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GREAT WARS T.1 : All men dream, but not equally de Eliii



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Informations

» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 01/11/2017 à 19:26
» Dernière mise à jour le 02/11/2017 à 19:10

» Mots-clés :   Action   Alola   Guerre   Mythologie   Présence d'armes

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20- Vieux comme le monde
« Je ne sais pas avec quelles armes on se battra durant la Troisième Guerre mondiale, mais durant la Quatrième, ce sera avec des bâtons et des pierres. »
— Albert Einstein (1879 - 1955) —


* * *


A travers les trous laissés béants à cause de la chute de certaines pierres du plafond, un semblant de brise se faufile à l'intérieur des ruines, transportant avec elle les relents du désert et quelques grains de sable.

Malgré tout, l'endroit reste plutôt isolé de l'extérieur, et hormis dans l'entrée, on marche bien sur un vrai sol de pierre, solide et rugueux.

L'habitude de déambuler sur les dunes a d'ailleurs désarçonné les militaires, au début, parce que marcher sur l'un ou l'autre de ces sols ne procure par la même sensation. Maintenant ils se sentent un peu mieux, presque comme s'ils étaient de retour au vrai monde.

Sans l'être évidemment, parce que partout autour d'eux, il n'y a que le passé — tout du moins ce qu'il en reste, autrement dit pas grand chose d'autre que des sculptures en morceaux et des murs ponctués de symboles empruntés à un ancien alphabet.

Pour couronner cette atmosphère peu rassurante, des pièges vieux de plusieurs siècles attendent toujours d'être déclenchés par n'importe quel maladroit ne faisant pas attention.

C'est pour cette raison précise que la popularité du lieutenant Weigall atteint maintenant son paroxysme. Les quatre autres, et même la réservée Winnie Snow, le voient comme leur unique espoir de sortir de là vivant.

Le pire étant probablement qu'ils ont raison. Sans lui, ils auraient sûrement déjà activé une demi-douzaine de pièges.

Depuis près d'une heure qu'ils sont là, ils n'ont traversé qu'une seule pièce, la première, sans compter l'ersatz de vestibule plein de sable.

C'est qu'il faut redoubler de vigilance à chaque seconde, et que se précipiter ne ferait que mettre tout le groupe, la mission et à terme, l'armée toute entière en danger.

On ne se fait pas d'illusions, si cette créature, cet « Astral », n'est pas la clef de tout, il y a de fortes chances que le conflit ne finisse pas comme Unys le souhaiterait. Les récentes batailles ont été d'écrasantes victoires, mais n'importe quel général sait que rien n'est acquis tant que la guerre dure encore.

Et en l'occurrence, elle n'est pas vraiment partie pour s'arrêter. Dans le désert, on n'a pas eu de nouvelles de l'extérieur, mais si les choses se passaient vraiment mal, Jackson aurait donné l'ordre de revenir à l'unité, parce qu'il ne peut pas perdre deux officiers supérieurs...

Tout ce qu'il y a à faire en somme, c'est de poursuivre la mission, tant pis pour le reste, ce n'est pas de leur ressort.

Alors qu'ils passent la porte vers la deuxième salle, qui fait plus figure de grand trou dégagé à la dynamite, l'écho de leur pas résonne, comme une menace, partout alentour. C'en serait presque effrayant, parce que le son paraît venir de toutes les directions.

Comme si un ennemi invisible les encerclait, là maintenant... Prêt à leur sauter à la gorge...

Weigall, qui ouvre la marche, jette un œil dans l'immense salle, tend l'oreille, et finalement fait signe au groupe que la voie est libre. Les bottes claquent contre la pierre, et tout le monde peut maintenant admirer le spectacle.

Une pièce circulaire, très grande, dont le plafond est soutenu par de grandes et larges colonnades, sans doute autrefois blanches, et maintenant brunies par le temps et la saleté. Au centre, trône une statue figurant une silhouette assez abstraite, que le blondinet n'a aucun mal à reconnaître.

Avec ses deux cornes pointues et ses excroissances de chaque côté de la tête, il n'y a aucun doute, c'est bel et bien une effigie de la bête légendaire d'Ula-Ula.

Le colonel Snow, qui a le regard rivé dans la même direction, paraît dévisager la créature sculptée avec un mélange d'intérêt et de méfiance.

« Alors c'est à ça qu'il ressemble, Tokotoro ? »

Le jeune homme ne détourne pas les yeux de l'ouvrage ancien, comme s'il pouvait lire dans la pierre tout ce que ces yeux sans vie ont vu des années durant.

« C'est en tout cas comme ça qu'on le représente dans tous les livres d'Histoire, d'art étranger... J'imagine que la créature qu'on doit attraper est comme ça, oui.
— Maintenant je comprends mieux pourquoi on l'appelle « toro », avec ces drôles de cornes, intervient le docteur Marlowe en ricanant. Quand même, je voyais ça plus grand... »

Weigall lui coule un regard en coin, une étincelle d'amusement au fond de ses yeux verts.

« Si un bon mètre quatre-vingt dix est encore trop petit pour vous...
— Bah, les légendes m'ont habitué à mieux, savez. Des bêtes de plusieurs mètres, et tout...
— Sauf que ce pokémon-là n'est pas illustre comme Reshiram ou Zekrom, souffle Snow en détournant les yeux, comme intimidée par ce regard vide. C'est juste, euh...
— Une clef vers l'Astral, c'est tout. Mais restons sur nos gardes, c'est nettement plus puissant qu'un pokémon ordinaire. »

Le guide fait quelques pas, en veillant bien à regarder où il met les pieds, et se tourne vers les autres, comme aime le faire Macarthur avant de prononcer un petit speech devant ses troupes. A la différence près que lui, il n'aime pas tant que ça être au cœur de l'attention.

Il se racle la gorge brièvement, et esquisse un sourire.

« C'est maintenant que ça commence vraiment, alors faites très attention à tout. J'ai pas besoin de vous rappeler qu'on a dû y aller à pas de carapagos jusque là... »

De sa sacoche, il tire un petit couteau de poche à la lame rutilante, le même que possèdent la plupart des officiers et soldats unysiens. Il semble intéressé par l'éclat lumineux l'espace d'un instant, puis s'accroupit, le faisant tourner entre ses doigts.

« J'ai pas eu le temps de déchiffrer correctement le parchemin sur lequel j'ai mis la main quand je travaillais encore pour le colonel Smith, mais j'ai pu en déduire pas mal de choses. La plus importante... C'est que derrière la grande porte que vous voyez au fond de la salle, c'est la chambre de Tokotoro. »

Toutes les paires d'yeux sont dirigées vers ladite porte, dont la structure est faite en bois serti de pierres brillantes, mais probablement peu précieuses. La lumière qui entre par les trous du plafond leur donne un drôle d'éclat.

Weigall continue à jouer avec son couteau, s'amuse à en rétracter la lame et à la faire ressortir, observe son tranchant comme un gosse observerait sa première pokéball.

« Comme pour beaucoup de portes, il y a une serrure, et cette serrure nécessite une clef. Or cette clef...
— Laissez-moi deviner, on ne l'a pas, ironise Snow en haussant un sourcil. »

Un ou deux soldats déglutissent, craignant que la tension n'augmente soudainement, que le colonel perde partience... Le blond à la casquette de travers, Vicky toujours sur son perchoir, daigne regarder sa supérieure dans les yeux.

Ses lèvres sont courbées en un genre de demi-sourire condescendant, du genre qu'elle n'apprécie pas du tout, et encore moins sur le visage d'un subalterne. Peut-être qu'il prend un malin plaisir à jouer les « je sais tout ».

« On n'a pas cette clef, mais je sais comment l'avoir, et il faut m'écouter attentivement. Tout ce que le parchemin dit, c'est qu'elle est dans cette pièce... Et le seul indice qu'on a, c'est une autre lettre de l'ancien alphabet qui, au final, n'est pas si différent que ça du nôtre.
— Un nouveau genre de piège, alors ? suppose Marlowe. Jusque là, chaque lettre découverte correspondait à un type de traquenard...
— Non, cette fois-ci, je crois que ça veut dire autre chose. La forme de la serrure est assez éloquente, à mon avis. Et cette serrure, plus ou moins en forme de « X »... »

Il se lève, saisit les jumelles pendant à son cou, pour mieux détailler la serrure en question. En effet, cela ressemble à un « X », dont les extrémités font penser à des flèches. Les autres l'imitent, et bientôt tout le monde se sent plus rassuré.

Visiblement, ça avance.

Weigall se baisse à nouveau, et avec son couteau, trace le signe à l'identique sur une des pierres du sol. Puis se remet debout, et sourit.

« Tout ce qu'on doit faire, c'est... regarder autour de nous, et trouver ce « X » quelque part. »

Ce que chacun fait, intrigué. Les murs circulaires sont recouverts de dessins représentant des pokémons, des tas d'espèces différentes. Certains ont des formes un peu étonnantes, expliqués par l'évolution au fil du temps, que ce soit des créatures elles-mêmes ou des techniques artistiques.

Cette salle est en somme une gigantesque fresque, et ce symbole, une aiguille dans une botte de foin.

Preuve en est qu'il faut près d'une heure, à nouveau, à l' « expert » et à son équipe pour le trouver. Le colonel Snow, du bout des doigts, touche le dessin d'un baudrive qui paraît correspondre ; la croix jaune qui orne d'ordinaire la tête ronde de ce pokémon est représentée de l'exacte forme de cette serrure.

Weigall approche et, délicatement, palpe la surface lisse. Il tire son couteau de sa poche, et entreprend de déloger la clef enfoncée dans le mur grâce à la lame. Entreprise ardue, mais qui finit par porter ses fruits.

Le sourire aux lèvres, il fait tourner l'objet séculaire entre ses doigts maintenant couverts de poussière. Marlowe lui donne une petite tape amicale dans le dos.

« Une chance pour nous que les Alolais de maintenant soient bien moins ingénieux que leurs ancêtres, hein ? »

Ça, le blondinet n'en est pas si sûr, mais autant éviter de saper la bonne humeur.


* * *

Rabattu sur la baie vitrée presque jusqu'en bas, le large store laisse filtrer des rais de lumière entre ses interstices, de quoi éclairer faiblement la pièce. Au sol, les rayons font comme de grandes bandes lumineuses.

La surface toute propre du grand bureau, en beau bois raffiné, et ses stries blanchâtres, et son pot plein de stylos et son gros bouquin de stratégie militaire coupé d'un marque-page... Ça rajoute une touche personnelle, et bizarrement, ça lui donne un haut-le-cœur.

Lui qui n'a jamais été très expansif, qui ne ramène pas grand chose de l'extérieur dans son bureau, parce qu'au final, c'est vrai qu'il ne possède presque rien. Alors à quoi bon exposer des objets auxquels on tient quand on n'en a pas ?

Peut-être que c'est pour ça qu'il est dans cette pièce, à se dire qu'il a laissé le temps filer sans rien laisser d'autre derrière lui que... Rien, finalement, il n'a rien construit du tout et maintenant il s'en rend compte, et puis...

Et puis c'est que le temps continue à couler, et qu'on peut pas l'arrêter.

Maintenant il se demande pourquoi on l'a vraiment convoqué, parce que Jackson perdrait pas son temps à le faire venir juste pour qu'il admire son bureau. Il est en retard, il lui est arrivé quelque chose peut-être... Il est vrai qu'avec la perte de sa fille il est un peu malade...

Il ne s'assoit pas, parce que s'il le fait, il est sûr que l'autre va débarquer au même moment pour le réprimander, c'est toujours comme ça. Autant retarder son arrivée puisque l'entrevue sera déplaisante de toute façon.

Crispée, sa main gauche reste dans la poche de sa veste, là où se trouve sa pokéball un peu cabossée, comme un genre d'objet palliant le stress. Il est tellement nerveux qu'il pourrait la balancer contre le mur. Et le regretter immédiatement après.

Ou peut-être que c'est ce type imprévisible qu'il devrait balancer contre le mur.

Dit comme ça, l'idée paraît alléchante, mais... Non, non, la violence n'est la solution à rien, et après tout ils se connaissent depuis longtemps, il y a bien un moyen de le mettre dans de bonnes dispositions... Le chocolat, mais plus moyen d'en trouver maintenant, c'est trop rationné dans le coin.

Peut-être que— la porte grince, tourne sur ses gonds et révèle la grande et massive silhouette dans le bel uniforme brun, les médailles sur la poitrine, la casquette serrée dans le poing droit.

Jackson referme derrière lui, parcourt la distance entre la porte et le bureau en trois grandes enjambées, pose négligemment la casquette sur la surface propre, et se laisse tomber dans son fauteuil en un « pouf » assez disgracieux.

Puis ses yeux étrangement vitreux se posent sur son vis-à-vis, comme un prédateur prêt à déchiqueter sa proie à grand renfort de griffes et de dents aiguisées. Pensivement, il se lisse la moustache du bout des doigts.

Le « visiteur » s'assoit sans y avoir été invité, mais ne reçoit pas de réprimande.

« Capitaine Eaton... »

Il paraît comme chercher ses mots, ça s'entend, et sa voix a des accents pâteux. Il a bu, le marin en mettrait sa main à couper. Un doigt, à la rigueur.

« Vous savez pourquoi vous êtes là ? »

Le grisonnant hausse un sourcil ; la question le prend un peu au dépourvu, là. Est-ce qu'il le sait ? Il en a bien une vague idée, mais rien de plus.

« Pas pour me jeter des fleurs en tout cas, qu'il répond avec un rictus. Qu'est-ce que vous allez me dire... J'ai assez duré, c'est ça ?
— Allons, capitaine...
— Vous avez bien dû y penser, à me mettre au rebut. Ouais, pas étonnant, je commence à vieillir sérieusement.
— Écoutez, Melvin... »

L'autre s'immobilise immédiatement, et ses doigts se crispent, comme par automatisme, sur l'accoudoir de son fauteuil. Des années qu'il ne l'a pas appelé par son prénom. C'est qu'il l'entend de plus en plus rarement, avec le protocole de l'armée, et tout ça...

Bizarrement, ça ne le met pas plus en confiance, au contraire. Si Jackson veut faire valoir leur camaraderie révolue pour lui demander quelque chose... Ils ne se sont jamais réellement appréciés, de toute façon.

Ils ont servi ensemble et puis c'est tout... Même si une opération militaire commune, c'est quelque chose, parce que mine de rien la mort soude les Hommes.

Non, ils ne s'aiment pas l'un l'autre et ça ne risque pas de changer. La façon dont il a prononcé son prénom, avec cet accent froid du nord d'Unys, ça ne trompe pas. C'est un genre de moyen de le faire plier, mais le général n'y croit même pas.

Le problème c'est de savoir ce qu'on lui veut, et...

« Non, je sais pas pourquoi je suis là, général. »

Il rechigne à utiliser le prénom, parce que ça donne une dimension trop personnelle et que lui, il préfère s'en tenir au protocole... A moins que Jackson cherche ça, justement ? Lui parler de questions personnelles ?

Le cœur du marin se met à battre plus vite, comme s'il savait déjà ce qui va suivre. Il espère se tromper.

L'homme aux médailles se sert un fond de whisky, mais laisse le verre posé sur le bureau. Il le boira peut-être quand ça commencera à se gâter, c'est ce qu'il fait toujours. L'alcool facilite le courant de sa pensée, en quelque sorte.

« Croyez bien que... que ça m'amuse pas de parler de ça, et surtout maintenant qu'on est en guerre et tout...
— J'aime mieux me battre que parler à cœur ouvert, ça c'est sûr...
— L'amirale Emerson est venue me faire son rapport, hier soir, et elle m'a dit qu'elle vous suspectait d'espionnage, ou de quelque chose du genre. »

Finalement, Jackson saisit son verre et en boit une gorgée. Eaton se demande un instant comment il finira ce soir, probablement ivre mort la tête contre son bureau, un filet de bave coulant entre ses lèvres.

Il chasse l'image de son esprit dès lors que le bruit familier du verre contre le bois retentit.

« Si je vous connaissais pas si bien, vous et votre absurde fidélité à la patrie, je l'aurais bien écoutée... Mais les problèmes de la marine ce n'est pas le plus urgent, et puis... »

Une autre gorgée, il ne reste que quelques gouttes au fond du fond du verre. Le marin crispe un peu plus ses doigts autour des accoudoirs, mal à l'aise. Son cœur n'est pas près de lâcher, mais il a l'impression de ne plus tenir qu'à un fil.

Peut-être, s'il ferme ses yeux une seconde et qu'il les ouvre à nouveau, tout va tanguer autour de lui, et il se croira comme sur son Wailord et— Il se reprend vite.

« Me soupçonner d'espionnage ? Faudrait peut-être me dire où elle a trouvé cette idée... En plus de trente ans, j'ai jamais trahi le pays. »

A cet instant, les yeux du général se durcissent, et la gorge du grisonnant est de plus en plus sèche. Lui non plus ne dirait pas non à un fond de whisky.

« Jamais trahi le pays, vous dites ? »

Le verre est finalement vidé, mais Jackson le garde entre ses longs doigts, le considère avec un air mi-intrigué, mi-las.

« Je sais à quoi vous pensez, souffle l'homme de la mer, mais c'était... c'était pas de la trahison, ça, c'était... »

Pourquoi perd-il ses moyens ? Pourquoi, alors que dans les faits, il n'a rien à se reprocher ? C'est pas sa faute, si y a tous ces règlements, non, lui n'y est pour rien, il s'est juste... trompé.

L'occupant du bureau soupire, faisant remuer quelques poils de sa moustache.

« Oui, oui, vous l'avez déjà dit, vous étiez jeune, vous étiez naïf, vous aviez votre propre conception des choses, alors vous avez désobéi. Et vous pensez que ce n'est pas si grave au final... »

Les prunelles grises d'Eaton paraissent brûler d'un feu indescriptible, d'un genre de rage difficilement contenue.

« Je le répète, je n'ai pas trahi notre pays. Une erreur, c'est tout. Et puis qu'est-ce que vous me voulez vraiment, à la fin ?
— Melvin... »

C'en est trop pour les nerfs du capitaine, qui se sent prêt à craquer. Il se lève d'un bond, cogne l'un de ses genoux au bureau, tant pis de toute façon, il en a assez entendu.

Alors qu'il attrape la poignée, il entend le timbre grave de Jackson l'appeler encore une fois, pas par son prénom, mais juste son rang, comme le veut le protocole. Les doigts restent serrés, mais il n'ouvre pas la porte.

S'il croit pouvoir le retenir...

« Faites attention à votre passé, capitaine. N'importe qui d'autre pourrait s'en servir contre vous, et peut-être même l'amirale Emerson... Ce serait dommage de chuter encore plus que vous l'avez déjà fait à l'époque où... »

Il esquisse un sourire, considérant son vieux rival — c'est au fond comme ça que le général l'a toujours vu.

« A l'époque où on vous appelait encore « amiral Eaton ». Faites attention à vous. »

Interloqué, le quinquagénaire aux lèvres pincées ne peut produire qu'un hochement de tête maladroit, avant de quitter la pièce en claquant la porte.

Jackson saisit son agenda personnel, l'ouvre à la page marquée, et avec son stylo préféré, raye ce qu'il y a écrit. Peut-être qu'il s'est fourvoyé, finalement.


* * *

Le couloir est très sombre, éclairé seulement par l'arcanin de l'un des militaires ; après avoir passé la porte, le groupe a débouché dans une sorte de tunnel haut et large, dont le plafond est encore intact.

Et au bout de ce chemin... La clef qu'ils sont venus chercher. En tout cas, l'une des clefs qui les mènera à l'Astral, parce qu'il y en a quatre en tout.

Weigall marche devant, comme d'habitude, essayant de repérer les potentiels pièges, mais il n'y a rien dans ce drôle de couloir. Rien du tout, les murs sont ordinaires, le sol est ordinaire...

Peut-être que ce qu'il y avait avant est suffisant, comme protection. Ou bien peut-être que ce qui les attend au bout est encore pire.

A bien y réfléchir, comment faire pour capturer une créature légendaire ? C'est comme avec un pokémon ordinaire finalement, mais encore faut-il pouvoir l'affaiblir suffisamment. Tous autant qu'ils sont, ils devraient y parvenir, mais peut-être que la bête a plus d'un tour dans son sac.

Finalement, lorsqu'ils arrivent devant une porte, plus petite que l'autre et entrouverte — au moins, ça évitera de chercher un moyen d'entrer —, le blondinet leur intime de s'arrêter. Perchée sur son épaule, Vicky dresse les deux oreilles.

L'arcanin, lui aussi, paraît nerveux, comme s'il ressentait quelque chose provenant de l'autre côté de la porte. Le colonel Snow garde sa main sur l'une de ses pokéballs, prête à la lancer à tout moment.

« On ferait mieux d'être très prudents à partir de maintenant, chuchote le jeune homme en risquant un coup d'œil à travers l'ouverture. Vu la puissance de la bête, on peut se faire attaquer... Sortez tous vos pokémons. »

Tout le monde s'exécute, et en moins d'une minute l'espace est occupé par une bonne dizaine de créatures différentes, sans compter l'indolent Bernard que son dresseur garde sous la main ; le pauvre camérupt n'a jamais aimé se battre, mais il pourrait bien se rendre utile plus tard.

Sur l'ordre de Weigall, l'un des subalternes s'approche de la lourde porte en bois, et entreprend de la pousser, de sorte qu'elle puisse laisser passer les plus volumineux pokémons en premier. On avance en file indienne, et bientôt tout le monde se retrouve dans la pièce.

Ce n'est pas très grand, et il n'y a pratiquement aucune ornemenation, si ce n'est les fresques représentant le pokémon légendaire dans diverses situations.

Au bout, face à l'entrée, une volée de quelques marches mène à ce qui ressemble à un autel. Et sur cet autel, une forme inerte est secouée au rythme d'une respiration régulière.

« Alors c'est ça... » murmure le docteur Marlowe, laissant ses yeux rivés sur la créature endormie.

Sitôt les mots prononcés, la bête remue, et sous les regards interloqués, semble se lever. De drôles d'yeux s'ouvrent, et une bourrasque de vent les arrache presque au sol.

Le lieutenant Travis Weigall croise le regard dur comme fer de Tokotoro.