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Rubis & Saphir - The Origins de Feather17



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» Auteur : Feather17 - Voir le profil
» Créé le 01/01/2021 à 13:38
» Dernière mise à jour le 01/01/2021 à 15:35

» Mots-clés :   Action   Aventure   Drame   Hoenn   Présence de personnages du jeu vidéo

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068. 5x02 - Où est ton papa ?
Précédemment : Sofian Match part en voyage dans Hoenn à la collecte de badges afin de devenir champion d’arène, en compagnie de Flora Seko, qui rêve de devenir coordinatrice pokémon, et de Timmy Bronam, un jeune garçon malade originaire de Vergazon. Durant leur périple, ils se lient d’amitié avec Annick Furler, coordinatrice et amie d’enfance de Timmy. Ce-dernier n’a aucun souvenir de son enfance durant laquelle le Pokémon Fabuleux Celebi lui sauve la vie en échange de sa santé. Le groupe devient ami avec le meilleur coordinateur de la région, Brice Belangelo, qui s’occupe de sa tante Marielle malade malgré le fait qu’elle l’ait abandonné tout petit dans un orphelinat pour le protéger de son père biologique inconnu. Le groupe se lie d’amitié avec la championne de Vermilava, Adriane, avant que Sofian gagne son badge d’arène. Il est prêt à affronter son père champion de Clémenti-Ville, Norman, mais ce-dernier a coupé les ponts depuis la fugue de son fils à Autéquia. S’ajoute à ces problèmes familiaux la présence de Sarah, sœur de Sofian et ancienne membre de la Team Magma, qui a décidé de quitter l’organisation criminelle grâce à l’Admin Holmes suite au réveil du volcan du Mont Chimnée. Tandis qu’elle se rend à la police pour affronter ses crimes, une tornade menace de détruire Vermilava et elle se porte volontaire pour aider Adriane à évacuer les patients du centre pokémon à bord d’un ancien hélicoptère de la Team Magma. Sofian finit par lui pardonner son passé pendant l’évacuation de Vermilava, mais Norman lui refuse son pardon. De leur côté, Jessie, James et Miaouss passent un marché avec l’Admin Hercules de la Team Aqua : pour récupérer leur montgolfière, ils doivent lui amener Brice. Mais un détective mystérieux poursuit son enquête sur les organisations criminelles tout en s’intéressant au passé de Brice. Pendant l’évacuation de Vermilava, Flora aide Steve à mettre les pokémons de l’arène en sécurité et entre en contact avec son père, le Professeur Seko, qui se trouve sur le Mont Chimnée suite à un voyage dans le temps qui a provoqué l’apparition d’une colonne d’énergie noire, source de la tornade. Lors de cette apparition, Timmy tombe dans un coma mortellement dangereux et son Massko ainsi que le Gloupti de Brice tentent de lui sauver la vie. Le détective à la recherche de Brice révèle être autant Holmes de la Team Magma que Hercules de la Team Aqua, avant de disparaître lorsque la tornade passe sur Vermilava. Jessie, James et Miaouss se réfugient avec le corps inerte de Timmy dans la cave de la maison de la tante Marielle. James enferme Miaouss dans une pokéball pour le protéger. Steve est emporté par la tornade tandis que l’arène de Vermilava s’effondre avec Flora piégée en son sein. Annick et Brice se réfugient avec les habitants non-évacués dans les souterrains du centre pokémon et assistent impuissants au décès de la tante Marielle qui fait promettre à Brice de ne pas se mettre à la recherche de son père biologique. Piégé dans l’hélicoptère qui lutte contre la force du vent, Norman offre son pardon à Sofian au moment où la tornade frappe l’hélicoptère. Les secouristes sauvent Sofian au milieu du lac des thermes, Flora est retrouvée dans les ruines de l’arène par le Professeur Seko et le détective, Sarah se porte volontaire pour extraire les survivants coincés dans les souterrains du centre pokémon et Jessie et James, piégés les décombres de la cave de la tante Marielle, découvrent le corps sans vie d’Adriane, empalée par une hélice de l’hélicoptère qui s’est crashé sur la maison.

Pokémon #201c
Le bleu azur de la surface du lac s’étendait à perte de vue, jusqu’à cette frontière à peine perceptible où il se confondait avec le ciel céruléen. Fixer son regard sur les ondes paisibles qui parcouraient le gigantesque lac des thermes, niché au creux des montagnes scintillantes sous un soleil de plomb, l’avait fait entrer dans un état de méditation reposante. Assis sur la civière, le long de l’ambulance, il contemplait avec sérénité la tranquillité des sources thermales qui furent jadis un endroit de villégiature pour les résidents de Vermilava. Aujourd’hui, tout n’était plus que destruction et chaos.
— Mange, ou il va fondre.
La voix de la secouriste l’arracha à sa bulle de repos et tout à coup, la réalité le frappa brutalement. Il s’était écrasé en hélicoptère, il avait survécu à la noyade, son père et son amie Addie avaient coulé avec le bolide. Le poids de toute la détresse du monde l’accabla alors, et il préféra obéir sans un mot : il croqua dans la tablette de chocolat qu’on lui avait donné et espéra de toutes ses forces que son cerveau libérerait des hormones de plaisir éphémères.
— Je viens d’avoir un mot avec le médecin, tu n’as aucune blessure grave ou fracture. Tout va bien.
Céline lui adressa un sourire rassurant. Non, tout n’allait pas bien.
— Tu peux être fier de ton Balignon. Si tu savais tout ce qu’il a mis en œuvre pour qu’on te retrouve à temps pour te sauver la vie.
Une petite boule grise et verte bondit sur ses genoux et se blottit contre sa poitrine. Par réflexe, il l’enveloppa à l’aide de sa couverture de survie.
— Il a réussi à nous alerter en envoyant une « vampigraine » dans les airs et en la faisant exploser. En lui ajoutant son « para-spore », ça a fait comme un feu d’artifice dans le ciel. Ensuite, il a trouvé la pokéball de ton Écrapince et l’a appelé à l’aide pour te transporter jusqu’à la berge du lac. C’est ton Hélédelle qui nous a trouvés et nous a guidés jusqu’à toi. Tes pokémons forment une sacrée équipe, et je n’ai jamais vu un pokémon aimer autant son dresseur que ton Balignon.
Il jeta un coup d’œil à son petit pokémon plante qui se satisfaisait à ronronner sur ses genoux, et il le caressa tendrement. Il se souvint que Balignon avait toujours éprouvé énormément d’affection pour lui, même avant sa capture. N’était-ce pas lui qui avait insisté pour faire partie de son équipe ? Hélédelle, Écrapince, Dynavolt, Galifeu… Tous l’entouraient en lui jetant des coups d’œil inquiets et soulagés à la fois. S’ils n’avaient pas été là, il aurait lui aussi sombré au fond du lac…
— C’est une bonne nouvelle, Sofian.
Sofian échangea un regard vide avec la secouriste qui perdit son sourire rassurant.
— Mon père… marmonna-t-il.
Avant qu’elle ne puisse répondre, son Akwakwak bondit hors du lac et la rejoignit avec plusieurs secouristes. Un échange de regard avec son pokémon indiqua à Céline la mauvaise nouvelle.
— Je suis sûre que nous allons le trouver, certifia-t-elle.
— Nous étions tous dans l’hélicoptère, Addie, mon père et moi…
— Et tu as survécu ! Il n’y a pas de raisons pour que tu sois le seul.
— Vraiment ?
Céline resta muette.
— Cheffe, pas de trace de l’hélicoptère non plus.
Elle acquiesça et renvoya ses troupes continuer les recherches. Puis, elle s’installa sur la civière à côté de Sofian et lui vola un bout de chocolat.
— Écoute, dans ce genre de catastrophes naturelles, on peut retrouver des objets à des kilomètres à la ronde. Ce n’est pas parce que nous ne les trouvons pas pour l’instant que nous n’allons pas les trouver.
— Je sais. Mais dans quel état ?
Céline ne répondit pas et se contenta de fixer l’horizon à ses côtés, suivant du regard un Goélise lointain.
Le talkie-walkie de Céline grésilla :
Cheffe !
Tous deux se raidirent.
— J’écoute !
On a retrouvé la carcasse de l’hélicoptère, enfin, on suppose que c’est ça étant donné son état lamentable.
— Où ça ?! s’exclama Céline en se levant d’un bond.
Dans la banlieue résidentielle, au sud. L’appareil s’est effondré sur une maison et la structure est très instable. Nous avons besoin de matériel et de secouristes pour chercher des potentiels cada…
— On arrive tout de suite ! l’interrompit Céline, probablement pour éviter de heurter la sensibilité de Sofian.
Le dresseur sentit alors quelque chose de nouveau dans sa poitrine, comme quelque chose qui avait perdu la vie au passage de la tornade. Un battement de cœur étrange. Un espoir.
— Avis à toutes les unités ! appela Céline dans son talkie-walkie. Potentiels survivants dans la banlieue sud de Vermilava ! Besoin de matériel d’excavation et de pokémons de type combat ! Nous y serons dans dix minutes !
Son Akwakwak grimpa dans le camion de pompier adjacent et Céline tendit une main à Sofian.
— On va les retrouver.
Et Sofian et ses pokémons grimpèrent dans le camion.

*
Papaoutai : Metal cover, Ivan Wheatman

Une goutte de sueur perla dans ses longs cheveux roux et glissa froidement dans son dos. Comment pouvait-il faire si chaud en plein hiver ? Elle se souvint alors que c’était son ancien patron qui avait réveillé, trois semaines plus tôt, l’activité volcanique de la région. Quoi qu’il en fût, elle chassa ces mauvais souvenirs d’un balayement de tête et tira à nouveau de toutes ses forces.
— Encore un dernier effort !
Les deux secouristes qui l’entouraient et elle poussèrent un cri de rage pour se donner de la force et le large tuyau céda. Elle se sentit partir en arrière et son Limagma la rattrapa de justesse avant qu’elle ne tombe sur une des marches de l’escalier.
— Bravo !
Elle fit passer à la chaîne humaine derrière elle le morceau de tuyau qu’ils venaient d’arracher, et on lui échangea le débris avec une bouteille d’eau de laquelle elle s’abreuva volontiers.
Cela faisait plusieurs heures qu’ils avaient libérés un passage vers les souterrains du centre pokémon, mais l’escalier dérobé sous les décombres du bâtiment était lui aussi bloqué par les murs intérieurs qui s’étaient effondrés. Le tuyau qu’ils venaient de briser lâchait un jet d’air continu qui les empêchait maintenant d’avancer.
— C’est l’arrivée d’oxygène de l’hôpital, expliqua le chef des manœuvres avant de se tourner vers le haut de l’escalier et de crier : Quelqu’un peut trouver comment on coupe l’arrivée d’oxygène ? Une seule flamme et tout peut s’embraser !
— Je m’en occupe !
Sarah chercha du regard l’endroit où disparaissait le tuyau dans les décombres et remonta la piste en sortant à l’air libre. Le soleil brillait de mille feux dans un ciel dégagé et sa peau de rousse n’allait pas tarder à subir les effets d’une telle exposition. Au loin, un enfant pleurait bruyamment.
Avançant telle une équilibriste dans le tas de gravats du centre pokémon, elle suivit le tuyau jusqu’à ce qu’ils disparaissent dans un mur si épais qu’il avait été le seul à être resté debout.
— Ça doit descendre dans une salle condamnée par l’éboulement du bâtiment, réfléchit-elle à haute voix. Si seulement on pouvait y avoir accès. Ou alors…
Les cris de l’enfant en détresse continuaient à déchirer l’atmosphère. Déconcentrée, elle jeta un coup d’œil à son Limagma qui inspectait la stabilité de la zone.
— Peut-être qu’en bouchant le tuyau avec un rocher…
Papaaaaaaa… hurlait l’enfant au loin.
Sarah ferma les yeux et plaqua ses mains contre ses oreilles pour se concentrer.
— L’attaque « tomberoche » ?
PAPAAAA…. !!
Les cris étaient si puissants. Elle se retourna d’un coup vif, hors d’elle… et tomba nez-à-nez avec le petit garçon dans ses vêtements en lambeaux. L’enfant qui avait perdu sa maman.
— Qu’est-ce que tu fais ici, toi ? s’énerva-t-elle face à l’enfant dont le visage ruisselait de larmes.
— Papaaaa…
— Ne reste pas ici, c’est dangereux.
Sarah le tira par le bras et le fit passer outre les décombres pour l’éloigner de la zone. Mais l’enfant resta à l’endroit où elle l’avait déplacé et pleura de plus belles.
— Papaaaa !
— Limagma, tu as encore assez d’énergie pour créer un rocher assez large que pour… ?
— Papaaaa !!!
Allait-il la laisser réfléchir ? Allait-il la laisser tranquille ? Il ne voyait pas qu’elle essayait de trouver une solution pour avancer dans les souterrains et le sauver, son fichu papa ?!
— PAPAAAA !!!
— Mais tu vas te taire ?! s’écria Sarah, dépossédée de sa raison. Je t’ai dit de t’éloigner ! C’est dangereux ici !! Écarte-toi ! Recule !!
L’enfant était pétrifié de terreur. Sarah souleva tout son corps et le poussa loin des décombres.
— Pourquoi tu ne m’écoutes jamais ?! cria-t-elle. Pourquoi tu ne fais jamais ce que je te dis ?! Je ne peux pas tout le temps être derrière toi pour te surveiller ! J’ai une vie, moi ! Je ne suis pas ta mère ! J’ai d’autres choses à faire que de passer mon temps à vérifier que tu n’es pas en danger !!
— Papaaaa…
— ALORS LÂCHE-MOI, SOFIAN !! hurla-t-elle.
Le sol se déroba sous ses jambes. Ou était-ce ses jambes à elle qui défaillaient. Elle se retrappa contre le mur intact et mit un certain temps à retrouver ses esprits. Le nom de son frère tambourinait dans son cerveau. Le cri de l’enfant résonnait en elle. L’enfant… Si jeune, si seul. En danger. Elle devait l’aider. Mais elle en était incapable. Elle n’était elle-même qu’une jeune fille… Ce n’était pas sa faute après tout si elle n’avait pu éviter le drame, si elle n’avait pu empêcher ce Pikachu de l’électriser… Comment le sauver ?
L’enfant l’observait avec crainte. Sa crise de larmes s’était estompée. Ce n’était pas sa faute si la tornade était passée sur Vermilava. Comment sauver son papa ?
Autour d’elle, plusieurs volontaires s’étaient arrêtés de travailler et lui jetaient des coups d’œil inquiets. Ce n’était pas Sofian qui se trouvait devant elle, mais un petit garçon qui avait perdu sa maman et qui cherchait son papa.
Elle était épuisée.
Le petit garçon se remit à pleurer, et elle le prit dans ses bras.
— Viens, éloignons-nous d’ici et allons chercher à manger. J’ai envie de chocolat, pas toi ?
Et elle l’emporta dans ses bras vers l’hôpital de détresse.

Pokémon #201o
Ce qui avait dû être par le passé une jolie maison de banlieue, bordée de fleurs et d’une palissade en bois, n’était plus qu’un tas de ruines informe. Un arbre s’était déraciné et traînait sur une pelouse recouverte d’objets de cuisine en tous genre. La palissade en bois avait volé en éclat ; toutes les planches étaient éparpillées à des dizaines de mètres à la ronde. Une poupée de Toudoudou se trouvait au milieu d’un sapin de Noël qui avait éventré le mur qui donnait au salon, tandis qu’un lampadaire public avait dévasté la cuisine en lui tombant dessus. Enfin, à l’endroit où avait dû se trouver une élégante cheminée, une boule de métal froissée était plantée à la verticale, à moitié immergée dans le sol. Seule la queue rouge ornée d’un logo d’une montagne en forme de « M » donnait une vague idée de ce qu’avait été l’hélicoptère à bord duquel il était monté plusieurs heures plus tôt.
Lorsqu’ils étaient arrivés sur les ruines, une équipe de secouristes s’était déjà mise au travail. Un Machoc et un Makuhita s’affairaient à fixer des câbles autour de la queue de l’hélicoptère tandis qu’un secouriste veillait à ce que la voie fût libre pour tirer l’engin hors du sol.
— Tu ferais mieux de rester dans le camion, suggéra Céline en en descendant.
Elle avait raison : vu l’état de l’hélicoptère, il n’avait nullement envie de voir dans quel état ses passagers devaient se trouver à présent. Cependant, c’était de son père qu’il s’agissait, et il était hors de question qu’il reste dans un camion alors que son père se trouvait à quelques mètres de lui, probablement dans un état de…
Il préféra ne pas y penser et sortit du camion à son tour. Galifeu le suivit à la trace par sécurité, tandis que Hélédelle voletait autour des ruines à la recherche de survivants.
— La voie est libre !
— C’est parti !
On activa la grue et la queue de l’appareil bougea de quelques centimètres dans un crissement de métal. Puis, l’appareil se souleva un peu plus, libérant une hélice hors du sol. C’est alors que Hélédelle poussa un cri de terreur et que les secouristes alentours hurlèrent pour qu’on arrêtât la grue.
— UN MEDECIN, VITE !
— ARRÊTEZ TOUT !
— POUSSEZ-VOUS !!
— Qu’est-ce que… ?
Akwakwak courut à toute vitesse vers l’hélicoptère tandis que le médecin traversa les ruines avec sa valise de secours.
— Ne reste pas là, Sofian !
Il l’avait vue à travers la vitre ! Une tête ! Un bras !
— Papa ? PAPA !!
— Non, Sofian ! Recule !
— C’EST MON PÈRE !
Sofian grimpa sur la cheminée défoncée et s’approcha de l’hélicoptère dont on extrayait délicatement un corps inerte. Sofian se pétrifia alors d’horreur et Galifeu le rattrapa pour ne pas qu’il tombe à la renverse. Le corps sans vie de la championne d’arène de Vermilava ballotait sur le côté, telle une poupée désarticulée. Mais ce n’était ni son visage ensanglanté, ni ses cheveux recouverts de sang séché qui lui retourna l’estomac. Planté au milieu de sa cage thoracique se trouvait une hélice de l’hélicoptère.
— Addie !
On la déposa au sol et son corps disparu à l’intérieur d’un cercle de médecins, de secouristes et de pokémons.
— Compressez la plaie !
— Ne touchez pas à l’hélice !
— Machopeur, stabilise l’hélice pour ne pas qu’elle bouge !
— Surtout, ne la retirez pas !
— Posipi, Negapi, chargez ! Tout le monde lâche ! Déchargez !
— Je n’ai pas de pouls !
— Chargez ! Lâchez ! Déchargez !
— Pas de réponse oculaire !
— Chargez ! Lâchez ! Déchargez !
Le silence…
— J’ai un pouls ! Très faible, mais j’en ai un !
— Machopeur, garde bien l’hélice en place !
— Méditikka, fais-la flotter jusqu’à la civière !
— Surtout, continuez à bien comprimer la plaie !
— Dégagez le passage !
Sofian se fit pousser sur le côté. Le corps inerte de la championne flottait à dix centimètres du sol très lentement, jusqu’à une civière qui avait été déployée dans le jardin.
— Attendez ! appela Sofian. Addie ! Addie, as-tu vu mon père ?! Addie ! Attendez !!!
On transporta la civière dans l’ambulance, Machopeur agenouillé les jambes écartées sur la civière en maintenant l’hélice dans la poitrine de la championne. La porte se referma et l’ambulance démarra en trombe.
Le silence reprit alors que les pokémons excavateurs reprenaient leur travail. Ses jambes tremblaient violemment, et même l’aide de Galifeu était vaine : il n’arrivait plus à tenir debout. Sofian s’éloigna de la maison en ruines et se laissa tomber à genoux au sol. Il devait tenir le coup. Il devait continuer à lutter. Aucune larme ne coulerait tant qu’ils n’auraient pas retrouvé le corps de son père… Écrapince et Balignon rejoignirent leur dresseur et le caressèrent tendrement.
Quelque chose attira son attention. Derrière le pokémon aquatique, une boîte aux lettres gisait au sol et le nom qui avait été gravé dans le métal bondit sous ses yeux : « Marielle Razzo ». La tante de son ami Brice. L’hélicoptère contenant le corps de son père s’était écrasé sur la maison de la tante de Brice, le dernier endroit où s’était rendu Timmy avant le passage de la tornade.
Timmy se trouvait quelque part derrière lui.
— R.A.S ! s’exclama un sauveteur quelque part au loin.
— La carcasse de l’engin est vide…
— Allez-y, activez la grue.
— Tout le monde recule ! ordonna Céline. Le sol est instable et pourrait s’effondrer.
— Non… murmura Sofian à bout de souffle.
Un bruit de ferraille retentit et ce qui restait de l’hélicoptère grinça douloureusement tandis que l’engin était tiré difficilement hors du sol.
— Arrêtez… souffla Sofian à genoux, vidé de ses forces.
L’hélicoptère se souleva de quelques centimètres et les pokémons excavateurs coururent loin des décombres de la maison. Le sol sous leur pied s’était mis à vibrer et un reste de bibliothèque avait disparu sous la pile de décombres dans un grand bruit.
— ARRÊTEZ !! hurla Sofian à plein poumon.
Les chaînes autour de la queue de l’hélicoptère s’immobilisèrent tandis que la grue arrêta son activité, mais il doutait que ce fût grâce à lui. C’était Céline qui avait donné l’ordre d’un signe de main. Les sauveteurs s’étaient réunis autour des décombres et la cheffe pressait ses collègues à garder le silence.
— Vous entendez ?
Sofian se releva péniblement et Galifeu l’aida à rejoindre le chantier silencieux où tout le monde semblait chercher du regard quelque chose d’invisible.
« Cling. »
Il l’avait entendu ! C’était à peine perceptible, mais il l’avait entendu ! Ce tout petit bout de métal qu’on avait cogné, quelque part sous leurs pieds, pour signifier une présence vivante. Timmy était là ! Timmy était vivant !
— Il y a quelqu’un là-dessous !
L’Akwakwak de Céline se faufila entre les poutres et l’hélicoptère déchiqueté et disparut dans l’obscurité des décombres. L’attente était insupportable. Plus personne, ni humain, ni pokémon, n’osait émettre le moindre son. C’est alors qu’il le vit revenir ! Une masse bleue, quelque chose dans ses bras aux mains palmées !
— Timmy ! s’exclama Sofian, fou de joie.
On apporta une civière, on la déploya, et Akwakwak y déposa le corps fébrile d’une jeune femme aux cheveux recouverts de suie et de sang.
Sofian échangea un regard déconfit avec Jessie.

*
Papaoutai : The Voice Kids cover, Talima

Sarah déposa sur la table en plastique un gobelet en carton remplit d’un liquide brun fumant. L’enfant voulut le saisir immédiatement mais la chaleur qu’il dégageait l’en dissuada. Alors, il poursuivit son observation craintive des alentours. Une centaine de lits avaient été disposés les uns à côtés des autres, formant un immense hôpital de fortune caché par une gigantesque toile qui faisait office de plafond. Ci-et-là, de bruyantes machines gênaient le passage en prenant de la place à côté des lits sur lesquels se trouvaient déjà des dizaines de survivants, humains et pokémons, dans des états variables : certains étaient simplement endormis, d’autres poussaient des cris de douleurs tandis qu’on soignait leurs plaies ouvertes, d’autres encore étaient recouverts de bandage et ne pipaient mots, scrutant la toile au-dessus d’eux d’un regard vide. De temps à autres, des Leveinard et des médecins couraient d’un lit à l’autre pour s’occuper de nouveaux cas qu’on leur apportait en urgence. Un Machopeur déposa une jeune fille inconsciente sur un lit voisin avant de disparaître hors de l’hôpital, et un Leveinard prenait le relais.
— Voilà, tu as un joli bandage bleu, comme tes jolis yeux, rassura le médecin qui s’occupait du bras du petit garçon.
Ce-dernier ne répondit pas, toujours absorbé par les survivants tout autour de lui.
— Tu ne veux toujours pas me dire ton prénom ? demanda le médecin, désespéré.
Mais l’enfant l’ignora. Combien de temps lui faudrait-il pour surmonter ce traumatisme ? Sarah soupira.
— Vite, un médecin !! appela un secouriste au loin. Femme de la vingtaine, hémorragie interne, barre de métal dans la poitrine !
— Je dois y aller, s’excusa le médecin épuisé en jetant un coup d’œil inquiet à l’enfant.
— Je m’en occupe… rassura Sarah, elle-même peu rassurée par la tâche.
Et le médecin disparu du côté des tentes de chirurgie.
— Bois un peu de ton chocolat chaud, si tu ne veux pas que je te le vole.
Le petit garçon fronça des sourcils et se jeta sur sa boisson qu’il avala d’une traite.
— Eh bien, j’en connais un qui avait soif. Tu en veux un deuxième ?
— Mon papa ne veut pas que j’en boive plus d’un par jour, répondit simplement l’enfant en déposant son gobelet.
Sarah évita son regard. Il avait parlé de son père disparu sans aucune gêne. Les enfants étaient si résilients. Le simple fait d’avoir entendu le mot « papa » l’avait plongée, elle, dans une tristesse infinie.
— Il était au travail quand ils ont dit qu’on devait partir.
Ça y était, l’enfant avait besoin de parler. Sarah ne sut que répondre et préféra le laisser continuer.
— On est allé à la gare avec ma maman. Y avait plein de monde. J’avais très peur qu’on me vole ma cage avec mon Tipi. Tipi, c’est mon Tylton. On a attendu toute la journée mais maman ne voulait pas qu’on monte dans le train sans papa. Y avait toujours plein de monde, même quand les gens prenaient le train pour partir. Mais papa, il est jamais venu. Et Tipi s’est envolé. Et maintenant, maman…
L’enfant renifla et essuya ce qui coulait de ses narines sur son bandage. Sarah voulut l’en empêcher mais elle se ravisa : après tout, ce n’était pas le bon jour pour faire des leçons d’hygiène.
Elle essaya de parler mais sa gorge se noua. Le petit garçon lui proposa le fond de son chocolat chaud, et elle l’avala sans hésiter. C’était comme si elle s’était immergée dans une des sources chaudes de la ville. Le chocolat activa en elle une sensation de plaisir qui lui dénoua les cordes vocales.
— Moi aussi, je ne sais pas où est mon papa… admit-elle.
L’enfant plongea son regard curieux dans le sien, comme s’il attendait qu’on lui raconte une histoire.
— À vrai dire, ça fait des années que je ne l’ai pas vu. C’est… compliqué. Puis, je l’ai revu hier et il n’a pas voulu me parler. C’est de ma faute s’il était présent ici… Je n’ai jamais eu l’occasion de lui demander pardon… Je ne sais pas où il est et… je ne le reverrai sans doute jamais…
Sarah fondit en larmes qu’elle essaya de cacher à l’enfant. Mais le petit garçon s’était levé de sa chaise en plastique et l’avait prise dans ses bras.
— Peut-être qu’il joue à cache-cache ?
Sarah pouffa d’un rire nerveux, déstabilisée par la naïveté de l’enfant.
— Peut-être…
— Maman dit que lorsqu’on cherche bien, on finit toujours par trouver. Tu veux qu’on cherche ensemble ?
Sarah sécha ses larmes, attendrie, et acquiesça. Le petit enfant ferma les yeux et articula silencieusement avec sa bouche des mots incompréhensibles.
— Qu’est-ce que tu fais ?
— Je compte jusqu’à mille. Puis, on ira retrouver ton papa.
Voir le petit garçon se prendre au jeu la réconforta miraculeusement. Elle lui sourit et l’imita. Elle ferma les yeux et commença à compter. C’était drôle, en fait. Était-ce l’obscurité de ses paupières ou le but qu’elle s’était donnée d’arriver à mille ? Une chose était certaine, c’est que son esprit s’était quelque peu apaisé, comme si la souffrance avait diminué.
Elle rouvrit les yeux. L’enfant était toujours plongé dans son comptage. Derrière eux, une ambulance venait d’arriver avec à son bord… Elle n’en crut pas ses yeux !

*
Flora ouvrit les yeux subitement. C’était la douleur dans son poignet qui l’avait réveillée. Son bras gauche était si lourd qu’il lui était impossible de lever sa main. D’un coup d’œil embué par la confusion, elle découvrit un plâtre qui lui protégeait le poignet. Un tube transparent reliait son bras à une machine bruyante à côté de son oreiller, source de sa migraine. Par ailleurs, elle constata avec surprise qu’elle était étendue de tout son long sur un lit très inconfortable, au milieu d’une multitudes d’autres lits occupés. Comment était-elle arrivée là ?
Un souvenir lui traversa la rétine : bloquée dans le bureau de l’arène de Vermilava, le plafond s’effondrait sur elle. Comme dernier recours, elle envoyait ses pokémons à la mort… Ses pokémons…
Ils n’étaient pas avec elle. Au pied de son lit, elle repéra son sac à dos qui semblait bien vide. Et puis, sur le côté, la tête enfuie dans les draps…
— Papa ?
Son père ouvrit un œil, délicatement, puis se releva d’un bond sur sa chaise en plastique.
— Flora !
Il se jeta sur elle et elle disparut sous son tablier plein de boue et de poussière. Elle poussa un petit cri de douleur en sentant quelque chose sur son poignet cassé et son père relâcha son étreinte.
— Pardon ! Je suis désolé !
— Ce n’est rien… balbutia-t-elle.
— Non, écoute-moi. Je suis sincèrement désolé, mon ange. Je t’en prie, pardonne-moi !
Flora resta muette. De quoi lui parlait-il ? Face à son père qui lui offrait son regard le plus coupable qu’elle n’eût jamais vu, elle se rendit compte d’à quel point il était un homme, et pas un superhéros. Le Professeur Seko n’était finalement qu’un être humain aussi brisé que les autres, et rien ne pouvait justifier qu’elle continuât à lui en vouloir pour l’avoir fait passer après ses études scientifiques lors de son enfance.
— Tout va bien, rassura-t-elle en lui caressant le bras. Je suis vivante… Waw ! Je suis vivante !
Flora éclata d’un rire nerveux, soulagée.
— Ce sont tes pokémons qui t’ont sauvé la vie, expliqua son père. Rassure-toi, ils vont bien ! Ils ont encaissé un choc important lorsque l’arène s’est effondrée sur vous, mais ils devraient se remettre. Ils ont été mis à l’écart pour qu’ils puissent se reposer.
Flora soupira de soulagement et se laissa retomber sur son oreiller, fatiguée. Elle n’était pas morte. Elle avait survécu au passage de la tornade et ses pokémons et elles étaient vivants. En revanche… Son cœur se serra dans sa poitrine.
— Est-ce que… ?
Elle hésita. La réponse allait être plus violente que la question, mais elle devait la poser.
— Est-ce que vous avez retrouvé Steve ?
— Je ne comprends pas, répondit son père à demi voix.
— J’étais avec un dresseur qui s’appelle Steve Vencer, se remémora-t-elle douloureusement. Il voulait sauver les pokémons de l’arène en les enterrant dans le sol pour ne pas qu’ils disparaissent sur le passage de la tornade. Mais il a été… il… la tornade l’a…
Son père attendit nerveusement.
— Flora, que lui est-il arrivé ?

— STEVE !! C’est de la folie !
Une colonne de poussière était dressée dans la montagne. Une pelle vola à toute vitesse en direction de la colonne d’air. Plusieurs rochers s’arrachèrent du sol et disparurent à leur tour.
Steve fit rentrer son Galégon dans sa pokéball mais un coup de vent lui arracha la sphère des mains.
— NON !
Steve observa impuissant sa pokéball se perdre dans le ciel. Il fit un pas en avant, par réflexe.
— STEVE, NON !
Un coup de vent le souleva du sol et Steve disparut de son champ de vision.


— Flora ? Flora, dis-moi ce qui est arrivé à Steve.
Flora essaya de chasser de son esprit les images de la tornade. Steve faisait un pas en avant. La tornade emportait Steve avec elle.
— Papa, c’est horrible… La tornade…
Mais elle n’eut pas besoin d’en dire davantage. Le Professeur Seko avait compris. Bouleversé, il bredouilla quelques mots d’excuse, l’embrassa sur le front et quitta le chevet de son lit d’un pas titubant.
Flora laissa enfin les larmes l’envahir et trembla de tout son corps, seule avec ses souvenirs horribles qui la hantaient.
On lui tendit un mouchoir qu’elle s’empressa d’utiliser.
— Je suis heureuse de te revoir en un seul morceau.
Une touffe de cheveux roux l’ensevelit dans une étreinte, avant de la laisser respirer à nouveau. Le visage épuisé de Sarah lui offrit un sourire. Flora hésita. La dernière fois qu’elle avait vu la sœur de Sofian, c’était juste après qu’elle avoua ses crimes dans la Team Magma.
— On m’a dit que tu avais besoin de repos, mais je ne pouvais pas attendre davantage, dit cette-dernière en brisant le silence glacial. Flora, par pitié, dis-moi que tu sais où sont mon frère et mon père.
Flora resta bredouille. Elle n’avait aucune idée d’où se trouvaient ses amis Sofian et Timmy. D’ailleurs, elle se rendit soudainement compte que si elle avait subi le passage surprise d’une tornade dans la montagne, ses meilleurs amis avaient dû eux-aussi le subir dans la ville où elle les avait laissé.
—J’étais dans la montagne avec mon ami Brice quand la tornade nous a surpris. Je ne sais pas où est Sofian, ni Timmy, ni Brice, ni Annick, ni ton père, ni personne. Je n’étais même pas au courant qu’il y avait une tornade qui se formait, avoua Flora. La dernière fois que je les ai tous vus, tout allait bien. C’était une belle journée, il y avait du soleil. Tout allait bien…
Le visage de Sarah se déconfit et Flora sombra dans une déprime accablante. Comment tout avait pu tourner au drame alors qu’ils passaient une si belle journée ?
— Sofian et moi nous sommes portés volontaires pour évacuer les patients du centre pokémon à bord de l’hélicoptère abandonné de la Team Magma, lui expliqua Sarah. Il est actuellement porté disparu.
— Et Timmy ?
Sarah hocha de la tête par la négative.
— Et Annick ? Brice ?
Sarah baissa les yeux.
Flora lui prit la main dans la sienne et la serra aussi fort que possible.
— C’est bien ce que tu as fait. Pour les patients du centre pokémon.
Flora lui accorda un sourire timide et Sarah l’accepta.
— Je dois continuer à fouiller les décombres… marmonna-t-elle.
Elle lui accorda un sourire à son tour et laissa Flora seule. La jeune fille se laissa retomber sur son oreiller, épuisée.

Pokémon #201m
— Aaaaaaaargh !
Le cri de douleur lui déchira le cœur. Comment pouvait-il ressentir autant de compassion pour une personne qu’il détestait autant ?
— Encore un effort.
— Aaaaaargh ! Non, arrêtez !
— Plus que quelques centimètres et vous serez libres.
— AAAAAAARGH !!
Jessie se plaqua les mains contre les oreilles et ferma les yeux. Entendre les cris de détresse de son acolyte devait être la pire des tortures. Sous leurs pieds, dans les décombres de la cave de la maison de Marielle Razzo, les pokémons excavateurs tentaient d’extraire James de sous une poutre qui le retenait prisonnier des gravats, et les secouristes impuissants à l’extérieur lui criaient des messages d’encouragement. Jessie, quant à elle, était déchirée entre l’envie de rester près de son ami torturé et celle de s’enfuir à toutes jambes pour ne plus l’entendre hurler à la mort. Sur son visage crispé et pâle, un torrent de larmes silencieuses trahissait son désespoir.
Sofian prit sur lui. Après tout, en temps de catastrophe, les êtres humains devaient se serrer les coudes.
— Ça va aller.
Jessie ouvrit un œil et Sofian se força à lui sourire. Elle l’inspecta avec méfiance.
— Ça va aller, il est vivant, lui. Ce n’est qu’une question de minutes avant qu’on le sorte de là.
Elle acquiesça fébrilement.
— Est-ce que… ?
Sofian hésita. Il devait poser la question.
— Est-ce que Timmy était avec vous, là-dessous ?
Il vit dans le regard de Jessie qu’elle hésitait à lui répondre. Ce qui était en soi une réponse.
— Est-ce qu’il est… vivant ?
Jessie se mordit la lèvre, encore plus hésitante.
— Aaaaargh !
— De l’aide !
— Encore quelques mètres !!
Un Machopeur et Akwakwak sortirent des décombres avec dans leurs bras le corps livide et tremblant de James. Un tonnerre d’applaudissements éclata autour d’eux tandis qu’on couchait James sur une civière. Jessie se jeta sur son ami et le serra contre elle. Sofian préféra rester à l’écart.
Enfui dans les cheveux de son amie, James la maintint plus longtemps contre son visage.
— Jessie, s’ils apprennent qui nous sommes, c’en est fini de nous, chuchota-t-il douloureusement.
— James, tu…
Ce-dernier la garda encore un instant, faisant croire à une étreinte émouvante.
— Je te rappelle qu’on est recherché partout depuis l’attentat que nous avons coorganisé à Autéquia.
— Tu as besoin de soins, James. Personne ne vérifiera notre identité dans tout ce chaos.
Un médecin les sépara délicatement et ausculta James qui ne quitta pas des yeux son acolyte féminin. Elle acquiesça de manière rassurante et il lui transféra ses craintes par signes discrets sur son visage.
On embarqua la civière dans l’ambulance et Jessie s’apprêta à y monter quand quelqu’un lui tapota l’épaule. Sofian l’avait empêché d’embarquer. Allait-il les dénoncer ? Ici ? Maintenant ? Elle maintint son regard, le plus menaçant possible. Un seul mot et elle était prête à attaquer. Seviper, Papinox, Cacnéa, tous leurs pokémons étaient présents dans ses poches, sains et saufs. Un mot, un seul, et la Team Rocket se défendrait.
— Vous avez oublié ceci.
Sofian lui tendit une pokéball. Celle qui avait protégé Miaouss du passage de la tornade. Jessie la saisit délicatement, sans un mot.
— Même les pires criminels ont le droit de vivre.
Et Sofian les quitta.
Les portes se refermèrent sur la Team Rocket sauvée de la catastrophe et l’ambulance disparut de la banlieue ravagée. Sofian rejoignit Céline qui continuait à chapeauter le travail de ses équipes.
— Toujours pas de signe… ?
— …ni de ton père, ni de ton ami, répondit sombrement la cheffe. Mais nous n’avons pas dit notre dernier mot.
Sofian sourit poliment, juste pour la forme. Il l’avait sentie disparaitre. La flamme de l’espoir qui s’était allumée un peu plus tôt s’était envolée avec le sauvetage de la Team Rocket. C’étaient toujours les meilleurs qui partaient en premier, et cette catastrophe naturelle allait le prouver à nouveau.
— Un pokémon !
Akwakwak sortit des décombres avec dans ses bras un étrange pokémon mal en point. Il s’agissait d’une espèce de théropode vert aux pattes d’oiseaux dont le visage était caché par une très longue feuille qui prenait sa source dans son crâne.
— Je n’ai jamais vu un Massko aussi mal en point, s’effraya un médecin.
Sofian, lui, n’avait jamais vu ce genre de pokémon. À qui appartenait-il ? À la propriétaire de la maison en ruines ? Marielle Razzo, la tante malade de Brice, se trouvait-elle elle aussi sous les décombres ?
Tout à coup, Galifeu eut un comportement étrange. Il quitta son maître qui vacilla sur place et courut au chevet du Massko, comme un vieil ami retrouvant un des siens. Et si… ? Non, c’était impossible ! Il devait en avoir le cœur net.
Sofian sortit de son sac à dos son Pokédex et pianota sur le clavier afin d’afficher la page d’un pokémon qu’il avait côtoyé pendant les quatre derniers mois. Mais oui ! Massko était l’évolution d’Arcko ! Ce qui signifiait que…
— Timmy !
— Là ! UN ENFANT !! s’écria un secouriste en scrutant le sous-sol à travers les gravats.
Sofian se précipita sur les ruines de la maison et se mêla aux secouristes afin d’aider Akwakwak à sortir le corps qu’il avait trouvé. Les pokémons de Sofian aidèrent à leur manière : Hélédelle et Galifeu maintinrent la structure instable des décombres tandis qu’Écrapince, Dynavolt et Balignon déblayaient un passage.
Enfin, ils le libérèrent.
— Saint Rayquaza ! s’exclama Céline avec horreur.
Et ce que vit Sofian lui souleva le cœur.
Le corps de Timmy était recroquevillé dans les bras du pokémon aquatique, tel un bout de tissu informe. Sa peau aussi blanche que la mort était striée de veines noires apparentes. Ses cheveux autrefois dorés pendouillaient sous sa tête qui ballotait dans le vide, sans vie.
— Il est… mort ?
— Non, j’ai un pouls. Si faible…
— Et pourtant, on dirait qu’il est… mort…
— Que lui est-il arrivé ?
Timmy était vivant. Mais jamais Sofian n’avait été aussi peu rassuré de le voir vivant. Avait-il subi une de ses crises mystérieuses sous les décombres sans qu’on ne puisse l’aider ?

Pokémon #201p
Papaoutai : English cover, CUT_

Le soleil se couchait sur la ville ravagée. Les couleurs du ciel s’étaient arrangées pour offrir aux survivants une fabuleuse peinture. Le contraste entre la beauté du crépuscule et le spectacle macabre auquel on assistait à Vermilava la fit frissonner. Mais elle n’avait pas le temps de se perdre dans des considérations poétiques : une foule de survivants indemnes s’était réunie autour des ruines du centre pokémon et participait avec angoisse au travail des secouristes qui n’avait pas relâché leurs efforts de toute la journée.
La chaîne humaine qui s’était formée dans le tunnel creusé dans les gravats ne démordait pas : on arrachait un morceau de plâtre, on le faisait passer derrière soi pour lui faire remonter les escaliers, et on le jetait au loin à la surface. Puis on recommençait. De temps à autres, Limagma soudait deux bouts de métal ensemble pour stabiliser la structure autour d’eux. À intervalle régulier, un Machopeur donnait un coup de poing précis sur un mur d’obstacles qui s’abattait devant eux, et on recommençait les mêmes mouvements : arracher, faire passer, jeter.
— Neuf cent nonante-quatre.
Rien de ce qu’il se passait autour d’elle n’avait plus d’importance que ce trou qui s’agrandissait au gré de leurs efforts. Ni la fatigue physique, ni l’épuisement mental, ne viendrait à l’empêcher de délivrer les personnes qui se trouvaient bloquées dans les souterrains du centre pokémon.
— Neuf cent nonante-cinq.
— Qu’est-ce que tu chantes ?
— De quoi ?
Un volontaire s’était arrêté et se réhydratait en s’appuyant contre un mur.
— Depuis tout à l’heure, je t’entends chanter.
— Je ne chante pas, je compte.
Le volontaire n’insista pas. Sarah avait été assez agressive que pour le dissuader de reprendre la conversation.
— Neuf cent nonante-six.
Elle s’empara d’un tuyau qui trainait au sol et donna un grand coup dans le mur de briques cassées devant elle. Soudain, le mur s’effondra et révéla une porte anti-feu.
— La porte des souterrains !!
— ON ARRIVE LES GARS !! hurla un secouriste en martelant contre la porte.
La chaîne humaine se brisa et tous les volontaires se jetèrent sur les débris qui empêchaient la porte de s’ouvrir.
— Neuf cent nonante-sept ! J’arrive papa !!
On délogea une dernière poutre métallique et Sarah actionna la poignée de porte. Un souffle d’air froid s’échappa de derrière la porte antifeu qui resta calée. Un coup de l’autre côté trahit la présence des survivants qui tâchaient de se sortir de leur prison, eux aussi. Tous les volontaires se joignirent au Machopeur secouriste et la porte céda sur ses gonds.
La porte s’effondra au sol dans un terrible fracas et libéra un adolescent rempli de sueur.
— Sofian !
Sarah se jeta sur son frère qui accepta l’étreinte poliment, avant de la repousser délicatement. Elle s’était trompée, le garçon face à lui n’était pas son frère. Ses cheveux blonds perlaient de sueur sur son visage tracé dans le marbre et sa barbe de plusieurs jours. Deux yeux bleu glaciaux la transpercèrent tandis qu’elle découvrait le corps sculpté du célèbre coordinateur Brice Belangelo.

La tension était palpable, le suspens à son comble. Enfin, les têtes des premiers rescapés apparurent dans les escaliers qui provenaient des souterrains du centre pokémon, qui les avaient retenus prisonniers pendant près de vingt-quatre heures. La foule acclama Brice sous un tonnerre d’applaudissements en reconnaissant la star, saine et sauve. Le jeune homme ne leur rendit aucun signe de bonheur et tira derrière lui une civière qu’une jeune fille aux cheveux courts et noirs aidait à transporter. Une brise légère souleva le drap qui recouvrait le corps d’une vieille dame décédée et Annick replaça le linceul sur le visage de Marielle Razzo, décédée un jour plus tôt. Puis, l’agent Jenny sortit des décombres et serra vigoureusement la main du chef des opérations de sauvetage tandis qu’un volontaire aidait l’infirmière Joëlle à transporter un enfant malade. Des dizaines et des dizaines de rescapés en tenue d’hôpital s’exfiltrèrent des souterrains, tous indemnes. Ci-et-là, des familles se réunissaient. Ci-et-là, des cris de joie, des pleurs soulagés.
Sarah resta en retrait, le visage perdu sur la centaine de survivants, à la recherche de ceux qu’elle savait absents de ces souterrains.
— J’ai cru qu’on allait tous mourir étouffés, là-dedans.
Annick l’avait rejointe et affichait comme à son habitude cette espèce de sourire moqueur et rassurant.
— Merci de nous avoir aidés à nous sortir de là.
Sarah acquiesça silencieusement.
— NORMAN !!
Elle fit volte-face si rapidement qu’elle sentit quelque chose craquer dans son cou.
— PAPA !!
Le petit garçon avec lequel elle avait passé l’après-midi se jeta dans les bras d’un homme qui venait de sortir des décombres du centre pokémon. Le père et son fils réunis pleuraient à chaudes larmes.
— Oh ! J’ai eu si peur !!
— Je savais que j’allais te retrouver !! C’est grâce à elle !
L’enfant pointa un petit doigt boudiné vers Sarah qui sentit son cœur sombrer jusque dans son bassin. Garder le sourire, réconforter, montrer de l’espoir pour les autres. Elle devait tenir.
— Merci ! Merci infiniment !!!
Le père la serra contre elle sans lâcher son gamin.
— Tu l’as pas retrouvé, toi, ton papa ? s’étonna ce-dernier.
— C’est le tien que je cherchais, répondit Sarah.
— C’est parce que tu n’as pas compté jusqu’à mille !
Sarah soupira mais l’enfant la força à fermer les yeux. L’endroit calme et paisible qu’elle avait trouvé la dernière fois avait disparu, car maintenant, elle savait qu’il n’y avait plus aucun espoir. Mais elle termina tout de même.
— Neuf cent nonante-huit. Neuf cent nonante-neuf. Mille…
Elle rouvrit les yeux.
Là, au milieu des survivants qui applaudissaient à tout rompre, deux yeux bruns la dévisageaient. Il lui faisait signe. Il lui souriait. Il était vivant. Sofian l’avait retrouvée.

*
Loin de toute l’agitation, à l’extérieur de l’énorme édifice en bois construit au pied-levé sur ce qui avait été la grand place de la ville, plusieurs petites tentes avaient été dressées afin d’écarter du reste des survivants les patients qui souffraient de blessures plus graves ; une sorte de soins intensifs improvisés qui le fit frissonner d’effroi.
Le Professeur Seko s’approcha de la tente qu’on lui avait indiquée à l’instant où une chirurgienne en sortait. La femme ôta son masque et se laissa tomber sur une chaise en plastique, soupirant hors de son corps toute la fatigue accumulée. Elle se laissa absorber par la lumière splendide du soleil couchant.
— Comment va-t-elle ?
La chirurgienne sursauta à l’approche du professeur.
— Vous ne devriez pas vous balader par ici, dit-elle, ce secteur est réservé aux patients en…
— Laissez.
Une femme venait d’apparaître depuis l’intérieur de la tente.
— C’est le Professeur Seko, tout de même.
L’air solennelle sur son visage ainsi que sur celui de son Akwakwak ne laissa aucune place à la chirurgienne pour discuter les ordres de la cheffe des secouristes. Celle-ci fit un signe au Professeur Seko qui pénétra dans la petite tente.
Allongée sur un lit entouré de machines bruyantes reliées à elle, seule la tête d’Adriane Flayme était perceptible dans ce fatras de tubes, de câbles et d’appareils médicaux qui l’enveloppaient. La championne d’arène de Vermilava était méconnaissable. Plongée dans le coma, elle aurait pu avoir quitté ce monde que le Professeur Seko n’aurait pas été capable d’identifier la différence.
— Son pronostic vital est engagé, annonça Céline en chuchotant, comme si sa voix aurait pu la réveiller. Ils l’ont plongée dans un coma artificiel le temps de la remettre sur pied.
— Combien de temps ?
Céline haussa les épaules.
— Ils ont attendu que son état soit stable pour la transférer.
— Où ça ?
— Elle part demain pour l’hôpital de Mérouville, le meilleur centre de traumatologie de la région.
Le Professeur Seko soupira et s’approcha de la championne d’arène. Elle avait tellement changé depuis leur dernière rencontre. Deux jours plus tôt, lors d’un de ses multiples voyages dans le temps, il avait discuté avec la petite Adriane qui était si fière d’assister au match pokémon de son papy. Deux jours avaient passé pour lui, neuf ans pour elle. Deux jours durant lesquels il avait assisté au décès de son grand-père, l’ancien champion de Vermilava qui s’était sacrifié en se jetant sous les crocs d’un Dracaufeu. Neuf ans durant lesquelles elle avait dû se demander où avait disparu son grand-père et pourquoi elle était devenue une championne d’arène sans qu’on ne puisse le retrouver.
Le Professeur Seko caressa les longs cheveux ternes d’Adriane avant d’attacher délicatement au tissu qui la recouvrait le vieux Badge Flamme que lui avait laissé Monsieur Flayme juste avant son décès.

— Ma… petite… fille…
— Non, non, non ! Monsieur Flayme !
Et le bras du vieil homme retomba mollement. Alors, le regard du champion d’arène de Vermilava s’évapora dans le ciel étoilé du Mont Chimnée.


Neuf ans plus tard, Adriane Flayme n’était raccroché à la vie que par une demi-douzaine d’appareils médicaux. Elle s’était sacrifiée héroïquement afin de sauver son peuple. Puisse le ciel du crépuscule l’accueillir auprès de son grand-père…

Pokémon #201t
Papaoutai : Instrumental, Stromae

La nuit était tombée sur une Vermilava au repos. On avait placé au pied de chaque lit une lampe électrique qui faisait danser les ombres macabres des survivants sur la haute toile de l’hôpital de fortune. Il était venu l’heure de panser ses plaies. Et il devait être le seul à sourire.
Car Timmy souriait. D’un vrai sourire, franc et honnête. Celui qui réchauffait les cœurs. Celui qui donnait envie de se multiplier. Celui qui pouvait à lui seul remplacer tous les maux de ces dernières quarante-huit heures. Il était vivant. Affaibli, éreinté, sans énergie, mais bel et bien vivant.
— …et c’est là qu’il a débarqué de nulle part ! Je l’ai tout de suite reconnu avec ses yeux bleu électrique et son chapeau rapiécé. Le détective qui enquêtait sur la Team Magma ! Et bien, vous ne devinerez jamais ! Il a joué un triple jeu : il était à la fois espion chez la Team Magma et chez la Team Aqua ! Et dans tout ça, il continuait à enquêter sur le côté !
— Timmy, calme-toi… répétait inlassablement une Annick amusée par la passion avec laquelle Timmy racontait ses aventures avant le passage de la tornade.
— Vous auriez dû voir la tête de la Team Rocket ! Comment j’aurais pas aimé être à leur place ! Parce que non seulement ils se sont fait manipuler par lui quand ils étaient dans la Team Magma, mais en plus il a réussi à les manipuler en se faisant passer pour un sbire de la Team Aqua ! Deux fois avec deux identités différentes sur la même semaine !
— En tout cas, je suis heureuse de constater que tu es en pleine forme, admit Flora qui avait posé son poignet cassé sur le lit du jeune garçon.
— Mais c’est là que j’ai fait une nouvelle crise respiratoire et du reste, je n’ai aucun souvenir.
— Eh bien, laisse-moi te présenter ton Massko.
Sofian poussa la chaise roulante sur laquelle se trouvait le pokémon blessé et le plaça à côté de la tête de lit de son maître. Timmy resta bouche bée en examinant avec amour chaque détail de la nouvelle forme de son pokémon. Massko frotta sa tête contre celle de son maître et Tarsal et Magnéti l’imitèrent.
Qu’il était rassurant de voir son ami Timmy aussi bien entouré. Il avait repris quelques couleurs et ses veines noires commençaient à s’estomper.
— J’ai bien cru qu’on t’avait perdu à jamais quand tu as fait ta crise dans les sources chaudes, avoua Annick en lui prenant la main.
— C’est cette colonne d’énergie… Dès que je l’ai vue dans la montagne, j’ai senti quelque chose en moi… Comme… Je ne saurais pas dire mais…
— Comme la source de tous nos problèmes depuis qu’elle est apparue ? proposa Annick.
Le petit groupe plongea dans un silence méditatif.
— Timmy, peux-tu m’en dire plus quant à ce détective ? demanda Sarah. Je ne l’avais jamais vu dans la Team Magma avant que Monsieur— Max Magma nous le présente comme un de ses plus fidèles administrateurs. Apparemment, il était en mission d’espionnage pour le compte de Max Magma.
— Il doit être un sacré espion, supposa Annick.
— Ou justement, un sacré bon sbire.
— Comment ça ?
Timmy fronça les sourcils sombrement, et s’expliqua :
— Cet homme nous a mentis depuis le début. Qui nous dit qu’il n’est pas véritablement un membre de la Team Magma ou de la Team Aqua ? Je vous rappelle qu’il était chez la tante de Brice et qu’il avait missionné la Team Rocket justement pour mettre la main sur Brice. Qui nous dit qu’il n’a pas un plan d’une plus grande envergure qui l’ait forcé à être espion au sein même de la Police Spéciale de Hoenn ?
Le silence tomba à nouveau dans le groupe d’amis qui évalua la possibilité d’une nouvelle menace autour d’eux.
— Si tel est le cas, Brice est en danger, fit remarquer Annick.
— D’ailleurs, où est-il ? s’inquiéta Flora.
— Il est parti tout de suite après notre sauvetage, expliqua son amie coordinatrice. Sa tante est décédée un peu avant le passage de la tornade sur Vermilava. Entre nous, je ne voudrais pas avoir eu à vivre ce que vous avez respectivement vécu, mais j’aurais volontiers échangé ma place. Essayez de rester enfermer dans des souterrains pendant vingt-quatre heures avec Brice et sa tante défunte dans un coin… C’était…
Annick frissonna.
— Il doit surement veiller sa tante en attendant que… Tiens, d’ailleurs, qu’est-ce qu’ils vont faire avec toutes les victimes ?
— Un hommage national va être organisé demain.
Ils sursautèrent. Le Professeur Seko venait de revenir parmi eux. Il s’installa auprès de sa fille et la prit par les épaules contre lui.
— Flora, j’ai une surprise pour toi ! En revenant des soins intensifs, je suis passé par les objets perdus et regarde ce que j’ai trouvé.
Il sortit de sa sacoche en cuir un gros œuf rose. Flora bondit sur son siège en se jetant sur l’œuf de pokémon qui lui appartenait.
— J’ai cru qu’il avait été écrasé dans les ruines du centre pokémon ! s’exclama-t-elle en nettoyant la coquille de l’énorme œuf.
Soudain, elle arrêta son geste. Sa main venait de passer sur une très longue fêlure qui commençait en son centre et rejoignait le sommet de l’œuf.
— Ne t’en fais pas, il montre des signes de vie. Pour l’instant, tout ce que tu as à faire, c’est en prendre bien soin jusqu’à ce qu’il éclose, ce qui ne devrait pas être long. Nous verrons ensuite si le pokémon qui en sort aura subi des séquelles. Une chose à la fois.
— Merci, papa, dit-elle en se blottissant contre lui.
— Tu veux savoir de quelle espèce il s’agit ?
— Non, j’aime l’idée d’être surprise. Une surprise positive, j’en ai bien besoin.
— Voilà qui devrait te ravir, alors.
L’infirmière Joëlle, un sparadrap sur le front, se joignit au groupe en apportant avec elle un petit groupe de pokémons : Charmillon, Skitty et Flobio coururent vers leur maîtresse qui laissa une larme de joie couler sur sa joue.
— Tout le monde est sain et sauf ! soupira Timmy avec plaisir.
— Presque…
C’était Sarah qui avait parlé sombrement. Céline et son Akwakwak traversèrent le couloir des lits et Sarah l’agrippa par le poignet.
— Est-ce que vous avez des nouvelles de mon père, le champion Norman Match ?
Céline examina Sarah et Sofian tour à tour et comprit enfin le lien de parenté entre eux. Cependant, son silence fut la seule réponse qu’elle leur donna.
— Vous ne l’avez toujours pas retrouvé ?
— Je peux vous assurer que mes équipes vont faire tout ce qu’ils peuvent pour le retrouver.
Sarah soupira et laissa la cheffe des secouristes reprendre ses activités. Un nouveau silence, glacial et pesant celui-ci, s’installa. Sofian ne quittait pas des yeux sa pochette à badge qu’il caressait du bout des doigts. Quatre badges, dont le Badge Flamme, le dernier qu’il avait obtenu. Celui d’Addie qui reposait entre la vie et la mort en ce moment-même. Et puis juste en-dessous, un espace vide. Celui qui aurait dû être comblé par le badge de son père.
Une alarme sonna dans un appareil médical, quelque part au loin.
— Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? demanda Flora, hésitante. Je veux dire… par rapport à notre voyage.
C’est alors que Sofian se leva d’un air décidé et s’approcha de Timmy. L’adolescent qui était resté silencieux tout du long parla enfin :
— Est-ce que je peux t’emprunter ton Pokénav ?
Désemparé, Timmy accepta et lui montra son appareil sur sa table de chevet.
— Je suis content que tu ailles bien.
— Moi aussi…
Sofian lui adressa un sourire peu convainquant et se dirigea vers la sortie. Avant de quitter le groupe, il s’arrêta un instant et répondit à Flora d’un ton solennelle :
— Il n’y a plus de voyage. C’est terminé.
Puis, il s’éclipsa. Sarah le suivit à la trace, troublée. Flora et Annick échangèrent un regard inquiet que Timmy ignora. Car autre chose occupait ses pensées. Quelque chose d’étrange le traversait, comme un sentiment qu’il ne connaissait pas. Ou plutôt une émotion. La joie d’être en vie ? Le bonheur de savourer le moment présent après avoir manqué de quitter le monde des vivants ?
Non, c’était bien plus profond que ça. C’était comme un état qu’il n’avait jamais connu. Il n’était pas épuisé. Certes, il était fatigué, éreinté, et abattu par la douleur physique. Mais pas épuisé. Pas comme il l’avait toujours été. Il n’était pas essoufflé. Il ne manquait pas d’air. Il respirait comme jamais il n’avait respiré par le passé. Oui, c’était ça. Il se sentait léger. Comme si… comme si la maladie qui l’avait rongé de l’intérieur pendant neuf ans s’était envolée avec la tornade.
— Je vais bien, murmura-t-il pour lui-même.

*
— Qu’est-ce que tu fais ?!
Sarah s’arrêta dans sa course. Sofian était immobile au milieu d’un champ de cadavres entourés par des bâches en plastique. Elle frissonna d’horreur au milieu de ce que Céline avait appelé ce matin « leur Mont Mémoria à eux », un cimetière improvisé.
— Je téléphone à maman.
— P… Pourquoi ?
— Pour lui annoncer la nouvelle.
— Sofian… Papa est porté disparu, ça ne veut pas dire qu’il est…
— Les disparus sont morts.
À ces mots, Sarah sentit comme un vide se créer en elle. Ce qu’elle avait comblé par un espoir miraculeux venait de disparaître en une phrase prononcée par son frère. Elle devait se rendre à l’évidence. Norman Match n’était plus de ce monde, et elle ne pourrait jamais lui demander pardon.
Sofian s’approcha de sa sœur et lui sécha les larmes. Il lui releva la tête par le menton et la força à ne pas s’abattre sur elle-même. Il allait rester digne pour annoncer la nouvelle à leur mère. Elle devait en faire pareil. Pour sa mémoire. En son honneur. Norman Match avait toujours été digne, fier, et aucune des ses émotions n’avait jamais contrôlé son esprit. Aujourd’hui, ses enfants se montreraient dignes et fiers, comme lui.
— Les disparus sont morts, répéta Sofian, mais nous, nous sommes vivants.
Et il lança l’appel.

Pokémon #201e
Papaoutai : Accoustic Guitar Cover, The Man on Guitar

Tout n’était que ruines et désolation. Ce qui avait été une charmante chaumière à l’accueil chaleureux n’était plus qu’un tas de gravats et de poussière. Il passa la barrière en bois qui, seule, tenait dans le vide sans sa palissade. Il traversa le champ de débris qui fut jadis un magnifique jardin, et atteignit l’endroit où s’était trouvé la porte d’entrée. La maison de sa tante n’existait plus, et avec elle s’étaient envolés les souvenirs d’une vie d’exile.
Brice contempla un instant les vestiges du passé mystérieux de sa tante biologique. Comme il avait détesté y pénétrer pour la première fois lorsqu’il l’avait recherchée à travers le monde et qu’il l’avait retrouvée confortablement installée à Hoenn, alors qu’elle l’avait abandonné à des milliers de kilomètres de la région ! Comme il avait été soulagé de la retrouver bien des années plus tard pour prendre soin d’elle dans ses derniers instants !
Brice enjamba un radiateur au sol et monta sur le mur qui avait été celui du salon. Une petite boule verte gisait inconsciente sur le sol. À en voir la trace de sang qui la reliait au gouffre de la cave, le pokémon avait dû se traîner jusqu’ici avant de perdre connaissance. Le coordinateur prit son Gloupti dans ses bras et le caressa affectueusement avant de le loger dans sa pokéball.
Plus loin, comme miraculeusement sauvé du passage de la tornade, un cadre photo reposait intact sur une table basse poussiéreuse. Sa tante malade souriait avec timidité face à l’objectif, tandis que la moitié du beau visage de Brice apparaissait dans le cadre ; souvenir figé dans le papier d’un moment de tendresse partagé quelque part avant la catastrophe.
— Je dois te révéler quelque chose que je n’ai jamais osé te dire, dit Brice à voix haute, face à la photo de sa défunte tante. Je ne suis pas revenu à Vermilava pour te retrouver, c’est mon père qui m’a annoncé que tu étais malade. Mon père biologique. Ton frère. Il m’a retrouvé. Je ne t’en ai jamais parlé car tu étais trop faible pour que ton esprit s’occupe de ce genre d’information. Je t’imagine déjà : tu aurais voulu quitter la région, t’enfuir à nouveau, partir le plus loin possible pour qu’il ne nous retrouve pas.
« Le fait est qu’il nous a retrouvés, et qu’il n’est pas venu me chercher. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas pourquoi tu as essayé de me protéger de lui lorsque j’étais bébé. Je ne comprends pas pourquoi mon père biologique est si dangereux pour moi, pour son propre fils. Je ne comprends pas pourquoi, après t’avoir retrouvée et avoir su que tu étais malade, il m’a contacté pour que je vienne prendre soin de toi. Je ne comprends pas pourquoi il m’a contacté sans vouloir me rencontrer. Je ne comprends pas pourquoi il est resté à l’écart alors qu’il avait tant envie de me retrouver lorsque j’étais bébé.
« Après tout ce que tu m’as dit sur lui, toutes les horreurs qu’il aurait pu commettre contre moi, contre toi, toutes ces années à penser qu’il était un monstre duquel je devais me protéger, il s’est avéré qu’il est celui qui a permis que ta vie se prolonge. Finalement, je me demande qui je devais croire.
« Je dois comprendre pourquoi il n’est pas le monstre que tu m’as décrit. Je dois savoir s’il a changé ou si c’est toi qui m’as monté contre lui. Et dans ce cas, je dois comprendre pourquoi. Pourquoi je n’ai pas eu cette vie banale qu’ont tous les enfants du monde ? Pourquoi j’ai été adopté ? Pourquoi tu n’as pas voulu de moi alors que tu me protégeais d’un homme qui voulait tant être avec moi ?
« Je sais que je t’ai promis sur ton lit de mort de ne jamais le retrouver. Je suis venu te demander pardon, car je vais devoir rompre cette promesse. Il y a tellement de points d’ombre sur mon passé que je n’arrive pas à m’imaginer un futur. Je suis désolé, tante Marielle. Je dois retrouver mon père. Sache que j’ai toujours…
« BAM ! »
Une douleur lancinante sur l’arrière de son crâne. Sa vision se troubla.
Brice s’effondra au milieu du champ de ruines de la maison de sa tante. Debout derrière lui, sous un chapeau rapiécé, les deux yeux bleu électrique du détective brillèrent dans la nuit opaque d’une Vermilava ravagée.

Pokémon #201r
À suivre dans : « Et pourtant il faut vivre »