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Effacé de Lief97



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» Auteur : Lief97 - Voir le profil
» Créé le 13/10/2018 à 13:40
» Dernière mise à jour le 25/03/2019 à 12:35

» Mots-clés :   Action   Guerre   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Suspense

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Chapitre 4 : Rêve ou cauchemar ?
« Nous n’avons qu’une liberté : la liberté de nous battre pour conquérir la liberté… » Henry Jeanson.


***


— Lyco, qu’est-ce que tu as fait ? cria férocement une voix féminine.
— Enfoiré ! rugit un homme. Sale traître !

Des voix, des cris, des pleurs ; le bruit des flammes qui grondent. Un souffle chaud, insupportable. Des bruits de pas précipités, des ordres secs, un fouet qui claque, une détonation sourde.

Une odeur métallique, presque enivrante. Une épaisse fumée malodorante. Les lueurs rougeoyantes, qui s’élèvent haut dans le ciel, dévorant tout sur la plaine à l’agonie. Le vent, froid, glacial. Les bruits lointains et étouffés.

Un sentiment amer ; regret, ou impuissance ?

Le souvenir s’étiole, se défragmente, s’échappe et devient poussière…




***


Lyco se réveilla en sursaut.

Il avait encore rêvé !

Se frottant les paupières, il essaya de se souvenir, mais cette insupportable migraine lui vrilla les tempes avec hargne. Soupirant de dépit, il laissa le rêve disparaître, incapable de retrouver les sensations et de réécouter ces voix qu’il avait cru percevoir, venues de loin.

Il se redressa un peu avant de s’adosser au mur derrière lui, toujours assis sur son vieux matelas rapiécé. Son estomac grogna discrètement.

Cinq jours.

Ça faisait cinq jours qu’il était là. Il avait l’impression d’y vivre depuis une éternité.

La cellule était déjà remplie de nouveaux venus, depuis quelques temps. Des codétenus, en bonne santé pour la plupart, mais aussi déboussolés que le garçon à son arrivée. Certains d’entre eux s’étaient vite intégrés dans le groupe de Karyl. Les autres avaient élus domicile avec les solitaires, pour la plupart. Ils attendaient en silence.

Othéus avait recruté un homme, qui semblait vouer une haine profonde envers Mervald. Leur groupe était malgré tout en infériorité numérique par rapport à celui de Karyl, qui se vantait régulièrement de sa force, entourés de ses gorilles de gardes du corps. La tension crépitait dans l’air à chacun de ses discours dénués d’intérêt. Il avait déjà racketté trois des nouveaux pour leur prendre leur repas.

La veille, le Mutant de type psy était venu. Les autres l’appelaient Molch, mais Lyco ignorait si c’était son vrai dénominatif ou un simple surnom. En tout cas, ce terme aux consonances molles lui convenait parfaitement.

Il était entré dans la cellule escorté d’une demi-douzaine soldats. Molch était un homme d’une cinquantaine d’années, aux cheveux grisonnants et au regard sombre et dédaigneux. Pas très épais ni très grand, il n’était à première vue pas très impressionnant. Il n’avait pas ouvert la bouche ni n’avait accordé un regard à Lyco ; et il avait semblé las, manquant d’énergie et d’entrain.

Molch était resté à distance, près de l’entrée de la cellule, et avait lentement tendu ses mains sur les prisonniers blessés. Lyco avait vu, stupéfié, les entailles se refermer, le sang refluer, les blessures cicatriser. Puis le Mutant était ressorti, impassible et en silence.

Et c’était tout.

Malgré cette courte apparition, Lyco avait été parcouru de frissons. Ce Mutant, malgré les apparences, était dangereux. Il en avait eu l’intime conviction. Un peu comme si… comme s’il le connaissait déjà. Mais si c’était le cas, impossible de se souvenir de quoi que ce soit.

Le garçon s’étira nonchalamment, se demandant si aujourd’hui serait un jour aussi long et monotone que les précédents, quand…

— Hé, toi.

Il se tourna vers Lacrya, assise à deux mètres à sa droite, sur son propre matelas. Ses longs cheveux noirs étaient maladroitement noués pour ne pas la gêner. Elle lui tendait un petit sac en papier.

— Les gardes sont passés y’a cinq minutes. T’as pas entendu ?

Lyco secoua la tête négativement et accepta son sac, avant de manger le morceau de pain trop cuit et le fruit fripé que les soldats y avaient placé.
Un peu plus loin, près du feu, Othéus et Hank discutaient aux autres membres du groupe, à voix basse. Ils jetaient des regards méfiants à Karyl, endormi à l’autre bout de la cellule et entouré de ses nouveaux alliés.

— C’est quoi ton nom, déjà ? demande Lacrya sans même le regarder.
— Lyco.
— Ah ouais, c’est vrai. T’as peur ?
— Peur de quoi ? interrogea-t-il sans comprendre.
— Du prochain combat. Il aura lieu après-demain, j’te signale.
— Non, pas vraiment.

Il haussa les épaules. Il préférait ne pas y penser.

Lacrya n’ajouta rien, l’air sceptique. De toute évidence, elle ne le croyait pas et le prenait pour un peureux. Il n’essaya pas de lui prouver que non ; il avait bien compris la méfiance qu’elle avait à son égard. Essayer de la convaincre n’aurait fait qu’empirer les choses.

En fait, même si aller dans l’Arène lui donnait froid dans le dos à cause des images de mort et de sang qui lui faisaient parfois faire des cauchemars — dont il se souvenait, malheureusement —, il avait hâte d’aller à l’extérieur. Dans la cour entourée de murs.

Uniquement pour voir le ciel, le soleil, et sentir le vent sur sa peau. Même si celui-ci était sec et chargé de sable, ça lui allait.

Pour les combats, il était tout de même un peu rassuré, en y pensant. Faire partie d’un groupe l’aidait à se sentir plus fort, et en sécurité. Et il se répétait parfois que s’il y avait un moyen de quitter cet endroit, de s’évader ou de faire du tort à Mervald, c’était là-haut qu’il fallait agir. Trouver un moyen de faire bouger les choses ne se ferait pas au fond d’une cellule placée sous terre et sous la surveillance constante d’une vingtaine de soldats armés jusqu’aux dents.

Quand Lyco avait avoué son envie de s’évader à Hank la veille au soir, ce dernier avait ri aux éclats. Sans se montrer méchant ; simplement surpris.

— D’autres ont essayés avant toi, Lyco, crois-moi. Aucun d’eux n’est là pour te faire part de leur échec.
— Ils sont morts ?
— Ils ont nourris les pokémons de l’Arène. Sous le regard du public. Tous, sans la moindre exception.

Depuis, Lyco se posait sans cesse la même question.

Qu’était-il arrivé au monde pour que les hommes se comportent à ce point comme des bêtes ?

Bizarrement, aucun des prisonniers ne voulait y répondre.

Parler du monde extérieur semblait être un sujet tabou.

Depuis, il gardait ses rêves de liberté pour lui seul.



***


Le début de la semaine fut marqué par une nouvelle sortie des prisonniers à l’air libre. Cette fois-ci, Lyco en compagnie de ses alliés.

Une fois dans la cour entourée de remparts, il inspira une grande bouffée d’air ; il faisait chaud, mais ça ne le dérangeait pas. Le ciel, d’un bleu pur, ne comportait aucun nuage, n’offrant aucune barrière aux rayons de soleil impitoyables qui asséchaient la terre. Pourtant, c’était rafraichissant de quitter l’atmosphère lourde et humide de la cellule collective.

Lyco suivit son groupe vers le coin d’ombre, où ils se réfugiaient habituellement. Il profita de cette traversée de la cour pour étirer les muscles de ses jambes, tout endoloris à force de ne rien faire dans la cellule. La menace du tirage au sort pour l’Arène lui revînt en tête brutalement. Sa joie d’être au-dehors s’en retrouva légèrement refroidie.

Othéus s’était assis dans la poussière, le long d’un mur. Les autres l’imitèrent tous, ignorant les autres prisonniers aux alentours. Le vieil homme déclara avec calme :

— Bon. Comme d’habitude, essayez de prendre les meilleures armes, et restez groupés. Je ne le dis pas assez souvent, mais ça dissuade les pokémons de nous attaquer en premier.

Le regard vif du vieillard se ficha dans le mien.

— Petit, tu ne sais pas te battre. Même si Lacrya m’a dit que tu avais de bons réflexes, tu resteras en retrait si tu es choisi. Cette semaine, l’un de nous t’apprendra à te défendre pour tes prochains combats en Arène.
— Compris, répondit Lyco, un peu inquiet.

Hank observait les soldats patrouillant au sommet des murs.

— J’espère qu’ils vont pas nous refaire le coup de la semaine dernière. Un pokémon roche, c’est toujours compliqué.
— C’était un vrai massacre, commenta Lacrya, l’air morne. Ils feront pas ça deux fois d’affilée.
— Dis pas ça, tu vas nous porter la poisse ! rétorqua Hank en riant.

Lyco se retint de dire que ça risquait d’arriver encore ; vu que les Effacés étaient toujours éliminés rapidement, peut-être que le gouverneur voulait sa peau le plus vite possible ?

Mais il reste muet, n’ayant pas envie de prononcer une telle nouvelle à voix haute. Ils devaient sûrement penser la même chose, de toute manière…

Une demi-heure plus tard, des soldats ordonnèrent aux prisonniers de se mettre en ligne, et de rester silencieux. Comme la semaine précédente, un des hommes armés fit piocher aux prisonniers des plaques de bois ; sur la moitié d’entre elles était écrit « Exempté ». Lyco n’avait pas encore eu l’occasion de piocher les autres.

Il apprit très vite ce qui était écrit sur ces dernières.

« Participant ».

Il grimaça.

Comment mettre plus d’ironie dans un seul mot ?



***


Lacrya et Hank n’étaient pas là, à attendre que les portes de l’Arène s’ouvrent pour accueillir les combattants. Il y avait Othéus et six membres du groupe ; quatre hommes et deux femmes. Leur air abattu avait vite été remplacé par une mine maussade, résignée. Mais leurs poings serrés ou leur regard dur montrait leur détermination ; ils allaient tout faire pour survivre. Lyco sentait son cœur battre la chamade. Allait-il mourir aujourd’hui ? Mourir sans avoir récupéré le moindre souvenir, sans même savoir pourquoi il était envoyé là ?

Soudain, des soldats s’agitèrent. Les bruits de la foule au-dessus du groupe s’amplifièrent. Puis les portes s’ouvrirent, irradiant le large couloir d’une lumière éblouissante.

Les prisonniers entrèrent dans l’Arène sous les acclamations d’un public fiévreux.

Le groupe d’Othéus n’attendit pas ; il se rua vers les armes amassées au centre du terrain sableux. Lyco courut sur leurs talons, ne souhaitant pas être dépassé comme la dernière fois par les évènements.

Les rochers et les piliers étaient toujours disséminés un peu partout, offrant de fragiles abris.

Othéus tendit un sabre au garçon, une arme un peu lourde mais de meilleure facture que le vieux katana de la fois précédente.

— On se regroupe là-bas, près de la colonne ! ordonna-t-il avec empressement.

Les autres le suivirent, et Lyco fut étonné de voir la force qu’il dégageait malgré son âge avancé.

Mais ils n’eurent pas le temps de rejoindre leur abri que quelque chose les arrêta en pleine course ; la voix de quelqu’un s’éleva avec force dans les gradins. C’était très fort, trop pour être une voix naturelle. Un dispositif quelconque devait amplifier le son. Peut-être un pouvoir de Mutant ?

— Cher public ! Je vous annonce aujourd’hui quelque chose d’important !
— Mervald ! siffla Othéus entre ses dents. C’est mauvais signe…

Lyco chercha des yeux la source du bruit ; puis il aperçut, dans les gradins les plus haut, sous une ribambelle d’ombrelles et entourés de soldats et de serviteurs, le gouverneur Mervald. Assis confortablement dans un grand fauteuil, bien à l’ombre du soleil brûlant. La voix venait de là-haut, c’était certain.

— Le combat d’aujourd’hui sera tout ce qu’il a de plus commun, mais j’en profite pour vous annoncer que bientôt, très bientôt, un Tournoi Spécial aura lieu !

Des rugissements et des cris de joie lui répondirent. Les prisonniers habitués parurent horrifiés.

Puis, soudain, ne leur laissant pas le temps d’assimiler pleinement la mauvaise nouvelle, les portes à l’opposé de l’Arène s’ouvrirent en grinçant.

Des pokémons en jaillirent, et Lyco eut un déclic ; il se souvînt aussitôt de leur nom, dans un éclair de lucidité.

Une meute de farfurets.

Il suivit les autres dans le coin où ils souhaitaient se réfugier, la boule au ventre.



***


Les farfurets étaient partout.

Faisant preuve d’une intelligence que Lyco ne soupçonnait pas chez eux — ou en tout cas dont il ne se souvenait pas —, ils formèrent des groupes en lançant des sortes d’aboiements rauques, et réussirent rapidement à encercler des prisonniers.

Rapides, malins et coordonnés, ils avaient aussi des griffes particulièrement menaçantes aux pattes antérieures.

Ces ennemis ne seraient pas faciles à tuer, Lyco le comprit sans qu’on le lui dise.

Son groupe s’était déjà réfugié dans un coin de l’Arène. Les farfurets ne pouvaient arriver que de face ou sur les côtés : impossible pour eux d’attaquer par derrière. Ils le comprirent d’eux-mêmes, puisque Othéus et les autres restèrent un moment en position, armes en main, sans qu’aucun pokémon ne vienne les affronter.

Lyco observa les autres combattre, ou bien se faire massacrer sous ses yeux. Deux hommes arrivés récemment dans la cellule se firent lacérer le corps dans leur intégralité, et ils crièrent longtemps avant de se faire achever. Certains farfurets, affamés, en profitèrent et les corps disparurent presque entièrement à une vitesse folle, ingérés par les Pokémon avec une énergie écœurante.

Lyco détournait au maximum les yeux de ces atrocités pour se concentrer uniquement sur ceux qui les attaqueraient.

— Attention ! prévînt une femme du groupe.

Quatre farfurets s’approchaient rapidement. Othéus fit un pas en avant, arme brandie.

— Tenez-vous prêts !

L’un des farfurets semblait intéressé par le cas de Lyco, resté sur un des côtés du groupe. Les trois autres s’étaient déployés de la même façon, plus loin.

Dans un concert de cris, les quatre pokémons attaquèrent.

Lyco tendit ses muscles, levai son sabre…

Puis une sensation étrange déferla dans son corps. Une sensation familière.

C’était cette même sensation qui lui avait permis, quelques jours plus tôt, d’esquiver le coup de poing de Karyl l’espace d’une seconde. Il avait l’impression étrange qu’un flot de connaissances et de compétences physiques lui revenait soudain en mémoire, sans qu’il ne sache comment ; mais ça venait de lui, sans aucun doute.

Comme une sorte de force qui battait en lui.

Comme s’il avait toujours su manier le sabre.

Le farfuret, malin, avait entamé un mouvement pour esquiver sa lame.

Lyco modifia la trajectoire de celle-ci, plaçant tout son poids dans sa jambe gauche, puis pivotant avec une agilité inattendue. La lame trancha le farfuret en deux, proprement, et son corps retomba dans la poussière.

Un cri retentit dans son dos. Une de ses alliées était en difficulté.

Conservant toujours ce savoir inné qui pulsait dans ses veines comme une boisson énergisante, il fit demi-tour, dépassa la femme qui venait de se faire griffer sauvagement, puis tua le pokémon responsable d’un coup précis à la gorge.

Les quatre farfurets, morts, gisaient sur le sol.

Othéus et les autres du groupe fixèrent Lyco avec une pointe d’intérêt et de méfiance, et, un peu, avec crainte. Le vieil homme le regarda en souriant un peu.

— Hé bien, ça alors ! Tu sais te battre mieux que nous, petit.

L’adrénaline retomba. Lyco sentit ces étranges facultés disparaître comme un mauvais rêve. Il se rendit compte qu’il n’était même pas essoufflé.

— Je… je ne sais même pas comment j’ai fait ça… laissa-t-il échapper, la mine déconfite.
— T’en fais pas, Lyco, ajouta la femme blessée. N’y pense pas pour l’instant, c’est pas encore terminé.

Il acquiesça, et se retourna vers l’Arène, sans pouvoir s’empêcher de remarquer, dégoûté, la lame ensanglantée qu’il tenait entre les mains.

Tuer ne lui plaisait pas, loin de là

D’où pouvaient donc venir ces rumeurs qui disaient que les Effacés étaient des tueurs ?

Était-il possible que les autres Effacés, par le passé, avaient comme lui des sortes de talents en combat qui avaient fait naître ces ragots ? Ou alors était-ce une sorte de réminiscence de son propre passé ? Peut-être qu’il s’était déjà battu de nombreuses fois auparavant... mais pourquoi parvenait-il à se souvenir de la manière de se battre et pas de ses souvenirs ?

Deux farfurets se dirigèrent vers eux, et il n’eut pas le loisir d’y songer encore.



***


Lacrya s’impatientait dans la cellule collective. Elle était inquiète.

Othéus était là-haut, et elle détestait quand elle séparée de lui. Surtout quand le vieillard devait se battre alors qu’il se plaignait souvent de ses courbatures qui l’assaillaient. Il avait beau le cacher, elle savait qu’il était épuisé, et souvent à court de souffle. Pourtant, il continuait de tout donner, faisant même rougir de honte les plus jeunes comme elle.

Elle tenait beaucoup à lui ; il l’avait prise sous son aile dès son arrivée dans cette cellule, sans rien demander en échange. C’était une sorte de grand-père pour beaucoup de prisonniers du groupe. Un grand-père protecteur qui savait se battre et survivait là depuis pas mal de temps déjà. Un forcené prêt à tout pour survivre dans ce monde trop brutal.

— Hé, Hank, souffla-t-elle.

Il était étendu sur un matelas tout proche, pensif. Son visage creusé se tourna vers elle.

— Oui ?
— Tu crois que ce qu’on a entendu tout à l’heure, c’était la voix de Mervald ?
— J’en sais trop rien. On entend mal d’ici. Mais je suis sûr que c’était les haut-parleurs de l’Arène.
— C’est mauvais signe…
— Ouais… j’espère que ce sera pas un Tournoi Spécial, y’en a déjà eu un y’a trois semaines…

Lacrya soupira. Elle rapprocha ses mains du feu, tentant comme d’ordinaire de cacher ses émotions sous son masque d’indifférence, et son air assuré.
Intérieurement, elle était pétrie d’angoisse.

Huit membres du groupe sur treize étaient là-haut.

Bon, perdre Lyco ne serait pas si terrible, il venait tout juste de les rejoindre, ainsi que l’homme qui semblait haïr Mervald… mais il valait mieux qu’ils survivent quand même, ces deux-là. Autrement, Karyl et sa bande seraient bien trop nombreux et Lacrya ne voulait pas que leurs rivaux de cellule se sentent trop forts… ils étaient bien capables de les intimider ou de faire éclater une bagarre musclée.

La jeune fille entendit des bruits de pas dans le couloir. Outre les soldats attablés, d’autres arrivèrent avec la file de prisonniers ; Lacrya grimaça. Beaucoup avaient dû périr, car il n’étaient plus très nombreux. Heureusement, aucun membre du groupe d’Othéus n’était mort. Seule une des femmes semblait lacérée sur un côté du corps, et un homme tenait son bras cassé en grimaçant.

Hank et Lacrya leur laissèrent le temps de rentrer dans la cellule sous les vociférations des gardes, puis de se laisser retomber sur les matelas, épuisés.

— Alors ? C’était quoi, cette fois ? demanda la jeune fille.
— Des farfurets, répondit Othéus en s’asseyant près du feu. Trois vagues successives. On a tenu bon, mais c’était dur…
— … dur et douloureux, continua la femme blessée. Ça picote pas mal, ces griffures… mais Lyco a tout donné pour m’aider. Sans lui, qui sait si j’aurais encore mon bras droit…

Lacrya, surprise, jeta un coup d’œil au garçon qui venait de s’asseoir sur son matelas d’un air las.

— Quoi, qu’est-ce qu’il a fait ?

Othéus marqua une pause avant de répondre, sans quitter du regard le feu ravivé par ses soins.

— Il a combattu comme un beau diable. Il a l’art du combat dans le sang, ce petit. De temps en temps, on le croirait presque possédé, tellement il va vite.

Lyco, qui avait entendu, intervînt :

— Vous savez si c’est lié au fait que je suis un Effacé ?

Hank se tourna vers lui :

— Probablement, oui. Les autres Effacés que j’ai connus se battaient eux aussi très bien malgré leur mémoire supprimée. Certains pourraient penser que Mervald fait des expériences sur ces Effacés pour les rendre plus forts, mais je ne pense pas. Il n’y gagnerait rien, surtout si, comme on le dit, les Effacés sont des ennemis qui ont lui ont posés beaucoup de problèmes. Ce qui est sûr, c’est que ces Effacés ont un point commun, mais impossible de dire quoi…
— Et si ce n’était pas ça ? demanda Lyco, hésitant. Ça pourrait s’expliquer autrement ?
— De ton passé, peut-être. Tu te serais battu avant, peut-être même que tu étais un jeune mercenaire, qui sait ? Et c’est cette raison qui t’aurait potentiellement amené à t’attaquer à Mervald, puis à être conduit ici. Molch efface les souvenirs de l’esprit, pas ceux du corps. Certaines choses sont trop ancrées en nous pour être oubliées.

Lyco hocha la tête lentement, découvrant peut-être une nouvelle facette de lui-même. Lacrya l’observa un moment du coin de l’œil, prudente. Ce garçon ne méritait pas encore sa confiance. Trop de choses l’obscurcissaient avant qu’elle ne le considère réellement comme un allié. Son passé était flou, ses motivations aussi, et… elle ne le sentait pas. Peut-être qu’il cachait quelque chose.

— Au fait, lâcha Othéus en la tirant de ses pensées. Mervald a fait une annonce.
— On n’avait pas rêvé, alors… marmonna-t-elle sombrement.
— Il y aura bientôt un tournoi spécial. On ne connaît pas encore les règles, évidemment.

Les épaules de Lacrya retombèrent, abattues. Une mauvaise nouvelle, encore une !



***


— Alors, vous avez faim ? ricana Galok.

Le chef des gardes tenait à la main une appétissante cuisse de volaille qu’il agitait à travers les barreaux. Les soldats derrière lui hurlaient de rire, narguant les prisonniers amassés à proximité des feux. Le crâne luisant du gradé brillait à la lueur des feux et des torches. Lyco l’observait avec dégoût.

— Allez, venez chercher ! renchérit Galok en souriant d’un air torve.

Le jeune homme soupira intérieurement. Il avait faim, surtout après avoir combattu les farfurets. L’odeur qui provenait de la salle de garde avait de quoi lui donner envie. Mais il ne devait pas céder à la tentation d’aller saisir ce morceau de viande, sous peine de quoi Galok allait le rouer de coups ou lui agiter méchamment sous le nez. Il n’attendait que ça, ce sadique.

En général, quand il commençait à faire ça, Galok se lassait vite. Cinq minutes plus tard, il retournerait à une table en parlant haut et fort, une pinte de bière à la main. Et les prisonniers, à quelques mètres de là, continuaient à laisser la faim les tenailler et les affaiblir.

Lacrya était assise sur un matelas tout proche de celui de Lyco. Il avait surpris à plusieurs reprises son regard méfiant. Il savait qu’elle ne l’appréciait pas beaucoup, ou en tout cas qu’elle le jugeait en silence dans son dos. Il n’avait aucune idée de ce qu’elle pensait réellement de lui ; mais il avait envie de parler à quelqu’un. De sortir un peu de cette solitude paresseuse qui le prenait entre ces murs de pierre.

— À quoi ça ressemble, en-dehors de l’Arène ?

La jeune fille ne réagit pas tout de suite. Elle tourna la tête vers lui, lentement, comme pour montrer sa réticence à lui répondre, puis elle fronça les sourcils.

— Pourquoi tu demandes ça ?
— Je sais que c’est un sujet à éviter, mais je veux savoir. Tu as déjà été dehors, non ?
— Évidemment ! Si je suis là, c’est parce que j’ai essayé de défendre un gosse qui avait volé de la bouffe… des soldats l’ont mal pris et je me suis retrouvé là-dedans le lendemain…

Lyco se tut. Elle était en prison pour une raison aussi bête que ça ? Elle n’avait rien d’une criminelle, alors.

Mais elle avait beau révéler des choses sur elle, elle évitait clairement le sujet. Pourquoi ne voulaient-ils jamais parler du monde extérieur, dans cette cellule ?

La jeune fille lissa ses longs cheveux noirs d’une main. Lyco posa une autre question, la comprenant peut-être plus ouverte que d’habitude à la discussion.

— Qu’est-ce qu’il y a, dehors ?

Visiblement agacée, Lacrya soupira.

— Rien qui ne vaille la peine de sortir d’ici. Crois-moi, si t’étais dehors, tu serais moins bien nourri que dans cette prison de merde. Et tu risquerais ta vie tous les jours, contrairement à ici.

Elle se retourna abruptement, mettant ainsi fin à la conversation. Lyco ne chercha pas à l’énerver plus et observa les flammes du feu, songeur.