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Effacé de Lief97



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Informations

» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 17/01/2019 à 10:19
» Dernière mise à jour le 17/01/2019 à 10:19

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 28 : Effacer, réécrire
« Les voilà, les humains : l’intérêt seul décide leur mépris, leur estime : ils n’ont pas d’autre guide. » Jean-François Cailhava de l'Estandoux.


***


— Lyco, qu’est-ce que tu as fait ? cria férocement une voix féminine.
— Enfoiré ! rugit un homme. Sale traître !

Des voix, des cris, des pleurs ; le bruit des flammes qui grondent. Un souffle chaud, insupportable. Des bruits de pas précipités, des ordres secs, un fouet qui claque, une détonation sourde.

Une odeur métallique, presque enivrante. Une épaisse fumée malodorante. Les lueurs rougeoyantes, qui s’élèvent haut dans le ciel, dévorant tout sur la plaine à l’agonie. Le vent, froid, glacial. Les bruits lointains et étouffés.

Un sentiment amer ; regret, ou impuissance ?

Le souvenir s’étiole, se défragmente, s’échappe et devient poussière…



***


Le monde vibrait.

Lyco avançait sur cette route, derrière cette silhouette blanche désincarnée. Il avançait, léger comme l’air, sans ralentir. Il avait le sentiment que le parcours durait une éternité… et pourtant il avait comme l’étrange impression que le temps avait été ralenti ; son corps physique ne bougeait pas, toujours soutenu par la main de Darren, figée elle aussi.

Et cette silhouette, qui continuait de l’inciter à le suivre, tout en parlant de cette voix douce, mais empreinte d’une autorité qu’il était inutile de contester.


Suis-moi…

Soudain, la route s’éclaira. La silhouette disparut, et des images, des sons, des voix, des odeurs et des goûts lui éveillèrent ses sens, fouillant dans sa mémoire avec une violence qui le prit au dépourvu.



***


Son enfance. Des steppes sèches, de l’herbe qui pousse par touffes épaisses. Les ricanements des maracachis sauvages. Le puits au centre du village. Son père, affaibli par la maladie. Ses vols à l’arrache, les voyageurs inquiétants pendant les jours de marché. Ses délits, nombreux. Les voisins qui lui ordonnent de ne plus attirer les problèmes chez eux.

Sa dague qui se plante de plus en plus souvent au centre de la cible en bois, qu’il a installé dans un jardin emmuré laissé à l’abandon.

Sa solitude extrême.

Son père, retrouvé mort au petit matin. Lyco, penché au-dessus de lui, qui se promet de le retrouver un jour, de l’autre côté. De se venger de ce marchand qui a vendu à prix d’or des médicaments inefficaces.

Son sabre tout neuf, qu’il affectionne tant. Volé par un mercenaire. Qui le bat pendant une bonne heure avant de partir.

La douleur terrible.

Et sa solitude, encore.



***


Pour survivre, il faut se battre, Lyco l’a bien compris. Il n’y a pas d’innocents dans ce monde. Les innocents meurent. Les coupables dominent. Il faut se salir les mains pour survivre. Ce gouverneur de malheur en est l’exemple parfait. Lyco a entendu parler de son armée en formation, de son projet de construire une vraie ville au cœur du désert. De ses laboratoires, avec des médicaments efficaces.

Les rumeurs, plus sombres, venues de loin. Des Néméliens enragés qui propagent des maladies. Des pokémons atteints du virus, qui saccagent les maigres récoltes des plantations de l’ouest, qu’on surnomme les Corrosifs. Les Forêts de l’Est, infestées de bandits et d’Insectes.

Lyco a grandi. Il a quinze ans. Il s’ennuie. Il s’entraine tous les jours. Il vole sa nourriture. Il se bat, dans les quartiers mal famés de la ville de Mervald, et dans les villages qu’il lui arrive de visiter en dehors du Désert, ou même lors des voyages avec les caravaniers.

Lyco a seize ans. Il réussit à mettre la main sur une cargaison à destination d’un laboratoire avec l’aide de quelques profiteurs comme lui. Un sérum attire son attention. Il lit la notice ; et il a une idée, un éclair de lucidité... ou bien un grain de folie ? Mais qui peut changer les choses. Peut-être.

Il intègre un groupe de traqueurs de pokémons ; des hommes bourrus qui errent dans le désert, en tant que chasseurs et non en tant que proies. Il s’entraîne avec eux, les étonne par sa force et sa vitesse en combat. Il intrigue aussi. Il assiste à des meurtres, des exécutions. Il est trahi, blessé. Il tue en réponse. Sans réfléchir aux conséquences.

Il se retrouve seul de nouveau.

Un Némélien a mis à feu et à sang un bidonville entier. Des gens ont été contaminés. Les soldats du gouverneur mitraillent la foule pour éradiquer le problème avant que tout ne dégénère en épidémie. Lyco commence à nourrir une haine immense à l’égard de Mervald ; il massacre sa population, et sait pourtant guérir la Némélia. Ses laboratoires ont déjà trouvé un remède. Il a entendu plus que des rumeurs à ce sujet.

Lyco a dix-sept ans. Il commence à rôder. Il en a assez des trahisons et des crimes, des mensonges et des assassinats, de ces gens qui meurent de faim et des autres qui les oppriment. Il prend du recul, s’occupe uniquement de lui. Égoïstement. Mais survivre est la priorité. Parfois, il intervient pour éliminer des trouble-fêtes, souvent bien armés. Il est blessé, plusieurs fois.

On le surnomme le Rôdeur. Il met son nez où il ne faut pas, s’en prend à des escouades de Mervald, libère des esclaves, vole des armes, incendie des bâtiments utiles au gouverneur ; celui-ci le prend en grippe. Des avis de recherche apparaissent partout, avec récompense à la clé.

Lyco entend parler d’un laboratoire unique en son genre. Un centre de recherches qui contiendrait bien plus que les autres… il s’y rend, dans l’espoir de pouvoir encore une fois obtenir ce fameux…



***


Soudain, Lyco rouvrit les yeux et inspira une grande bouffée d’air, comme s’il avait oublié de respirer ; il entendit les voix affolées d’Ève et de Darren. Il était… de retour face à Xatu et l’ermite.

— Tu vas bien ?
— Tu as mal quelque part ?

Lyco rassura ses compagnons de route en quelques mots hésitants. Pris de vertiges légers, il passa une main sur son visage pour garder contenance.

— Il s’est passé combien de temps… ?
— Tu as fermé les yeux une ou deux minutes, mais… tu étais comme figé, et d’un coup, tu t’es mis à gigoter…

Ève semblait inquiète. L’ermite leva une main :

— Ne vous en faites pas, c’est une réaction normale. Qu’as-tu vu, mon garçon ? Un souvenir précis, un enchaînement de scènes, des visages… ?
— Je… je me souviens de… beaucoup de choses… mais c’est passé vite, très vite.

L’ermite croisa les bras, l’air vaguement soucieux.

— Hm. Des éléments-clé de ton passé, je suppose ? C’est un bon début, mais ce n’est qu’un aperçu. Xatu a débloqué tes souvenirs. Ils risquent d’apparaître à tout moment. Ou jamais. Tout dépendra de la façon dont fonctionne ton esprit. Tu n’as peut-être vu ta vie que dans les grandes lignes, comme la plupart des Effacés que Xatu a « éveillé », mais il y a des chances pour que tu te souviennes plus précisément de tout ceci en temps voulu. Il faudra être patient et attendre un déclic.
— Tu te souviens de nous ? dit Ève, intriguée.
— Euh, non, désolé… je crois que mon dernier souvenir remonte à mes dix-sept ans. J’allais à un labo… un grand centre… au fond d’un ravin.
— C’est là-bas que tu nous as rencontré, répondit Darren avec calme. Comment se fait-il que ses souvenirs s’arrêtent là ?

Il s’était adressé à l’ermite, qui haussa les épaules :

— Aucune idée. Je ne suis pas dans sa tête. Il a peut-être connu un gros changement dans sa vie à ce moment-là ?

Darren, Ève et Bakrom se regardèrent et hochèrent la tête. Ève sourit :

— Amelis, probablement ?
— Comment ça ? s’étonna Lyco, la bouche pâteuse et avec un début de migraine.

Les autres remarquèrent son teint pâle et son air un peu hagard. L’ermite se pencha et saisit une couverture cousue main, avant de la tendre à Darren.

— Il est en train de subir un contrecoup. Il va s’endormir comme un Ronflex. Tenez, laissez-le donc se reposer ici. Vous pouvez rester un peu, si vous le voulez. Nous pouvons discuter, ou dormir, comme vous préférez. Le sol est dur mais ça renforce les os ! Xatu, vieil ami, retourne monter la garde.

Le pokémon émit une sorte de cri-ricanement et s’éleva dans les airs avec prestance. Darren remercia le vieil homme et entoura les épaules de Lyco avec les couvertures. Le jeune homme sombra rapidement dans ses songes, exténué.



***


Il faisait nuit noire. Le ciel couvert ne laissait presque pas filtrer les rayons du croissant de lune. Et c’était tant mieux.

La silhouette massive et tout en longueur d’un entrepôt dormait là, derrière les barbelés et les fils électriques anti-pokémon. Des canons à eau, positionnés en hauteur, servaient de défenses automatiques face aux pokémons de Type Sol. La lumière rouge d’une vieille caméra fixe clignotait discrètement dans la pénombre.

Lyco, accroupi derrière un conteneur, et armé d’un long couteau aiguisé, se pencha pour observer le garde qui fumait il ne savait quoi à quelques mètres de là. Le talkie du soldat était posé à côté de lui, son fusil d’assaut rouillé trônait sur une boîte qui était, elle aussi, adossée au mur de l’entrepôt.

Le jeune homme plissa les yeux, distingua du mouvement plus loin. Il y en avait d’autres. Il avait étudié leurs rondes pendant des jours, mais rien n’empêchait ceux-ci de bouleverser leurs habitudes. Cependant, il était trop tard pour revenir en arrière. C’était ce soir ou jamais, surtout maintenant qu’il avait déchiqueté des barbelés pour se frayer un passage dans l’enceinte ; le lendemain matin, cela se verrait immédiatement. Mervald en profiterait pour renforcer la sécurité, et il serait impossible d’y revenir ensuite.

Il fallait à tout prix libérer les esclaves à l’intérieur ; d’après les informations récoltées ici et là, ils travaillaient plus de douze heures par jour sous la menace des armes des soldats. Fabriquant, réparant et modifiant des fusils à longueur de journée. Dans des conditions déplorables, évidemment. Toutes les semaines, quelques corps étaient expatriés de la zone et jetés dans une fosse commune, à quelques kilomètres ; de nombreux charognards se chargeaient ensuite de faire disparaître ces corps.

Pratique, de ne pas avoir à payer qui que ce soit pour faire se volatiliser les preuves d’un règne sanglant. L’idée devait bien plaire à Mervald.

Des morts dans un tel endroit, ça signifiait deux choses : soit les soldats tuaient pour faire régner la peur et augmenter la productivité des autres, soit on ne les nourrissait pas, ou peu. Ou bien les deux à la fois !

Lyco attendit que le garde jette son mégot par terre et l’écrase du talon pour sortir de sa cachette. Le soldat se pencha pour accrocher son talkie à sa ceinture, tournant provisoirement le dos au garçon, qui esquissa un sourire carnassier. Grossière faille.

Lyco changea rapidement d’arme pour la petite masse légère qui pendait à sa hanche. Il frappa d’un coup rapide et sec l’arrière du crâne de l’homme ; celui-ci ne lâcha même pas un cri et tomba comme une pierre. Lyco étouffa le bruit de la chute comme il le put, en attrapant le bras de l’homme, mais celui-ci était lourd et s’écrasa tout de même assez bruyamment.

Lyco se figea. Personne ne vînt. Pas de cri d’alerte.

Il soupira et mit quelques longues secondes à traîner le garde derrière le conteneur. Il ignorait si celui-ci était assommé ou mort, et il s’en fichait. Quoi qu’il en soit, un coup pareil avait sacrément dû l’amocher. S’il ne finissait pas avec un traumatisme crânien, c’était parce que cet homme était un chanceux.

Lyco, furtivement, cacha également le talkie et le fusil. Il fallait maintenant agir vite pour ne pas être repéré.

Il se dirigea avec assurance vers le bâtiment, longea un long mur métallique et parvint à une petite porte engoncée dans la paroi de tôle. Sortant la clé qu’il avait volé deux semaines auparavant en prévision de l’infiltration, Lyco n’eut qu’à la tourner dans la serrure pour entrer ; la crocheter aurait été long et bruyant, de toute façon.

Il entra et se retrouva en territoire inconnu. Il allait devoir entièrement improviser, désormais. Le plus dur était donc à faire. Il avait déjà pensé à plusieurs solutions pour libérer les travailleurs, mais la plus sûre était de rejoindre leurs dortoirs — pour ceux qui dormaient — et les mener dehors sans bruit. Pour les autres…

— Je ne peux pas sauver tout le monde, murmura Lyco dans sa barbe de trois jours.

Il était dans une sorte de vestiaire, qui, visiblement, ne servait pas à grand-chose. Les portemanteaux ne portaient rien du tout, et les casiers étaient vides et grand ouverts. Il y avait quelques casques de travail sur un petit meuble en plastique, rien d’autre, et…

Une tache de sang, sur le sol. Une traînée de sang, même. Quelqu’un avait été tabassé là, entre deux rangées de casier. Sûrement un esclave. Les traces étaient assez récentes ; elles n’avaient pas encore totalement séché.

Lyco n’eut qu’à suivre celles-ci dans un couloir étroit éclairé de néons blafards qui bourdonnaient. Il passa devant plusieurs portes qui donnaient sur des vestiaires, ou de petites chambres exiguës. Des chambres confortables, celles des gardes. La preuve, certaines avaient même des lits !

Le garçon atteignit alors une sorte de balcon métallique qui surplombait une salle souterraine. Il s’était attendu à ce que l’intérieur de l’entrepôt soit grand, mais pas à ce qu’il soit immense et sur plusieurs étages souterrains visibles depuis le sol.

Des machines ronronnaient un peu partout, des écrans diffusaient des graphiques en mouvement constant. Quelques gardes casqués faisaient leurs rondes sur des passerelles métalliques en contrebas. L’un d’eux criait des choses à un ouvrier en haillons qui travaillait sur une table de travail d’une blancheur éclatante.

D’autres travailleurs s’acharnaient à démonter et remonter des armes, ou vérifiaient certaines machines bruyantes. Lyco aperçut, au loin, deux étages plus bas, trois gardes qui s’amusaient à électrocuter une femme incroyablement maigre. Elle n’allait certainement pas vivre longtemps. Mais Lyco ne pouvait pas descendre l’aider. Il aurait été repéré aussitôt, et il devait sauver le plus de personnes possibles, pas être arrêté pour vouloir en sauver une seule.

Le garçon étudia longuement — deux ou trois minutes — les portes, les volées de marche et les passerelles qui s’entrecroisaient, ainsi que les mouvements des gardes les plus proches. Il avait toujours su analyser une situation de manière globale, et, pour sa propre fierté, plutôt bien.

Comprenant qu’il pourrait difficilement descendre dans les sous-sols sans être vu — les escaliers étaient éclairés et il serait entré dans le champ de vision de plusieurs gardes à la fois — Lyco opta pour longer la passerelle sur laquelle il se trouvait, en restant courbé derrière la rambarde en acier.

L’endroit était éclairé de projecteurs puissants, et il se sentait terriblement exposé dans cette lumière si dense.

Il parvint à avancer sur une vingtaine de mètres et à tourner à un angle avant d’atteindre une porte dérobée. Porte près de laquelle il avait aperçu ce qui s’apparentait à un plan de l’étage… et Lyco ne s’était pas trompé.

Il observa attentivement le plan et comprit qu’il n’avait pas le choix. Les dortoirs n’étaient pas à cet étage.

— Va pour une diversion explosive, alors, souffla-t-il, à la fois amusé et anxieux.



***


La diversion fut plutôt efficace. Même très efficace ; une alarme retentit dans tout le bâtiment, stridente, et les lumières s’éteignirent, remplacées par d’autres, bleutées, qui soulagèrent Lyco. Il faisait plutôt sombre, maintenant. Parfait.

Les gardes s’affolèrent, crièrent des ordres. Des bruits de pas précipités résonnèrent dans les marches métalliques, certaines machines produisirent des bruits stridents, soudain abandonnées par les ouvriers.

Lyco se cacha dans l’ombre d’un casier, dans une des petites chambres du premier couloir. Il referma son sac avec des gestes experts, et le remit sur son dos. Il avait beau être petit et serré contre ses omoplates, il sentait la différence par rapport à tout à l’heure. Les six cocktails Molotov fait maison avaient bien allégé son fardeau.

Il avait pris soin d’en lancer trois dehors, près des barbelés et des conteneurs du côté nord de l’entrepôt ; à l’opposé de l’endroit par où il était entré. Trois autres venaient juste de tomber malencontreusement sur trois machines différentes, au sein de l’entrepôt. Il était possible qu’un ou deux esclaves aient été touchés, mais c’était ça ou rien.

Lyco entendit quelqu’un dans le couloir. Se plaquant contre le mur, il vit un garde passer en courant, un extincteur à la main. Des éclairs semblaient jaillir au loin ; il voyait des éclats lumineux éclairer le couloir, depuis la salle des machines. Dehors, les gardes étaient déjà sûrement en train d’éteindre les flammes. Ils ne mettraient pas longtemps à comprendre comment le feu avait été produit… et à chercher le coupable.

Le jeune homme sortit dans le couloir. Pas de chance, un soldat arrivait au même moment. L’homme le regarda avec surprise, s’apprêta à s’énerver, puis sembla constater qu’il n’était pas habillé comme un simple esclave.

Mais avant d’avoir pu crier à l’intrus, Lyco bondit et frappa de sa petite masse. Il y eut un craquement sinistre dans la tête de l’homme, qui s’effondra aussitôt après. Lyco lui attrapa les jambes et le tira rapidement dans la chambre avant de refermer la porte. Il courut vers la salle des machines et aperçut une file d’esclaves qui montait les escaliers avec rapidité, menés par deux soldats et suivis de trois autres.

Lyco fit demi-tour. Ils allaient passer par là. Le plan indiquait bien que c’était le chemin de l’évacuation.

Il se terra à l’entrée d’une chambre, accroupi près de la porte. Il saisit sa masse dans la main droite et son couteau dans la gauche, et attendit. La pénombre bleutée lui profitait bien.

Il attendit une dizaine de secondes.

Dès que les bottes des premiers gardes entrèrent dans son champ de vision, il attaqua.

Un coup de masse dans un genou brisa la jambe de l’un, un coup de couteau à la gorge lacéra l’autre. Lyco asséna un autre coup de masse au premier, l’assommant, et alors que les esclaves stupéfaits poussaient des cris de frayeur, il planta son couteau dans la poitrine du deuxième avant d’en retirer la lame. Du sang gicla, mais il l’ignora.

— Je suis là pour vous libérer, lança aussitôt Lyco qui sentait l’adrénaline fourmiller dans ses muscles. Allez tout droit, une fois dehors courez à gauche derrière le conteneur bleu. Il y a un trou dans le grillage, près du corps d’un garde. Vite !
— Qu’est-ce qui se passe, avancez, devant !

Les trois gardes à l’arrière étaient trop loin pour prendre conscience de la situation, mais les esclaves qui avaient entendus Lyco avaient très bien saisi. Sans même le remercier ou lui adresser un regard, ils se précipitèrent dehors. Le jeune homme recula dans la chambre, laissant les corps chauds se faire piétiner.

— C’est quoi ce bordel ?
— Ils les ont tués ! J’y crois pas, ils avaient pas d’armes, pourtant !

Les trois gardes étaient à moins de deux mètres. L’un d’eux gronda :

— Je les rattrape !
— Ils pourront pas aller loin de toute façon !

Le bruit caractéristique de l’activation d’un pistolet électrique retentit dans le couloir. Dès que le garde s’élança derrière les esclaves, Lyco profita une fois de plus de l’obscurité ambiante pour surgir par surprise.

La masse percuta l’épaule de l’homme sans faire grand-chose. Lyco grommela un juron. Il s’était précipité, ignorant que l’homme passerait si vite devant lui ; ce dernier pivota alors que les autres armaient eux aussi leurs pistolets électriques.

Avec l’impression que tout se déroulait au ralenti grâce à l’adrénaline et le stress, Lyco lança sa masse derrière lui, espérant s’octroyer une seconde ou deux de surprise. L’objet toucha certainement un des deux gardes puisqu’un cri de douleur résonna et lui vrilla les tympans. Lyco savait qu’il n’aurait pas le loisir de récupérer son arme ; et tant pis. Il trouverait bien un fournisseur plus tard.

Alors que le premier garde relevait le canon lumineux de son arme, Lyco se jeta près de lui, donna un coup de couteau presque à l’aveuglette et passa dans son dos. Un autre cri se fit entendre. Lyco ne chercha pas à les affronter encore. Il avait un petit temps pour s’enfuir ; il courut vers le bout du couloir.

Un bruit de grésillement dans son dos. Il se baissa et un éclat de lumière percuta un mur, le ratant d’un bon mètre. Une odeur de brûlé se fit bien vite sentir, mais Lyco avait atteint l’ouverture de la porte, restée ouverte. Il bondit dehors et eut juste le temps de sentir une balle électrique lui frôler le mollet.

Sans se soucier des flammes et des gardes qui bataillaient contre le feu rugissant à quelques dizaines de mètres sans le voir, Lyco se précipita derrière le conteneur, remarquant au passage que le soldat qu’il avait éliminé au début de l’opération était piétiné lui aussi. Les esclaves étaient donc bien sortis.

Il se faufila par le trou dans les barbelés — qui s’était drôlement agrandi après le passage des travailleurs — et continua de courir à l’extérieur, fonçant droit vers la petite bourgade dont on voyait les lueurs à moins d’un kilomètre de là, tout près d’une petite forêt lugubre.

Lyco remarqua des silhouettes faméliques qui couraient, s’enfuyant vers la ville, et dans d’autres directions. Il avait libéré une vingtaine d’esclaves, ce n’était pas rien.

Derrière lui, l’entrepôt flambait de plus belle, et des gardes s’évertuaient à se hurler dessus, brandissant des extincteurs et lançant des ordres que personne n’écoutait.

Lyco ne put s’empêcher de lâcher un léger rire rassuré, avant de s’éclipser dans la nuit fraîche.