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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 07/02/2019 à 16:58
» Dernière mise à jour le 07/02/2019 à 16:58

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 34 : Une faille à exploiter
« Il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir. » Jean Jaurès.



***


Lyco s’interposa entre le canon de l’arme à feu et Karyl. Les autres le regardèrent avec surprise.

— Qu’est-ce que tu fais, Lyco ? grogna Darren sans pour autant abaisser son arme.
— On devrait accepter qu’il s’allie à nous, répliqua le garçon.
— Pourquoi ? Tu l’as entendu, c’est un Mutant, et il a tué nos camarades !

Lyco serra les poings.

— Je sais ! Mais imaginez deux secondes. Avoir un Mutant comme lui de notre côté ! Un Mutant qui est déjà allé à Psyhéxa, qui connaît Molch, qui a certainement visité un endroit secret pour obtenir cette Némélia 3… imaginez l’avantage qu’on prendrait !
— Il a tué des nôtres, Lyco, se lamenta Ève. Qu’est-ce que tu vas faire si Lacrya est morte ? Tuée par lui ?

Le jeune homme ferma les yeux une seconde, tentant de ne pas imaginer le pire. Il plongea dans ses lointains souvenirs pour en tirer la force nécessaire, et réussit à mettre de côté ses sentiments et émotions pour ne voir que les faits, et uniquement eux.

— C’est sûr que ce serait terrible, mais… notre but à tous, c’est bien de tuer Mervald, non ?
— TON but est de tuer Mervald, rappela Darren. Et on n’a aucune chance d’y arriver, même avec un Mutant comme lui.
— Si ! répliqua Lyco. C’est peut-être même notre seule et unique chance de faire quelque chose, pour une fois ! Plutôt que de se terrer dans les bois, à attendre que le vent tourne en notre faveur ! Franchement, tu préfères continuer à chasser les carabings, à faire du troc et à négocier avec des bandes de voleurs, plutôt que d’assassiner Mervald ? Ne me fais pas croire ça !

Darren abaissa son pistolet en vociférant.

— Je te reconnais bien là, Lyco ! Toujours à vouloir être plus malin que tout le monde. Ça se voit que tu récupères tes souvenirs, et je vais t’avouer une chose : ça me fait chier. Tu n’as que ce nom, Mervald, à la bouche. Tu veux le buter à tel point que c’est à se demander si tu sais pas dire autre chose que « il faut le tuer ». Pourquoi faire ? Causer l’anarchie partout ?

Lyco s’avança d’un pas, et releva la tête pour croiser le regard du colosse. Il n’était plus le moins du monde intimidé par le chef des pillards.

— C’est déjà l’anarchie ! Je veux que les gens puissent s’exprimer, et avoir accès à ces fichus vaccins et médocs que le gouverneur garde dans ses labos secrets. J’en ai assez de voir les gens mourir de maladie. J’en ai trop vu. Et puis je croyais que tu étais de mon côté, Darren ! Quand je vous ai rejoint, tu m’as dit qu’on mettrait des bâtons dans les roues du gouverneur, ensemble !
— Ah, ça y est, tu te souviens de ça ? Pile poil quand ça t’arrange, à ce que je vois. J’espère que tu vas pas recommencer à nous manipuler, tous !

L’ambiance devenait électrique. Lyco sentait Karyl s’agiter dans son dos. La situation dégénérait dans un sens qu’il n’avait pas prévu. Darren continua :

— J’ai jamais dit que je voulais buter le gouverneur. Juste que je voulais l’empêcher de se sentir en sécurité, c’est pas pareil !
— Ça sert à rien, c’est stupide, répliqua Lyco.
— STOP !

L’intervention d’Ève les surprit tous les deux. La jeune femme arracha le pistolet des mains de Darren. Elle leva une main, comme pour frapper quelqu’un, puis rabaissa son bras en soupirant :

— Vous mériteriez tous les deux une bonne baffe. On est amis, ou ennemis ? À vous voir, on dirait que vous n’êtes pas dans le même camp. Ça me rappelle vos disputes d’avant… j’aime pas ça, pigé ? On est du même côté, mettez vous ça dans le crâne. Et même si je suis pas complètement d’accord avec Lyco… on devrait pas tuer Karyl.

Elle marqua une pause, comme peinant à mettre des mots sur ses pensées. Elle inspira un bon coup avant de continuer.

— Il a tué des nôtres… mais c’est vrai qu’un Mutant de notre côté changerait tout. Non, non, Darren, laisse-moi finir ! Je sais que c’est horrible. Qu’on a peut-être perdu Boralf et Amelis. Mais laissons une chance à ce… Karyl. Il ne maitrisait pas ses pouvoirs et a agi par peur d’être tué, si j’ai bien compris ? Alors il est en toute petite partie… excusé. Un tout petit peu. Et puis sérieusement, t’es capable de le tuer comme ça, de sang-froid, grand dadais ?

Darren grommela et redressa les épaules. Il reprenait son calme légendaire. Lyco s’écarta de Karyl, qui marmonna des jurons. Lyco le reconnut bien là.

— Pourquoi avoir attaqué le repaire ? demanda sèchement Darren. C’était un ordre de Mervald ?
— Oui, lâcha le Mutant à mi-voix. Ma mission était de tuer Lyco. Après ça, je vous ai traqué jusqu’au Vallon du Silence. Jusqu’à l’ermite.
— Tu as rencontré l’ermite ? s’étonna Bakrom, qui intervînt pour la première fois.
— C’est lui qui m’a convaincu de changer de camp. Il m’a… ouvert les yeux.
— Ce vieux fou… marmonna Ève.

Un silence pesant s’installa, uniquement interrompu par le vent sifflant entre les roches. Karyl se redressa un peu et marmonna :

— Je… j’ai eu accès au palais de Psyhéxa. Je connais un peu les couloirs. Je sais que Molch est chargé de mener des expériences pour Mervald, mais je n’ai pas grand-chose, comme infos.
— Ça pourra servir quand même, répondit Lyco.
— Vous m’acceptez ? lâcha abruptement Karyl. Vraiment ? Si c’est le cas, ce vieil ermite avait raison…

Croisant le regard furieux de Darren, le Mutant Roche comprit que ce n’était pas encore gagné.

Pour la première fois de toute sa vie, il chercha des yeux Lyco, non pas pour l’insulter ou lui lancer un regard méprisant, mais… pour chercher un soutien.

Étrangement, tout ce qu’il parvint à tirer du jeune homme fut une lueur froide dans son regard ; celui de quelqu’un d’autre que le Lyco qu’il connaissait.

Lui aussi, il avait changé, depuis tout ce temps.



***

L’ermite retira sa main du plumage de Xatu. Il émit un petit rire amusé en s’appuyant sur sa canne. Son œil unique s’éleva vers le ciel ensoleillé.

— Et bien, mon ami… ce Karyl n’est donc pas si mauvais. Mervald a peut-être réellement du souci à se faire, qu’en dis-tu ?

Le pokémon croassa en guise de réponse, fixant son regard empli d’intelligence sur son dresseur. Ce dernier, figé dans sa contemplation, souriait.

— Il sera peut-être bientôt temps pour nous deux de nous dévoiler, n’est-ce pas ? Ça fait bien trop longtemps que nous croupissons ici. Et puis, réparer ses erreurs, c’est la moindre des choses avant le pardon.

Le vieil homme caressa distraitement le dos de son partenaire. Ce dernier, excité à l’idée de reprendre vraiment du service, croassa de plus belle.



***


Lacrya tendit la main au-dessus de sa tête, et ses doigts s’agrippèrent à la roche avec force. Poussant sur ses jambes et tirant sur ses bras, elle s’éleva souplement avant de chercher de nouvelles prises. Un vent léger lui caressa le dos et agita sa queue-de-cheval derrière elle. Elle jeta un coup d’œil en l’air ; le sommet de la falaise n’était plus qu’à un petit mètre. Elle grimpait de plus en plus vite.

Grocaillou, le gigalithe du groupe, avait déjà atteint le sommet. Forcément, quand on était capable de créer des Lames de Roc pour se créer une route menant directement sur la falaise, tout était plus rapide. Et pourtant, le pokémon n’était pas très vif quand il se déplaçait, loin de là !

Lacrya se hissa sur la falaise en lâchant un grognement d’effort. Elle se redressa et se tint droite, mains sur les hanches, au bord du vide.

Une douzaine de mètres la séparait du sol et du campement ; ce n’était pas si haut que ça, mais elle voyait nettement les palissades de bois épais qui entouraient leur clairière. Boralf avait eu la judicieuse idée de placer des barbelés à l’extérieur, et de doubler l’épaisseur des murs avec des tôles, histoire de solidifier un peu le tout ; tout allait très vite, avec la main d’œuvre qu’ils avaient à leur disposition.

Après le passage sanglant de Karyl, et la conversation près du feu, Boralf avait cédé. Ils avaient quitté la plaine, emportant pokémons, armes, et vivres… mais en laissant bien des choses précieuses derrière eux. Ils n’avaient pas eu le choix.

Ils avaient rejoint le nord des Forêts de l’Est et avaient longé la lisière, avant de s’enfoncer à nouveau dans les bois. Cela les rapprochait de la ville de Psyhéxa, située au centre des plaines arides… mais elle leur permettait d’avoir accès à des routes commerciales faciles à attaquer.

Ils étaient vite tombés sur cette vaste clairière. Quelques pins s’élevaient ici et là, pour le plus grand plaisir de Piaf qui avait déjà fait un nid dans l’un d’eux. Personne n’en était sûr, mais visiblement le roucoups tenait à ce nid. Comme c’était une femelle, beaucoup espéraient qu’elle avait trouvé un mâle et pondu des bébés pokémons. Deux roucools feraient d’excellents guetteurs pour plus tard, avec de l’entrainement.

Une falaise dominait la plaine, et des roches acérées formaient un rempart naturel, presque en demi-cercle, comme pour se refermer sur eux ; cette barrière naturelle leur était bien utile. Sans compter la petite grotte au pied de la falaise, où s’amoncelaient déjà leurs affaires depuis plusieurs jours.

Et, à peine deux jours auparavant, après près d’une semaine d’installation et alors que les palissades commençaient à se monter, un groupe de voyageurs à l’air hagards étaient venus. Quinze hommes et femmes, venus de Psyhéxa. Des bidonvilles. Ils fuyaient à cause des rumeurs d’un Némélien dans la région, encore.

Boralf avait accepté les voyageurs parmi eux ; le groupe s’en retrouvait renforcé. Certains s’improvisaient ouvriers ou bûcheron et chacun mettait la main à la pâte. Chasse, cueillette, récupération, tour de garde, tout le monde touchait à tout. L’ambiance était plutôt agréable. Lacrya s’entendait bien avec les nouveaux venus, même s’ils ne brillaient pas tous par leur intelligence ou leur adresse, épée en main…

— J’ai été plus rapide qu’hier, non ? demanda Lacrya à Grocaillou.

Le gigalithe haussa ses épaules rocheuses d’un air sceptique. La jeune femme soupira et s’assit au bord de la falaise, laissant ses jambes se balancer dans le vide. Elle observa la toison des arbres, au loin, et les montagnes qui se situaient à des kilomètres à l’est, innaccessibles. Le soleil, lui, commençait à se coucher de l’autre côté. Le ciel se teintait déjà des couleurs du crépuscule.

— C’est pas mal, ici, quand même… lâcha-t-elle.

Grocaillou resta en retrait en lâchant un grondement bas. Il ne s’approchait pas du bord, par crainte que son poids ne cause un accident. Il semblait déjà effrayé de la voir, paisible, au bord du précipice. Lacrya, distraite, ne s’en rendit pas compte. Plongée dans ses pensées, elle pensait à Lyco, Ève, Darren et Bakrom.

Étaient-ils en vie ? Avaient-ils trouvé l’ermite ?

Si leurs plans initiaux de voyage n’avaient pas été trop chamboulé, ils étaient censés avoir découvert le repaire saccagé — et probablement maintenant occupé — la veille. Ils mettraient peut-être encore une semaine à les retrouver ! S’ils les retrouvaient, bien entendu… ils avaient migré plusieurs dizaines de kilomètres à l’est, après tout.

Mais les contacter était dangereux, et surtout hasardeux. Il n’y avait rien à faire, à part attendre leur hypothétique retour.

Lacrya inspira une bouffée d’air frais à la senteur sucrée, avant de s’étirer et de se remettre sur ses pieds.

— Bon, Grocaillou, on redescend ! Je veux m’entraîner à escalader encore une ou deux fois, avant que le soleil ne disparaisse. Comme d’hab’, tu me sécurises ?

Le pokémon acquiesça.

Son regard démontrait bien qu’il aurait préféré que la jeune fille ne s’acharne pas à ce sport risqué qu’elle semblait apprécier : son cœur de pierre avait parfois des palpitations sous le coup de l’émotion.



***


— Je ne reconnais personne, souffla Darren dans la pénombre.
— Moi non plus, rétorqua Ève.

Les deux pillards reculèrent dans l’ombre des arbres et revinrent sur leurs pas en silence. Ils errèrent quelques minutes entre les arbres, trébuchant parfois sur une aspérité, puis parvinrent enfin près d’un gros chêne touffu. À son pied, Bakrom et Lyco encadraient Karyl, dont le seul bras valide avait été attaché dans son dos avec des cordes. C’était le seul terrain d’entente que Darren et Lyco avaient trouvé. Même si selon Karyl ce cordage était inutile, le colosse préférait l’idée qu’il soit ligoté.

— Ce n’est pas notre groupe, marmonna Darren en approchant. On a bien fait de vérifier avant. La clairière est occupée par d’autres.
— Ils auraient pu nous tirer dessus si on y avait été comme ça, sans se préoccuper de rien ! renchérit Ève.
— C’était plutôt prévisible, non ? lâcha Lyco en se redressant. L’attaque de Karyl a tué… combien, quatre personnes ?
— Ouais, déclara le concerné à voix basse. Quatre, sûr. Mais… je crois que j’en ai blessé au moins deux autres… pas sûr qu’ils soient encore debout…

Darren, furieux, sembla se retenir de frapper de nouveau Karyl. L’envie lui prenait tous les jours depuis qu’il traînait avec eux.

— Ils sont sûrement partis, continua Lyco. Trouver un autre repaire, plus loin. Peut-être qu’ils sont alliés à d’autres. Ou même que les tensions ont brisé le groupe.
— Ils se seraient séparés ? s’étonna Ève, horrifiée par cette idée.
— Impossible ! répliqua Darren. J’ai confiance en Boralf. Il n’aurait jamais permis que le groupe soit dissout. Jamais. S’ils sont partis, c’est sûrement qu’il s’agissait d’une bonne décision de sa part. La survie du groupe avant tout.
— Il a dû penser que Karyl reviendrait les tuer, comprit Lyco.

Le Mutant Roche, l’air sombre, baissa la tête mais ne dit rien. Il savait que le simple fait d’ouvrir la bouche en présence de Darren agaçait ce dernier. Même les autres, finalement. Il était un monstre, il le voyait dans leurs yeux.

Mais il était un monstre qui avait pris conscience de sa nature. Un monstre qui voulait se racheter, c’était mieux qu’un monstre sanguinaire, non ?

— Comment on va faire pour les retrouver ? questionna Ève.

Les autres se turent. Question difficile. L’air nocturne leur apportait les lointains bourdonnements des lumivoles, dont les lumières filtraient parfois au loin, entre les cimes des arbres. Lyco se tourna brusquement vers Ève.

— Je sais ! Petite Dent.
— Quoi, Petite Dent ?
— Il a un bon flair, non ? s’intéressa le garçon. Il pourrait peut-être pister Boralf ? Il s’entraînait beaucoup avec lui, il se rappelle forcément de son odeur !
— Et tu crois que l’odeur de Boralf est encore détectable dans le coin ? répliqua Ève. Je sais qu’il a pas toujours une super hygiène, mais de là à sentir au point de laisser son odeur plusieurs jours dans la forêt…

Darren fronça les sourcils.

— On peut essayer, intervint le colosse. Les medhyénas sont des chasseurs-nés. Leurs sens sont plus développés que les nôtres. Et il tient à Boralf.
— Si vous voulez, accepta Ève. On part maintenant ?

Les autres acquiescèrent. Karyl n’avait pas trop le choix. Même si la nuit était tombée, ils pouvaient se permettre d’avancer une ou deux heures, et de reprendre le voyage le lendemain.

Lyco sentit son ventre se nouer. Il allait retrouver Lacrya ? Karyl ne se souvenait pas l’avoir blessée. Elle était restée avec le groupe, ou pas ?

Petite Dent jaillit dans un flash bleuté. Ève se pencha sur le petit pokémon joueur et lui expliqua rapidement la situation. Le medhyéna sembla saisir ce qu’il devait faire, et parut même prendre la tâche très au sérieux.

Finalement, après une demi-heure à errer dans la forêt sans trouver d’odeur particulière, Petite Dent lâcha un aboiement sec et étouffé. Excité, même. Ève se pencha vers lui, souriante :

— Tu as trouvé l’odeur de Boralf ? Ou de quelqu’un du groupe ?

Le pokémon jappa en réponse ; ça semblait être une réponse positive vu son air énergique et sa queue remuante. Darren lâcha un soupir soulagé :

— Très bien. Petite Dent, tu ouvres la marche, mais pas trop vite !



***


Le feu craqua subitement. La bûche, en s’écrasant sur les cendres brûlantes, souleva un petit nuage de poussière qui dansa dans la lumière pendant plusieurs longues secondes. Lyco les observa sans rien dire, l’oreille tendue vers le manteau obscur qui les enveloppait, au beau milieu de la forêt.

Darren ronflait légèrement, emmitouflé dans sa cape et à moitié adossé contre un tronc d’arbre. De l’autre côté des flammes, Ève et Bakrom étaient allongé sur leurs couvertures, leur respiration soulevant leur poitrine avec régularité. Petite Dent, un œil entrouvert, était couché entre eux deux, poussant parfois un léger grognement endormi.

Karyl, attaché solidement contre l’arbre près duquel Lyco montait la garde, gardait les yeux ouverts, fixés sur les flammes. Le jeune homme le regardait parfois avec prudence ; il se demandait encore comment le Mutant faisait pour ne pas s’endormir. Depuis le temps qu’il était leur… leur quoi ? Allié, prisonnier ? En tout cas, il n’avait fermé l’œil que pendant des périodes très brèves. Comme si ses pouvoirs particuliers lui permettaient de ne pas ressentir de fatigue. C’était la seule explication.

Lyco utilisa le bâton posé près de lui pour agiter les braises. Il posa quelques branchages amassés la veille pour raviver les flammes. Le bois fut attaqué en quelques secondes.

Le jeune homme se tourna vers Karyl. Leurs regards acérés se croisèrent. Lyco murmura :

— Parle-moi de Molch.
— Hm ?

Surpris qu’on lui adresse la parole, Karyl se redressa un peu malgré les cordages très serrés ; et sans effort de sa part. Il grommela. Lyco darda sur lui un regard déterminé. Il n’avait pas l’air de vouloir le laisser se défiler.

Karyl abandonna, las :

— Molch est un connard, c’est tout.
— Il a des émotions ?
— Qu’est-ce que j’en sais ?

Le ton était monté. Lyco lui fit signe de parler moins fort. Karyl soupira.

— Il est loyal envers Mervald, ou pas ? demanda le jeune homme.

La seule fois où Lyco s’était retrouvé seul face à Molch, il avait saisi chez lui cet incroyable respect qu’avait le Mutant pour le gouverneur. Il y semblait très attaché, du moins dans ses paroles ; sentimentalement, impossible de clairement cerner Molch. Lyco voulait en savoir plus. Peut-être trouverait-il une faiblesse à exploiter ?

— Je crois, ouais. Enfin… il a l’air d’aimer lui obéir. Mais je crois qu’il prend des initiatives quand même… la preuve, moi. C’est Molch qui a décidé, j’pense, pas Mervald. Tu crois que ce con de gouverneur m’aurait accepté ? Ça m’étonnerait !

Lyco se tut, essayant d’imaginer Molch ; dans son souvenir, c’était un cinquantenaire grisonnant, au visage inexpressif et à l’allure indolente. Un individu qui pouvait très bien cacher son jeu. Mais s’il voulait se rebeller contre Mervald, ne l’aurait-il pas déjà fait ? Ses pouvoirs Psy lui permettaient de vaincre le gouverneur sans aucun problème. À moins que Mervald n’ait lui-même des pouvoirs de Mutant, bien supérieurs ?

Lyco sentit ses épaules s’affaisser. Impossible de réfléchir maintenant à un plan. Impossible d’exploiter les failles. Il lui manquait encore des informations, des indices, des faits à exploiter. Peut-être que ses souvenirs lui permettraient d’en savoir plus, dans les jours suivants.

Il laissa Karyl contempler de nouveau les flammes, et reposa son bâton dans l’herbe sèche. Molch était chargé de superviser les expériences sur les Mutants comme Karyl. Rien que ça, ça faisait de lui un ennemi de premier choix.

Il était peut-être même à éliminer en priorité, avant le gouverneur. Lyco baissa les yeux sur le feu de camp, songeur.