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Freeze de Eliii



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Informations

» Auteur : Eliii - Voir le profil
» Créé le 02/06/2016 à 16:19
» Dernière mise à jour le 04/07/2016 à 14:17

» Mots-clés :   Action   Drame   Science fiction   Suspense   Unys

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023 - Apocalyptique
Appuyé contre le mur, il observait, à travers la fenêtre entrouverte, la rue en contrebas. Il avait l'impression que son esprit s'échappait, comme les volutes de fumée de sa cigarette, jusqu'à disparaître complètement. De sa main droite tremblante, il serrait le mouchoir blanc en tissu qu'il portait d'ordinaire dans la poche de poitrine de sa veste. Habituellement immaculé, il était maintenant constellé de petites taches rouges qu'il n'osait pas regarder. Mais il préférait les savoir sur ce morceau d'étoffe que sur ses mains moites. Il ne voulait pas avoir une partie d'elle, quelle qu'elle soit, sur lui.

"Ethan..."

La voix douce et rassurante de Liz lui donna presque envie de se tourner vers elle et de lui dire que tout allait bien, mais il n'en fit rien. Le médecin inhala une bouffée de fumée aux relents mentholés et soupira, las. Il venait de commettre un acte irréversible. Ôter la vie d'une personne, alors que son métier à lui était de les sauver. Il aurait presque ri, au vu de l'ironie de cette situation, mais il n'en avait pas la force. Sa volonté vacillait constamment. Au fond, il aurait bien aimé être comme Walter Leary. Quelqu'un de courageux, qui se moque un peu des conséquences de ses actes et qui n'hésite pas à tuer pour se défendre. Quelqu'un qui agit pour lui même et non pour autrui. Ethan n'était qu'un homme, certes intelligent, mais fragile mentalement et préférant se tenir en retrait en cas de confrontation. Il ne possédait même pas de Pokémon, n'étant pas du tout à l'aise avec ces créatures. Petit, il en avait même une peur bleue.

"Ethan", répéta Liz, de façon plus affirmée cette fois.

L'homme brun, conscient que le fait de se murer obstinément dans un silence religieux inquiétait la jeune femme, daigna se tourner vers elle. La pirate informatique grimaça en voyant son visage. Il avait mauvaise mine depuis quelques jours, mais là, il semblait presque sur le point de rendre l'âme. Ses cheveux bruns étaient un peu en bataille, les cernes sous ses yeux plus visibles que jamais, et un début de barbe poussait sur son visage pâle comme celui d'un mort. Ce qui frappa le plus Liz devait être son regard, qui ne reflétait plus la moindre émotion, alors même qu'il était si éloquent habituellement. Même elle, douée d'une empathie supérieure à la normale, ne parvenait plus à le sonder, et cela l'effrayait.

Elle regarda le cadavre frais d'Esther, au sol, la tête baignant dans une mare de sang. Une odeur atroce de chair pourrie et de mort régnerait bientôt dans l'appartement, et elle ne tenait pas à être encore là lorsque cela arriverait. Cependant, elle savait à quel point l'expérience du premier meurtre pouvait être terrible, l'ayant elle-même expérimentée, et il ne fallait surtout pas brusquer une personne aussi fragile qu'Ethan dans une situation pareille. Le pauvre homme n'en menait pas large, cela se voyait, mais il tentait de se remettre comme il le pouvait en dissimulant toute la peine qui l'accablait sous un épais voile de faux semblants. Aussi attendrait-elle qu'il soit capable de reprendre ses esprits.

Pour s'occuper en patientant, elle fouilla un peu partout dans l'appartement, et finit par trouver une épaisse corde tressée dans la remise. Elle s'agenouilla à proximité du rouquin en costume-cravate bleu et entreprit de le ligoter pour qu'il ne puisse pas s'enfuir. Qui sait quand il se réveillerait, aussi préféra-t-elle se montrer prudente. Une fois la besogne accomplie, elle se releva et soupira, exténuée par cette journée déjà très riche en rebondissements. Selon l'horloge du salon, il était déjà un peu plus de seize heures. Elle songea à l'éventualité qu'un autre membre des Quatre puisse venir, mais cela lui semblait peu probable. Ils avaient sans doute mieux à faire, de toute façon.

Déterminée à raisonner l'homme qu'elle commençait à considérer comme un véritable ami, elle s'approcha de lui pour le rejoindre à proximité de la fenêtre. Il contemplait, l'air profondément mélancolique, l'extérieur. Liz soupira et lui subtilisa sa cigarette pour la porter à ses propres lèvres. Cela faisait bien cinq ans qu'elle avait arrêté de fumer, mais l'envie s'était manifestée, alors elle saisit l'occasion. Ethan la regarda, étonné, puis esquissa un très faible sourire. La jeune femme sembla rassurée. C'était déjà un bon début. Le médecin tendit timidement la main vers elle.

"Je peux...
- Viens la chercher, si tu l'oses !" le taquina-t-elle.

Le brun plissa les yeux et lui reprit son bien, amusé. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas montré si insouciant. Depuis la découverte qui avait fait basculer son quotidien, s'il s'en souvenait bien. En repensant à cela, son regard s'assombrit de nouveau, et il retourna à sa contemplation des nuages. Liz lui désigna l'homme roux ligoté au sol, près du canapé de cuir.

"Tu veux pas aller chercher une voiture de location pour qu'on puisse ramener ce type à l'hôtel ? Y'a un garage à deux rues. Je pense que ça te changera les idées de conduire un peu."

Ethan avisa leur prisonnier et hocha la tête. La jeune femme saisit l'arme du médecin et la fourra dans un tiroir du meuble le plus proche.

"Tu ne pars pas avec ça, on ne sait jamais, si une idée farfelue te passe par la tête... je préfère ne pas y penser du tout.
- ...je comprends."

L'homme brun fit quelques pas pour atteindre la porte, et posa la main sur la poignée. Alors qu'il s'apprêtait à la tourner pour sortir, il regarda Liz très sérieusement. Son regard avait repris cette lueur bienveillante qu'elle lui connaissait.

"Merci, murmura-t-il.
- C'est normal", répondit-elle en le regardant s'éloigner dans le couloir de l'immeuble.


x x x

Will et Linda, tous deux assis dans l'une des salles d'attente de l'hôpital général de Volucité, bondirent presque de leur siège, le cœur battant, en voyant la doctoresse taciturne en charge de Walter apparaître dans l'embrasure de la porte. Elle se dirigea vers eux, un léger sourire aux lèvres. C'était bon signe.

"Monsieur Leary est prêt à repartir chez lui, annonça-t-elle.
- Déjà ? s'étonna la blonde, perplexe.
- Grâce à nos Leveinard formés pour être les meilleurs dans le domaine médical, nous avons pu nous charger de sa cicatrisation très rapidement. En revanche, il va falloir qu'il fasse très attention pendant les deux prochaines semaines. Pas d'effort trop intense, vous le lui ferez bien comprendre.
- Ce sera fait, docteur", acquiesça Will.

La quadragénaire allait partir, mais elle se ravisa. Visiblement, elle avait quelque chose de plus à dire.

"Au fait... en faisant passer les tests de routine à monsieur Leary, j'ai pu constater quelque chose d'étrange..."

Les jumeaux se consultèrent du regard, se doutant qu'il devait s'agir de quelque chose en rapport avec sa récente cryogénisation au résultat surprenant.

"...sa température corporelle est de vingt-neuf degrés, soit huit degrés de moins que celle d'un être humain normal. Et pourtant, aucune trace de maladie dans son organisme. Y aurait-il une raison à cela, ou bien l'ignoriez vous aussi ?
- Nous n'en savions rien, docteur..." répondit Will, désireux de ne pas attirer d'ennuis à Walter.

La doctoresse soupira.

"Les scanners doivent être défectueux... je ne cesse de rappeler au conseil d'administration de l'hôpital qu'ils sont vieux, mais on ne m'écoute jamais. Bien, messieurs-dames, vous pouvez aller signer la décharge de monsieur Leary pour qu'il sorte. Au revoir."

Linda soupira, soulagée, et ils se rendirent tous les deux à l'accueil, où leur ami attendait déjà, accoudé au comptoir de la réception, dans sa tenue ensanglantée, un sourire narquois aux lèvres. Visiblement, il n'avait pas l'intention de se montrer préoccupé par sa récente rencontre avec des tueurs professionnels lancés à ses trousses. Will se demanda vaguement s'il était au courant que les Quatre se trouvaient sur sa piste, et se promit de le lui demander une fois installés dans la voiture.

Le voleur occupa l'arrière de la voiture, préférant avoir plus d'espace pour lui. Linda ne cessait de lui jeter des regards inquiets, comme si elle craignait qu'il disparaisse soudainement. Elle était tellement soulagée qu'il soit de retour avec eux qu'elle en aurait volontiers pleuré si sa dignité ne le lui interdisait pas. Et puis, elle voulait se jeter au cou de son ami, et lui déclarer tout son amour, mais au fond d'elle, le courage lui manquait. Elle n'avait aucun problème avec le fait de se frotter à des assassins professionnels en combat Pokémon, mais étrangement, lorsqu'il s'agissait de sa relation avec Walter, tout devenait plus compliqué. Elle se souvint subitement de leur petite conversation un peu avant qu'il ne sorte de l'hôpital.

"Walter... tu peux m'expliquer ce que c'est cette histoire de fille ?
- Histoire de fille ? répéta-t-il sans comprendre.
- La gamine que tu es allée voir à l'hôpital et dont tu m'as parlé tout à l'heure. Je me suis même évanouie à cause de ta blague ridicule, alors tu ferais mieux de m'expliquer !"

Will s'efforça de rester concentré sur la route, mais il était très intrigué par ce qui se disait juste à côté de lui. Walter aurait une fille ? Impensable, il leur en aurait parlé...

"Tu saisis pas, Linda... c'était pas une blague, j'étais sérieux. Je peux tout te raconter, mais ça risque d'être long.
- On a le temps, je tiens à savoir ! répliqua la blonde, catégorique.
- Ouvrez vos oreilles les enfants, papi va vous raconter une histoire..."

Shinedown - Cut The Cord
Il leur raconta à peu près tout, de sa première rencontre avec Rachel Gordon jusqu'à la découverte de sa fille adoptive, en passant par l'accident de voiture, le coma et tout le reste. Les jumeaux en restèrent bouche bée, surtout Linda, qui semblait jalouse de l'amour irrationnel que Walter avait pu porter à cette Rachel. Elle aurait bien voulu être à la place de cette veinarde... qui avait tout de même connu une fin tragique. A bien y réfléchir, elle préférait être bien vivante. Will était abasourdi par la nouvelle et en voulait un peu à son ami le plus proche d'avoir caché l'existence de cette enfant aussi longtemps, mais il était surtout désolé pour elle et lui.

"C'est horrible ce qui est arrivé à cette petite... comment tu fais pour supporter ça sans craquer ? s'étonna le blond.
- Je suppose que le fait que je ne la connaisse pas vraiment aide un peu. C'est plus facile de voir une étrangère dans cet état que si c'était ma vraie fille. Je suis triste pour elle, bien sûr, et j'aimerais bien pouvoir faire quelque chose... mais en l'occurence, même mon génie scientifique ne peut rien y faire, souffla Walter, l'air résolu.
- On ne peut qu'attendre, en l'état actuel des choses..." confirma Linda, au bord des larmes.

Ce fut dans un silence exceptionnellement pesant uniquement entrecoupé des indications sur la direction à suivre, fournies par le GPS, que les trois amis se rendirent jusqu'à l'appartement de Walter pour aller récupérer Oniglali, des affaires de rechange, ainsi que sa précieuse arme. Après cela, ils se retrouveraient tous à l'hôtel pour faire le point.


x x x

Une fois le corps ligoté et inconscient du rouquin trouvé dans l'appartement installé à l'arrière de la voiture de location, Liz et Ethan y prirent place à leur tour, elle côté conducteur et lui sur le siège passager, son regard tourné vers la vitre.

"Tu vas bien ?
- ...j'ai connu mieux, mais je suppose que ça va mieux que tout à l'heure. Est-ce que ça aurait pu être pire, de toute façon...
- Je suis désolée de remettre ça sur le tapis, soupira-t-elle. Tu veux passer quelque part avant de partir à l'hôtel ?"

Il sembla réfléchir un moment, puis déclina finalement l'offre. Il avait à faire avant de pouvoir rentrer à Janusia, chez lui, bien qu'il en meure d'envie. Sa dette envers Freeze et son groupe n'avait pas encore été totalement remboursée.

"On peut rentrer.
- Bon. Si tu as quoi que ce soit sur la conscience, n'hésite pas à me le dire."

Elle marqua une pause, qui sembla durer une éternité, et dégagea une mèche bleue de son visage.

"Je ne juge pas."

Etha hocha la tête et se laissa doucement bercer par les légères secousses de la voiture en marche. De temps à autre, il jetait un coup d'œil au type entravé par une solide corde tressée, à l'arrière, en espérant qu'il n'aurait pas à subir le même sort qu'Esther. Il ne voulait plus avoir à tuer quiconque de sa main. Esther était un cas à part. Maintenant, elle ne pourrait plus le tourmenter qu'à travers ses cauchemars, ce qui était déjà mieux que d'avoir à craindre de la rencontrer à tous les coins de rue. Il s'endormit, plus serein, sous les yeux de la conductrice souriante.