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Effacé de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 10/01/2019 à 10:37
» Dernière mise à jour le 04/04/2019 à 14:33

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 25 : Sommeil mortuaire
« Le sommeil et la mort sont des frères jumeaux. » Homère.


***


Le Vallon était… calme. Paisible.

Lyco ne trouvait pas beaucoup d’autres mots pour qualifier cet endroit. La charrette n’était plus secouée par les cahots du sol rocailleux et se contentait de suivre une route qui serpentait parmi de vastes plaines envahies de hautes herbes sèches. Il y avait bien quelques fourrés, des arbres solitaires, mais rien d’autre.

La route avait descendu un moment, si bien que dans leur dos, les plaines arides avaient complètement disparu derrière ce qui pouvait s’apparenter à un col. La région était ici plus fraîche, le vent plus faible. Il n’y avait plus de poussière, heureusement. Le soleil, lui, continuait à darder ses rayons droits sur eux. Il était moins brûlant, mais restait omniprésent.

D’après le carnet de Lyco, le Vallon était une région sèche ; la végétation y était toutefois bien plus présente, mais souvent rabougrie… ou cantonnée au rôle de grandes herbes touffues. Les tiges y étaient reines, et d’un vert pâle tirant sur le jaune. À y regarder de plus près, Lyco voyait bien que le sol était toujours un peu craquelé par endroits. Comme quoi, seules les Forêts de l’Est ou une cellule souterraine semblaient capables de rester humides en permanence.

Au loin, des collines apparaissaient. Pas bien hautes, tantôt recouvertes d’un viride terne, tantôt d’un gris rocheux, un peu sale. Et il y avait toujours ces quelques arbres au tronc fin, qui émergeaient parfois du sol, comme s’ils hésitaient à se montrer trop nombreux. De petits cactus à peine fleuris se montraient parfois, par bouquets serrés. Leurs épines ne donnaient pas envie de s’en approcher, cependant.

— C’est quand même plus reposant que les plaines, ici, commenta Ève.

La jeune femme, négligemment allongée sur toute la longueur de la charrette, la tête posée sur son sac, regardait le ciel se couvrir de quelques nuages hésitants. La toile, retirée quelques minutes plus tôt pour mieux profiter du temps plus clément, trônaient en boule sous la tête d’Ève. Lyco acquiesça d’un air distrait, sans trouver quoi ajouter.

Il se souvenait bien de la mise en garde de Darren, assis à sa droite et qui regardait au loin ; cet endroit était parfait pour une embuscade. Et en effet, les hautes herbes pouvaient très bien cacher quelques individus mal intentionnés, sans compter que la route était étroite… il suffisait de tendre le bras pour toucher ces tiges épaisses qui arrivaient à hauteur de hanche, et qui s’étendaient désormais à perte de vue.

Le colosse près du garçon se tendit soudain. Lyco le regarda du coin de l’œil, surpris. Puis, il comprit pourquoi. L’instant d’après, le vent leur apporta une odeur étrange, désagréable… très légère, mais qui semblait en même temps assez métallique, presque fétide.

Puis, un cri.

Bref et rauque.

Réagissant à une vitesse qui témoignait de l’urgence de la situation, Darren jeta sa cape au sol et saisit sa hache. Ève se releva souplement d’un bond, attrapa ses longs couteaux, et Lyco les imita précipitamment en attrapant la courte épée qui était posée à ses pieds.

Au même moment, Bakrom lança un ordre sec pour ordonner à Frison d’aller plus vite. Le bovin mugit et s’élança soudain, manquant de les faire tomber par-dessus bord. La charrette recommença à tressauter, et plutôt violemment.

— C’était quoi ?

Lyco était certain qu’il ne s’agissait pas d’un cri humain, mais il n’aurait su dire de quel pokémon il s’agissait.

— Sûrement les bestioles les plus agaçantes sur lesquelles on puisse tomber ici, rétorqua Darren en s’agrippant à un rebord pour scruter le lointain.
— Faut vite sortir de leur territoire, sinon… prévînt Ève sans achever sa phrase.

Le colosse s’avança près de Bakrom en chancelant ; la charrette allait presque aussi vite qu’un homme en pleine course, si bien que garder l’équilibre devenait compliqué.

— Bakrom, concentre-toi sur la conduite, compris ? lança le colosse.
— Je sais.
— Ève, passe à l’avant. Il faut protéger Frison !

Ne comprenant toujours pas ce qui s’apprêtait sans doute à les attaquer, Lyco regarda de tous les côtés, scrutant les herbes. Un autre rugissement retentit. Agressif, sec. Un concert de cris plus brefs et moins puissants résonna, comme en réponse au premier.

C’était sûrement une meute. Pourquoi ne voyait-il rien ?

Puis, soudain, un mouvement capta son attention, à une centaine de mètres sur leur droite.

Les herbes bougeaient, s’inclinaient, s’écartaient. Mais rien de visible n’en dépassait. À un moment, le jeune homme crut apercevoir une espèce d’aileron effilé, mais il mit cela sur le compte de son imagination. Bientôt, l’odeur fétide se fit plus forte ; Darren lui ordonna de rester à l’arrière tout en rejoignant Bakrom, pour finalement le remplacer avec les rênes de Frison.

Les jointures de Lyco blanchirent, alors qu’inconsciemment, il serrait plus fort la poignée de l’épée entre ses doigts. Vu les mouvements de l’herbe, ces choses qui se déplaçaient vers eux étaient nombreuses. Peut-être une dizaine. Mais ils devaient être petits, pour se faufiler dans l’herbe ainsi. Ou alors… des pokémons de type Sol ? Le carnet les désignait comme l’un des types les plus résistants et les plus communs. Certains pouvaient creuser dans la terre la plus dure avec une facilité terrifiante.

Il le savait bien : il avait déjà eu affaire à des sablaireaux dans l’Arène.

— Lyco, tiens-toi prêt ! lança Darren. Ce sont des rapides, et des malins ! Y’a des chances qu’ils s’en prennent qu’à Frison, aussi, on va devoir les empêcher de le blesser !

Lyco déglutit difficilement. Il se rendit compte que c’était bien plus intimidant d’affronter des pokémons sauvages sur leur territoire que dans l’Arène. Bizarrement, il sentait sa confiance s’ébranler à l’approche de ces mystérieuses créatures.

En s’entraînant avec Ève au combat à mains nues, le garçon avait bien évidemment remarqué une chose inquiétante ; il n’arrivait plus à se battre comme dans l’Arène. Ses mouvements n’étaient plus ceux d’un combattant aguerri, ni même activés par un quelconque phénomène lié à son passé obscur.

Il craignait de voir la différence entre le Lyco du passé et le Lyco de ce jour ; lutter contre des pokémons inconnus n’allait pas jouer en sa faveur.

Un cri puissant résonna soudain sur la gauche de la charrette. Lyco se retourna, pris au dépourvu. Une attaque sur deux fronts ?

— Quatre à gauche, onze à droite ! s’écria Bakrom.

Lyco jeta un coup d’œil surpris au garçon qui attendait au bord de la charrette, presque au niveau de la croupe de Frison qui accélérait encore. Il avait réussi à compter tous les pokémons d’un simple coup d’œil ? Tout en se tenant en équilibre précaire au-dessus de la route ?

Soudain, le premier monstre émergea de l’herbe ; un geyser de terre jaillit en faisant voler de grandes tiges et des mottes aussi sèches que s’il s’agissait de pierres.

Se protégeant le visage alors qu’une pluie de cailloux déferlait sur ses épaules, Lyco entraperçut une ombre passer au-dessus de Frison ; d’un geste vif, Bakrom sauta et frappa de son sabre. Du sang gicla, Darren rattrapa le garçon qui allait tomber sous les roues de leur véhicule, et le monstre retomba dans l’herbe de l’autre côté de la route, en glapissant de douleur.

Lyco n’en revenait pas. Il n’avait même pas eu le temps de suivre le pokémon des yeux, ni même de voir à quoi il ressemblait. Et Bakrom avait réussi l’exploit de le blesser dans de telles conditions !

Ève lança un avertissement à l’intention du jeune homme. Lyco regarda en arrière ; un pokémon avait sauté à l’arrière de la charrette.

Il était bleuté, avec un corps recouvert d’une peau dure. Doté de crêtes et d’ailerons aiguisés, son regard mauvais s’attarda sur lui pendant quelques secondes ; il lui suffit de voir les deux griffes au bout des excroissances qui lui servaient de bras pour comprendre qu’il était carnivore. Ses yeux d’un jaune terne semblaient emplis de sauvagerie. Le garçon se redressa, prêt à frapper.

Mais le pokémon était rapide.

Trop rapide.

Le voyant fondre sur lui en rugissant, Lyco frappa de sa lame… et ne rencontra que du vide. Une douleur sourde s’éveilla au niveau de son bras droit et il sentit le contact d’une griffe acérée et froide à son épaule ; il voulut relever son épée, mais elle s’était fichée dans le bois de la charrette, y laissant une entaille profonde dans laquelle elle resta obstinément bloquée.

Un coup puissant le frappa l’arrière du crâne. Un vertige le prit, et il commença à voir des étoiles danser devant ses yeux.

— Deux carchacroks à l’avant ! s’alarma Ève. Le reste c’est du petit !
— Lyco, Lyco ! appela Bakrom. Debout !

Il n’entendait plus que vaguement les voix dans son dos, sa vision s’obscurcissait. Il sentit un liquide chaud couler dans son dos et ses épaules. Un cri sauvage lui vrilla les tympans, et un sursaut de la charrette le déséquilibra en le projetant tout près de l’épée plantée. Lyco aperçut l’ombre du pokémon qui l’avait attaqué... juste au-dessus de lui. Il chancelait lui aussi, à cause du roulis.

Un des grands couteaux d’Ève traversa la poitrine rouge du pokémon, avant que la jeune femme ne l’expulse sur la route d’un grand coup de pied, sans plus de
cérémonie.

— Lyco est blessé ! Je m’en charge !

À l’avant, Darren lança un cri de douleur puis un rugissement furieux. Les pokémons s’agitaient, Frison beuglait, des bruits métalliques résonnaient. Lyco avait l’impression que tout était en train de s’estomper autour de lui. Comprenant qu’il était sur le point de s’évanouir, il essaya de lutter. Il ne pouvait pas s’effondrer comme ça, à la première attaque venue. Après tout ce qui lui était arrivé dans l’Arène… il perdait au premier combat face à un pokémon plus petit que lui ?

Sans doute avait-il vraiment perdu certaines facultés depuis qu’il s’était enfui de l’Arène. Il ne voyait pas d’autre explication. C’était comme si ces mystérieux talents au combat rapproché s’étaient volatilisés, depuis le temps. Depuis cette époque, avant que ses souvenirs ne soient effacés… et visiblement, les entraînements quotidiens avec Ève n’y avaient pas changé grand-chose.

— Lyco, reste éveillé ! s’écria Ève, quelque part à sa gauche.

Il sentit un choc léger à sa cheville, puis un bruit de lame. Un sang qui n’était pas le sien sembla lui arroser la main.

— Attention !

Il ne tenait plus. Soudain, il lâcha prise, trop faible et trop secoué, et tout autour de lui s’éteignit peu à peu… jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.



***


Karyl soupira de dépit.

Les plaines arides, il commençait à en avoir par-dessus la tête. Ces terres sèches et craquelées, brûlantes, à perte de vue, le rendaient plus acerbe que d’habitude.
Il était déjà gêné par les fourmillements à son épaule, et la douleur. Dans son dos, les Forêts de l’Est disparaissaient à peine, et il rageait de ne pas avoir le loisir ni la nécessité d’aller massacrer ces pillards jusqu’au dernier ; mais c’était une perte de temps. Il lui fallait éliminer Lyco.

Avec un bras en moins ?

Karyl s’arrêta à l’ombre d’un rocher, dont la forme évoquait vaguement une tête informe. Un creux tout en longueur semblait presque s’étirer en un sourire grimaçant sur la roche ocre. Karyl s’adossa à la pierre et retira son haut avant de constater l’évolution de ses blessures.

Les cicatrices disparaissaient peu à peu. Certaines, au niveau du torse surtout, peinaient encore à se volatiliser. Il n’y avait pas de sang, c’était déjà ça. Mais ces espèces d’éraflures blanchâtres et ces petits creux dans sa peau solide le révulsaient. Karyl regarda son épaule. La veille, elle saignait encore.

Une sorte de peau grise, tirant légèrement sur le vert, semblait avoir refermé la plaie et formé une sorte de moignon. Karyl avait une affreuse envie de se gratter à cet endroit ; ses pouvoirs de Mutant semblaient concentrés sur sa guérison. Il avait même l’impression que cette étrange peau s’accumulait, lentement. Son bras était vraiment en train de repousser ? Mais pourquoi une telle nuance de couleur ? Il n’avait aucune envie de se retrouver avec un tentacule écailleux ou quoi que ce soit d’aussi répugnant à la place d’un bras !

Karyl entendit le lointain rugissement d’un rhinastoc. Il se plaqua contre la roche, attentif et prudent. Il se sentait moins résistant, depuis que son bras se mettait à fourmiller. Il n’avait aucune envie de s’attaquer à un pokémon aussi imposant.

Il supposait que ses pouvoirs étaient à double-tranchant ; il ne contrôlait pas ses pouvoirs de guérison, mais lorsque ceux-ci étaient à l’œuvre, ses facultés physiques diminuaient. Il ne pouvait plus se permettre de foncer dans le tas sans réfléchir, désormais. Être blessé signifiait perdre des forces… comme les non-Mutants, en réalité. Bien qu’il soit toujours supérieur en force et en vitesse à n’importe lequel de ces pillards.

Mais finalement, il restait un homme.

Il se laissa glisser au sol, exténué.

— Juste une petite pause…

Il ferma les yeux, avec l’intention de les rouvrir quelques minutes plus tard et de repartir…

Il s’endormit, trop épuisé.



***


— Ça aurait pu être bien pire, relativisa Ève.

Le feu craqua en guise de réponse. La nuit était tombée, et avec elle, un vent froid s’était levé. Le réflecteur en bois bricolé à la va-vite par Darren permettait aux voyageurs de ne pas finir frigorifiés, mais couvertures et capes restaient de mise.

Le bosquet près duquel ils s’étaient installés pour la nuit était imposant et leur permettait d’être abrité entre des arbres solides et des branchages qui les cacheraient de bien des prédateurs. Le bruissement des hautes herbes agitées par la brise nocturne brisa soudain le silence et la torpeur qui régnaient en maîtres incontestés.

Ève soupira :

— Aaaah… c’est quand même con d’être avec vous deux. Vous êtes loin d’être les meilleurs quand il s’agit de causer.
— Et que veux-tu que je te dise ? grommela Darren.

Les épaules d’Ève s’affaissèrent. Ils avaient eu une sacrée frayeur, tout de même. Et ce n’était pas vraiment terminé. La jeune femme baissa les yeux. Elle avait eu la chance de s’en tirer indemne, ou presque ; seuls trois hématomes répartis dans son dos la lançaient, mais ce n’était pas grand-chose. Bakrom collectionnait une paire d’entailles au bras gauche, et des lacérations plus superficielles au ventre, mais qui semblaient le faire souffrir malgré les bandages d’Ève. Darren avait encore une marque bien visible au niveau du cou ; il aurait suffi d’un centimètre pour lui trancher la carotide et mettre fin à ses jours. Au lieu de cela, il s’en sortirait au mieux avec une énième balafre.

Et Lyco, lui, avait une blessure pire encore. Du bras droit à l’épaule. Le carmache avait essayé de le trancher, et avait presque réussi son coup, y laissant une blessure assez grave pour mettre sa vie en danger ; et en plus de ça, il avait une cheville blessée par les petits crocs d’un griknot, et il était resté évanoui pendant des heures.

S’il fallait s’en arrêter aux blessures physiques, Ève aurait été contente. Mais ils n’avaient plus de charrette ; il fallait dire que les carchacroks étaient des bêtes intelligentes. Ils avaient mis le véhicule en pièce peu de temps après le début de l’attaque. Frison, après avoir chargé et mis hors d’état de nuire plusieurs ennemis, était mal en point suite à plusieurs coups de mâchoire ; il était gravement blessé et attendait au fond de sa pokéball. Son état était déplorable mais resterait stable jusqu’à pouvoir le soigner… ce qui signifiait qu’ils n’avaient plus de monture pour l’instant. Peut-être même plus jamais.

— Tu pourrais, je sais pas, dire un truc sympa, du genre « vous vous êtes bien battus » ? proposa Ève.

Darren soupira.

— On a beau avoir tué ces bêtes… ce n’est pas ça qui va nous ramener une charrette. On va devoir finir la route à pied, et tout ça alors que Lyco a besoin de soins.
— Raison de plus pour ne pas passer des heures ici et avancer de nuit, quitte à en crever, rétorqua Ève. On est venu au Vallon pour lui, à quoi ça sert si on le laisse mourir maintenant ? Les bandages ont beau empêcher l’hémorragie, ça tiendra pas plus de quelques heures. Sans parler de ses plaies, qui risquent de s’infecter…
— Je sais bien… laisse-moi reprendre mon souffle encore quelques minutes, et on repart.

Bakrom, jusque-là resté silencieux, intervînt.

— Vous pensez que la cité des toiles existe toujours ?
— J’espère bien, lâcha Darren. Sinon, on trouvera personne pour nous aider. J’ose espérer que ça s’est agrandi, depuis le temps. Et qu’il leur reste encore des machines de soin, sinon Lyco et Frison s’en sortiront pas.
— La cité des toiles… ça veut dire qu’il va falloir faire la grimpette nous-mêmes, avec Lyco sur le dos, sourit Ève. Agréable moment en vue !

Darren se leva.

— Le plateau n’est pas si haut, arrête de te plaindre.

Il récupéra son sac, avant de s’accroupir près de Lyco. Il sembla soucieux et vérifia les bandages avec attention :

— Ça devrait faire l’affaire pour l’instant. Il respire normalement. Ça n’a pas l’air de saigner beaucoup. Sa blessure est peut-être moins grave que ce qu’on pensait.
— Tu vas le porter dans tes bras toute la nuit ? s’étonna Ève. Comme un gros papounet et son bébé ?

Darren la fusilla du regard avant de désigner la végétation autour d’eux :

— Aidez-moi à fabriquer un brancard. Il faut le faire épais si on veut le traîner jusqu’au bout. Il faut faire vite…



***


Lyco fut réveillé par un bruit de raclement qui ne s’arrêtait pas. Agacé, il ouvrit ses paupières étrangement lourdes ; il se sentait faible. Terriblement faible.

Au-dessus de lui, il voyait des points de lumière danser dans un océan de noirceur. Des formes en mouvement s’agitaient aux frontières de son champ de vision, et murmuraient des choses qu’il ne comprenait pas. Il mit quelques minutes à pleinement prendre conscience de ce qui se passait.

Premièrement, il était vivant.

Il se rappela vite de l’attaque de la meute, dans les hautes herbes. Ce pokémon bleu et rouge, au regard mauvais… Un carchacrok ? Il lui semblait avoir entendu ce nom, avant qu’Ève ne le prononce pendant l’attaque…

Il comprit soudain qu’il devait être blessé, et pas qu’un peu. Ce raclement et cette sensation de déplacement… il était traîné dans un brancard fait de branchages qui lui irritaient le dos et les épaules. Les talons de ses chaussures traînaient sur un sol dur, et ces points de lumière n’étaient rien d’autre que les étoiles dans le ciel nocturne.

Il n’eut qu’à tourner la tête pour remarquer Ève qui discutait à voix basse avec Bakrom ; ce dernier tenait une torche improvisée qui n’éclairait pas grand-chose ; peut-être cherchait-il à ce qu’elle soit discrète. Juste de quoi leur montrer le chemin dans la pénombre.

Pourquoi n’étaient-ils pas dans la charrette ?

Comme il s’agitait pour chercher des yeux Frison ou Darren, Ève se tourna abruptement vers lui :

— T’es réveillé !

Elle s’approcha et sourit :

— Désolé, Lyco, on va te traîner encore pas mal de temps. T’as chopé de sales blessures.
— Vous… vous n’avez rien ? lâcha-t-il d’une voix pâteuse.
— Rien d’aussi grave que toi.
— Vous avez tué ces pokémons ?
— Pour la plupart, oui. Ils ont fini par s’enfuir, vu que Frison nous a aidé à en piétiner quelques-uns. C’est un carmache qui t’a fait tout ça. J’imagine même pas ce qui se serait passé si c’était le carchacrok qui avait voulu ta peau…

Lyco toussa brièvement, avant de sentir, en effet, des douleurs partout dans son corps. Mieux valait ne pas trop bouger, visiblement.

— Et la charrette ?
— Ils l’ont mis en pièce, ces sales monstres. Si on s’en est sorti, c’est justement parce qu’ils voulaient s’acharner sur elle et Frison plutôt que sur nous. On les a eus à l’usure. Ils ont beau être malins, ils étaient aveuglés par la faim. Comme quoi, ça touche tout le monde, la famine et la misère !

Ève décrocha son sac à dos et en sortit une couverture rapiécée. Elle l’étala rapidement sur lui, et lança :

— Repose-toi, maintenant.

Il hocha la tête faiblement, en remarquant distraitement son air inquiet alors qu’il refermait les yeux.

Juste avant de sombrer dans l’inconscience, il eut l’étrange impression qu’un liquide chaud coulait sur son torse.