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Sans ét(h)iquette de Eliii



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Informations

» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 24/09/2017 à 12:11
» Dernière mise à jour le 24/09/2017 à 12:11

» Mots-clés :   Action   Présence d'armes   Présence de transformations ou de change   Science fiction   Suspense

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5- Au Chaglam et au Rattata
« Y a des fois, on se demande ce qu'on fout là, et on se dit que ce serait peut-être mieux de partir. C'est vrai, à quoi bon rester quelque part où on n'a pas envie d'être ? J'ai fini par comprendre que tout ce qui me rattachait à cette putain de ville, c'était l'argent. Et l'argent a ses raisons, pas vrai ? »

Willem Ryan, détective privé.


* * *


Drôle d'odeur, et aussi drôle de sensation. A mi-chemin entre le réel et l'irréel, la conscience vogue, fait ses tours et ses détours, et puis elle se perd comme dans un labyrinthe éthéré. Il fait noir, mais il y a cette petite lumière verdâtre quelque part—

Soudain les yeux s'ouvrent au monde, hagards comme si c'était la première fois, et la première chose qu'ils voient, c'est un plafond d'une couleur un peu brunâtre, quoique avec des accents de rouge. Difficile à décrire. Ce n'est pas son plafond à lui, en tout cas ; il s'en souviendrait.

Mais alors il est à qui ? Son esprit est brumeux, ses membres engourdis, et rien que de remuer la tête pour étudier ses alentours fait un mal de chien. Peu à peu les fragments viennent recomposer l'entièreté, et l'homme étendu sur le canapé situe à nouveau cet appartement chic.

Visiblement, la propriétaire des lieux n'a pas attendu d'avoir son assentiment pour ouvrir la fenêtre et ainsi laisser passer la lumière du jour. Debout dans l'embrasure d'une porte, ses cheveux roux encadrant son visage serein, elle le regarde émerger doucement, tout en buvant ; son café, vu l'odeur.

A ses pieds, le persian. La bête indolente d'hier soir a l'air beaucoup plus vive et alerte, et son pelage d'un genre de blanc crémeux brille un peu sous les rayons du soleil. Belle créature, en tout cas, c'est certain.

Sa vue rappelle d'ailleurs à Ryan que la sienne, de bestiole, n'est nulle part dans son champ de vision. Il se lève d'un bond, pas embarrassé par sa tenue puisqu'il s'est écroulé sur le canapé tout habillé, et se dirige rapidement vers la fenêtre pour s'assurer que le chenapan traîne dans les parages.

Un soupir de soulagement s'échappe d'entre ses lèvres lorsqu'il le voit à moitié pendu au balcon par la queue. Étrange passe-temps, mais depuis quelques années le privé commence à en avoir l'habitude ; c'est une question d'adaptation et puis c'est tout.

« Vous avez vu l'heure ? grommelle l'Unysien en se grattant la nuque, signe manifeste d'agacement chez lui. Il est même pas neuf—
— Je sais encore lire l'heure, monsieur Ryan, souffle Dana Bell en haussant les sourcils, sans se départir de son léger sourire néanmoins.
— Oui, oui, vous êtes une grande fille et le gosse perdu dans l'histoire, c'est plutôt moi. Comme si j'en avais besoin, hein. »

Un pli ironique tord les lèvres de la jeune femme — mais est-elle vraiment si jeune ? à vue de nez la trentaine... Bon sang, est-ce qu'elle fait exprès de lui rappeler ce maudit Ralph Clemens avec ces mimiques hautaines et agaçantes ? En songeant au satané médecin, il a presque envie de se prendre la tête entre les mains pour se laisser happer par le désespoir.

Seulement, il y a deux millions de pokédollars en jeu, et pour les gagner, mieux vaut avoir l'air sûr de soi. C'est d'un air ferme et autoritaire qu'il fourre ses mains dans ses poches et toise la jolie rouquine aux yeux émeraude.

Laquelle ne laisse entrevoir aucun signe de perturbation ; elle se contente de se poser dans l'un des fauteuils et de croiser les jambes, comme la veille. Ce qui change, c'est la luminosité ; elle a l'air un peu moins... « menaçante », en plein jour.

Non pas qu'elle ait l'air de faire planer la moindre menace, mais le détective a du mal à trouver ses mots, au réveil. Qui plus est, il n'est pas homme de lettres, lui ; alors qu'elle, vu tous les carnets entassés sur une étagère, peut-être bien qu'elle écrit à ses heures perdues.

Constatant qu'il divague, il oublie vite cette histoire de langage et se concentre sur la femme qui lui fait face, impassible. Son parfum, qui a un côté entêtant, flotte dans l'air comme un encens. Le félin entreprend de se hisser sur ses genoux doucement, prenant garde à ne pas ruiner les collants de sa dresseuse avec ses pattes.

« Laissons vos potentielles questions de côté pour l'instant, monsieur Ryan. On va plutôt s'intéresser à votre contrat, pour le moment. Il est temps que vous sachiez pourquoi vous êtes là, non ? »

L'homme hausse un sourcil, surpris. Il pensait que Clemens lui révélerait tout lui-même en temps voulu, mais visiblement les réponses sont prêtes à lui être données maintenant. Autant se concentrer là-dessus pour l'instant, et garder ses interrogations pour le beau bourgeois au sourire agaçant.

« Eh ben, je vais pas dire non. Je vous écoute. »

Son ton froid, tout juste cordial, ne paraît pas décourager la rouquine. Avec ses airs chics et distingués, elle n'a pas l'air d'être le genre de femme à frayer avec des types comme lui, mais elle s'en accommode fort bien, songe-t-il avec une once d'amusement.

Elle repousse une mèche en arrière d'un geste nonchalant, qui semble presque trop étudié pour être anodin, mais Ryan préfère ne pas y prêter attention ; les femmes peuvent avoir un charme dangereux, et celle-là sait de toute évidence en user.

« Si vous êtes là, c'est pour résoudre une affaire de disparition, et potentiellement... d'enlèvement.
— Rien que ça ! siffle l'Unysien, avant de baisser les yeux suite à cette remarque malvenue. Et, euh, qui c'est que vous cherchez ? »

Dana ne laisse pas percevoir la moindre mimique sur son visage, tout juste une crispation discrète de ses doigts dans la fourrure de son persian. Si le privé l'a remarqué, il n'en dit rien, peut-être plus par gêne que par tact.

« Ma nièce, qui vit avec moi, n'a pas reparu depuis une semaine, et je commence à croire qu'on me l'a enlevée... Elle aurait pu quitter l'appartement de son plein gré, mais... J'avoue que ce n'est pas son genre de partir sans prévenir.
— Votre nièce, hm ? répète Ryan en tirant de sa poche un petit carnet et un crayon. Son nom, son âge ? »

Les mains de la rouquine se détendent imperceptiblement lorsqu'elle constate le ton rassurant et plus aimable de l'étranger, et aussi son professionnalisme apparent ; c'est toujours une bonne chose, qu'un détective prenne des notes. Sans doute.

L'homme a l'impression qu'elle va se sentir mal, parce qu'elle ne dit rien et garde la bouche ouverte, mais elle se reprend vite et lui sert un sourire un peu peiné.

« Elle s'appelle Claire. Taylor, c'est le nom de ses parents... Elle n'a que dix-neuf ans, c'est jeune, et même si c'est considéré comme l'âge adulte... Comprenez, ça me fait peur de la savoir loin de moi.
— Hmm... »

Ryan note rapidement les informations, bien que ce soit inutile ; en dépit de ses tendances alcooliques et de son train de vie déréglé, sa mémoire est toujours aussi efficace que lorsqu'il était adolescent. Aussi a-t-il déjà retenu le nom et l'âge de ladite nièce.

Le carnet et le crayon sont relégués au second plan dans la poche du pantalon, et le brun, faute d'une meilleure distraction, commence à se balancer d'avant en arrière sur ses talons. A la réflexion, il n'a pas vraiment envie de s'asseoir.

Il y a d'ailleurs une question qui le turlupine et le pousse à rester debout, parce que ça lui permet de réfléchir plus posément, sans réelle raison. Peut-être que le sang qui bouillonne dans ses veines a besoin de circuler rapidement, et que—

Ce n'est même pas important. Il croise les bras et lève légèrement le menton, comme pour se convaincre qu'il est en position de force dans cette affaire ; illusion, mais il faut bien se donner du courage. Et se montrer prudent, surtout, avec les mots.

« Y a un truc qui tourne pas rond, j'ai l'impression. Enfin, voyez, ça me paraît un peu... Bizarre.
— Bizarre ? qu'elle répète en clignant plusieurs fois des yeux, l'air parfaitement innocente — l'air seulement.
— Ouais, enfin... Je veux dire, euh, c'est tout naturel de vouloir retrouver votre nièce, mais j'ai du mal à comprendre, d'une part, le rapport avec Clemens, et de l'autre... Pas besoin d'aller chercher un type à des kilomètres. Doit bien y avoir un privé ici aussi, non ? »

Le silence suit sa déclaration, comme de juste, pour qu'elle ait le temps de réfléchir à une réponse convenable. Seulement il se prolonge, et elle reste assise les yeux dans le vague, comme si elle constatait seulement maintenant des incohérences dans tout ce qu'elle lui a appris jusque-là.

Probablement qu'elle tente simplement de reprendre ses esprits. Après tout, elle n'est pas encore sûre que Ryan acceptera. Lui l'est, pour l'argent, mais elle n'est pas dans sa tête — et heureusement, songe-t-il.

Finalement elle lève ses prunelles vertes dans sa direction et lui adresse une sorte de sourire, à mi-chemin avec une moue résignée ; elle va devoir se lancer dans des explications, et n'a pas l'air d'y trouver beaucoup de plaisir.

Sûrement, elle a l'habitude de rester cachottière. Comme ce foutu docteur.

« Vous savez, cette ville n'est pas comme la vôtre, monsieur Ryan. Les détectives privés, ici, ce n'est qu'un fantasme, ça n'existe pas. On n'en a pas besoin, quand on a une police qui sait faire régner l'ordre et enquêter comme il faut, vous comprenez. Disons qu'il y a une section policière qui s'occupe de cas comme les vôtres », souffle-t-elle sans cacher l'ennui que ce discours lui inspire.

Intrigué, le privé hausse un sourcil. Il ne s'attendait pas à ce qu'il n'y ait vraiment aucun de ses... « confrères » dans le coin. Peut-être que les grands pontes n'aiment pas les fouille-merdes.

« Dites donc, c'est qu'elle est efficace votre police ! Les couillons qui se gavent de beignets chez moi devraient en prendre de la graine. »

La rouquine lève les yeux au ciel.

« Si vous croyez que la Milice est une simple police, je vous arrête tout de suite. Ces gens-là ne rigolent pas, et leur patron encore moins.
— La Milice, hein ? soupire l'Unysien. Ça sonne plus comme une organisation pseudo-militaire ou un truc comme ça...
— Ma foi, c'en est pas si loin. Leur uniforme est tout blanc, mais on peut pas en dire autant de leurs mains. D'autant plus que leur chef a, ou avait, j'en sais rien, des liens avec la pègre. On n'est pas à l'abri de criminels, malheureusement. »

De plus en plus embrouillé par toute cette histoire qui ne semble pas avoir ni queue ni tête, Ryan se décide enfin à s'asseoir sur le fauteuil inoccupé, ses longues jambes étendues devant lui, un peu engourdies par une nuit sur un canapé.

Il passe une main sur son visage, et puis étudie la physionomie de la femme, qui s'efforce de ne pas laisser paraître grand chose. A dire vrai, il se sent totalement perdu, ici, et c'est pas faute d'avoir passé des heures à réfléchir avant de finalement s'endormir.

Peut-être qu'au final, il regrette ce bel infirme, parce qu'avec lui il n'a pas besoin de faire preuve de la retenue exigée envers les femmes. Non pas que celle-là soit du genre à s'offusquer d'un manque de politesse, mais...

« De toute façon, lâche-t-elle de but en blanc, il va falloir retourner voir Ralph, il veut vous voir au plus vite pour vous donner des informations, et tout ce qui pourra se révéler utile pour vous aider à retrouver Claire. Allons, ne perdons pas de temps. »

Sans lui laisser le temps de répondre ou de protester, elle se lève et rappelle son persian dans sa pokéball, qu'elle fourre dans un petit sac à main, et se dirige d'un pas sûr devant la porte.

L'Unysien saisit son manteau, et l'enfile par dessus son veston avant de rappeler sa propre créature. Il ferme la fenêtre et suit Dana sur le palier.

La clef tourne dans la serrure dans un cliquetis métallique, et se retrouve reléguée au fond du sac avec le félin.

« Dites, on va où, là ? Je veux bien vous suivre, mais sans savoir quoi que ce soit... »

Elle repousse une mèche rebelle derrière son oreille, et lui laisse voir le sourire le plus aimable dont elle est capable, rehaussant même ses yeux d'une étincelle vivante ; malgré la disparition de sa nièce, elle donne le change avec un tel aplomb...

Ça lui ferait presque peur, à ce type bourru qui en a pourtant vu, des choses bizarres.

« Vous posez trop de questions, on vous l'a déjà dit ? On va au siège de l'entreprise où travaille Ralph, c'est tout. Vous n'êtes pas trop en position de contester, on se perd vite quand on ne connaît pas une grande ville. »

Ryan fait la moue et hoche la tête ; un point pour elle.