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Effacé de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 07/02/2019 à 16:56
» Dernière mise à jour le 07/02/2019 à 16:56

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 33 : Rival, ennemi, allié ?
« Rivalité n’est pas nécessairement hostilité. » Sigmund Freud.


***


Karyl, sa seule main posée à plat contre le rocher qui l’occultait du soleil, plissait des yeux vers l’horizon. Renfrogné.

Il les distinguait, là-bas, dans la plaine craquelée. Trois silhouettes humaines, qui s’éloignaient, et celle d’un gros pokémon, un herbivore. Il y en avait aussi un autre, plus petit, sûrement un medhyéna, qui avait tendance à s’éloigner du groupe.

Ce canidé avait déjà senti Karyl plusieurs fois alors qu’il les suivait de loin ; le Mutant avait pris ses distances depuis, et n’avait pas encore été repéré par les trois voyageurs.

Il les suivait depuis qu’il avait été transporté — ou plutôt téléporté — hors du Vallon par le xatu de l’ermite. Il les avait vite rattrapés… mais n’avait pas encore trouvé le courage de se montrer. Il hésitait. Les rejoindre… était-ce vraiment une bonne chose, finalement ? Ils n’allaient jamais l’accepter !

Mais en même temps, il avait beau être du côté de Mervald… il n’avait pas accès à tout ce que pouvait promettre la vie d’un associé du gouverneur : pas de maison, pas d’hygiène, pas de nourriture à foison, pas d’argent. Non, il se contentait d’errer dans le désert, et de traquer un jeune adulte à peine sorti de l’adolescence. Quelle idée… Il n’était rien de plus qu’un outil. Un outil en plein doute, qui rêvait d’une vie meilleure.

Cette vie meilleure, il ne la voyait nulle part ailleurs que là-bas, devant lui. Dans le seul cas où il serait accepté, et où il ne mourrait pas bêtement en affrontant ce gouverneur de malheur.

Il vérifia son bras. Il était long de trente centimètres et peinait à pousser beaucoup plus ; le coude commençait à se former parmi cet amas de peau verdâtre, presque écailleuse. Sa cape commençait à avoir du mal à le cacher. Il ressemblait vraiment à un monstre difforme. Mais tant pis, il allait devoir se montrer avant qu’il ne guérisse totalement.

Karyl prit une grande inspiration. Saren aurait voulu qu’il s’allie à eux, il le savait. Et l’ermite n’avait pas eu tort. C’était sûrement la meilleure chose à faire. Il y avait toujours une chance qu’ils ne tentent pas de le tuer…

Le Mutant Roche sortit de l’ombre et se mit à marcher à bonne allure sans plus se cacher dans ces vastes étendues désertes. Il allait être vu dans peu de temps, ayant compris la vigilance dont faisaient preuve ces voyageurs, mais peu importait. Le plus tôt serait le mieux. Il devrait simplement se montrer convaincant.

Et au pire, s’ils se décidaient à l’attaquer, Karyl savait se défendre mieux qu’eux.



***


— Hé, Petite Dent, tu suis le rythme ?

Ève se retourna vers le medhyéna, dont les yeux étaient fixés, vigilants, vers l’horizon derrière eux. La jeune femme, agacée, s’approcha et attrapa le pokémon dans ses bras, ignorant les gémissements de la bête qui gigota pour se libérer de son étreinte.

— Allez, Petite Dent, c’est pas le moment de chercher les sabelettes.

Bakrom se retourna pour les attendre, et se figea en observant un point par-dessus l’épaule d’Ève. Il resta un moment bouche bée, et Ève comprit qu’elle avait dû rater quelque chose.

Elle fit volte-face. Là-bas, parmi les bourrasques poussiéreuses, une silhouette semblait se diriger vers eux. Sa cape brune flottait au vent et un capuchon protégeait sa tête. Outre cela, il avançait assez vite, et droit sur eux, avec une démarche un peu bancale. Un voyageur solitaire ? Ce n’était sûrement pas un brigand. Il n’y avait rien pour une embuscade dans les environs.

— Darren, attends ! lâcha Ève.

Le colosse s’arrêta et ordonna à Frison de s’immobiliser. La bête renâcla et Lyco qui marchait à ses côtés les rejoignit en ayant perçu l’étonnement dans sa voix. Darren vit à son tour le voyageur. Il grommela.

— Bordel, croiser quelqu’un ici, c’est pas normal…
— On risque pas grand-chose, si ? rétorqua Ève.

Le colosse sortit le vieux modèle de pistolet récupéré à la cité des toiles et le glissa dans la main de Bakrom :

— Je garde l’autre, hm ? Tire seulement si c’est nécessaire, bien sûr. Ève et Lyco, restez en retraits. On va l’attendre ici.

La silhouette n’était pas si loin que cela ; elle ne tarda pas à grossir. Les bourrasques continuèrent de souffler, de balayer du sable fin sur les compagnons de route. Frison s’éloigna tranquillement à moins de dix mètres pour mordre dans un cactus asséché. Petite Dent se mit vite à aboyer dans les bras d’Ève. La jeune femme finit par grommeler et fit rentrer le canidé dans sa pokéball sans un mot, avant de poser une main sur ses couteaux à sa ceinture ; Lyco avait eu le même réflexe sans s’en rendre compte. Le manche de sa dague était frais contre sa paume.

La silhouette n’était plus qu’à une dizaine de mètres. De la main gauche, il tenait son capuchon pour se protéger du vent… et il n’avait visiblement pas de bras droit. Amputé, probablement. On apercevait son avant-bras sous sa cape agitée par les rafales. Lyco se détendit un peu. Un combattant infirme aurait été incapable de les tuer tous les quatre.

La silhouette se figea à quatre mètres d’eux. La main lâcha le capuchon. Lyco étouffa une exclamation de surprise, et les autres mirent un peu de temps à se souvenir de qui il s’agissait. Lyco s’avança d’un pas, sans vraiment croire ce qu’il voyait.

— Karyl ?

La dernière fois qu’il l’avait vu, Karyl avait insulté Darren, qui leur refusait l’hospitalité et leur entrée dans le groupe des pillards. Il était finalement parti avec quelques hommes, vers le nord — donc vers les plaines où ils étaient actuellement — et Lyco n’avait même plus songé à lui. Il l’aurait cru mort ou dans un groupe de bandits, depuis le temps. Mais non, il était seul, devant lui. Et avec un bras en moins.

Les pillards le reconnurent et restèrent sur leurs gardes. Darren posa une main sur l’épaule de Lyco comme pour l’inciter au silence, et se plaça face à Karyl, qui le regarda d’un air torve.

— Je ne crois pas au hasard, commenta Darren de sa voix grave et puissante. Tu nous suis depuis longtemps ?

Les autres restèrent silencieux. Il était vrai que ce ne pouvait pas être une coïncidence, dans une région pareille.

— Ouais, je vous ai suivi. J’vous propose un marché.
— Un marché ?
— C’est long à raconter. Mais… vous pouvez pas y perdre grand-chose.

Darren, sceptique, désigna des rochers à plusieurs centaines de mètres d’eux, qui formaient un monticule au milieu des plaines.

— Allons nous abriter là-bas. Je te connais mal, Karyl, mais j’espère que tu ne prépares pas un sale coup. J’ai cru comprendre que c’était ta spécialité.
— Plus maintenant, répliqua Karyl.

Lyco, stupéfait, observa la silhouette déséquilibrée de l’ex-prisonnier se diriger vers les rochers sans attendre. Il sentait que Karyl n’était plus le même. Quoi qu’il ait vécu pendant la cinquantaine de jours s’étant déroulé depuis son départ, ça l’avait changé.

Drastiquement.

Où était passé son ton acerbe, sa tendance à insulter son interlocuteur, son air hargneux et prétentieux ? Son regard dur ? Sa lâcheté ?

Il leur tournait ostensiblement le dos en s’éloignant, signe qu’il ne craignait pas d’être attaqué par derrière. Ça ne lui ressemblait pas. L’ancien Karyl, opportuniste, aurait attendu que les autres passent devant.

Décidément, Lyco n’en finissait pas d’être surpris…



***


Les rochers les abritaient du vent et de la poussière ; il était tout de suite plus agréable de s’entendre sans le souffle continuel des éléments. Un sapereau sauvage, surpris par leur arrivée, s’enfonça dans un terrier en lançant un couinement alarmé. Karyl s’arrêta près d’un mégalithe dressé vers le ciel, d’un bleu pur, et se retourna. Il avait le même visage que dans l’Arène ; il avait même pris quelques couleurs — soleil oblige — et son visage n’était plus aussi émacié qu’autrefois. Il avait l’air d’avoir pris du muscle, aussi. Suffisamment pour inquiéter au corps-à-corps — si seulement il avait eu son deuxième bras.

Lyco aperçut ce dernier sous sa cape ; pendant un instant qui le lui dévoila, il eut l’impression de voir quelque chose de vert recouvert d’écailles… mais ce ne devait être que son imagination.

Darren, Ève et Bakrom restèrent méfiants et le garçon vit qu’ils avaient gardé leurs mains sur leurs armes. Il fit de même, par prudence. Pourtant, Karyl n’était pas armé, lui. Avait-il réellement changé à ce point, ce lâche et ce profiteur ?

— Bon, alors ? grogna Darren alors que le silence s’éternisait.

Karyl se redressa un peu contre le rocher, et les regarda un à un, l’air vaguement inquiet.

— Je dois vous dire avant que… que malgré tout ce que je vais vous dire, il faudra m’écouter… jusqu’au bout. Si… s’il vous plaît.

Lyco resta bouche bée.

Pour avoir assez bien connu Karyl, il n’en revenait pas. Il les suppliait, presque ? Et avec la voix tremblante ? Qu’avait-il pu lui arriver ? Il paraissait hésitant…

— On verra bien, déballe, lâcha Ève avec un air faussement décontracté.
— Après vous avoir quittés à la lisière des Forêts, mon groupe et moi, on est allés vers Psyhéxa, la Ville aux Murs Blancs. Dans les plaines, on a été attaqué par une meute de pokémons. Je suis le seul à m’en être sorti. J’ai continué ma route vers Psyhéxa…

Il marqua une pause, puis soupira.

— Sur place, j’ai décidé de devenir soldat. Pour le salaire et pour la bouffe. On m’a refusé d’abord, et après… Molch est arrivé. Il m’a reconnu. Et il m’a proposé un marché.
— Attends, quoi ? s’étonna Darren.
— Molch, le Mutant Psy ? renchérit Lyco, choqué.

Karyl, agacé d’être interrompu, acquiesça avec empressement.

— Ouais, lui-même. Il est l’intendant de Psyhéxa, vous le savez ça, non ?

Les autres hochèrent la tête. Karyl, la voix un peu enrouée, continua.

— Il est aussi le chef de la garde et… il est à la tête d’un projet de Mervald. Il m’a proposé de devenir un agent du gouverneur. Un… un tueur, quoi. Il a fait de moi… un Mutant.

Les autres se turent. Une ombre de colère passa sur le visage de Darren. L’incompréhension se lisait dans les yeux d’Ève et de Bakrom. Lyco esquissa un léger sourire en coin, à la fois intéressé et irrité. Ses souvenirs s’agitaient. Une migraine naissante lui ôta aussitôt son sourire incontrôlé. Pourquoi cette sensation étrange ?

— Tu travailles pour Mervald ? demanda Darren d’un ton glacial.
— Plus maintenant ! répliqua Karyl en crachant par terre avec mépris. Je vous ai demandé d’écouter jusqu’au bout.

Ève cligna des yeux, stupéfaite.

— T’es un Mutant, vraiment ? Comment c’est possible ?
— Ils m’ont injecté un produit, dans une seringue… de la Némélia 3, j’crois. Une vraie saloperie.

Darren croisa les bras. Visiblement, il essayait de ne pas montrer sa surprise et il peinait à croire son interlocuteur.

— De la Némélia 3 ? Je sais que le Némélia est le virus qui a causé l’épidémie, et c’était aussi le nom d’un labo qui travaillait sur un vaccin… mais de la Némélia 3 ? Pourquoi « 3 » ?
— Qu’est-ce que j’en sais, moi ? rétorqua Karyl en levant les yeux au ciel. C’est sûrement leur troisième version de leur virus de merde, ou je sais pas quoi. En tout cas, c’est pas un truc qui rend malade. C’est différent du virus. Ça m’a donné des capacités de pokémon. J’ai la résistance et la force d’un Type Roche, et comme y’avait plusieurs ADN dans le machin, je peux aussi guérir de mes blessures.

Il dévoila soudain son bras vert et écailleux ; Lyco observa cette chose informe avec horreur. Seul le haut du bras semblait avoir une teinte de peau et une texture normale. Le reste était un ensemble de plaquettes vertes presque gluantes d’aspect.

— Je me suis fait arracher le bras y’a plus d’une semaine. Il repousse. Vous me croyez, pour ça ?
— Évidemment, lâcha Darren en se relâchant. Comment on t’a arraché le bras ?

Karyl baissa les yeux et recula contre le rocher, soudain presque angoissé. Lyco ne le quittait pas des yeux, tentant de percer à jour les émotions qui se disputaient sur le visage torturé et froncé de Karyl. Il avait vraiment changé. Ça se voyait tout de suite. Mais dans le bon ou le mauvais sens ?

— C’est la partie de mon histoire qui risque de vous donner envie de… me tuer sur place.

Lyco écoutait à peine. Il sentait sa migraine se faire plus insistante ; les voix des autres lui parurent lointaines, comme répercutées des centaines de fois en écho. Un voile obscur recouvrit ses yeux, et il se sentit chanceler un peu. Il s’appuya à l’aveuglette contre un rocher pour ne pas tomber.

La Némélia 3.

Ces mots réveillaient chez lui quelque chose de profond, de lointain, et d’inquiétant. Mais aussi de terriblement important. La Némélia 3. L’ancien Lyco semblait y vouer une importance énorme.

La Némélia 3 était capitale.

Elle était le lien.

La raison de tout.

Soudain, un flot de souvenirs l’assaillit.



***


Le laboratoire Némélia était à feu et à sang. Les corps chauds des gardes gisaient parmi les décombres qui s’enflammaient. Une épaisse fumée noire sortait de la bouche béante des immenses portes du bunker.

Lyco et les pillards s’éloignaient dans la pénombre, avec plusieurs sacs remplis de vivres et d’armes ; la pêche avait été bonne. Et au final, il n’y avait eu que huit morts chez les pillards ; bien moins que les soldats pris par surprise dans la nuit noire.

Lyco sentait les boîtes de médicaments s’agiter dans son sac ; il avait réussi à en prendre sans le montrer aux autres. Il était allé au fond de la réserve pendant que les pillards s’extasiaient devant des étagères chargées de boîtes de conserve et de munitions. Il avait dû les secouer pour les faire partir rapidement et mettre le feu avant leur départ.

Pas question de laisser quoi que ce soit d’intact derrière eux. Lyco avait égoïstement mis le feu à la réserve et à l’ascenseur gargantuesque pour que personne d’autre ne puisse mettre la main sur ces vaccins ; il fallait que ce soit l’image du « Rôdeur » qui révèle à tous que Mervald avait des vaccins capables de soigner la Némélia.

Le groupe s’arrêta à l’entrée d’un canyon ; Darren se tourna vers Lyco et posa une grosse main sur son épaule, essoufflé par leur fuite.

— Toi. Comment tu t’appelles ?
— Lyco.
— Moi, c’est Darren. Que dirais-tu de nous rejoindre ?

L’idée avait déjà effleuré l’esprit du garçon. Sa promesse d’antan lui revînt en mémoire.

« Ne te lie plus jamais d’amitié à personne. »

— Désolé, je… je ne sais pas si c’est une bonne idée, hésita-t-il. Mais merci d’avoir proposé.
— Allez, rejoins-nous ! lança une jeune femme blonde, anormalement guillerette. T’as l’air d’avoir de la cervelle, on peut te prêter nos muscles et s’aider mutuellement, non ? T’as vu ça, un peu, on a réussi à saccager le laboratoire secret de Mervald, quand même ! C’est pas rien, un exploit pareil !

Le voleur releva la tête vers elle. Il venait en effet de réaliser un de ses meilleurs assauts sur un des projets de Mervald. Il n’avait aucune autre attaque de prévu pour le moment. Rejoindre un groupe lui permettrait d’obtenir facilement une planque et de la nourriture…

— Lyco, reprit Darren d’un ton grave et presque solennel. Je ne sais pas exactement qui tu es, mais quelque chose me dit que toi aussi, tu as une dent contre Mervald. Allions-nous. Ensemble, on lui survivra et on lui mettra des bâtons dans les roues. Je me fiche même que tu sois un assassin, un voleur, ou n’importe quoi d’autre. Il faut que…
— Je suis le Rôdeur.

Les pillards se figèrent de surprise. Ce nom, bien que récent, était assez familier pour eux. Il faisait partie de la dizaine d’avis de recherche qui étaient placardées partout dans les hameaux. Ceux qui offraient les meilleures récompenses.

Même si le portrait grossièrement dessiné ne ressemblait qu’assez peu à Lyco, ils devaient pouvoir le reconnaître.

Le risque qu’ils veuillent le capturer pour le vendre au gouverneur existait, mais restait improbable ; tout le monde connaissait les rumeurs très persistantes sur les récompenses du gouverneur. Souvent, on ne recevait rien de plus qu’un séjour en prison pour port d’arme illégal. L’argent ne parvenait jamais à ceux qui trouvaient les bandits. Et là, ils pillaient, ce qui les attendait était encore pire.

— Le Rôdeur ? Celui qui s’attaque à des soldats isolés dans le désert, tout ça ? questionna la jeune femme avec surprise.
— Pas très glorieux, je sais, rétorqua Lyco. Mais je reste prudent. Et je mets souvent le feu à des maisons de garde, aussi. Ça donne pas envie de m’avoir parmi vous, si ?
— Si, répliqua Darren. On s’en fiche que tu aies assassiné des gens, on a fait pareil. Et on a le même objectif, non ?
— Survivre et embêter le gouverneur ? répéta le garçon, ayant deviné la suite.

Lyco soupira et baissa les yeux. Après tout, il pouvait les rejoindre… il lui suffisait de ne pas s’attacher. De les considérer comme de simples pions. Il commençait presque à avoir l’habitude.

Presque.

Et il fallait bien le dire, c’était une occasion unique. Les embauches se faisaient rares. C’était une opportunité qu’il aurait été stupide de ne pas saisir.

— Très bien, j’accepte, lâcha-t-il après un silence.




***


Lyco reposa la notice accompagnant cette étrange fiole d’une main tremblante.

Vérifiant que personne n’était dans les parages pour le voir, et que les autres dormaient près du feu, il déboucha le récipient avec précaution.

Alors cette chose, la Némélia 1, pouvait lui conférer… des capacités ? Dans l’obscurité, il plissa les yeux. Il ne savait pas bien lire, mais suffisamment pour comprendre qu’il était écrit « Attaque + » et « Vitesse + » sur l’étiquette verte.

Ne réfléchissant plus, il rejeta la tête en arrière et but le liquide ambré d’une traite.

Sans savoir que le pouvoir qui allait bientôt bouillir dans ses veines permettrait à l’image du Rôdeur de devenir encore plus forte qu’auparavant.




***


Lyco reprit ses esprits, appuyé contre le rocher. Il avait eu une très brève absence, visiblement, car personne ne se rendit compte de rien. Karyl n’avait pas rajouté quoi que ce soit à sa phrase précédente.

Le jeune homme commençait à sentir les rouages s’enclencher dans sa tête.

Il avait rencontré les pillards, et bu un de ces flacons de Némélia 1. Ça expliquait sa vitesse et sa puissance anormales. Ça expliquait ses combats dans l’Arène ; mais pourtant, quelque chose le dérangeait. Pourquoi avait-il perdu cette force et cette vitesse après avoir quitté l’Arène ? L’effet était provisoire ? Ou alors, c’était l’effacement de sa mémoire, qui, peu à peu, avait atténué ses pouvoirs, jusqu’à les éteindre complètement ?

Comprenant soudain que la Némélia 3 qu’il avait bu devait être plus puissante que celle que Lyco avait autrefois utilisée, le garçon tenta de rester de marbre. Ça signifiait que Mervald continuait bel et bien ses mystérieuses expériences. Molch… et Garûnd, le Mutant Combat qui l’avait attaqué un beau jour dans l’arène… étaient-ils tous deux les résultats du Némélia 3 ? Karyl était en train de devenir une arme, comme eux ?

C’était trop beau pour être vrai. Karyl voulait se joindre aux pillards ? Il possédait une force similaire à un Mutant. C’était un bénéfice non-négligeable.

« Une opportunité qu’il serait stupide de ne pas saisir. » pensa Lyco avec une idée naissante en tête.

Il fallait mettre la main sur de la Némélia 3. À tout prix. Et si Lyco avait bien suivi, il y en avait à Psyhéxa, entre les serres du taciturne et imprévisible Molch.

— Alors, la suite ? s’agaça Darren. Ce bras, tu l’as perdu comment ?
— J’ai attaqué votre repaire, dans la forêt. C’est l’un de vous qui m’a tiré dessus avec un gros calibre.
— Tu as attaqué notre repaire ? beugla Darren en saisissant soudain Karyl à la gorge. Pourquoi, enfoiré ? T’as quand même pas tué des nôtres ?
— J’obéissais encore à Mervald quand c’est arrivé, articula Karyl, à moitié étranglé par la poigne du colosse. J’avais peur de me faire tuer à distance par ce connard de Molch ! Et je contrôlais presque pas mes pouvoirs… j’ai déconné, je le sais !
— T’as tué, ou pas ? s’exclama Darren.
— Oui, quelques-uns… mais j’étais plus moi-même ! Je regrette d’…

Un coup de poing surpuissant projeta Karyl contre son rocher. Darren cria de douleur et serra son poing en sang avec son autre main.

— Putain, t’es fait en quoi ?
— Je vous l’ai dit, je suis de Type Roche, maintenant.

Karyl se redressa et ficha son regard dans les yeux gris et implacables de Darren.

— Je suis plus solide qu’avant. Mais écoutez-moi, bordel… je suis désolé d’avoir fait ça. Je m’en veux, si vous voulez tout savoir. Je fais des cauchemars dès que je ferme l’œil. J’ai été… emporté par… je veux dire… mes pouvoirs m’ont aveuglé, bordel.

Darren, furieux, pointa son pistolet chargé droit sur le visage de Karyl. Un cliquetis retentit, annonçant que l’arme était prête à tirer.

— T’auras tout le temps de regretter dans l’autre monde.