dit que tu étais mon ami, je n’ai pas envie que tu sois brûlé vif, annonce Qispi pour mettre un terme à la conversation.

Et elle reprend le chemin dans la campagne pour mettre le plus de distance entre le manoir du Seigneur Bartolomé et eux. Aron la suit au pas de course et aide Mehdi à soutenir le jeune prisonnier sur ses épaules.

— Il y a quelque chose que je ne comprends pas, indique Aron.

Qispi n’a pas l’air d’avoir envie de parler, d’autant qu’elle lui demande de baisser le volume de sa voix. Mais c’est comme ça : à chaque fois qu’Aron a faim et qu’il n’a pas la possibilité de manger, il préfère s’occuper l’esprit pour ne pas y penser. Et l’esprit, il l’a rempli de questions avec ce nouveau monde qu’il découvre.

— Qu’est-ce que tu as voulu dire tout à l’heure dans les cachots quand tu as dit que tu « appartiens » au Seigneur Bartolomé ?
— Je suis sa propriété.
— Comme mon Talisman ?
— Comment ça ?
— Bah… mon Talisman m’appartient, donc il est ma propriété.
— Oui, c’est ça.
— Et toi, tu en as des esclaves ?
— Bien sûr que non ! Pourquoi j’en aurais ?
— Si le Seigneur Bartolomé a plein d’esclaves qui lui appartiennent, pourquoi toi tu n’en as pas ?
— Parce que je suis une esclave. Je ne peux donc pas en avoir moi-même.
— Qui peut avoir des esclaves ?
— Les Seigneurs.
— Les « Seigneurs » ? C’est un mot, ça ? Je croyais que c’était le prénom du Seigneur Bartolomé.
— Non, c’est une sorte de personne.
— Et comment on est Seigneur ?
— En possédant une terre.

Aron se fige.

— Mais alors… moi aussi je suis Seigneur !
— Comment ça ?
— L’Île de Nede, c’est la mienne !
— Non, elle appartient au Seigneur Bartolomé.
— C’est même pas vrai ! C’est moi qui y vis depuis toujours !
— Peut-être, mais elle lui appartient à lui. Si ça se trouve, il ne savait même pas que tu y vivais.
— Comment une terre peut appartenir à quelqu’un qui n’y vit pas ?
— Il ne peut pas vivre partout.
— Mais alors, pourquoi la terre n’appartient pas à celui qui vit dessus ?
— Parce que les gens qui vivent sur les îles alentours, ils sont les sujets du Seigneur Bartolomé. Et un sujet, ça ne peut pas posséder de terre.
— Je n’y comprends vraiment rien.

Aron reprend la marche en essayant d’assembler tous les puzzles du monde mystérieux qui l’entoure.

— Donc, tu ne peux pas avoir d’esclaves, tu ne peux pas avoir de terres… Qu’est-ce que tu peux avoir ?
— Un tas de choses : j’ai des vêtements, j’ai des outils pour travailler, j’ai des bêtes desquels je m’occupe quand on m’envoie à la campagne, parfois j’ai des téras qui m’aident à travailler les champs, j’ai même une maison dans laquelle je peux dormir si je ne travaille pas au manoir. Mais de toute façon, tout cela, ça appartient au Seigneur Bartolomé.
— Ça lui en fait des choses rien qu’à lui ! Il n’abuserait pas un peu ce Seigneur Bartolomé ?
— Il n’est pas le seul à avoir tout cela.
— Qui d’autre ?
— Les autres Seigneurs.
— Il y en a d’autres ?!
— Tout plein !
— Où ils sont ?
— Sur leurs terres à eux. Ici, nous sommes sur l’Île Bartolomé qui appartient à mon Seigneur. Il a beaucoup de terres réparties un peu partout dans l’océan. Mais si tu traverses l’océan par le nord, tu arriveras sur des terres qui appartiennent à d’autres Seigneurs. Tiens, tu m’as bien dit que tu te rendais à Portoasis ?
— Oui.
— Eh bien, à Portoasis, c’est le Seigneur Seidon qui y règne. Je le sais, parce que lui, il est très connu parce qu’il est très gentil.
— Mais il possède quand même des esclaves.
— Bah oui, et alors ? Je t’ai dit, c’est normal qu’un Seigneur possède des esclaves.
— Si tu le dis.

Aron n’est pas d’accord. Il ne comprend pas pourquoi cela est normal. Pour lui qui n’a jamais vécu dans ce monde, il n’arrive même pas à comprendre la logique d’une telle organisation. Il a toujours considéré l’Île de Nede comme la sienne. Ainsi, il devrait être élu Seigneur de Nede. Alors pourquoi est-il l’esclave d’un homme qu’il n’avait jamais rencontré avant hier ?

— Si pour devenir Seigneur, il faut posséder des terres. Et que pour posséder des terres, il faut être Seigneur. Comment on fait quand on possède une terre mais qu’on n’est pas Seigneur ?
— Il suffit de faire la guerre.

Aron abandonne. Encore un nouveau mot qu’il n’a pas compris et qui a l’air trop compliqué à intégrer. De plus, il a trop faim que pour faire quoi que ce soit, même la guerre, comme l’a appelé Qispi. Il préfère donc se taire sur toute la durée du trajet.

De toute manière, le petit groupe est arrivé dans un endroit très étrange et Aron est trop occupé à examiner les alentours que pour discuter. Après les nombreux pâturages qu’ils ont traversés, peuplés de téras à quatre pattes qui broutaient la terre sans se soucier d’eux, ils ont débouché sur un terrain à perte de vue parsemé par des rangées de fleurs très étranges. Elles sont à hauteur d’enfant et le sommet de leur tige est composé d’une petite boule blanche qui, au touché, est très moelleuse.

— Qu’est-ce que c’est ?
— Du coton.

Qispi l’entraîne vers un petit groupe de personnes qui s’affèrent à arracher le coton des plantes et à les disposer dans de gros paniers déjà bien remplis. Il y a parmi eux quelques téras qu’Aron n’a jamais vu de sa vie. Il s’agit de grosses sphères bleues aussi épaisse que sa tête, munie de trois boules de coton. Ces téras flottent dans les airs et aident les esclaves à reconnaître les plants de cotons prêts à être arrachés.

— Qispi ! s’exclame une dame ridée à leur approche.

Elle aussi n’a plus de dents. Décidément, les esclaves ont une hygiène aberrante. Quispi se loge dans les bras de la dame un instant, puis indique ses compagnons.

— On a un problème, dit-elle sombrement.
— Qui sont ces gens ?
— Je travaillais comme on me l’a indiqué dans les cachots, et… ils se sont libérés de leurs cellules.

La dame recule d’un pas, et le groupe d’esclaves derrière elle s’arrête de travailler. Tous les regards sont rivés sur eux, comme s’ils viennent d’apporter une mauvaise maladie dans le champ.

— Qispi, qu’as-tu fait ?
— Attends une seconde ! Il faut que tu saches qu’Aron… il possède un Talisman !

Le groupe d’esclaves recule de plus belle. Cette fois-ci, ils sont certains qu’Aron et Mehdi leur apportent le malheur. La tension est si palpable que les téras volants se sont posés sur les fleurs de coton et observent attentivement la scène.

— Ils ont aussi libéré ce prisonnier, tu le connais ? demande Qispi.

La femme hésite. Elle l’observe un instant, puis hoche de la tête. Mais son regard retourne très vite en direction d’Aron et Mehdi. Elle est sur ses gardes, comme si elle est prête à se défendre.

— À qui l’ont-ils volé ?
— Je n’ai rien volé ! se défend Aron. Ce Talisman m’appartient ! Il était à mon grand-père et il me l’a laissé à sa mort !

La dame ridée fait signe à Qispi de s’éloigner d’Aron. Pourquoi, tout à coup, c’est lui le méchant ?

— Tu dois retourner à ton poste de travail, Qispi, presse l’esclave.
— Oui mais…
— Si le Seigneur Bartolomé te voit ici, il peut te faire exécuter.
— Et Aron ? C’est mon ami, à présent.
— Et d’où vient-il, ton ami ?
— Je viens de l’Île de Nede !
— Ce n’est pas possible, il s’agit d’une île déserte.

Mehdi pousse un cri. Lui aussi, il en a assez de cette conversation. Si ces esclaves ne veulent pas les croire, pourquoi continuer à les convaincre. De toute manière, ils n’ont rien à faire ici. Ils doivent retrouver Nora.

Il dépose au sol le prisonnier qu’il tient sur son dos depuis des heures et, d’un seul regard, fait comprendre à Aron toute sa réflexion. Aron est d’accord avec lui.

— Je dois retrouver mon amie Nora, annonce-t-il aux esclaves. Est-ce que vous savez si elle est toujours au manoir du Seigneur Bartolomé ?
— Je ne connais pas de Nora.
— Et vous ?

Aron s’est adressé au groupe d’esclaves qui se tient prêt à fuir, derrière la femme ridée. Aucun d’eux ne lui répond.

— Elle est grande, elle a des cheveux bleus et elle parle tout un tas de langues, insiste Aron.

Toujours aucune réponse. Il commence à perdre patience. La faim qui lui ronge les entrailles le pousse à accepter la colère qui monte en lui. En règle générale, quand quelque chose ne se déroule pas comme il l’a prévu, il suffit à Aron de sortir son Talisman et d’utiliser ses pouvoirs. À chaque conflit avec ses amis les téras sur l’Île de Nede, c’est ainsi qu’il règle les débats… et qu’il obtient tout ce qu’il souhaite.

Cependant, dans ces champs de coton, il n’y a pas une trace d’eau. Et il n’a que très rarement réussi à faire apparaître de l’eau depuis les cieux. Or, le ciel scintille d’un bleu azur sans une seule trace de nuage. Peu de chances que cela se produise aujourd’hui.

Derrière lui, les esclaves se sont mis à parler entre eux. Ils ont une discussion animée. L’un d’entre eux, peut-être aussi jeune que lui, est la cible des invectives de ses compagnons. C’est comme s’ils ne sont pas d’accord avec ce qu’il leur propose. Après quelques bousculades, il décide de rompre les rangs et de n’en faire qu’à sa tête. L’esclave s’approche d’eux sous les regards méfiants de ses camarades, et il s’adresse à Aron dans un accent étranger :

— Nous sommes esclaves et nous rrrépondons aux orrrdrrres de notrrre Seigneurrr. Cependant, les Maîtrrres des Talismans sont au-dessus des Seigneurrrs dans notrrre trrradition.
— Adorón… prévient la femme ridée en le menaçant d’un regard froid.

L’esclave qui répond au nom d’Adorón l’ignore.

— Une jeune femme a été arrrêtée hierrr soirrr. Elle va êtrrre jugée ce midi surrr la Place du Marrrché.
— Adorón !

Cette fois, c’est un ordre que sa camarade ridée a lancé. Mais l’esclave ne se laisse pas refroidir. Il la défie de son regard marron, et ses longs cheveux noirs tressés ressemblent à des serpents qui vibrent de colère.

— J’ai entendu dirrre qu’elle est une trrraitre au Seigneurrr Barrrtolomé. Si elle est jugée pourrr trrrahison, elle serrra pendue.

Oui, c’est cela ! C’est bien de Nora qu’il parle ! Aron a entendu le Seigneur Bartolomé l’appelée « traitre » le soir précédent. Il n’a pas compris toutes les implications que ce mot entraîne, mais il a compris que ce doit être l’appellation que l’on donne à ses ennemis. Et connaissant le Seigneur Bartolomé comme il le connait à présent, il ne donne pas cher de la peau de Nora.

— Où est la Place du Marché ? demande Aron avec crainte.

Cette fois-ci, Adorón hésite. Tous les esclaves l’entourent, le surveillent. C’était une chose de lui parler du sort de Nora, c’en est une autre de l’aider à la sauver. Et cela, Aron l’a bien compris. Si Adorón est un esclave du Seigneur Bartolomé et qu’il aide Aron, un prisonnier qui s’est échappé, à sauver Nora de sa punition, il n’ose imaginer le sort qui sera réservé à tous ceux qui l’auront aidé.

Metávosvos a vosoneio lavor, pongos!

Tout le monde se pétrifie d’effroi. Un garde a débarqué au loin. Il court vers eux, un gourdin brandi au-dessus de la tête. Il compte taper de l’esclave.