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Informations

» Auteur : DoctorVD - Voir le profil
» Créé le 20/05/2016 à 21:17
» Dernière mise à jour le 10/06/2016 à 22:21

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Science fiction   Suspense

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1964 : Prologue
"L'art de la réussite consiste à savoir s'entourer des meilleurs."
- John Fitzgerald Kennedy -


Février 1964, Voilaroc, Sinnoh.

La lune était déjà haut dans le ciel, et les innombrables étoiles scintillaient sur cet immense voile noir teinté de bleu. La brise légère mais fraîche incitait les habitants de la ville de pierre, comme on l'appelait dans la région, à rester chez eux et à ne pas trop se risquer à l'extérieur. Un rhume ou autre désagrément lié à la santé était vite arrivé. On pouvait entendre, au loin, les Hoothoot et les Brindibou hululer en chœur, dans une douce litanie apaisante, quoi qu'un peu mélancolique. Les Rattata poursuivis par des Chaglam émettaient de temps en temps des petits cris aigus, mais sinon, rien. Les rues de Voilaroc baignaient dans un silence mortuaire qui n'avait rien de rassurant, contrairement aux églises arcésiennes inondées d'une lumière bienveillante faisant oublier l'absence de son.

Une femme d'âge mur, avoisinant sans doute la cinquantaine, se trouvait à sa fenêtre, cigarette entre les lèvres, comme il était de coutume à cette époque. Elle se débarrassa du mégot dans un cendrier et entreprit de fermer les volets de bois brun, mais quelque chose la fit sursauter, et elle manqua de tomber en arrière, effrayée. Elle reprit son souffle, déglutit bruyamment, peu rassurée, et se pencha de nouveau à la fenêtre pour voir une silhouette indistincte devant sa porte.

"J'ignorais que les représentants commerciaux travaillaient aussi la nuit..." songea-t-elle, perplexe.

La quadragénaire se saisit d'un balai dans la cuisine, et, prudemment, retira la chaîne de sécurité, dévérouilla la serrure à l'aide d'une minuscule clé métallique, puis ouvrit, lentement, précautionneusement, la porte de bois. Ce qu'elle vit l'étonna. L'homme qui se trouvait sur le perron n'avait rien d'un représentant commercial ; il n'arborait pas de sourire éclatant, ni de costume coloré, et encore moins de carton contenant divers produits inutiles qu'il tentait de vendre. La femme posa sur son nez les lunettes qui pendaient à son cou, et observa attentivement son singulier visiteur. Si elle en croyait sa blouse blanche, il devait travailler au département scientifique d'une quelconque entreprise. Ses cheveux tombaient sur son front moite de sueur, sa cravate pendait lâchement autour de son cou, et dans son regard, une lueur semblait hurler de terreur.

"Laissez... laissez-moi... vous plaît..."

Sa voix n'était pas spécialement grave, mais elle lui glaçait le sang. Il peinait à mettre un mot après l'autre, et sa posture tremblante trahissait sa fatigue. La quadragénaire se plongea dans une intense réfléxion, puis fit entrer le visiteur nocturne dans son salon, l'asseyant dans le canapé. Son époux et ses enfants dormaient déjà, et elle espérait que rien ne les réveille. Elle tendit une tasse de thé fumant à son invité, et se plaça à côté de lui.

"Vous vous sentez mieux ? Que vous est-il arrivé ?"

L'homme en blouse blanche tressaillit, posa la tasse de thé vide sur la table basse en chêne, et hocha doucement la tête. Son cerveau lui faisait mal et semblait prêt à exploser dans sa boîte crânienne. Comprenant qu'elle n'obtiendrait pas de réponse cohérente de sa part, la femme allait lui proposer de rester dormir sur le canapé pour la nuit, mais on sonna à la porte.

"Y a une épidémie dans les rues, ou quoi ? grommela-t-elle, irritée. Bougez pas, je reviens."

Le scientifique acquiesça avec réserve, et la regarda s'éloigner de sa démarche chaloupée jusqu'à la porte. Elle retira de nouveau la chaîne de sécurité, déverrouilla encore, puis ouvrit. Trois hommes imposants, en costume-cravate noir et portant des chapeaux ainsi que des lunettes de soleil, lui faisaient face. En les reconnaissant, elle déglutit et entreprit de fermer la porte, mais l'un des types la bloqua avec son pied.

"Qu... que me voulez-vous, messieurs ? questionna prudemment la femme.
— Un homme en blouse est peut-être entré chez vous il y a quelques minutes, et nous avons besoin de lui parler. Est-il dans votre maison, oui ou non ?"

La quadragénaire risqua un coup d'œil en direction du salon, mais son étrange invité ne se trouvait plus sur le canapé. Elle s'éloigna de la porte, les mafieux entrant à sa suite, et avisa la fenêtre ouverte, les rideaux bleus flottant au vent. Mais qui pouvait bien être ce scientifique ? Elle jeta un coup d'œil désabusé au trio d'hommes en noir, qui déguerpirent par la porte d'entrée rapidement, à la poursuite de l'individu qui avait désormais une longueur d'avance sur eux.

Dans les rues goudronnées de Voilaroc, seul régnait désormais le bruit régulier des chaussures de ville martelant le sol. L'homme en blouse blanche courait aussi vite qu'il le pouvait, souhaitant semer ses poursuivants, rentrer chez lui et se reposer un peu. Ses jambes le lançaient affreusement, et il risquait de ne plus pouvoir tenir très longtemps avant de chanceler et de s'étaler sur la chaussée. Sa respiration saccadée se faisait de plus en plus pénible, et à cause de la fraîcheur ambiante, de légers nuages de buée se soulevaient à chacune de ses expirations.

Il manqua de trébucher lorsqu'un Rattata passa en trombe devant lui, poursuivi par un Chaglam affamé. En jetant un coup d'œil par-dessus son épaule, il put voir trois silhouettes courir dans sa direction, et accéléra un peu la cadence, forçant sur ses jambes déjà bien assez endolories à son goût. Sa blouse de laboratoire flottait derrière lui au gré du vent, de même que sa cravate bleue à moitié défaite. Il aperçut une ruelle sur sa gauche, et y tourna dès que possible, en espérant que ses poursuivants ne remarqueraient rien dans l'immédiat.

Arrivé dans ce couloir de la mort, rempli de poubelles renversées, de cadavres de Rattata à moitié dévorés et où régnait une odeur de chair pourrie immonde, il constata avec effroi qu'il s'agissait d'une impasse. Les trois hommes de la mafia ne mettraient pas longtemps à le retrouver, et là, tout serait terminé. Il risqua un coup d'œil hors de l'allée sombre, et remarqua les criminels qui foullaient une par une toutes les ruelles des environs. Lorsqu'il entendit des pas lourds se rapprocher, le scientifique sut que son heure était venue, et il se terra au fond de la ruelle, derrière une benne à ordures d'où suintait un filet de sang provenant certainement d'une dépouille de Pokémon. Il retint un haut-le-cœur pour éviter de trahir sa présence.

"Marco, il est où ce fils de pute ? cracha l'un des mafieux, hors de la ruelle.
— Deux minutes, j'inspecte cette allée. Doit être caché dans une poubelle, ou un truc comme ça.
— Magne-toi, mon flingue me démange."

Le dénommé Marco, grand gaillard à la peau hâlée par le Soleil et à la barbe plutôt généreuse, s'avança un peu plus dans la ruelle, sa lampe torche allumée à la main. L'homme à la blouse tressaillit. Son ombre allait le trahir, et il était bon pour se faire massacrer par ces criminels sans foi ni loi. Lorsque le faisceau lumineux passa près de lui, dévoilant une partie de son ombre sur le mur, Marco, perplexe, contourna la volumineuse benne métallique verte et donna un coup de pied dans un cadavre de Rattata odorant pour l'éloigner. Le type costaud se pencha vers le scientifique et l'attrapa par le col de sa chemise.

"Je l'ai trouvé, patron !
— Bien joué Marco, sors le de là, comme ça les flics le trouveront demain matin et s'apercevront de leur impuissance, ricana l'un des deux autres d'une voix rauque.
— Vide ton chargeur, boss, fais-toi plaisir", ajouta le troisième.

Marco traîna le pauvre homme en blouse blanche jusqu'à l'entrée de la ruelle, et le laissa tomber au sol, à genoux, les mains sur le béton froid, expirant de la buée de manière saccadée, le cœur battant la chamade dans sa poitrine, la peur le consumant dans une étreinte folle. Sa vue commençait à se troubler et le bitume semblait trembler sous lui.

"Regardez-le, il se pisse dessus ! Si c'est pas malheureux... soupira le chef du groupe. Tu sais, j'ai bien envie de te faire très mal, alors je vais pas te tirer dans la tête. J'ai six balles sur moi. Une pour chaque poumon, pour le foie, pour l'estomac, pour l'épaule et une dernière pour la jambe. T'es partant ? Je t'assure, ça va être marrant."

Le scientifique ne répondit rien. Cela ne servirait qu'à retarder l'échéance d'une seconde. Il allait mourir dans d'atroces souffrances, et il le savait. Marco l'attrapa à nouveau par le col de sa chemise pour le mettre debout, veillant à bien lui montrer le couteau effilé qu'il tenait dans sa main gauche, pour le dissuader de tenter la fuite. L'homme en blouse blanche resta là, les yeux dans le vague, ses cheveux retombant en mèches courtes, mi-brunes, mi-rousses, sur son front moite de sueur, ses mains tremblantes, ses genoux flageolants, son cœur sur le point d'exploser, l'air lui manquant dans ses poumons, et ce son atroce, cet acouphène horrible dans sa tête, ne cessant de s'amplifier...

Le premier coup partit et atteignit son foie. Il se tordit de douleur, mais ne hurla pas. Sa voix semblait comme éteinte. L'homme au rire gras se fit un plaisir de vider le chargeur de son revolver sur sa victime qui s'étala au sol, ses yeux bleus clairs ne brillant plus d'aucune vie, sa blouse blanche tâchée d'un liquide rouge, six trous dans sa chemise, un filet de sang coulant de sa bouche, et une flaque s'étalant sous son corps sans vie.

Le chef du trio saisit une petite radio portable à sa ceinture, et prononça quelques mots de sa voix rauque.

"Robert Steiner est mort, ça y est."

On lui répondit que c'était bien, qu'il allait recevoir sa paye sous peu et qu'il pouvait aller se reposer pour le moment. Les trois hommes en noir quittèrent les lieux du crime, tandis qu'une odeur aux relents de mort se propageait aux alentours.