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Effacé de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 13/12/2018 à 11:26
» Dernière mise à jour le 25/03/2019 à 12:34

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 17 : La lisière de l'espoir
« Faut-il rejeter toutes les probabilités parce qu'elles ne sont pas des certitudes ? » Jane Austen.


***


Le bourrinos permettait à Lyco de suivre le rythme rapide du groupe des pillards. Lacrya gardait une main sur la bride du pokémon pour être sûr de bien le guider dans le sable. Dès que le terrain se faisait plus dur et praticable, Darren, en tête du petit cortège, se mettait à courir, emportant aussitôt les autres dans son sillon.

Des bruits lointains continuaient de retentir dans leur dos ; mais Lyco avait beau se retourner, il ne voyait plus l’Arène en flammes, ni les bidonvilles, ni même personne. Pas de soldats à pied ou sur des montures, pas d’habitants en colère, pas de prisonniers en fuite.

Rien, ni personne.

Des coups de feu retentissaient parfois, mais ils semblaient venir de l’ouest : dans la direction du groupe de Karyl, croisé pendant leur fuite.

Sa blessure à l’épaule continuait de saigner, et la douleur restait ; même s’il peinait à suivre les conversations des pillards. Ils parlaient de fuite, d’échappatoire, de refuge et de forêt. À un moment, Lacrya intervînt brièvement.

Lyco comprit distraitement qu’ils les acceptaient provisoirement parmi eux. Il suffisait de croiser le regard acéré de Boralf pour deviner que malgré sa présence discrète, il les gênait. Il perçut clairement de l’amertume dans son ton quand on évoqua la question de sa blessure. Pour eux, ça ne revêtait aucune importance.

Visiblement, ils auraient préféré le laisser à l’arrière et le voir se tortiller par terre jusqu’à la mort. Lacrya le défendait comme elle savait si bien le faire : sauvagement et sans faire de consensus. Le garçon songea qu’il lui faudrait bientôt la remercier pour tout ça. Il lui était redevable après tout ce qu’elle avait fait pour le protéger.

Surmontant difficilement la douleur, il se retourna vers l’endroit où s’élevait une épaisse fumée, en direction de Méranéa. L’Arène devait déjà être loin, mais le panache était emporté par le vent, plus ou moins dans leur direction.

Soudain, une secousse fit vibrer le sol. Le sable des dunes frémit et les pillards se regardèrent avec surprise et effarement.

Une énorme explosion de flammes noires s’éleva dans le ciel, provenant de l’Arène.

Ils entendirent le son de la déflagration une seconde plus tard, puis…

Une onde de choc souffla violemment sur eux. Si puissante que le jeune homme eût l’impression d’avoir reçu une gifle énorme. Le bourrinos hennit de frayeur
mais resta sur ses quatre pattes.

— C’était quoi ? s’écria Ève.
— Le Condamné ? grogna Boralf, soucieux. Ou alors une réserve d’explosifs ?
— Peu importe, répondit stoïquement Darren.

Les flammes noires disparurent, mais il ne fit aucun doute qu’il se passait des choses terribles vers l’Arène. Des choses qu’il valait mieux fuir plutôt qu’affronter.

Des hurlements finirent par résonner jusqu’à eux, ainsi que des cris, des voix aigues, des coups de feu. L’agitation semblait reprendre de plus belle dans la cité.

— Éloignons-nous plus vite ! lança Ève.

Le groupe repartit sans attendre.

Lyco était sans voix.

Le Condamné. C’était forcément lui.

Qui était-il ? Que voulait-il ?

La douleur à son épaule et celle à son bras s’éveillèrent quand sa monture accéléra. Il s’agrippa fermement à l’encolure du pokémon en remettant ses questions à plus tard. Pour le moment, il leur fallait quitter le Désert de la Désolation. Le reste devrait attendre !



***


Lacrya voyait bien que Lyco avait un peu la tête ailleurs. Craignant qu’il ne s’évanouisse sans rien dire, elle gardait un œil sur lui tout en trottinant aux côtés du bourrinos qui le transportait docilement.

Les pillards couraient devant eux, droit vers l’est comme s’ils avaient déjà trouvé un abri dans cette direction. Les Forêts de l’Est étaient pourtant à quelques jours de marche, même si c’était le chemin le plus direct ! Ils n’y parviendraient pas avant le lendemain même en avançant de nuit.

— Du mouvement à droite ! prévînt soudain Bakrom.

Lacrya suivit son indication. A deux dunes de là, un petit groupe courait tout comme eux, se rapprochant peu à peu. La jeune fille se raidit en reconnaissant Karyl.

Cet enfoiré avait réussi à éliminer les soldats à ses trousses, et il fuyait comme eux !

Il semblait les avoir vu, et se mettait volontairement auprès des pillards ; il voulait lui aussi profiter de la force et du nombre des fuyards pour s’en sortir indemne. Ces derniers ne trouvèrent rien à redire, trop occupés à courir. Il fallait dire qu’une demi-douzaine de bras supplémentaires, ça pouvait être utile pour combattre si jamais des soldats de Mervald débarquaient à dos de pokémons.

Lacrya prit toutefois soin d’éloigner le bourrinos des survivants du groupe de Karyl. Elle se méfiait de ce dernier comme de la peste. Il haïssait Lyco et… et tout le monde, en fait.

Elle redressa la tête et fixa l’horizon ; là-bas, quelque part, la liberté les attendait. Lacrya était heureuse d’être sortie de l’Arène… mais l’amertume, la peur et la colère se disputaient aussi leur part du gâteau dans son esprit torturé.

Ce monde n’était que ruines, désolation et chaos. Ils allaient devoir lutter pour trouver de la nourriture, lutter pour ne pas être tué. Lacrya en avait assez de lutter. Ce monde n’était pas empli des promesses qu’imaginait Lyco, il n’était qu’une coquille vide.

Lacrya prêta attention au garçon. Malgré le sang de sa blessure, il tenait bon. Il gardait les yeux ouverts, et s’agrippait comme il le pouvait au pokémon. Elle songea qu’il faudrait désormais lui raconter.

Lui raconter à quel point les guerres et l’Épidémie avaient changé la face du monde.



***


L’Arène brûlait.

Des flammes noires dévoraient les estrades, se répandant comme des centaines de ruisseaux entre les piliers, les murets et les gradins. Une odeur âcre, lourde et métallique emplissait l’air ambiant. Une brume épaisse stagnait au centre de l’Arène, parmi des centaines de corps d’humains et de pokémons.

Au fond de ce marais obscur qui s’était formé grossissait une forme, une silhouette humaine. Grande, large, courbée, elle dégageait une aura menaçante. Sa simple présence faisait frémir les corps encore chauds, ceux qui n’étaient pas encore tout à fait morts.

Deux yeux rouges scintillèrent dans la brume, alors que l’ombre de sa silhouette difforme s’étendait au sol.

Le Condamné saisit un cadavre dans ses mains griffues, anormalement grandes, et le dévora goulûment en répandant du sang tout autour de lui.

Il rejeta le corps sans vie, atrophié et vidé de fluides corporels, et passa au suivant.

Inlassablement, avec un appétit monstrueux, le Condamné passa d’un corps à un autre, allant même jusqu’à laper le sang frais qui n’avait pas encore imbibé le sable de l’Arène.

Au fur et à mesure, le corps de la créature mi-humaine mi-pokémon se mit à grandir, la brume à se faire plus épaisse encore, les flammes plus vives.

Le Condamné récupéra lentement ses forces, perdues pendant son temps de captivité.



***


Aucun soldat ne se montra. La nuit était tombée, et ils avançaient toujours dans le désert, droit vers l’est. La blessure de Lyco le tiraillait, mais le bandage de Lacrya était efficace ; le sang avait arrêté de couler, enfin. Il avait un peu moins de vertige et se sentait reposé — presque.

Karyl et son groupe marchaient à l’arrière, alors que les pillards continuaient de mener la danse. Cependant, les autres avaient tous arrêtés de courir. Il fallait dire que c’était épuisant de marcher dans le sable, surtout que rares étaient ceux à être en forme physiquement, après avoir passé des jours, des semaines ou même des mois dans les cellules collectives.

La lune et les étoiles éclairaient suffisamment les dunes pour y voir clair. L’obscurité l’avait en quelque sorte rassuré ; Lyco se sentait moins visible, dans la pénombre. Si jamais des poursuivants les traquaient, ils ne seraient sans doute pas repérés aisément. Mais ce n’était apparemment pas l’avis général.

Certains avaient parlé d’attaques de nosferaltos, d’autres de lougarocs. Les pokémons nocturnes semblaient craints, mais ils n’avaient croisé la route d’aucun être vivant pour le moment.

Lyco sentait ses jambes fourmiller. Il avait besoin de marcher ! Sa blessure au bras n’était de toute façon pas quelque chose d’handicapant pour une marche dans le désert.

— Lacrya, prends ma place. J’ai besoin de marcher un peu.

Surprise, elle le regarda, fit la moue, hésita… puis finit par hocher la tête en soupirant :

— Très bien.

Elle arrêta le bourrinos. Il descendit et atterrit dans le sable mou et frais, tandis que Lacrya se juchait sur la selle du pokémon. Karyl, à l’arrière, fit une remarque désobligeante :

— Hé, pourquoi ce serait à toi de monter sur cette bête ? Y’en a qui sont plus fatigués que toi, Lacrya.
— Ce bourrinos m’appartient, maintenant, rétorqua-t-elle sèchement. J’en fais ce que je veux.

Le pokémon reprit sa marche ; Lyco avança à ses côtés en lui flattant gentiment l’encolure. L’animal ne paraissait pas très fatigué par cette longue marche ; et étrangement, cela semblait même lui plaire. Il ne paraissait pas très sauvage, en tout cas.

Un coup d’œil en arrière apprit au garçon que Karyl n’avait pas apprécié la réplique de Lacrya. Il fallait dire qu’elle n’était pas du genre à se laisser faire. Il n’avait toujours pas l’air de l’avoir compris.

Mais malgré tout, Karyl avait mis la main sur des armes et les camarades qu’il avait avec lui, s’ils n’étaient pas aussi costauds que ses ex-gardes du corps, semblaient plutôt prêts à en découdre.

Tant que la situation n’explosait pas en pleine galère dans ce Désert de la Désolation, tout irait bien.

— Tu es blessé ?

La question fusa de sa gauche sans prévenir. Il fut surpris de voir qu’Amelis venait de l’aborder.

En croisant son regard, il eut un début de déclic… et une légère migraine. Décidément, il devait avoir de puissants souvenirs avec elle, pour qu’elle lui fasse cet effet à chaque fois. Il se demanda encore quelle relation ils avaient eu par le passé, bien qu’il craignait un peu de l’apprendre…

— Un bras cassé… et une plaie à l’épaule.

Il surprit une véritable lueur de compassion dans son regard. Lyco remarqua du coin de l’œil à quel point Lacrya en était étonnée, elle aussi. Pour briser un silence qui devenait gênant, Lyco demanda :

— Darren nous emmène dans une forêt, c’est bien ça ? Il connaît le chemin ?
— C’est bien plus grand qu’une simple forêt. Mais oui, il connaît bien, et nous aussi. Notre repaire était là-bas. J’espère qu’il n’a pas été saccagé pendant notre absence.

Le jeune homme, curieux, hocha la tête et ajouta plus bas :

— C’est moi qui ai causé tout ça. Si vous n’êtes plus là-bas, que vous avez été amené ici, dans l’Arène… c’est de ma faute. J’aimerais bien me souvenir et comprendre pourquoi je vous ai trahi…

Amelis observa les pillards autour d’elle, comme si elle craignait de trop en dire. Finalement, après quelques secondes d’hésitation, elle se pencha vers lui et lui répondit à voix basse :

— Tu nous as trahi, ce qui a causé notre capture, à nous tous… mais… je suis l’une des seules à penser que… qu’il y avait une bonne raison derrière tout ça. Une raison que tu ne pourras pas nous donner tant que n’auras pas retrouvé la mémoire.
— C’est impossible.

Amelis pencha la tête sur le côté, surprise :

— Pardon ?
— Je… je suis un Effacé, non ? Une fois les souvenirs supprimés…
— Tu penses qu’ils sont impossibles à récupérer ? C’est bien ce… Mutant qui t’a fait ça, n’est-ce pas ? Grâce à des pouvoirs psychiques ?
— Oui, Molch.
— Mais tu as conservé tes anciens réflexes et ta manière de te battre, pas vrai ? C’est bien le signe que l’effacement était imparfait. Il suffirait de trouver un pokémon de type Psy et de te soigner avec.
— Tu crois ? Ce serait si simple que ça ?

Amelis secoua la tête, amusée.

— Simple, non ! Les pokémons Psy ont presque tous été décimés pendant… il y a longtemps. En trouver un relèverait du miracle…

Elle lui fit un clin d’œil et continua :

— Mais nous sommes des pillards. Nous avons pas mal de relations avec d’autres groupes un peu partout dans le pays. Des trafiquants, des commerçants, ou des voleurs. On pourrait t’aider à trouver un pokémon Psy, tu sais.

Lyco resta pantois. Depuis le temps, retrouver ses souvenirs était devenu dans sa tête quelque chose d’encore plus impossible que de fuir de l’Arène. Il avait commencé à désespérer, à se dire qu’après tout, ce n’était pas plus mal de continuer à vivre comme ça, dans l’ignorance. Son passé l’intimidait.

Et voilà qu’Amelis lui tendait presque ses souvenirs sur un plateau. Ou en tout cas l’espoir de les retrouver un jour. La tentation de les récupérer était grande. Il avait envie de savoir qui il était, ce qu’il avait fait, ce qu’il avait vécu. Et ce malgré sa peur.

— Tu veux récupérer tes souvenirs, quand même ? demanda Amelis, curieuse.
— Oui, bien sûr… ce serait vraiment bien si on trouvait un pokémon pour ça. Mais Darren ne voudra jamais m’aider…
— Je peux le convaincre.

La jeune fille aux cheveux ondulés s’éloigna d’un pas sautillant sans rien dire de plus. Lacrya lui donna un petit coup de pied à l’épaule.

— C’est évident que vous avez un passé en commun, tous les deux.
— Oui, je sais, on était tous les deux des pillards…
— Non, crétin, je parle pas de ça ! Elle te dévore des yeux. Dès que tu ouvres la bouche, elle n’écoute que toi. Il faut être aveugle pour ne pas s’en rendre compte !
— Tu crois que… qu’on était ensemble avant ?

Lacrya soupira en se tapant le front du plat de la main.

— Évidemment ! Tu ne t’en es pas rendu compte ? Non d’Arceus, tu es irrécupérable…

Lacrya bougonna et Lyco se concentra de nouveau sur sa marche, sans trop savoir quoi en penser.



***


Darren insista pour qu’il n’y ait aucune pause de plus d’une heure.

Ils avaient marché toute la nuit, ou presque, et avaient trouvé une petite, toute petite grotte pourvue d’une source d’eau, alors que le soleil se levait à peine sur le désert. Chacun avait bu à tour de rôle. Lacrya, en cherchant dans les poches de la selle du bourrinos, avait trouvé deux gourdes ; ce serait leur seule eau potable, très probablement, avant leur arrivée dans les Forêts de l’Est.

Karyl protesta plusieurs fois dans la journée au sujet des pauses ; mais ses menaces ne firent même pas frémir Darren. Le colossal chef des pillards continuait de marcher malgré la fatigue, sans se soucier de savoir si tout le monde suivait le rythme. L’épuisement se lisait sur les visages. La chaleur rentra vite en jeu pour les accabler d’un poids supplémentaire ; mais heureusement, il quittèrent vite la zone sableuse du désert pour atteindre des plaines craquelées ponctuées de quelques plantes vivaces et recouvertes d’épines aiguisées.

À plusieurs reprises, Lyco aperçut des maracachis au loin, qui fuyaient à leur approche. Bakrom les alerta une fois de la présence d’une meute de grahyénas, au sud ; mais les bêtes, voyant qu’ils étaient très nombreux, ne tardèrent pas à passer leur chemin.

Aucun soldat ne se montra, aucun coup de feu ne retentit de nouveau. Les paroles échangées étaient brèves, les têtes basses. Le moral n’était pas au plus haut, loin de là, et c’était normal. Lyco, accablé de fatigue, marchait à l’ombre de bourrinos quand ce n’était pas à son tour de monter sur selle. Les rayons du soleil l’éreintaient.

La cellule collective, sombre et fraîche, lui manquait presque, dans un moment pareil.

Finalement, Darren accepta de laisser les autres se reposer en fin d’après-midi, alors que la température diminuait un peu. Une bonne partie des fuyards s’octroyèrent une courte sieste d’une heure. Lyco et Lacrya, d’un commun accord, décidèrent de dormir à tour de rôle, l’un veillant pendant que l’autre dormait. Le bourrinos profita de l’arrêt pour dormir aussi ; le pauvre avait bien trimé pendant cette longue journée.

Ils repartirent bientôt, suivant les directives brèves et sèches de Darren. L’obscurité et le froid reprenaient leurs droits sur dame nature. Les conversations reprirent, tournant autour de l’absence de soldats à leurs trousses. Beaucoup parvinrent à la conclusion que le Condamné devait occuper Mervald en ce moment ; chose que Lyco imaginait facilement aussi.

La nuit était à peine entamée quand quelqu’un s’exclama :

— Forêt droit devant ! On aperçoit la lisière des arbres !

Tout le monde redressa la tête. Malgré la pénombre, il paraissait évident que le désert prenait fin au niveau de l’horizon. Une ligne irrégulière s’étendait au loin.

— Des arbres, lâcha Lyco. J’avais vraiment oublié à quoi ça ressemblait…

Lacrya, qui l’avait laissé remonter en selle, haussa les épaules :

— Molch ne rigole pas, quand il efface des souvenirs.

Le moral du groupe remonta en flèche, et le rythme des pas se fit plus pressant. La forêt signifiait également présence d’eau. Deux membres du groupe de Karyl avaient été laissés à l’abandon dans le désert après s’être évanouis, déshydratés. Ils devaient être morts à l’heure qu’il était.

La lisière devînt bientôt plus qu’une ligne. Elle grossit au fur et à mesure de leur avancée. Lacrya se sentait rassuré de voir un peu de verticalité dans le paysage ; sans rien au-dessus de la tête, elle se sentait exposé au danger. Les arbres allaient leur conférer protection et discrétion, deux choses dont ils manquaient cruellement.

Darren s’arrêta à moins de dix mètres des arbres. Il se retourna abruptement vers le groupe qui le suivait. Il désigna Karyl de sa lame :

— Toi et ton groupe, partez. À partir de maintenant, c’est chacun pour sa peau.
— Quoi ? s’indigna Karyl en jouant avec son couteau. Tu te fiches de moi ? On s’en sortira mieux ensemble !
— Non. Nous savons vivre dans la forêt en petit nombre. Ça fera moins de bouches à nourrir et un campement plus petit, et donc moins visible. Partez et débrouillez-vous.

Darren désigna le bourrinos :

— Toi, jeune fille, c’est pareil. Emmène ce traître avec toi, on n’en veut pas. On vous laisse le pokémon, vu votre état.

Avant que quiconque ait pu répliquer, Karyl s’avança dangereusement vers Darren :

— Et mon grand ! Hors de question qu’on se sépare ! Je veux pas crever dans les Forêts de l’Est après avoir parcouru ce désert de merde pendant deux putains de jours !
— Si tu veux survivre, je te conseille de baisser ton arme et de reculer. Je sais me servir d’une épée mieux que toi.

Le ton glacial de Darren sembla bien refroidir Karyl. Il recula d’un pas, rouge de colère et d’impuissance. Darren le fixa d’un air inquiétant. L’air crépitait presque à cause de la tension.

Finalement, après quelques secondes de silence froid, Karyl se détourna et fit signe à son groupe de le suivre. Ils disparurent dans la forêt d’un air harassé. Darren se tourna vers Lacrya et Lyco :

— Allez, vous deux, partez.

Amelis intervînt brusquement.

— Attends, Darren. Laisse-les rester un peu, s’il te plaît.

Étrangement, les pillards se tournèrent vers elle et la regardèrent comme s’il s’attendait à ce qu’elle s’interpose dans ce choix. Boralf lâcha un juron dépité et s’approcha de la jeune fille :

— Amelis, tu n’es pas objective du tout, là. On devine tous ce que tu vas dire. Tu veux qu’on garde Lyco près de nous ? Cet enfoiré nous a vendu à Mervald ! S’il vient, je l’étrangle moi-même.

Les pillards vociférèrent contre elle, visiblement du même avis. Mais Amelis parvînt à se faire entendre par-dessus le brouhaha :

— Il peut encore retrouver ses souvenirs ! Vous ne voulez pas comprendre ? Vous n’êtes pas curieux de savoir pourquoi il nous a trahis ? Il n’avait aucun avantage à le faire ! Il doit y avoir une vraie raison derrière tout ça !

Un bref silence lui répondit. L’incertitude se lisait sur certains visages ; mais l’agacement encore plus. Pourtant, une voix qu’ils entendaient rarement s’éleva pour aider Amelis.

— Je suis d’accord. Je veux savoir, moi aussi.

Bakrom. Le jeune garçon, peu habitué à se mettre en avant, attira bien des regards surpris. Le silence qui s’ensuivit fut lourd de sens. Bakrom continua :

— C’est Lyco qui m’a appris à me battre, c’est lui qui vous a convaincu de me recueillir, à l’époque. Sans lui, je ne serai plus de ce monde. Il nous a protégés et aidés bien trop souvent pour pouvoir nous trahir comme ça. Je veux savoir. Accordons-lui le bénéfice du doute, ce serait la moindre des choses.
— Si même Bakrom s’y met ! lança Ève avec amusement.

La jeune femme éclata de rire face aux mines déconfites de Boralf et Darren, plongés en plein doute.

— S’il vous plaît, renchérit Amelis d’un air presque suppliant. Continuons ensemble jusqu’à ce qu’il récupère ses souvenirs. On a assez de contacts capables de nous trouver un pokémon Psy, non ? Une fois qu’on se sera réinstallés quelque part !

Darren soupira et se massa le front d’un air pensif. Il commença à faire les cent pas devant les autres, en proie à un dilemme. Lacrya et Lyco échangèrent un regard intrigué. Ils allaient peut-être pouvoir continuer avec eux ? Pour survivre, c’était le moyen le plus sûr. Ils préféraient toutefois se taire et attendre de voir dans quel sens allait la décision du chef.

Il ne mit qu’une minute à donner sa réponse. Il sembla regretter son choix au moment-même où les mots franchirent ses lèvres.

— Bon, très bien ! grogna Darren. Mais vous deux, je vous préviens : faites-vous tout petits. Marchez avec vous est déjà un calvaire pour certains, alors vous entendre causer, je n’en parle même pas ! Taisez-vous et suivez-nous, c’est tout.

Lacrya et Lyco acquiescèrent, conscients qu’ils restaient encore sur la sellette.

Amelis leur fit un clin d’œil discret, et un sourire, avant de suivre le groupe dans la forêt. Le bourrinos leur emboîta le pas en hennissant tranquillement.