Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 14/02/2018 à 09:34
» Dernière mise à jour le 14/02/2018 à 09:34

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Science fiction

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 25 : Sareim, haine et amour
Kashmel



Je venais à peine de sortir en un seul morceau - enfin plus ou moins - de ma rencontre avec Scalpuraï dans la ville basse, que j’étais déjà à nouveau sur pied pour une nouvelle mission. Je souffrais, j’avais du mal à me maintenir debout, mais j’avançais quand même mécaniquement en direction de ma cible : le manoir des Irlesquo. Immotist et Furaïjin étaient en train de me prodiguer les premiers soins dans la demeure de Stuon quand Diplôtom était arrivé tout pressé de me faire son rapport sur la surveillance de Jugeros, que je lui avais demandé d’effectuer discrètement.

J’ai donc écouté attentivement ce qu’il m’avait dit, et les blessures physiques que m’avait provoquées Scalpuraï étaient alors passées au second plan, remplacées par une blessure mentale bien plus profonde. J’ai tout de suite su ce que je devais faire, et quand je me suis levé de ma couche, encore souffrant, mes blessures à peine soignées, Furaïjin n’avait pas pipé mot. Il savait ce que j’allais faire, et l’avait accepté, car mon ami de toujours était conscient que la cause passait avant toute chose. Et je devais agir ce soir, alors que tous les G-Man de la ville ou presque étaient encore en plein bal chez les Psuhyox.

Ce que m’avait révélé Diplôtom m’avait blessé ; pire, ça m’avait mis en colère. Et pour le bien de mon plan, mis en œuvre depuis plus de dix maintenant, je devais faire ce qui nécessaire, aussi pénible cela soit-il. Stuon n’en saurait rien, pas plus que Six d’ailleurs. C’était aussi et avant tout une affaire personnelle. Jugeros en savait déjà un peu trop ; hors de question qu’il en sache plus alors que tout allait bientôt se déclencher. Il était par contre hors de question que je tente d’assassiner l’Etoile Impériale. D’une, je n’étais pas sûr de le pouvoir, et deux, ça aurait forcé Daecheron à agir plus tôt que prévu en exterminant purement et simplement l’Ordre. Ça n’aurait pas été spécialement pour me déplaire, mais j’avais encore quelque chose à y faire avant.

L’Aura aux aguets, je me rendis donc au manoir Irlesquo. Vu l’heure tardive et le fait que quasiment tous les G-Man se trouvaient chez Psuhyox, je n’avais pas besoin de me cacher. Je tâchais quand même de faire attention à Jugeros, qui rôdait peut-être encore dans le quartier, à la recherche de preuves et d’indices contre Lance. Mais les Pokemon Spectre ayant une signature très spécifique dans l’Aura, il était impossible que je tombe dessus par hasard. Arrivé devant le plus grand manoir du Quartier G-Man, je m’arrêtai, l’esprit entraîné dans le passé et par une vague de nostalgie.

Bien sûr, cette demeure m’était familière, et pour cause : j’y avais vécu toute mon enfance et une bonne partie de ma jeunesse d’adulte. Malgré ma haine actuelle pour l’Ordre et surtout pour mon frère Bradavan, je gardais toutefois quelques bons souvenirs de ma vie dans ce palace. J’aimais mes parents, j’avais pas mal d’amis - dont ce petit crétin de Stuon qui me suivait alors comme mon ombre - et une fille merveilleuse avec laquelle je comptais me marier. Mais aussi agréable que fut cette vie, je me rends compte qu’elle n’avait eu aucun sens. Une vie passée en aveugle, sourd aux problèmes du monde, ignorant du véritable visage de l’Empire et de la gangrène qui pourrissait l’Ordre depuis longtemps déjà.

À contrario, ma vie de rebelle Paxen n’a pas été de tout repos, et les moments durs et dramatiques dépassaient largement les quelques moments de bonheurs que j’ai pu avoir en luttant contre l’Empire. Mais je ne regrettais rien. J’ai passé cette vie aux côtés de Furaïjin, mon camarade, mon âme sœur. Et j’ai tissé des liens profonds avec plusieurs Paxen, dont Braev Chen, le précédent leader, qui fut un très bon ami, puis plus tard sa fille Ludmila, qui a été mon élève. De purs humains, sans une goutte de sang G-Man, mais qui valaient cent fois mieux que tous ces nobles parfumés et égocentriques que je côtoyais avant.

Je m’ouvris pleinement à l’Aura pour repérer toutes les formes de vie à l’intérieur. Une dizaine d’humains dispersés un peu partout dans le domaine ; les esclaves domestiques, et une seule signature G-Man, dans l’un des étages. Comme prévu. Je pliai les genoux pour faire un bond contrôlé aidé de l’Aura, et me réceptionnai sur l’un des balcons. Je gardai les signatures des humains en vue ; si j’en croisais un seul, je devrai le faire disparaître, et je n’y tenais pas. D’une, tuer les humains n’était pas mon truc, et deux, ça ne passerait pas inaperçu, alors que je voulais agir sans faire de vague.

Avec l’Aura, je déverrouillai la porte du balcon pour entrer à l’intérieur. C’était un petit tour que m’avait appris ce roublard de Stuon, très peu connu des G-Man, et ça pouvait être sacrément utile. J’étais dans le bureau du Grand Maître. Combien de fois étais-je venu ici pour y être instruit par père à propos de tel ou tel devoir qui incombait au chef de la maison Irlesquo ? Savoir que désormais, Bradavan prenait ses aises ici, alors qu’il était responsable de la mort de son prédécesseur, me rendait malade. J’aurai pu fouiller dans ses dossiers pour y trouver quelques infos croustillantes, mais je n’en voyais guère l’intérêt. Si tout se passait bien, l’Ordre G-Man aura disparu d’ici deux mois.

J’ouvris la porte du bureau pour m’engager dans le couloir du premier étage, mais sentant quelqu’un arriver dans l’Aura, je pris très vite à droite, et rentrai dans une autre salle. La signature de l’humain dans l’Aura m’étais familière, et je souris en la sentant passer tout près. Rose. Elle avait été achetée par mon père quand j’avais dix ans. Elle en avait quinze à l’époque. Elle s’était énormément occupée de moi et de mon frère, et était devenue une amie. Qu’elle soit encore en vie et qu’elle travaille encore ici me faisait tout drôle. Mais je me retins d’aller lui parler. Elle était l’esclave de Bradavan désormais, et il n’y avait rien de plus sacré pour un esclave humain que la loyauté envers son maître.

En attendant qu’elle passe, je regardai la pièce dans laquelle j’étais, et je ricanai doucement. Je n’avais même pas remarqué que j’étais entré dans mon ancienne chambre. Elle avait toutefois beaucoup changé. C’était clairement une chambre de femme maintenant. Par tradition, cette pièce était toujours la chambre du premier né de la famille, donc j’étais probablement chez Meika Irlesquo. Je la regardai un long moment, perdu dans mes pensées et dans mes sentiments, avant de me reprendre et de sortir. Ma mission m’attendait.

Je vérifiai dans l’Aura la position de tous les serviteurs avant de décider de mon trajet pour atteindre ma cible : la chambre de la maîtresse de maison. Autrefois celle de ma mère - enfin, ma mère adoptive - Lady Stelia, et aujourd’hui celle de Sareim Irlesquo, autrefois Sareim Therno. Celle qui fut un jour ma promise, et aujourd’hui, qui est la femme de mon pire ennemi. Mais je ne lui en voulais pas pour ça. Elle n’avait pas eu le choix. Ce qui m’amenait était une toute autre affaire. J’entrai calmement. Sareim était assise sur une chaise, en train d’écrire quelque chose. À peine eussè-je refermé la porte qu’elle dit, sans se retourner :

- Tu es venu.

Ce n’était pas une question. Elle était au courant de ma visite. Peut-être m’avait-elle détecté grâce à l’Aura ou à ses pouvoirs psychiques ? Peut-être s’était-elle doutée depuis longtemps que j’étais revenu et que je viendrai à elle ce soir ? Peu importe, elle avait toujours été comme ça. Déjà jeune, j’avais l’impression qu’elle pouvait voir l’avenir ou lire dans mes pensées.

- Ça faisait longtemps, Sareim, dis-je en m’efforçant de contenir l’émotion dans ma voix.

- Oui… Vingt-sept ans. Ce fut très long. Et j’ai souffert, beaucoup souffert. Mais à chaque fois, je me suis raccroché à ton souvenir, et j’ai tenu bon.

Elle cessa d’écrire, se leva, et se retourna. Elle avait vieilli, forcément, mais je la trouvais toujours aussi belle, et ma respiration se bloqua. Quand elle me vit en revanche, elle haussa les sourcils et pouffa doucement, de ce même rire moqueur qu’elle avait tant de fois utilisé contre moi.

- Par Xanthos… Tu es devenu le parfait cliché du vieux garçon bedonnant. Qui aurait cru ça de toi, le si svelte, le si parfait Lord Kashmel, désiré par toutes les filles G-Man célibataires ? Arceus, et cette moustache horrible… Et qu’as-tu donc fait de tes cheveux ? Cette pauvre crête sur ta tête de piaf est ridicule !

- Le temps affecte tout le monde et toutes choses, mais apparemment pas ta langue de vipère, remarquai-je. Oui, je me suis laissé un peu aller en vieillissant. Mais comme je ne devais plus porter de cape et de tenue toute belle toute brillante, ça allait.

Sareim rigola, de ce son cristallin qui avait été pour moi comme la plus belle des musiques. Puis elle se retourna, regarda par la fenêtre et demanda :

- Tu es venu pour me tuer ?

- Oui.

Elle avait posé la question tout à fait naturellement, et j’avais répondu de la même façon. Sareim hocha la tête à ma réponse, comme si elle était on ne peut plus normale. Elle ne paraissait nullement effrayée, ni même résignée. Elle était sereine, et même heureuse.

- C’est ainsi, fit-elle. J’assume mes actes. Et je préfère que ce soit toi plutôt que Meika.

- Pourquoi ? Demandai-je en laissant enfin transparaître de l’émotion dans ma voix. Pourquoi m’as-tu trahi ainsi, Sareim ? Si tu as lu les rêves de ta fille, tu n’ignorais rien de ce qu'était le groupe Lance, ni d’où il venait.

- Je me fiche de Lance, Kashmel. Je me fiche de l’Ordre. Je me fiche de l’Empire. Je me fiche des Paxen. Tout ce qui m’importe, c’est le futur de mes enfants.

- Et tu crois que ce futur sera assuré dans l’Ordre actuel ? Tu crois que l’Empire sera toujours bienveillant envers les G-Man ? Il a cessé de l’être depuis la mort de Xanthos, et crois moi, ça ne va pas s’arranger. Tes enfants n’auront un futur de possible que sous mon règne. J’ai vu ce qu’il faut faire. Sacha Ketchum me l’a montré. C’est moi qui ai raison Sareim, et l’Ordre qui a tort. Et donc tous ceux qui me font obstacle ont eux aussi tort.

La G-Man de Mushana haussa les épaules.

- Contrairement à toi, je n’ai pas eu de révélation divine. J’ignore qui a raison et qui a tort, et pour tout te dire, ça m’indiffère. Mais si, malgré ce que tu projettes, l’Empire l’emporte, alors mes enfants seront condamnés.

- Je gagnerai.

- Tant mieux pour toi. Mais moi, je partirai rassurée, en sachant que j’ai pris des précautions pour que Meika et Rohban aient la vie sauve si ce n’était pas le cas.

- En devenant espionne pour Jugeros ? Fis-je méprisamment. Tu fais confiance à une Etoile Impériale ?

- Son Excellence Jugeros tient toujours ses paroles, car il les considère comme la voix de la justice. Ne pas les respecter serait pour lui se renier lui-même.

Sareim se rassit sur son siège, l’air soudain las.

- Je suis fatiguée, Kashmel. Mon esprit ne tient plus à grand-chose, à force d’avoir accumulé les rêves de Bradavan et de Meika. Je me sens mieux quand je les donne à Jugeros, mais ça ne dure jamais longtemps. Je n’ai plus beaucoup de temps. Toi non plus, si tu veux mener à bien ton plan. Jugeros est un maniaque de la justice ; il cherchera plein d’autres preuves avant de dénoncer le groupe Lance à l’Empereur, mais maintenant qu’il sait ce que je sais, ça ne lui prendra guère trop longtemps. Alors, ne perds pas plus de temps, et fais ce pourquoi tu es venu.

Elle me tourna le dos, et le silence s’installa entre nous. Je fis le tour de la chambre du regard, et vit la Lamétrice de Sareim posée sur un meuble. Son fourreau était plein de poussière, signe qu’elle n’avait pas été utilisée depuis longtemps. Je la pris, la sortit de son fourreau et m’approchai de Sareim, mais chaque pas fut pour moi un poignard enfoncé dans le cœur. Quand je fus juste derrière elle, elle me donna une lettre.

- C’est pour Meika, dit-elle. Je sais qu’elle me déteste. Quand tu lui a dis la vérité il y a dix ans, elle m’a reproché de ne pas être partie avec toi le jour où tu as quitté Axendria. Elle me prend pour une lâche, qui s’est volontairement soumise à Bradavan. Depuis elle m’est totalement fermée. Je n’espère pas qu’elle me pardonne, mais… je veux quand même lui dire ce que je ressens.

Je pris le papier en silence. Sareim s’était retournée pour me regarder droit dans les yeux.

- S’il te reste encore une once de bienveillance pour moi, alors promets-moi une chose. Que tu ne feras pas de mal à Rohban. C’est un bon garçon, qui ne ressemble en rien à son père. Promets-le moi, Kashmel…

- Je ne le puis, répondis-je. Ce ne sera pas à moi de décider de cela, mais à Meika.

- Elle déteste son frère encore plus qu’elle ne me déteste moi, soupira Sareim. Je sais qu’elle a déjà tenté au moins une fois de le tuer, de façon détournée. Comment pourrait-il en être autrement, après ce que tu lui as dit ?

- Je n’ai fait que lui dire la vérité, dis-je calmement.

- Non, tu as fais plus. Tu lui as pollué l’esprit avec ta haine, Kashmel, répliqua Sareim. C’était une fille si gentille, si bienveillante autrefois… À présent elle est froide avec tout le monde, elle déteste tout le monde…

- Ce qu’on déteste, on le détruit, pour créer des choses que l’on aime à la place.

Sareim me dévisagea avec intensité, comme si elle voulait lire en moi… ce qui était d’ailleurs peut-être le cas, connaissant ses pouvoirs.

- Tu as changé, me dit-elle finalement avec tristesse. Tu n’es plus l’homme que j’ai connu.

- Le monde m’a fait changer. Alors en contrepartie, je vais changer le monde.

Ce fut ma dernière déclaration. En fermant les yeux pour ne pas laisser échapper mes larmes, j’abatis la Lamétrice de Sareim. Un coup net et précis en plein cœur, qui la fit passer de vie à trépas en quelques secondes. Ceci fait, j’installai son corps sur le lit, croisai ses bras contre sa poitrine, et regardai son visage calme, serein, et beau. Je laissai couler mes larmes sans bruit, puis je plaçai la Lamétrice ensanglantée à ses côtés. Tout le monde pensera ainsi à un suicide, Sareim ne supportant plus sa vie alitée et sans âme. Avec un dernier adieu silencieux, je ressortis en évitant les domestiques, et une fois loin du manoir, je déchirai en plusieurs morceaux la lettre de Sareim pour Meika. J’ignorai ce qu’elle avait écris, et je ne voulais pas le savoir. Sareim appartenait au passé, tout comme ce qu’elle aurait voulu dire ou ne pas dire. Seul compterait désormais ce que moi, j’allais dire…


***


Meika



J’évoluai à travers les tables, souriant aux dames et seigneurs, sans rien laisser transparaître de ce qui venait de se passer une demi-heure plus tôt : une tentative d’assassinat sur le fils du Grand Maître, la mort de l’héritière des Psuhyox, et la grosse surprise de cette petite G-Man campagnarde qui s’était révélée d’une puissance peu commune. Mes plans avaient pris cher sur ce coup. Rohban aurait dû mourir, et nous aurions mis ce meurtre sur le dos de Lance - ce qui aurait été vrai d’ailleurs - pour provoquer un trouble sans précédent dans l’Ordre qui en aurait probablement signé la fin. Au pire, Tilveta n’aurait pas été capable de le tuer, nous aurait trahi et aurait donc été tuée à son tour.

Mais le scénario actuel, je ne l’avais pas imaginé, je devais l’avouer. Je n’avais jamais pris en compte cette G-Man d’un Pokemon Normal venue de nulle part. Grossière erreur, car elle était de toute évidence une espionne. Pour moi qui jouait chaque jour depuis des années un double jeu, c’était d’autant plus honteux que je ne l’ai pas remarqué. Mais j’ai improvisé. Tout cela avec calme et professionnalisme. Je me suis débarrassée du corps de Tilveta en toute discrétion. Et ce définitivement, grâce à mes capacités de Pokemon Roche. La pauvre Tilveta n’était plus qu’une bouillie rougeâtre qui nourrissait les fleurs de son père. Les autres de Lance n’allaient pas apprécier. Ils vont me dire que j’aurai dû exécuter cette Sixtine, au moins pour qu’elle ne révèle rien sur nous.

Mais elle n’allait pas le faire. Du moins, pas à l’Empire ou à mon père. Elle ne travaillait ni pour l’un, ni pour l’autre. Chacune d’entre nous savait maintenant le secret de l’autre, et c’est pour cela qu’on allait se taire, jusqu’à qu’on se rencontre à nouveau. Nos buts n’étaient peut-être pas si éloignés. Cette fille étrange me serait peut-être utile un jour. Je ne comprenais pas pourquoi elle avait risqué sa couverture pour sauver la vie de mon frère, mais comme je lui avais promis, je n’allais pas attenter à sa vie pour le moment. Je ne voulais pas que cette G-Man dont j’ignorai tout devienne mon ennemie. Pas maintenant alors que tout serait bientôt mis en place.

Mais décidemment, Rohban était verni. C’était un incapable et un ignorant, mais à chaque fois, il arrivait à s’en sortir, malgré toutes mes tentatives pour le tuer. Quand il avait huit ans, j’avais forcé une des esclaves du manoir de lui verser dans sa tasse de chocolat chaud un poison mortel. Manque de pot, c’était à un moment où il était malade, et avant que le poison fasse effet, il avait vomi tout son repas. Plus tard, dans le but qu’il soit considéré comme un humain-né-G-Man et exécuté comme tel, j’ai utilisé mon Aura pour bloquer ses pouvoirs, et retarder autant que possible leur apparition. Mais deux mois avant la date fatidique de ses quinze ans, ses pouvoirs s’étaient quand même manifestés. Et voilà qu’aujourd’hui, il avait été sauvé in extrémis de Tilveta par une G-Man qui n’aurait jamais dû être ici.

Tout en discutant avec les G-Man du bal, je jetais souvent des coups d’œil à Rohban. Il faisait bien sûr tout pour ne pas montrer son trouble profond, mais il n’arrivait à rien, le pauvre imbécile. Il était pâle, en sueur, balbutiait et sursautait au moindre geste. Il en fut même réduit à convaincre ses interlocuteurs qu’il était malade. Sixtine Jarminal - ou quelque soit son vrai nom - elle en revanche, elle donnait parfaitement le change, dansant avec quelques jeunes seigneurs, discutant normalement, jouant le rôle de la petite G-Man timide et ignorante, alors qu’elle venait de tuer une héritière d’une noble et ancienne famille au cours d’un duel rarement vu dans l’Ordre actuel.

C’était impressionnant. Tilveta n’était pas la première G-Man venue pourtant. Elle savait se battre, et possédait les pouvoirs d’un Pokemon connu pour sa versatilité hors du commun. Cette Sixtine avait forcément été formée par quelqu’un. Toute jeune qu’elle était, elle n’aurait pas pu posséder de telles capacités par elle seule. Une G-Man de Félinferno en plus… c’était pas courant. C’était donc elle, qui jouait au justicier mystérieux la nuit dans la ville basse depuis quelques jours ? Vu qu’il n’y a jamais eu de G-Man de Félinferno déclaré dans l’Ordre, cette Sixtine était sans nul doute une G-Man illégale. C’était surprenant qu’elle ait réussi à échapper à l’Empire pendant tout ce temps.

J’allais devoir me pencher sérieusement sur son cas, savoir qui elle servait, et si possible la recruter. Dans le pire des cas, je l’éliminerai, mais je voulais d’abord en savoir plus sur elle. Mais pour l’instant, j’avais un savon à passer à quelqu’un. Celui qui était responsable de tout ce bordel, à cause de son manque de discrétion. Lord Gilthis était, comme à son habitude, entouré de plusieurs dames à qui il contait ses voyages et ses aventures, et qui soupiraient de plaisir en l’écoutant. Gilthis se plaisait de ces situations, comme s’il aimait me rendre jalouse. J’aimais ce G-Man, oui, mais je n’étais pas aveugle de ce qu’il était : un vrai chieur, qui adorait jouer avec les gens, les monter les uns contre les autres et observer le spectacle avec un petit sourire moqueur.

C’était, à n’en point douter, uniquement pour cela qu’il avait révélé à Sixtine la tentative d’assassinat sur Rohban. Pour s’amuser. Pour voir ce qui allait se passer. Pour lui, tout n’était qu’un jeu, même quand l’avenir de Lance était l’enjeu. Mais ce qui m’intriguait, c’était que s’il avait dit ça à Sixtine, c’était qu’il savait qu’elle n’était pas ce qu’elle paraissait être. Il connaissait cette fille, et c’était pourquoi je devais lui parler. Je m’approchai donc de son groupe d’admiratrices avec un sourire d’excuse.

- Mes dames, je crains de devoir vous emprunter Lord Gilthis un moment, pour une affaire qui regarde nos deux maisons, dis-je. N’ayez crainte, je vous le rendrais très vite, et en bonne état.

Les femmes gloussèrent. Si certaines étaient peu ravies de se voir voler leur proie par une autre G-Man, ma place dans la hiérarchie de l’Ordre les poussa à acquiescer de bonne grâce. Quand toute furent assez éloignées, je toisai mon second d’un regard froid.

- On peut savoir ce que tu as fabriqué, Gilthis ?

- Ce serait bien en effet, comme ça je le saurai moi aussi, répondit-il en vidant sa coupe de champagne.

- Ne te fiche pas de moi ! Tilveta est morte. Par ta faute.

- Oui, c’est ce que j’ai cru comprendre en voyant ton frère rentrer sain et sauf, suivi de près par Sixtine. J’ai surveillé le jardin avec l’Aura… ça a bien chauffé, dis-moi. J’aurai aimé voir ça de mes propres yeux.

L’entendre dire cela d’un ton joyeux, aucunement fautif, avait le don de me mettre hors de moi, malgré mon travail pour toujours conserver un self-control à toute épreuve.

- Je ne te demanderai pas pourquoi tu as été dire mon projet à cette fille…

- Je ne lui ai pas dit, protesta Gilthis. Je lui ai juste conseillé de surveiller son ami Rohban ce soir. Je voulais voir ce qu’elle allait faire, et de quoi elle serait capable. Je ne me suis pas trompé sur elle, visiblement…

- Tu connais cette fille ?

- Non, je ne l’ai jamais vue, fit-il avec sincérité. Mais je sais qui elle est. J’ai revu sa mère en elle. La petite a bien hérité d’elle apparemment... notamment sur les dons d’assassinat.

- Assassinat ? Qu’est-ce que tu veux dire ? Qui est sa mère ?

- Une vieille amie, sourit Gilthis. Je n’en dirai pas plus, par respect pour ses secrets qui lui appartiennent. Mais si la perte de Tilveta te vaut d’avoir cette fille dans tes rangs à la place, tu y auras gagné au change, crois-moi.

- Elle m’a demandé si tu avais eu des enfants. Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce que tu serais… son père ?

Je savais que s’il me répondait « oui », j’allais très mal le prendre. Très mal au point de pourchasser la femme qui avait réussi un jour à gagner le cœur de Gilthis, alors que je n’y étais jamais arrivée. Très mal au point de peut-être tuer Sixtine moi-même, et tant pis pour Lance. Mais Gilthis me sourit mystérieusement, comme s’il savait quelque chose d’immensément drôle que j’ignorai.

- Encore une fois, ses secrets ne m’appartiennent pas, se contenta-t-il de dire. Mais si j’étais toi, je la surveillerai de très près. Elle n’est clairement pas dans le camp de ton père, mais si elle s’avisait d’être contre Lance, on y perdrait sûrement des plumes.

Il me laissa sur place sans plus d’explication, pour aller retrouver ses admiratrices. Furieuse par son manque de renseignement, je regardai de loin la jeune Sixtine qui valsait avec un autre G-Man.

Qui es-tu vraiment, Sixtine Jarminal ?