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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 01/02/2019 à 10:34
» Dernière mise à jour le 01/02/2019 à 10:34

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 31 : Ravaler sa fierté
« Les limites de la tyrannie sont celles que tolère la patience de ceux qu'elle opprime. » Frederick Douglass.


***


— Il veut prendre la place de Mervald ? C’est complètement con. Lyco n’en est pas capable.

L’ermite secoua la tête, visiblement pas du même avis.

— Le Lyco que tu connais n’est pas le même qu’avant. Lorsqu’il a perdu ses souvenirs, il est devenu plus naïf et moins sûr de lui… provisoirement. Sa personnalité d’autrefois était forte, têtue et déterminée. Bientôt, il redeviendra celui qu’il était, ou presque. Crois-moi, il va vouloir remplacer Mervald s’il réussit à le vaincre. Il n’a confiance qu’en lui-même. C’est à la fois une force et une faiblesse…

Il marqua une pause en lâchant un léger soupir. Tout ceci semblait le rendre las ; peut-être l’ermite n’y croyait-il pas beaucoup lui-même. Ou alors ce genre de soucis lui passait au-dessus. Difficile à dire. Karyl n’avait jamais été doué pour cerner les motivations de chacun.

— Mais pour réussir, il lui faudra de l’aide. Il ne pourra pas renverser le pouvoir seul, et encore moins le garder. Il le sait. Il sait qu’il lui manque des alliés. Mais toi, Karyl-Braun-qui-a-peur-de-mourir... n’est-ce pas là une occasion en or de te racheter ? De graver ton nom dans l’histoire ? De rebâtir ce pays, et avec tes pouvoirs, de devenir l’un de ceux qui aura redressé ce monde ? De rester dans les mémoires ? Pas en tant que tueur mais en tant que libérateur ?
— Je…

Il hésita.

La perspective était plaisante. Très plaisante. Le doute laissait peu à peu place à l’envie. Oui, Karyl avait soudain… presque envie… de se ranger du côté de Lyco. Mais pouvait-il être accepté, s’il voulait s’allier aux pillards ? Après ce massacre, chez eux ? Avec cette abomination qu’était son moignon verdâtre en cours d’évolution ?

Le papy a l’air gentil. Je l’aime bien !

La voix de Saren emplit ses oreilles. Karyl resta immobile, ne sachant pas quoi faire.

— Ils vont me prendre pour un monstre, rétorqua-t-il.

L’ermite ne dit rien. Ce fut Saren qui prit le relais.

Non, papa. Tu n’es pas un monstre. Si tu les trouve et que tu leur expliques, je suis sûr qu’ils comprendront, non ?

Karyl aurait voulu prendre sa tête entre ses mains, tiraillé. D’un côté, il craignait des représailles de Molch ; après tout, celui-ci pouvait communiquer par télépathie avec lui malgré la distance. Qui lui disait qu’il n’était pas capable de l’attaquer aussi, depuis Psyhéxa ? Ou de se téléporter près de lui ? Contre un Psy, Karyl était impuissant, la preuve avec ce xatu : sans bouger, le pokémon l’immobilisait sans difficulté.

— Si ce Molch t’inquiète, Xatu peut l’empêcher t’accéder à ton esprit.
— Comment ? s’étonna Karyl.
— Xatu peut sentir le lien télépathique entre ce fameux Molch et ton esprit. C’est une sorte d’attache psychique ; et toutes les attaches peuvent être détachées. Si je le lui demandais, mon pokémon pourrait supprimer ce lien sans trop d’efforts.

Karyl resta silencieux quelques secondes. Ses pensées se bousculaient, mais la raison prenait peu à peu le dessus. Il sentait que sa décision, là, maintenant, pouvait changer sa vie de façon radicale. Il choisit de ravaler sa fierté, et de ne plus hésiter à cause de son égo, de sa lâcheté ou de sa colère. Il en avait assez, de tout ça.

Il inspira, et sans croiser l’œil unique de l’ermite, il s’exprima abruptement et sans détour.

— Vous savez quoi ? J’en ai marre de réfléchir. De douter. Et de m’énerver tout le temps, à la moindre contrariété… et ras-le-bol de m’inquiéter de crever, aussi. Je sais pas qui vous êtes exactement ou pourquoi vous avez pris le temps de me faire comprendre tout ça, mais… je crois que je vais… vous demander de me retirer Molch de ma tête.

L’ermite le fixa intensément, sans bouger.

— Donc tu veux suivre Lyco ?
— Lyco est une ordure, une crevure, et un petit con… mais… c’est ce qui me paraît le mieux. Peut-être pas le plus sûr. Je crois même que c’est une connerie et que son idée de faire tomber Mervald est carrément suicidaire. Mais … j’ai pas envie de devenir un monstre. Ou de rester un connard, choisissez le mot que vous préférez…

Karyl prit une grande inspiration ; le vent souffla sur son visage plissé. Il relâcha ses épaules et soupira.

— Je suppose qu’elle aurait été de cet avis… murmura-t-il avant de continuer, plus fort. Je vais rejoindre Lyco. Et affronter ce bâtard de gouverneur qui a osé m’enfermer dans cette Arène merdique. Il va regretter de m’avoir filé ces pouvoirs.
— C’est un beau discours, même si c’était un peu trop vulgaire à mon goût, acquiesça l’ermite en se relevant. Xatu, relâche-le.

La pression invisible qui s’exerçait sur tout le corps de Karyl disparut, et le Mutant Roche s’étira d’un air rassuré. Il se leva à son tour, et remarqua le sourire en coin de l’ermite, qui lâcha enfin :

— Ils sont partis pour rejoindre les Forêts de l’Est il y a trois jours. Ils doivent être dans les plaines arides en ce moment-même. Xatu va supprimer l’emprise de Molch sur toi, et te téléporter pour les rapprocher d’eux.
— Il peut faire ça ?
— Il finira épuisé, mais il en est capable, oui. Tu pourras les rattraper. Inutile de te demander de les convaincre de ta bonne volonté. Ils douteront certainement de toi, mais je pense qu’ils finiront par comprendre…

Karyl en doutait fortement. Il haussa les épaules ; il verrait le moment venu.

— Xatu, vas-y.

Soudain, Karyl chancela. L’ermite lui saisit fermement le bras. Il était drôlement fort, pour un si vieil homme ! Était-il un Mutant, lui aussi, ou juste un homme qui avait reçu un sérum pour augmenter sa durée de vie, comme il l’avait sous-entendu ?

Une sorte de conscience étrange percuta celle de Karyl. C’était si bizarre, et dérangeant… et vraiment très désagréable. Son estomac se retournait dans tous les sens, et quelque chose lui vrillait le crâne. Le xatu lisait en lui, il le pressentait.

Puis, d’un coup, plus rien. C’était déjà terminé.

— Molch ne pourra plus te parler à distance, Karyl Braun.

Ce dernier retrouva pleinement son équilibre et passa une main sur son visage fatigué.

— J’aurais jamais cru dire ça à quelqu’un un jour, mais… merci.
— Xatu va te téléporter.

L’ermite lui tendit la main, comme pour un adieu. Karyl la saisit après une seconde d’hésitation. Le sage la lui serra avec cette même force insoupçonnée, et déclara d’un ton ferme :

— Ne te trompe plus de chemin, Karyl Braun. J’ose espérer que tu suivras la bonne voie aussi longtemps que nécessaire.

Il lâcha Karyl, un peu déstabilisé, et se rassit en déclarant de sa voix étrangement grave :

— Saren peut être fière de son père, désormais.
Au revoir, papa.

Le monde vacilla, la petite fille en robe blanche dans le coin de son champ de vision disparut à tout jamais, et le monde s’éteignit quand Karyl ferma les yeux pour chasser les larmes qui y naissaient.



***



— Est-ce que vous savez quand ils se font livrer ? demanda Lyco en gardant une capuche rabattue sur son visage.
— Une fois par semaine, déclara l’homme adossé dans l’ombre d’une pile de caisses de bois. La dernière remonte à quatre jours. Il y avait quatre charrettes, tirées par des mastouffes. Toujours à la tombée de la nuit.
— Beaucoup de gardes ?
— J’ai jamais vu d’escorte aussi impressionnante. Entre vingt et trente, je dirais. Avec du gros calibre.

Lyco se renfrogna. Ce n’était pas assez précis à son goût, mais… c’était vraiment du lourd, comme prévu... trop, même. Une telle escorte ne pouvait signifier qu’une seule chose : ce laboratoire était d’une importance capitale pour Mervald. De tous les lieux qui lui appartenaient, rares étaient ceux à être aussi bien gardés. Aucun, sauf peut-être ce mystérieux bâtiment qu’il construisait au sein de sa capitale, dans le Désert de la Désolation. Une prison, d’après les rumeurs. D’autres parlaient d’une arène pour entraîner les pokémons et y organiser des combats.

— T’as eu tes infos, je peux avoir mon fric ? grommela l’homme en tendant la main.

Lyco lui lança une petite bourse de cuir. L’informateur l’attrapa, vérifia subrepticement son contenu, puis marmonna un adieu avant de disparaître entre deux maisonnettes ombragées. Lyco s’assit sur une caisse en soupirant.

De là où il était, il avait une vue plongeante sur une vallée sèche, au sol ocre et craquelé, et sur lequel poussaient des dizaines et des dizaines de cactus en fleurs, parmi des rochers plus grands que des immeubles. Outre les bruyères qui étaient battues par les vents, des nids de cornèbres étaient visibles sur les falaises et les pics de granit ; leurs cris résonnaient parfois, sinistrement, dans les canyons qui défiguraient le paysage brûlant.

En se levant et en parcourant quelques mètres, Lyco aurait atteint la grand-rue du hameau dans lequel il se trouvait ; une sorte de petite ville aux maisons minuscules, squattées pour la plupart, et aux vitres brisées. Il aurait pu aller du côté du marché noir que se partageaient quelques dealers d’alcool et de trafiquants d’armes blanches, ou bien orienter ses pas vers les tentes du bidonville.

Comme beaucoup d’autres hameaux dans le genre, qui pullulaient sur le pourtour du Désert de la Désolation, cet endroit n’avait pas de nom. Ou plutôt, si. Il avait tellement de noms différents, que personne ne s’y retrouvait. La Passe aux Cornèbres, le Village Surplombant, la Colline des Cactus ; autant de noms qui passaient de bouche à oreille sans jamais trouver d’affiliation officielle. Le gouverneur Mervald n’avait que faire de donner des noms à des endroits qui ne lui servaient à rien.

Pour le moment, seule sa capitale en avait un : Méranéa. Certainement l’endroit où il y avait le plus de gens affamés au monde.

En tout cas, cette Passe aux Cornèbres lui servait au moins un peu, au gouverneur : il avait implanté son laboratoire en contrebas du village, dans cette vallée. Les rochers abritaient habilement un complexe souterrain qui appartenait à Mervald. Complexe qui abritait lui-même un laboratoire étudiant de près… le virus Némélia.

Lyco avait réussi, après des mois, à faire corroborer diverses informations qui allaient dans le même sens. Il était presque sûr que ce laboratoire travaillait sur le virus. Un antidote ? Si tel était le cas, il fallait le voler. Des Néméliens apparaissaient encore fréquemment au nord-est du pays, par-delà le Vallon du Silence et même après la Ville aux Murs Blancs. Ça leur servirait.

C’était ce qui était étonnant, et injuste, avec Mervald : il avait beau créer des médicaments, des antidotes ou plein d’objets technologiques issues de ceux du siècle dernier, jamais il n’en avait fait part à la population, jamais il n’en avait offert ou vendu. La plupart des gens pensaient logiquement que c’était simplement parce que les antidotes n’étaient pas au point, ou ces objets non-fonctionnels… mais Lyco en avait déjà vu à l’œuvre.

Des ampoules électriques capables de diffuser de la lumière même la nuit. Des armes à feu assez puissantes pour terrasser des pokémons colossaux. Des cachets réussissant à calmer un mal de tête de façon quasi-instantanée. Des robinets capables de faire jaillir de l’eau potable en grande quantité. Des pokéballs.

Ces dernières semblaient avoir été légion, autrefois. C’était ce que racontaient les parents à leurs enfants, en tout cas. Avant, chacun avait accès aux pokéballs, et pouvait capturer n’importe quel pokémon dedans pour en faire son partenaire… ou pour le faire combattre. Étrange manière d’agir… mais ce n’était pas si étonnant que ça, après tout. Les hommes aimaient la violence.

Aujourd’hui, les pokéballs étaient des objets rares, presque légendaires. Lyco en avait déjà vu et touché, mais n’en avait jamais utilisé. Il n’avait pas envie de se promener avec un pokémon, et il n’avait pas de temps à perdre à dresser une bête sauvage et récalcitrante.

Lyco observa longuement le paysage, restant dans l’ombre fraîche de la maisonnette. Cette nuit, il irait dans ce laboratoire. Il devait en apprendre plus avant de s’y infiltrer. Et si l’infiltration était impossible… alors il rebrousserait chemin. Inutile d’essayer de mettre le feu s’il ne pouvait pas être certain de la présence ou non d’antidotes dans le complexe.

Il prendrait quand même quelques cocktails molotov, au cas où ; ça pouvait servir de diversion.

Lyco garda sa capuche sur sa tête, vérifia son glaive et ses deux couteaux dissimulés dans sa cape, et rejoignit la grand-rue en évitant mendiants, voyageurs pressés et jeunes voleurs aguerris.



***


Quatre jours.

Il avait attendu quatre jours dans cette cavité, ne sortant que la nuit, par crainte d’être vu. Ce creux déformé, irrégulier, situé idéalement à moins de cinq cents mètres du laboratoire, était abrité du vent par un rocher rond et érodé à peine aussi grand que Lyco. Des bruyères permettaient de dissimuler presque parfaitement le trou.

D’après les traces sur les parois arrondies de la grotte, il devait autrefois s’agir du refuge d’un pokémon ; peut-être un rhinocorne ou un groupe d’embrylex, difficile à dire. En tout cas, ça arrangeait bien Lyco.

Il avait finalement trouvé quelques infos sur la Colline aux Cornèbre, mais rien de palpitant. On lui avait tout de même permis de connaître plus précisément le nombre de gardes habituels lorsque de la marchandise était transportée vers le laboratoire-bunker ; pour le reste, Lyco avait déjà tout ce qu’il lui fallait.

La luminosité baissait enfin, au-dehors. Lyco jeta un œil à l'extérieur, tapi dans les herbes rêches. Les lumières du laboratoire brillaient à peine. L’endroit était très bien caché, situé ici. Ça expliquait pourquoi beaucoup ignoraient son existence alors qu’ils vivaient à moins d’un kilomètre de là.

Lyco avait pris soin d’affuter ses deux dagues, dans le cas où il aurait à affronter un garde au corps à corps. Il les plaça à sa ceinture, une de chaque côté. Il vérifia également ses trois couteaux de jet. Il avait sur lui une petite fiole payée une fortune à un trafiquant ; un enduit paralysant à base de poudre de papinox. Il n’aurait qu’à enduire ses lames avec, avant de s’en servir pour mettre hors d’état de nuire des sentinelles pendant son infiltration.

Les cocktails molotov fait maison s’agitaient un peu dans son sac à dos. Il faudrait aller doucement. Ne pas risquer d’en briser un avant le moment fatidique. Ce qui excluait d’escalader des endroits trop vertigineux.

Le problème de cette infiltration, c’était que Lyco ne connaissait que les entrées, et les déplacements des gardes à l’extérieur… pour ce qui était de l’intérieur, mystère. Il allait encore devoir improviser. Le complexe était réputé très vaste, ce qui n’allait certainement pas l’aider.

Le jeune homme, accroupi derrière le rocher rond, attendit encore un moment, immobile, que le soleil se couche. Le ciel gris ne tarda pas à se parer d’un orange rougeoyant. Il redressa la tête, surpris par la beauté des reflets mordorés sur les nuages. Silencieux, il laissa le temps et les couleurs défiler sous ses yeux. Il songea que cette mission était de loin la plus risquée de toute. Il n’allait peut-être pas passer la nuit.

Un frisson le secoua, le tirant de ses rêveries. Il faisait assez sombre pour lui permettre de sortir de sa cachette, maintenant. Il se redressa, enfila son sac sur son dos et jaillit de la cavité.

Il aimait l’obscurité. Il se sentait en sécurité, quand elle l’enveloppait et le cachait aux yeux des autres. Il se sentait protégé, et rarement il pouvait se permettre d’être rassuré ainsi. Il n’avait pas pour habitude de baisser sa garde. Il l’avait appris à ses dépens après avoir vécu parmi ces chasseurs de pokémons, dans le Désert de la Désolation.

Des voix le figèrent, venues de derrière lui. Quoi, des sentinelles, si loin du bunker ? Ou alors un approvisionnement ? Ça signifiait qu’une escorte approchait ?

Il chercha une cachette des yeux ; rien. Retourner dans la cavité risquait de le trahir. Les voix venaient de cette direction-là.

Il discerna quelques silhouettes. Une, deux… six, sept. Il tressaillit. C’était déjà beaucoup trop. Il recula dans l’ombre du canyon en sachant pertinemment qu’il allait être repéré d’un instant à l’autre. Il s’accroupit tout de même, dans l’espoir d’être confondu avec un rocher, dans le noir. D’autres silhouettes approchaient. Il voyait leurs armes. Des fusils, des mitraillettes, des sabres. Leur démarche n’avait aucune coordination. Il ne s’agissait pas de soldats !

Les silhouettes étaient désormais plus de vingt. Vingt-quatre pour être exact. Lyco ne savait plus quoi faire.

À leur tête, un homme colossal soulevait un fusil à pompes, sans effort apparent. Un très gros calibre, capable de transpercer un drattak en un seul tir.

— Bon, Darren, de front, t’es sûr ?
— Oui.

Le colosse avait répondu sans sourciller, l’air assuré. La jeune femme qui venait de le questionner sans se soucier d’être silencieuse émit un soupir qui résonna jusqu’à Lyco.

Ce dernier comprit vite que son plan méritait d’être revu. Ils étaient des pillards, sans aucun doute. Et ils venaient pour piller, ce qui dans un sens, l’arrangeait bien.

Il se redressa. L’un des pillards siffla en guise d’avertissement, et le groupe se figea. Des dizaines d’armes se braquèrent sur Lyco. Il leva les mains en l’air et laissa le colosse s’approcher de lui à pas lents.

Lyco le dévisagea un peu mieux. Large d’épaules, plus grand que lui de vingt bons centimètres, il avait un regard froid et pénétrant, et une tignasse brune au-dessus de son large front. Il n’était certainement pas du genre à câliner qui que ce soit !

— Tu es… ? demanda le colosse en s’arrêtant à trois mètres du garçon.

Lyco fixa le canon du fusil à pompes dirigé vers sa poitrine. Sa vie était en ce moment-même en suspens. Il suffisait que le doigt du colosse descende d’un petit centimètre, et tout serait fini.

— Un voleur. Je suis là pour infiltrer ce labo.

Le colosse le regarda sans cacher sa surprise. Des pillards ricanèrent dans son dos. D’un geste de la main, le dénommé Darren les fit taire, et reprit :

— Tu es seul ?
— Oui. J’ai l’habitude. J’ai de quoi mettre le feu. J’ai plein d’infos sur cet endroit, aussi. On peut s’allier.
— … pourquoi pas.

Le colosse semblait sceptique. Pour le convaincre, Lyco énuméra alors rapidement les quatre entrées, l’emplacement de l’armoire électrique capable de mettre hors-circuit les alarmes, précisa le nombre de gardes en service ce soir-là, et ajouta qu’un vaccin contre la Némélia se trouvait à l’intérieur. Ces informations-là, les pillards ne pouvaient pas les avoir obtenues. Vu leur allure et leur équipement, il paraissait évident qu’ils n’avaient pas de plan.

Ils étaient venus pour casser, tuer et voler, sans se soucier des pertes. Le groupe devait être dans une mauvaise passe pour prendre de tels risques.

Darren l’écouta sans l’interrompre, et finit par hocher la tête :

— Bien, j’accepte qu’on s’allie. Je vois que tu es préparé. Tu as beau être jeune, tu sais t’y prendre.
— Je suppose que vous voudrez voler des choses avant que je ne provoque un incendie ?
— Oui. Mais ça, c’est si on réussit à entrer.
— On pourrait réussir, si seulement vous étiez moins nombreux. On va se faire repérer à moins de cent mètres des grillages si on y va tous ensemble.

Darren le regarda un moment en silence, semblant essayer de le percer à jour. Il soupira :

— Très bien, tu sais quoi ? Passe devant. On te laisse la liberté de nous ouvrir le passage. Occupe-toi de ces alarmes. On bouge dans quelques minutes. T’occupes pas de nous ouvrir les portes, on a de quoi les affronter de face, ces soldats.
— Parfait.

Lyco esquissa un sourire et s’éloigna dans la pénombre, vérifiant qu’ils ne bougeaient pas. Le garçon se douta qu’ils ne seraient pas très patients. Il allait devoir éliminer les gardes les plus gênants et couper les alarmes avant qu’ils ne lui emboîtent le pas…