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Errare humanum est, Tome 1 : L'ire du Vasilias. de Clafoutis



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Informations

» Auteur : Clafoutis - Voir le profil
» Créé le 21/06/2017 à 08:32
» Dernière mise à jour le 26/06/2017 à 10:24

» Mots-clés :   Action   Drame   Humour   Médiéval   Slice of life

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Ch. 6 : Expier son ignorance.
 Subitement, Ifios se réveilla. Il resta immobile sous sa couche posée à même le sol. Doucement, il saisit le cimeterre caché sous sa couverture. L’impénétrable voile obscur recouvrait encore le ciel ; tout le monde devait dormir à cette heure. Pourtant, Ifios sentait une présence. Une présence qui se rapprochait de plus en plus, pas à pas.

D’un coup, l’avertissement de son père résonna dans son crâne : « N’oublie pas, Ifios. Tu es mon fils. Tu as le prestige. Mais tu es également une cible. Beaucoup veulent ma place. »

Un perfide bandit avait-il décidé de tenter sa chance ? Ifios trouvait cependant cela étrange. Il n’avait jamais eu de problème auparavant, alors pourquoi maintenant ? Si quelqu’un voulait sa mort, ne serait-ce pas mieux de passer à l’acte lorsqu’il était encore jeune plutôt que dorénavant où il maîtrisait l’art du cimeterre ?

Ifios décida de laisser ces interrogations pour plus tard. Qu’importent les raisons, quelqu’un s’était introduit chez-lui en pleine nuit. Le danger était réel. Le jeune bandit pouvait ressentir une froide et cruelle motivation émanant de cet inconnu. Ifios ne pouvait pas le voir, mais il savait que cet intrus n’était pas là pour boire du thé.

Ifios ferma les yeux, aiguisant sa perception. La présence se situait à droite. Elle était anormalement imposante. Ifios se concentra pour ne pas sombrer dans la panique. L’aura de ce type dégageait une pression terrible, meurtrière. Malgré ses années d’entraînement, Ifios se mit à douter de ses capacités. Pouvait-il réellement lutter contre ce monstre qui l’effrayait tant alors qu’il ne l’avait pas encore aperçu ?

Ifios fit le vide dans son esprit. Il ne devait pas se permettre de faiblir aussi tôt ! Raffermissant sa poigne sur la garde de son cimeterre, l’adolescent bondit vivement en direction de la présence.

— … !

Ifios entendit une brusque respiration sourde. Il ne s’était pas trompé, quelqu’un était bien là ! Toujours aveuglé par l’espiègle nuit, l’adolescent flancha légèrement les genoux, se mettant en position de combat. Son exécrable impression de n’être qu’une proie aux yeux d’un tout puissant prédateur invisible renforçait ses tremblements parasites.

Mais, à sa grande surprise, la présence s’évapora peu à peu, avant de totalement disparaître. Ifios resta immobile un long moment, ne comprenant ce qui venait de se passer. Peut-être que l’intrus avait lui aussi pris peur en constatant que sa proie était réveillée ? C’était la seule explication possible, bien qu’improbable. Ifios l’avait senti, celui qui était venu n’était pas un débutant. Pourquoi fuir contre un jeunot tremblotant ? Cela n’avait aucun sens.

Encore sous le choc, Ifios alluma une lanterne. Le retour de la douce lumière l’apaisa tant qu’il se laissa tomber au sol. Il expira de longs soupirs soulagés. Mais dans son état, il n’était plus question de dormir. La crainte que l’intrus ne revienne était bien trop forte ; Ifios se posa dos contre le mur rocheux, son fidèle cimeterre en main. Cette nuit noire s’annonçait blanche.


 ***

 Ce fut de ses yeux cernés qu’Ifios constata le lever du jour. Il bailla fortement. Il pouvait facilement placer cette nuit comme l’une des pires qu’il n’avait jamais vécues. Mais Ifios voyait le bon côté des choses : l’intrus n’était pas revenu. L’adolescent pouvait cependant également placer sa sérénité sur la liste des portés disparus. Il ne pourrait plus jamais dormir tranquille dans ces conditions, il allait falloir qu’il sécurise sa grotte d’urgence.

Ifios secoua vigoureusement sa tête. Il ne devait pas laisser sa peur le parasiter, il avait déjà ses propres projets. L’adolescent avait réfléchi à la proposition de son père : rester et devenir un Agrios, ou partir des montagnes et vivre une vie normale. Il avait fait son choix. Il ne pouvait pas rester. Cela lui avait pris du temps, mais Ifios avait finalement réalisé qu’il ne se retrouvait pas dans les pratiques des Agrios.

Cependant, Ifios ne voulait pas s’enfuir sans rien avoir accompli. Pas en sachant des dizaines d’âmes souffrantes chaque jour dans une mine. Surtout que parmi ses âmes se trouvait l’innocente Eily. Ifios n’avait jamais vu une fille aussi adorable qu’elle. Enfin, en vérité, Ifios n’avait jamais vu de fille de son âge ; les Agrios étaient un groupe masculin. D’ailleurs, Ifios se demandait souvent où est-ce que son père avait rencontré sa mère. Danqa n’était pas très loquace sur le sujet et même les bandits les plus anciens ne savaient le fin mot de l’histoire. Et puisque sa mère était morte en accouchant…

Ifios chassa la tristesse qui commençait à l’envahir pour se concentrer sur ce qui l’illuminait, c’est-à-dire, Eily. Depuis qu’il l’avait rencontrée, elle ne cessait de hanter ses pensées. Avoir pu longuement discuter avec elle la veille l’avait comblé comme jamais. Elle était douce, gentille, compréhensive, sincère et honnête, alors qu’elle vivait l’enfer. C’était une orpheline qui avait vu son orphelinat brûler avant d’être capturés par les Agrios. Comment pouvait-elle encore sourire dans ces conditions ? Ifios ne pouvait que louer la force psychologique de sa nouvelle amie.

« Je comprends de moins en moins la peur viscérale que les autres lui vouent », soupira-t-il mentalement.

Du côté des autres bandits justement, le rapprochement entre Ifios et la Morte faisait jaser. Le fils de Danqa était la cible de mille regards forts en sens.

« J’ai l’impression qu’ils ont également peur de moi », réfléchit Ifios.

Comme pour réponse à ses doutes, un bandit balafré s’avança vers lui, la tête haute. L’adolescent frissonna d’instinct, reconnaissant Sidon.

— Ifios, commença ce dernier, mes hommes et moi-même t’avions vu, hier. Tu as ignoré mes recommandations et tu as sympathisé avec cette fille.
— En quoi est-ce mal ? commença à s’énerver Ifios.
— Je te l’ai déjà dit, cette fille est un mystère et les mystères effraient. On ne sait rien d’elle, elle n’est peut-être pas humaine.
— Vous vous entendez parler ? tiqua Ifios. Elle n’est pas humaine ? Oui, je lui ai longuement parlé, hier, et je peux vous dire une chose : Eily est certainement bien plus humaine que vous qui réduisaient des gens en esclavage !

Furieux, Ifios s’empressa de s’éloigner. C’était la première fois qu’il défiait ainsi l’autorité, surtout celle d’un bandit aussi important que Sidon. Mais actuellement, il s’en fichait éperdument, Sidon n’avait qu’à pas insulter Eily.

« J’ai envie de la voir… »

Une furieuse envie, dont la seule mention enflammait son corps. Mais plus que de simplement la voir, Ifios voulait la voir libre. Il devait la sauver, elle et tous les autres esclaves. C’était quelque chose qu’il devait réaliser seul ; une expiation pour toutes ses années à vivre dans l’ignorance.

Cependant, pour mettre à bien un tel projet, il lui fallait un plan, dans tous les sens du terme. Le camp des Agrios était un véritable gruyère tant il fourmillait de passages secrets. Le seul problème, c’était que ces passages étaient justement secrets. Ifios en avait connaissance de quelques-uns, mais aucun de ceux-là ne l’intéressait. Dans l’idéal, l’adolescent voulait trouver un passage discret menant directement aux cellules des esclaves, et un autre relativement proche de ce dernier pour quitter les montagnes.

« Il n’y a qu’un seul endroit où je peux trouver de telles informations. »

Le regard d’Ifios se focalisa sur sa cible : la tanière de son père, Danqa aux Griffes. Seul le Boss des Agrios possédait le plan complet du camp, celui qui dévoilait tous ses secrets. Ifios savait à peu près où son père cachait ses trésors, toutefois, y pénétrer serait aller à un point de non-retour. Si jamais il était pris sur le fait à fouiller l’antre de Danqa…

« … je préfère ne même pas y penser… »

Il était vrai que son père lui avait donné ‘‘carte blanche’’ pour aller où il voulait, mais Ifios doutait réellement que cette ‘‘carte blanche’’ l’autorisait également à fouiller la grotte du Boss.

« Mais alors ? Dois-je tourner les talons, écouter ma lâcheté et faire la sourde oreille devant la douleur d’autrui ?! »

Ifios ferma les yeux et visualisa les grands yeux innocents d’Eily. Sa motivation grimpa en flèche. Ce n’était pas que lui qui était en jeu, mais des dizaines d’autres individus. Il ne pouvait déjà plus renoncer.

Heureusement pour Ifios, Danqa n’était que très rarement dans sa grotte, il ne l’utilisait que pour intensifier son prestige lorsqu’il convoquait quelqu’un. Le reste du temps, personne ne savait ce qu’il faisait exactement. Il allait et venait selon des horaires aléatoires ; pour obtenir une audience avec lui, il fallait s’y prendre au moins un jour à l’avance.

Ifios ne fut donc pas surpris lorsque l’on lui annonça l’absence de son père. Il n’avait plus qu’à baratiner les deux gardes postés devant l’antre pour pouvoir fouiller de tout son saoul. L’adolescent s’avança vers eux, feignant une confiance. Il répéta le texte qu’il avait prévu dans sa tête une centaine de fois. Les deux bandits le regardèrent d’un œil circonspect.

— Père m’a chargé de récupérer une relique familiale, pour fêter mon intégration au clan des fiers bandits Agrios.

Les deux bandits se regardèrent, perdus, avant de se redresser face à Ifios.

— Le Boss ne nous a rien dit à ce sujet, affirma l’un d’entre eux.
— C’est une affaire de famille, vous n’aviez pas à être au courant. Laissez-moi passer.
— … c’est…
— Vous me refusez l’entrée ? Très bien, attendons donc le retour de mon père. Peut-être que son courroux vous fera changer d’avis.
— … !

Le teint des deux gardes devint livide. S’il y avait bien une chose qu’ils craignaient par-dessus tout, c’était la colère de Danqa aux Griffes. Il serait malvenu de perdre l’usage d’un ou deux bras simplement pour avoir refusé l’entrée à un gamin. D’un commun accord, les deux bandits s’écartèrent.

— Oh, rajouta Ifios, si j’étais vous je ne parlerais pas de cela à mon père. Vous ne voudrez pas qu’il ait connaissance de votre grossier comportement à mon égard, n’est-ce pas ?
— O-Oui ! bafouillèrent les deux gardes.
— Très bien.

« En espérant que cela suffise, soupira Ifios. Si père apprend ma venue, c’est moi qui subirais son courroux… »

Une fois dans les profondeurs de l’antre de Danqa, Ifios se laissa tomber contre un mur. Il était si soulagé d’avoir pu rentrer ! L’adolescent détestait mentir, et avait dû mal à contenir ses émotions sur son visage. Il avait pu dissimuler son mal-être aux gardes, mais une seconde de plus, et il aurait implosé émotionnellement.

« Maintenant, faut que je me dépêche. Père peut revenir à n’importe quel moment ! »

Ifios se força à reprendre ses esprits. Il avait passé une étape, certes, mais le plus gros restait à faire. Décidé, il s’engouffra dans un large passage rocheux, menant à la chambre de Danqa. Il déglutit. Malgré l’absence de son occupant, la présence meurtrière du Boss des Agrios se ressentait pleinement ; Ifios avait l’impression d’être férocement épié à travers les murs.

Prudemment, il s’avança vers sa cible. Un large rocher poli taillé en forme rectangulaire, servant de bureau de fortune. Pour beaucoup, ce n’était qu’un gros caillou, mais Ifios savait qu’il était plus que cela ; il avait vu son père faire il y a quelques années.

Ifios effleura la surface polie du rocher, et lorsqu’il sentit une petite fente, il appuya dessus. Un déclic importuna le silence de la salle. Puis, un grincement ; sur le côté du bureau, une sorte de tiroir s’extirpa de la surface rocheuse. Ifios réitéra l’opération, jusqu’à ouvrir un total de six tiroirs. C’était là que Danqa cachait ses affaires importantes, s’il y avait un endroit où le plan du camp devait être, c’était bien là.

« Du moins, j’espère qu’il est là, parce que sinon… »

Ifios commença à fouiller les tiroirs. Contrairement à ce que l’on pouvait s’y attendre, il n’y avait que très peu de trésors de valeurs, une ou deux pierres précieuses, tout ou plus. La majorité du contenu était composée de divers documents : des espèces de contrats signés ou même des fragments de bulletins d’informations Impériaux.

« Je ne pensais pas que père était si tourné vers la bureaucratie… »

Pressé, Ifios ne s’attarda pas sur ces détails et laissa ses papiers de côtés. Toutefois, il ne put s’empêcher de remarquer que les bulletins d’informations concernaient uniquement les Foréa.

« … oh. »

Soudain, entre les diverses paperasses, Ifios tomba sur un épais anneau doré, finement taillé, arborant des feintes incrustées de saphir et de rubis. C’était indubitablement un artefact de très grande valeur marchande, mais pas seulement.

« … l’alliance de père… »

L’ultime preuve de la relation de Danqa et sa femme. Bien que techniquement c’était bien plus une bague de fiançailles qu’autre chose, car les parents d’Ifios n’étaient pas mariés.

« … je ne pensais pas qu’il l’avait gardée… »

Auparavant Danqa la portait toujours, mais il y a deux ans, lorsqu’il a remplacé le défunt Boss des Agrios, il l’avait enlevée. Il avait proclamé qu’en tant que nouveau Boss, il ne se vouait désormais qu’aux Agrios et qu’il placerait le clan toujours au-dessus de sa famille. Pour prouver ses dires, Danqa avait violemment jeté son alliance au-delà de l’horizon. À cette époque, Ifios en avait fortement voulu à son père.

« Père, vous me surprendrez toujours. Vous êtes parti la récupérer après… »

Un léger sourire décora les lèvres d’Ifios ; une sensation chaleureuse fit naître une larme au coin de son œil. Ifios s’efforça à abandonner sa trouvaille toutefois. Il n’était pas là pour ça. Le plan des passages secrets, il devait les trouver rapidement.

À force de fouiller, Ifios finit par dénicher ce qu’il cherchait si ardemment. Une grande carte de la chaîne de volcan, où tous les tunnels secrets étaient très soigneusement décrits. Ifios resta estomaqué par le nombre effarant de passages dérobés ainsi que leurs complexités. Au départ, il comptait mémoriser la carte et repartir comme si de rien n’était, mais c’était humainement impossible.

« Je vais devoir embarquer la carte, grimaça mentalement Ifios. J’espère que père ne va rien remarquer… »

L’adolescent fit de son mieux pour remettre les tiroirs dans le même état qu’ils étaient avant. Une fois satisfait de son camouflage, Ifios rangea la carte dans sa tunique et s’apprêta à faire demi-tour. Mais alors qu’il s’approchait de la sortie, Ifios entendit les gardes à l’extérieur s’exclamer :

— Bon retour Boss !

Ifios se pétrifia sur place.

« Père est déjà de retour ?! Mince ! Ne pouvait-il pas attendre encore minutes ?! »

L’adolescent avait beau se plaindre, cela ne changeait pas le fait qu’il devait se cacher, et vite. Il ne fallait pas que son père doute une seule seconde de sa présence ici. Paniqué, Ifios fureta vigoureusement à droite et à gauche, à la recherche de la cache parfaite. Il comprit à ses dépens que chercher ne menait pas forcément à trouver. Faute de mieux – et la présence prédatrice de son père s’avançant –, Ifios courut se plaquer à l’intérieur d’un petit renfoncement du mur.

C’était risqué, mais c’était ce qu’il avait de mieux. Le jeu des lumières étaient avec lui. L’alcôve où il était niché était entièrement masqué par l’ombre, à moins de s’y attarder particulièrement, il était impossible de percevoir ce qui pouvait s’y trouver. Mais ce n’était pas ce qui inquiétait le plus Ifios.

Il avait peur, son cœur battait à tout rompre, il suait à grosses gouttes. Un insecte dans la toile d’une gargantuesque araignée. Il puait la proie à plein nez, même sans le voir, Danqa n’aurait aucun mal à le sentir.
Petit à petit, de larges et périodiques bruits de pas raisonnèrent, secouant presque la grotte à chaque fois. Jamais Danqa n’avait semblé aussi similaire à une bête sauvage hantant son antre.

« Calme, toi, Ifios. Sois serein. Ne respire pas. Reste silencieux. Pense à autre chose. Sois fort. »

Durant toutes ses années d’entraînement, Ifios avait mis un point d’orgue sur la maîtrise de son propre corps. Mais justement, ce n’était que pendant les entraînements. Il n’avait jamais été confronté à une situation réelle, et cela n’avait rien avoir. Là où il avait l’habitude de pouvoir contrôler son flux respiratoire, il en était maintenant incapable. Son stress ne voulait pas disparaître, quoiqu’il en dise.

« … tu dois le faire, grinça-t-il. Tu n’es pas le seul dans cette affaire ! Il faut sauver les esclaves et… Eily… »

La demoiselle cyan se matérialisa dans son esprit, lui souriant doucement. Ifios détendit ses poings. Il se laissa envahir par cette charmante image. Comme par magie, un calme étonnant désamorça toute tension dans son corps.

La masse de Danqa fut enfin visible. Il marchait en ligne droite du pas décidé qui le caractérisait. Ifios l’observait de loin, muni de son tout nouveau état confiant. Il ne peut cependant s’empêcher de tressaillir légèrement lorsque Danqa s’arrêta brusquement et tourna la tête à droite et à gauche. Ifios renforça son image mentale d’Eily.

« Tout va bien se passer. Il va continuer sa route. Il ne va pas me remarquer. »

Et comme si une bonne fée venait d’exaucer son souhait, Danqa reprit sa route et s’enfonça dans son antre. Ifios se retint de soupirer lourdement ; ce serait idiot de se faire prendre maintenant. Surtout que rien n’était fini. Ifios n’était pas encore sorti d’affaire.

L’adolescent reprit sa contenance et, après avoir vérifié une dernière fois que Danqa était loin et qu’il ne faisait pas demi-tour, il sortit de sa cachette. Il se dirigea calmement vers la sortie, où il salua les deux gardes. Il traversa le camp dans la même sérénité, et ce ne fut que lorsqu’il se retrouva dans sa propre grotte qu’il s’autorisa à craquer.

Il se laissa brusquement tomber sur sa couche et se roula furieusement, étouffant ses cris nerveux en bourrant sa bouche d’épais tissus. Il ne retrouva son calme que lorsqu’il cogna dix fois de suite sa tête contre le mur.

— … assez de faire l’idiot, geignit Ifios en se massant le crâne, voyons cette carte.

L’adolescent plongea dans l’étude du papier. Encore une fois, le nombre de passages secrets lui donnait le vertige. Et bien sûr, lesdits passages ne pouvaient pas être rectilignes, ils se contorsionnaient tous dans divers embranchement aussi complexes qu’abondants.
Ifios plissa les yeux au maximum, tentant de dénicher les tunnels qui l’intéressaient. Il se mordit les lèvres.

— Je ne suis pas sorti de l’auberge…


 ***

 Après trois heures non-stop de travail, Ifios parvient enfin à isoler deux passages secrets. Le premier débutait au camp principal et qui débouchait au camp des esclaves, et le second permettait de s’enfuir des cellules pour aller jusqu’à l’extérieur des montagnes Agrios.
Tout n’était évidemment pas si parfait, les tunnels en question semblaient particulièrement longs et étroits ; déplacer rapidement et discrètement la totalité des esclaves à travers ces passages allait se révéler très ardu.

— Mais c’est la seule option que nous avons, soupira Ifios.

Cependant, le garçon savait qu’il ne pourrait rien accomplir seul. Il lui fallait un complice du côté des esclaves, une personne pouvant les préparer à s’enfuir lorsqu’il mettra son plan à exécution. Un complice qui serait très certainement une complice.


  ***

 Ifios fonça immédiatement au camp des esclaves ; observer ses derniers travailler dans des conditions aussi désastreuses était une torture. Il attendit tout de même péniblement leur pause, et lorsqu’il aperçut Eily, il se rua presque vers elle. Cette dernière sembla surprise de voir l’adolescent dans cet état, mais il le gratifia tout de même d’un gentil sourire.

— Ifios, le salua-t-elle de sa douce voix. J’avais hâte de te voir…

« … ! E-Elle avait hâte ?… d-de me voir ? Moi ? », fulmina mentalement le pauvre adolescent.

Tout d’un coup, l’esprit d’Ifios devint aussi blanc que son teint. Il avait l’impression qu’Eily venait de lui assener un coup mortel en plein cœur. La demoiselle cyan resta silencieuse, se contentant de pencher mignonnement la tête sur le côté et fixant timidement Ifios de ses grands yeux azurs.

« … elle est si… charmante… et euh… un instant, je ne devais pas lui dire quelque chose, moi ? »

Ifios dut faire un véritable effort de mémoire pour se souvenir de son plan d’évasion, quand bien même il avait planché là-dessus toute la matinée.

— Eily, se raffermit-il. J’ai besoin de te parler.
— … nyah ?

Après avoir vérifié que personne ne pouvait les entendre, Ifios lui raconta tout. Son plan, le carte, les passages secrets. Globalement, l’adolescent avait prévu de s’infiltrer la nuit dans un tunnel menant directement aux cellules des esclaves. Ensuite, une fois après avoir libéré tout le monde, le gros groupe plus profondément, où ils emprunteront une autre entrée dérobée qui leur permettra de définitivement quitter le territoire Agrios. Évidemment, ils croiseront fatalement des gardes, alors il faudra faire vite et se défendre. Le fils de Danqa assura tout de même qu’il maniait suffisamment le cimeterre pour dégager le chemin.

Eily se montra très intéressée ; cela n’étonnait guère Ifios. N’était-ce pas normal pour une esclave de vouloir fuir ses bourreaux et retrouver sa liberté ?

— Je pense agir pendant demain soir. Cette nuit, j’irais faire quelques repérages dans les passages pour ne pas avoir de mauvaises surprises.

Eily acquiesça.

— Je suis très heureuse que tu sois de notre côté, Ifios.
— C-C’est naturel, je ne peux pas rester insensible à vos souffrances !
— Tu es vraiment très gentil.

Ifios rougit devant tant de compliments. Il baissa la tête pour cacher son embarras. Décidément, cette fille le mettait dans tous ses états.

— … dis, Ifios.

L’interpellé se redressa brusquement, surpris par le ton cristallin de la demoiselle. Eily avait naturellement une voix douce, mais le ton qu’elle venait d’utiliser était dix fois plus adorable que la normale. Le cœur d’Ifios faillit fondre sous le choc.

— … je… je suis désolée de te demander ça mais…

Eily fixa longuement Ifios directement dans ses prunelles rubis, avant de détourner les yeux.

— … non, oublie, je… c’est trop dangereux…

L’adolescent bondit de plus belle. Il pouvait voir les yeux de la demoiselle luire tristement.

— N-Ne t’inquiètes pas pour moi, déclara Ifios. Si tu as quelque chose à me dire, tu peux le faire. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour t’aider !
— … vraiment ?
— Vraiment !

« Elle est si timide et fragile, rougit Ifios. Un coup de vent suffirait pour qu’elle s’envole… Mais je suis là pour elle à présent ! »

Un léger moment de flottement s’installa, avant qu’Eily ne reprenne enfin la parole.

— … mon manteau…
— Ton manteau ?
— Les bandits me l’ont pris, termina Eily. C’est un épais manteau grenadine à manches longues, il est très reconnaissable. C’est le seul souvenir de mes parents que je possède, il est très important pour moi… je ne peux pas partir d’ici sans lui, tu comprends…

Instinctivement, Ifios caressa la perle saphir ornant sa tunique. C’était un souvenir de sa mère décédée. Bien évidemment qu’il pouvait comprendre Eily. Lui aussi serait prêt à défier la lune pour récupérer sa perle si un brigand s’amusait à le lui voler.

— Tu veux que je récupère ton manteau, c’est cela ?
— … tu… tu es sûr ?
— Certain. Tu peux me faire confiance, Eily. J’ai accès à tout le camp, ce sera une partie de plaisir.

« En réalité, je doute que cela soit aussi simple, soupira mentalement Ifios, mais je ne peux pas perdre la face devant elle ! »

— Très bien, je… je compte sur toi alors.

Cette phrase raisonna longtemps dans son crâne. Elle lui faisait confiance. Elle comptait sur lui. Assurément, Ifios ne pouvait plus se permettre d’échouer à présent. Elle voulait son manteau ? Il allait le lui offrir sur un plateau d’argent !

La fin de la pause sonna brusquement, forçant Eily à retourner à la mine, sous le regard peiné d’Ifios. Il se promit de les libérer le plus vite possible. L’adolescent retourna immédiatement au camp principal, décidant de partir immédiatement à la recherche du précieux souvenir de sa nouvelle amie.

Il n’avait malheureusement aucune piste cependant. C’était risqué, mais la seule chose qu’il pouvait faire était de demander aux autres bandits. Eux, ils devaient bien savoir quelque chose !

Ifios pouffa légèrement. Pourquoi faisait-il tout ça, au juste ? Il ne connaissait Eily que depuis trois jours et pourtant, il était prêt à se plier à la moindre de ses demandes. C’était comme si elle avait une emprise magique sur lui. Peut-être était-ce cela que les autres bandits craignaient ? Non, impossible. Cette emprise était si douce et merveilleuse qu’aucun Homme ne pourrait éprouver de l’animosité à son égard.
Quoi qu’il en soit, Ifios se l’était promis. Cette fille si douce, innocente, sincère, charmante, incapable de faire le moindre mal, il allait tout faire pour la protéger.