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Effacé de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 13/10/2018 à 13:36
» Dernière mise à jour le 25/03/2019 à 12:35

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 3 : Jouer avec la mort
« Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. » Bertolt Brecht.


***


Le public grondait dans les gradins, les yeux fixés sur le terrain sableux de l’arène. Ils étaient si absorbés par le combat que la chaleur écrasante ne semblait même pas les accabler. Ils continuait de rugir ; sans se rendre compte que le véritable monstre dans toute cette histoire, ce n’était pas ce rhinoféros, mais bel et bien eux.

Pour autant, la chaleur qui s’abattait sur le terrain n’affectait que très peu les prisonniers ; ils étaient focalisés sur autre chose. Lyco aussi.

Il venait d’éviter le Rhinoféros, par chance, et s’était retourné, s’attendant à ce qu’il pivote pour mettre définitivement fin à ses jours. Mais au contraire, il n’interrompit pas sa charge ; il accéléra droit sur le groupe mené par Lacrya.

Stupéfait, il se releva en époussetant ses vêtements ; les membres du groupe attendaient sans montrer beaucoup de peur. Lyco voyait nettement une flamme déterminée briller au fond de leurs pupilles. Comme si se tenir face à un Rhinoféros affamé était une habitude pour ces vétérans.

Lacrya lança un ordre sec. Le groupe se divisa en deux devant le Rhinoféros, qui ralentit légèrement, peut-être dans l’optique de modifier sa trajectoire pour toucher l’une des deux moitiés du groupe. Ou parce qu’il hésita une brève seconde en voyant des victimes sans peur.

Lacrya, elle, n’attendit pas qu’il se décide.

Elle s’approcha rapidement du monstre, et abattit sa lame par-dessus sa tête baissée. Un coup vertical, rapide mais puissant ; le sabre ricocha sur la carapace trop épaisse. Karyl jaillit au même moment, et profita que le monstre s’arrête pour hurler sa colère pour abattre une petite hache vers sa tête.

L’arme se ficha adroitement dans l’œil droit du pokémon roche.

Le monstre recula et lâcha un grognement douloureux. Il s’agita et se secoua dans tous les sens ; Lacrya fut touchée et projetée en arrière, mais se réceptionna en vacillant sur le sable de l’Arène, sans blessure apparente.

Le public était fou. Il semblait apprécier le spectacle plus que jamais. Des prisonniers jusque-là abrités derrière des colonnes ou des rochers semblaient hésiter à leur venir en aide.

Du sang de Rhinoféros arrosait la poussière ; le Pokémon gémissait, se tortillait, souffrait atrocement. Lyco comprit pourquoi ; la hachette était encore fichée dans son œil !

Plutôt que de l’enlever, le Pokémon rugit une énième fois et se mit à donner des coups de tête autour de lui, au hasard. Par précaution, Lyco recula. Karyl fit de même en lâchant des jurons obscènes. Quelqu’un bouscula Lyco sans ménagement.

— Donne-moi ton arme ! lui ordonna-t-on.

Un homme se tenait près de lui ; c’était l’un des prisonniers qu’il avait vu se faire attaquer un peu plus tôt. Son bras gauche pendait, inutile, et du sang maculait son visage. Il était blessé, certainement gravement. Une salive noire s’accumulait au bord de ses lèvres crevassées. Il était dans un sale état.

Impatient, l’homme lui arracha son arme de force, sans que Lyco ne comprenne ce qu’il voulait en faire.

Puis, l’homme se jeta en criant sur le rhinoféros.

Il voulait certainement se sacrifier. Il savait que sa mort allait survenir tôt ou tard, et il avait choisi la manière la plus rapide d’en finir, et sûrement la moins douloureuse au vu de ses blessures.

Il atteignit le Pokémon et le frappa de sa lame au niveau du ventre.

Le katana rebondit dessus, parfaitement inutile. Des étincelles crépitèrent.

Le rhinoféros donna un puissant coup de crâne au malheureux.

Le cadavre retomba aux pieds de Lyco, dans un état lamentable. Il ressentit une violente nausée mais se retint de relâcher son maigre repas. Il ramassa le katana et recula encore. Le rhinoféros borgne semblait avoir abandonné sa stratégie de frapper au hasard ; il observa les environs de son œil valide, alors que la hachette de Karyl était toujours enfoncée dans l’autre.

Malgré les pas prudents qui l’avaient éloigné du pokémon, celui-ci se tourna vers Lyco.

Lacrya et son groupe étaient désormais rassemblés près d’un pilier qui les protégeait légèrement d’un assaut. Lyco aperçut Karyl et deux de ses colossaux partenaires figés à quelques mètres de là, abrités par un rocher leur arrivant à la taille. D’autres prisonniers solitaires erraient dans la poussière, désespérés, terrifiés, ou agenouillés près des cadavres de leurs anciens partenaires.

Et il fallait que ce rhinoféros le choisisse, lui.

— C’est pas vrai… grogna Lyco, espérant encore y échapper.

La seule chose qui pouvait potentiellement l’aider, c’était ce petit rocher, à deux mètres derrière lui. Pas sûr qu’il se révèle utile.

Le rhinoféros chargea. Le garçon fit demi-tour et courut derrière le rocher, qui lui arrivait aux genoux. Il était tout à coup beaucoup moins convaincu par sa stratégie.

Le rhinoféros fonça.

Le rocher se brisa en mille morceaux.

Mû par un réflexe insoupçonné, le garçon réussit une fois encore à éviter le Pokémon sans être touché. Il sentit quelque chose frôler son dos. Le soulagement l’envahit. Puis l’amertume, quand un violent coup de queue percuta sa hanche. Il fut projeté au sol et lâcha son arme sans le vouloir.

Allongé sur le dos, le dos bouillant à cause de la douleur, il aperçut au-dessus de lui la silhouette du monstre, en contrejour. Il allait l’embrocher sur sa corne, c’était certain.

Soudain, une ombre apparut au-dessus du rhinoféros.

S’aidant du rocher, Lacrya avait bondi sur le dos du pokémon.

La lame dans sa main scintilla et s’enfonça dans le dernier œil valide du pokémon, qui gronda et tituba en arrière.

— Maintenant ! s’écria quelqu’un.

Un homme du groupe de la jeune femme apparut, un gros marteau à la main, et frappa de front le monstre aveugle. La bête se courba et tomba en arrière dans un cri rauque. D’autres se jetèrent sur lui, et une lance acheva la créature en s’enfonçant dans sa gueule grande ouverte.

Un râle s’échappa de sa gorge caverneuse, puis il s’immobilisa dans la poussière, raide mort, tandis qu’une flaque de sang se formait doucement autour de lui. Lacrya tomba à genoux dans la poussière, à moins d’un mètre d’un Lyco ébahi, et lâcha un petit rire nerveux.



***


Bizarrement, retourner dans cette cellule sombre et humide ne fut pas un problème pour Lyco ; il était même soulagé d’y retourner. Ici, aucun pokémon furieux ne voulait sa peau.

Bien sûr, il comprenait la mine sombre des prisonniers ; ceux qui étaient restés là en silence, tout comme ceux qui revenaient de l’Arène avec lui. Il y avait eu douze morts. Près d’un quart des habitants de la grande cellule.

Lyco se sentait un peu nauséeux.

Des images de sang défilaient encore devant ses yeux fatigués ; son dos le faisait souffrir à chaque mouvement. Mais ce n’était rien à côté des bras cassés, des entailles ou des os fracturés dont les autres se plaignaient à peine.

Il avait trouvé un matelas, dont le propriétaire n’aurait sans doute plus jamais besoin. Il s’était assis dessus, alors que les autres prisonniers discutaient entre eux à voix basse. Certains se lavaient près de la source d’eau, pressés de faire disparaître le sang ou de nettoyer leurs plaies. Le groupe de Karyl et celui d’Othéus, chacun près d’un feu, attendaient, toujours au grand complet.

Lyco décida de fermer les yeux ; combattre dans toute cette poussière, avec tous ces hurlements et ces acclamations, l’avait épuisé.

Il s’allongea et s’endormit presque aussitôt.



***


Il fut réveillé par une voix familière.

— Hé, petit !

C’était Othéus. Il se redressa brusquement. Que voulait ce vieillard ?

— Lacrya m’a raconté. Tu as évité le monstre deux fois, hein ?

Le garçon hocha la tête positivement, sans grande conviction. Il se sentait encore endormi et avait la bouche pâteuse.

— C’est pas donné à tout le monde, d’esquiver un rhinoféros en pleine charge.
— J’ai juste évité par chance…
— De ton point de vue, peut-être. Mais Lacrya est convaincue que c’était plus qu’un simple réflexe. Tu es peut-être un Effacé, mais que dirais-tu de rejoindre notre groupe, finalement ?

Lyco fronça les sourcils, prudent.

— Vous ne vouliez pas entendre parler de moi, y’a pas moins de trois heures.
— Je sais. Mais c’est pas souvent qu’on voit des Effacés, et ce qu’on entend sur eux donne froid dans le dos. Je me suis rendu compte que tu n’étais peut-être pas le psychopathe en puissance que tout le monde croyait. Et comme me l’a rapporté Lacrya, tu n’es pas dénué de talent pour ce qui est de la survie en Arène. T’avoir dans notre groupe augmente nos chances de survivre, à toi comme à moi.

Évidemment, si l’offre était inattendue, Lyco n’allait quand même pas cracher dessus. Il avait bien compris qu’une alliance ici était un moyen d’augmenter son espérance de vie.

— Je veux bien, alors.
— Viens près du feu. Je vais te présenter. Laisse ce matelas, on en a d’autres plus propres là-bas.



***


Le groupe d’Othéus était très hétéroclite. Il lui désigna douze personnes à la suite en lui indiquant leurs prénoms ; Lyco les oublia presque aussitôt, peu attentif à ce détail. Il s’attardait plutôt sur les visages.

Il y avait quatre femmes ; deux d’entre elles, la trentaine, semblaient bien s’entendre et plaisantaient souvent, mais étaient très affaiblies par la faim. Une autre était plus âgée, peu encline à discuter et très méfiante, avait toujours les sourcils froncés. La dernière n’était autre que Lacrya, la jeune femme de son âge. Avec la vingtaine d’années à peine qu’ils avaient tous les deux, il aurait été logique de penser qu’ils étaient les plus jeunes.

Pourtant, Lyco avait déjà remarqué depuis son arrivée que ce n’était pas le cas.

Les hommes du groupe, au nombre de huit sans compter Othéus ni Lyco, étaient très différents les uns des autres. Le plus jeune, un jeune adolescent, avait des cheveux blonds coupés courts, et une balafre zigzaguait sur la gauche de son visage tuméfié. Il esquissa un léger sourire quand Othéus le présenta, mais Lyco vit qu’il se forçait.

Il y avait un homme musclé à la barbe épaisse, un autre si maigre et pâle qu’il lui rappela les cadavres abandonnés plus tôt dans l’Arène, ou encore un, ne mesurant pas plus d’un mètre trente mais a l’air revêche et rancunier. Les autres, à l’apparence plus anodine, n’attirèrent pas particulièrement son attention.

Ils semblaient tous le toiser avec sévérité, méfiance, voire même animosité. Seul Othéus paraissait enclin à accepter le nouveau venu.

— Tiens, tu prendras ce matelas, près du mur.

Lyco hocha la tête et le remercia, savourant en même temps l’agréable chaleur dispensée par le petit feu de bois.

Le jeune homme désigna les soldats qui se trouvaient juste derrière les grilles, à leurs tables :

— Ils seraient capables de nous envoyer encore en Arène, alors que nous sommes si peu nombreux ici ?
— Oh, oui… lâcha le barbu à sa droite.

Othéus le regarda avec gravité.

— Le gouverneur Mervald trouve sans cesse de nouveaux prisonniers. Il aime voir ses ennemis jouer avec la mort. D’ici deux ou trois jours, la cellule sera de nouveau remplie, tu verras.
— Vous êtes là depuis longtemps ?
— Depuis quatre mois pour moi, répondit-il. Je suis l’un des plus anciens. Lacrya est là depuis trois mois et demi, mais c’est ce pauvre Hank qui est le plus malchanceux ; il croupit là depuis presque un an.
— Et toujours en vie, lâcha le dénommé Hank avec amusement.
— C’est un record, continua Othéus sans relever la tentative d’humour. Dis-toi que c’est un peu l’équivalant d’un centenaire qui aurait survécu à des dizaines de guerres consécutives.
— Un centenaire qui continue à faire la guerre ! renchérit une femme.

Lyco dévisagea brièvement Hank. Il s’agissait de l’homme cadavérique qu’il avait remarqué plus tôt. En effet, pour être si maigre, il devait être là depuis un bon moment.

— Ça fait longtemps que cet endroit existe ? demande-t-il curieusement à Othéus.
— Oh, non. Deux ou trois ans, pas plus.
— Parlez-moi de Mervald. Qui est-il ? Pourquoi serais-je son ennemi au point qu’il m’efface la mémoire ?

Othéus soupira.

— Tu en poses, des questions, petit… Mervald est un homme cruel, qui se délecte des combats et des effusions de sang. Il est connu pour aimer ce genre de divertissement. Il possède une grosse fortune, et il gouverne l’Arène sans état d’âme. Il sait s’entourer de personnes dangereuses, aussi.
— Dangereuses ? Comment ça ?
— Celui qui t’a effacé la mémoire par exemple. C’est un des trois Mutants qui rôdent entre ces murs. C’est un homme en apparence anodine, mais qui possède des pouvoirs de Pokémon de Type Psy, et mène des expériences étranges. Mervald aime bien ce genre de choses aussi. La plupart de ces expériences tournent souvent en boucherie scientifique, d’après les ragots…

Lacrya intervînt soudain :

— Une fois, il y aurait même eu une expérience faite sur un prisonnier d’ici. L’expérience a mal tourné. Depuis, on dit que le cobaye est toujours en vie. On le surnomme le Condamné. Il est enfermé dans la cellule la plus profonde de l’Arène. Et on raconte qu’il a des pouvoirs si puissants qu’il pourrait s’évader et tout détruire si l’un des trois Mutants de Mervald ne veillait pas sur lui.
— Le Condamné… Il a des pouvoirs aussi, alors ?

Othéus haussa les épaules :

— Les rumeurs au sein des murs de cette prison disent que oui. Mais on ignore à quoi il ressemble. Tout ce que nous savons, c’est que le Condamné est dangereux. Plus dangereux que n’importe qui d’autre…

Après cela, Lyco se tut, souhaitant digérer ses informations saugrenues.

Alors que le groupe reprenait une conversation qui tournait autour du combat contre le rhinoféros, il décida de tester le matelas, restant près d’Othéus et à proximité du feu. Il écoutait, sans pour autant se faire d’illusion ; il n’était pas vraiment intégré parmi eux. Certains l’ignoraient éperdument, d’autres lui jetaient des regards noirs.

La vie dans cette cellule allait être dure, très dure.

Mais il fallait résister, à tout prix.



***


Il apprit beaucoup de choses sur le fonctionnement de l’Arène en l’espace d’une journée passée avec Othéus.

Ainsi, le vieillard lui expliqua qu’il n’y avait qu’un combat en Arène par semaine. Celui qui les avait opposés au Rhinoféros était l’un d’eux.

Il y avait aussi, plus rarement, des « Tournois Spéciaux », selon les termes du gouverneur.

Lors de ces combats, les règles changeaient. Armes interdites, Mêlée opposant des hommes entre eux, duels à mort, invasions de pokémons de type insecte ou poison, sol gelé rendu glissant pour plus de difficulté… Tout pouvait survenir lors de ces tournois imaginés par Mervald. Tout ça dans le but de rendre les combats plus… amusants. De son point de vue.

Lyco en entendit un peu plus sur les rumeurs qui circulaient, aussi, que ces rumeurs proviennent des prisonniers ou des soldats tout proches.

Les trois Mutants possèderaient chacun des pouvoirs de pokémon liés à un seul type. Celui qui lui avait effacé la mémoire était de type psy. Celui qui veillait à la sécurité physique du gouverneur Mervald serait probablement de type combat. Et le dernier, le plus mystérieux, et celui qui était soi-disant le plus souvent devant la porte de la cellule du Condamné, serait de type électrique.

Lyco ne vit pourtant aucun des Mutants passer devant la cellule collective. Et il s’ennuyait à mourir, là-dedans.

La plupart du temps, les prisonniers dormaient. Pour récupérer, par épuisement, ou simplement parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire.

Parfois, Othéus réveillait les autres pour discuter sérieusement autour du feu. Des tensions se ressentaient parfois quand Karyl leur adressait la parole ; de ce que Lyco comprit, il lui était arrivé de provoquer des bagarres. Celles-ci s’étaient toujours terminées par l’arrivée de Galok et des soldats, sous la menace d’épées et de fusils. Ce qui l'incitait à ne jamais aller trop loin.

Galok, justement se moquait parfois d’eux depuis la porte. Il fallait croire qu’il s’ennuyait, lui aussi. Il passait son temps à cracher des surnoms insultants à chaque prisonnier. Lyco n’hérita d’aucun surnom ; le chef de la garde semblait éviter de lui adresser la parole. Mais ça n’empêchait pas le garçon de lui vouer une haine profonde ; il s’amusait régulièrement à dévorer un repas complet devant tout le monde, et son estomac en avait été jaloux plus d’une fois.

Seul Othéus parlait à Lyco, pour le moment. Autant dire qu’il fut surpris quand Hank s’adressa à lui pour la première fois.

— Lyco, c’est bien ça ?
— Oui, répondit-il alors que l’homme trop maigre et trop pâle s’asseyait près de lui.
— J’aurais jamais cru rencontrer de nouveau un Effacé. Et encore moins lui adresser la parole comme ça.
— Vous en avez déjà vu avant moi ?
— Bien sûr, ça fait un an que je croupis ici ! Et oublie ce vouvoiement. J’en n’ai pas l’air, mais j’ai moins de trente ans.

Lyco le regarda avec un peu plus d’attention, et hésita une seconde avant de répliquer.

— Hank, si je me souviens bien ?
— Oui ! sourit ce dernier. T’étonnes pas si les autres me surnomment le Survivant. C’est mon petit surnom.

Hank eut un sourire édenté, puis Lyco lui demanda :

— Vous pouvez me parler des autres Effacés que vous avez vus ?
— Depuis un an que je suis là, je n’en ai vu que deux. Le premier était un homme, pas très sympa. Même carrément menaçant. On disait que c’était un meurtrier qui avait incendié plusieurs villages avant de s’en prendre à Mervald, ce qui lui a été fatal. On a effacé ses souvenirs, et on l’a balancé dans l’Arène deux jours après son arrivée.
— Il est mort ?
— Oui. Mis en pièces sous mes yeux par un scarabrute. Mais avant de finir ainsi, il avait réussi à tuer deux tauros. À mains nues. Cet homme avait quelque chose de bizarre, pour parvenir à un tel exploit... c’était pas naturel.
— Et le deuxième Effacé ?
— Elle a tenue plus longtemps que lui. C’était une femme. Et là encore, on a entendu les soldats parler d’elle, bien avant son arrivée. Elle était spécialisée dans les assassinats. Une sorte de tueuse à gages, tu vois ? Elle a tenté d’assassiner Mervald, et le scénario s’est répété ; mais elle a tenu deux semaines avant de finir au fond de l’estomac d’un avaltout. Elle était pas abordable non plus, elle. Elle a causé trois bagarres le temps de son passage ici-bas.

Lyco écoutait d’un air assidu. Il ne se souvenait pas des Pokémon mentionnés par Hank, mais il préférait ne pas en savoir plus. Ce qu’il lui racontait était déjà assez horrible, pas la peine de demander plus de détails.

— Mais pour ce qui est de ton cas, Lyco, continua Hank, on n’a rien entendu de la part des soldats. Personne s’attendait à ce qu’un Effacé débarque hier. Mais tu n’as pas l’air d’un meurtrier, vu comme ça.

La dernière phrase, prononcée sur un ton amical, se voulait blagueuse. Lyco sourit aussi, mais il n’était pas très rassuré.



***


Deux jours passèrent, tous identiques.

Lyco s’ennuyait. La faim lui tenaillait l’estomac, tout comme ses nouveaux alliés. Le confort était minimum, l’hygiène quasi-nulle, l’ambiance morose.

Une nuit, un des prisonniers blessés n’avait cessé de les réveiller en faisant des allers-retours entre son matelas et le trou dans le sol qui servait de toilettes, derrière un muret au fond de la cellule. Il avait vomi bruyamment, plusieurs fois. Au matin, le jeune homme avait compris qu’il avait vomi du sang aux tâches qui avaient éclaboussé la zone. Une heure après la distribution des repas, l’homme avait lâché un râle guttural ; il était mort dans l’indifférence générale.

Des soldats vinrent récupérer sa dépouille deux heures après en menaçant les autres prisonniers de leurs armes. Ils le firent sortir, en parlant de le jeter dans « la fosse ». Certainement à l’extérieur.

Othéus, Hank et Lacrya parlaient peu. Quand ils ouvraient la bouche, c’était pour s’échanger des banalités, demander l’état de santé d’untel et d’untel, ou proposer une partie de son repas à l’un des membres les plus fatigués du groupe. Plus rarement, ils évoquaient leurs stratégies futures en cas de confrontation avec des pokémons puissants.

Le dos de Lyco ne lui faisait plus mal du tout ; mais certains prisonniers souffraient encore. Quelques-uns étaient dans un état assez grave. Pourtant ils ne semblaient guère inquiets. Othéus parla du Mutant aux pouvoirs psychiques, qui avait effacé la mémoire de Lyco.

— Il viendra bientôt soigner les blessés. Mervald préfère nous voir en pleine santé à notre entrée dans l’Arène. Comme ça, les combats durent plus longtemps.

Lors de ces journées ennuyeuses, passées pour la plupart du temps sur un matelas ou auprès du feu, il ne s’était rien passé d’exceptionnel. Lyco avait juste eu une étrange sensation à son dernier réveil ; il se souvînt avoir rêvé de quelque chose, peut-être lié à un évènement passé, mais un mal de crâne violent l’avait saisi dès qu’il avait tenté de s’en souvenir. Il avait préféré reléguer ce rêve au second plan.

Il ne savait pas comment ni pourquoi, mais dès qu’il essayait de se souvenir de quoi que ce soit, les migraines revenaient. Trop douloureuses pour être de simples maux de tête.

Le mutant Psy devait y être pour quelque chose.



***


— Comment va le Rôdeur ? demanda Mervald.

Galok, le chef des gardes chargé de veiller sur la cellule de l’Effacé, répondit respectueusement :

— Bien, monsieur. Il est intégré à l’un des groupes dominants.
— Hm, je vois. Il arrivera peut-être à résister plus longtemps que prévu.
— Je l’ignore, monsieur, mais… depuis que sa mémoire a été effacée, sa personnalité a beaucoup changée, si je m’en fie à ce que vous m’avez dit à son sujet. Il est moins combattif, et il n’est pas sûr de lui. Son arrogance… n’existe plus.
— Intéressant… laissa échapper le gouverneur en passant une main dans ses cheveux blonds et lustrés. Je savais bien qu’effacer la mémoire avait des conséquences, et il a l’air plutôt affecté. C’est plutôt une bonne chose…
— Vous vouliez savoir autre chose, gouverneur ?

Mervald marqua un silence pensif. Puis il acquiesça :

— Mes troupes ont capturés de nouveaux Pokémon, au nord. Je pense organiser un Tournoi Spécial dans quelques jours, ou alors la semaine prochaine. La cellule où se trouve le Rôdeur sera de nouveau remplie d’ici combien de temps ?
— Dès demain, à l’aube, monsieur.
— Parfait ! Tu peux disposer.