Chapitre 1 : Meurtre pour un Magicarpe
Dans la région de Johto, il y avait beaucoup de villages que peu de monde connaissait. Des villages sans importance. Des villages même pas dignes d'être situé sur une carte de la région. Des villages où l'on pensait que rien de grave ne pouvait arriver. Mais bien souvent, c'était à partir de rien que naissaient les pires histoires. Un de ces villages était celui de Sovelis. Non loin de Mauville. Quatre cent habitants tout au plus, dont la grande majorité était soit des jeunes enfants soit des vieillards. Ici, un habitant sur deux était paysan. Pas le choix quand la seule chose qu'il y avait en abondance ici était les terres fertiles et les Ecremeuh.
Parmi eux, il y avait une famille. Tomas et Valia Noes. Un couple sans histoire. Des gens respectables et respectés. Leurs possessions étaient bien maigres : seulement deux champs, trois Ecremeuh, et un petit Cabriolaine qui n'était même pas à eux, mais qu'ils nourrissaient depuis si longtemps de leurs fougères sauvages qui envahissaient les champs que le Pokemon avait fini par établir domicile chez eux. Tomas et Valia avait une fille unique, prénommée Lilura.
Une douce enfant, vive, intelligente, et pleine de bonne volonté. Très épanouie pour son âge - huit ans seulement - elle s'intéressait beaucoup à la nature et aux Pokemon. Elle était également très débrouillarde. Il n'était pas rare de la voir fouiller dans la forêt, sans se soucier de la boue et des ronces, pour dénicher quelques Pokemon insectes particulièrement intéressants. Au grand dam de ses parents bien sûr, car la forêt environnante n'était pas un endroit sans danger pour une enfant de son âge, car elle regorgeait de Pokemon sauvages qui pouvaient parfois être agressif.
Mais Lilura et sa bande d'amis n'avaient que faire du danger, et se lançaient dans plusieurs escapades par semaine. Non qu'il y ait autre chose à faire pour des jeunes enfants à Sovelis, à part aider leurs parents à éplucher les légumes et s'occuper des Pokemon de la ferme. Lilura se réveilla avec l'intention de partir immédiatement rejoindre ses amis au lac. Ils avaient prévu de pécher aujourd'hui. La petite fille aux cheveux verts sorti de son lit, s'habilla vite fait, et descendit au rez-de-chaussée sans oublier bien sûr son gros ours en peluche, surnommé Beebear, qu'elle amenait partout ou presque.
Les autres enfants s'étaient souvent moqués d'elle à cause de ça. Il était vrai qu'à presque huit ans révolu, se trimballer avec une peluche, surtout de cette taille, pouvait attirer l'attention. Mais Lilura n'en avait que faire. Beebear était le seul cadeau que ses parents, relativement pauvres, lui avaient fait. À l'époque, trois ans plus tôt, il s'agissait du dernier modèle de peluche, qui coutait une certaine somme. Aujourd'hui, il était démodé, et de plus, celui de Lilura était écorché en de nombreux points, mais qu'importe. Il était un peu comme le petit frère qu'elle n'aura jamais.
Et puis, les autres enfants ne s'étaient pas moqués d'elle bien longtemps. Car en dépit de son âge et de sa taille, Lilura était forte. Elle sortait bien souvent victorieuse lors de bagarres, tandis que les autres enfants rentraient bien vite en pleurs auprès de leurs mères. Lilura était la plus forte de son groupe d'ami composé de cinq enfants. Et cela agaçait prodigieusement Gil, un garçon assez costaud de douze ans, qui avait fait sa réputation de « chef de bande » à coup de poing bien placé. Même lui évitait de s'en prendre à Lilura.
Ce n'était pas vraiment que la petite était dotée d'une force anormale pour son âge, mais quand elle se battait, c'était une vraie teigne. Elle mordait, griffait, cognait sans se soucier des propres coups qu'elle-même subissait. La jeune fille sautilla dans l'escalier, réjouie à l'avance d'une journée avec ses amis. En bas, la mère de Lilura, Valia, était occupée à éplucher le sac de patate qu'ils avaient ramassé hier. Lilura se calma aussitôt. Sa mère était une femme stricte et dure, avec qui Lilura devait toujours se tenir à carreau.
- Bonjour mère, fit la petite fille d'un ton le plus poli qui soit.
Valia la regarda mais ne répondit pas, râpant ses pommes de terre avec une dextérité et une rapidité de plusieurs années d'expériences.
- Je sors avec les copains. On va au lac, précisa Lilura. Je peux y aller, dis ?
- D'abord, tu vas m'aider à préparer tout ces légumes, ordonna Valia. Ensuite tu feras ce que tu veux.
Lilura soupira, mais se garda de répondre autre chose qu'un « oui mère ». Ça allait sûrement lui prendre toute la matinée, mais ça ne servait à rien de discuter avec mère. Lilura regretta que son père ne fut pas là, plutôt que dehors à labourer les champs. Avec lui, c'était beaucoup mieux. Il était gentil, laissait toujours Lilura aller où elle voulait, et en plus, il était drôle. Tout le contraire de mère, en somme. Comme elle l'avait prévu, midi sonna quand elles terminèrent de peler ces fichues patates, et Lilura dut rester manger avec ses parents, tandis que ses amis devaient pique-niquer au bord du lac.
Mais heureusement, son père l'autorisa à se lever de table sans avoir aidé à débarrasser. Elle lui en fut reconnaissante, et s'enfuit avant que sa mère ne put protester. Voilà le genre d'exemple typique que Tomas Noes passait à sa fille. Tenant Beebear d'une main, la petite fille traversa en courant les champs familiaux puis le petit village de Sovelis, où tout les gens qui se trouvaient dehors la saluèrent en riant sur son passage. Tout le monde ici connaissait et adorait la petite Lilura aux cheveux verts et à l'ours en peluche, fillette aimable et serviable mais en même temps à ne pas énerver.
Elle retrouva ses amis comme promis devant le petit lac en bordure du village, occupés à pécher. Il y avait Théonia, qui avait l'âge de Lilura. Sa meilleure amie en quelque sorte, mais dont les centres d'intérêts divergeaient de ceux de Lilura de plus en plus avec le temps. Alors que Lilura aimait la nature, les bestioles et la saleté, Théonia ne jurait que par les choses jolies, coquettes, et avait une aversion sans précédent pour tout ce qui était Pokemon insectes, les préférés de Lilura. Ensuite, il y avait Rodrig, un garçon de onze ans, toujours prêt à sauter sur la moindre bêtise à commettre. Lilura l'aimait bien. Il était marrant, et sympa avec tout le monde. Leï, lui, était un peu son opposé. Bien que du même âge, c'était un garçon sombre, sérieux, réservé, qui ne parlait pas beaucoup. En revanche, il était d'une beauté à couper le souffle. Même Lilura, qui n'avait que huit ans, le voyait. Un garçon qui serait très recherché par les filles dans quelques années.
Et enfin, il y avait Gil, l'autoproclamé chef de la bande. Il était costaud et faisait peur à beaucoup de garçons moins âgé, mais Lilura le trouvait plutôt bête. Ses arguments, lors d'une dispute, étaient toujours les mêmes : ses poings. Et quand il ne comprenait pas ce qu'on lui disait, c'était pareil. Taper était pour lui bien plus facile que réfléchir. Mais il évitait de trop titiller Lilura depuis qu'elle l'avait battu au bras de fer. Quant à Lilura, elle tâchait de ne pas le provoquer non plus. Un accord tacite s'était fait entre eux. Gil restait le chef de la bande, mais Lilura n'était pas sous ses ordres.
- T'es en retard, fit-il avec un regard mauvais. T'avais oublié le rendez-vous ?
- Bien sûr que non, s'indigna Lilura. Mais ma mère m'a obligé à l'aider à peler les légumes... Vous avez attrapé quelque chose ?
- Deux Magicarpe, un Barpau, un bébé Bargantua... et regarde un peu ce que Leï a dégoté !
Il désigna un seau qui bougeait beaucoup, et dont Théonia se tenait le plus loin possible. Lilura s'approcha avec prudence et y jeta un coup d'œil. Il y avait dedans une espèce de boule enduite de piquants qui se débattait.
- Ohhhh, c'est un Qwilfish ! Fit la jeune fille, émerveillée. Mon père m'en a déjà montré un. Il ne faut surtout pas toucher ses piquants, ils sont empoisonnés.
Théonia recula encore plus. Gil haussa les épaules.
- Je le savais bien sûr. Tu crois quoi ?
Lilura était prête à parier que non. Gil ne savait pas grand-chose en dépit de ce qu'il affirmait, mais voulait toujours se faire passer pour plus intelligent que les autres. Selon Lilura, il y arrivait rarement. Enfin, maintenant que Lilura était là, elle allait leur montrer ce que c'était la vraie pêche. Son père lui avait bien enseigné comment s'y prendre, et Lilura y excellait. En moins d'heure, elle dénicha le double de ce qu'avait eu les autres en une mâtiné entière. Elle parvint même à ferrer un Tarpaud, un Pokemon tout vert qui bondissait sur ses pattes. Mais lui bien sûr, elle le laissa s'en aller, entre autre parce qu'elle n'avait pas la force de lutter contre lui. Tous les autres étaient impressionnés face à ses exploits continus, mais Gil trouva le moyen d'être jaloux. Il était toujours jaloux.
- Peuh, ça ne veut rien dire. Ça mord juste plus que ce matin, c'est tout...
Lilura l'ignora comme elle savait si bien le faire. Sa dernière prise fut la plus intéressante de toute. Tandis qu'elle tirait pour remonter ce qu'elle avait attrapé, elle vit une espèce de lueur dorée dans l'eau. La lueur s'approchait en même temps que le poisson de Lilura. C'est alors qu'elle le vit : un Magicarpe entièrement couleur or, dont les écailles scintillaient au soleil. Et c'était ce qu'elle avait attrapé. Les autres enfants se perdirent en exclamation. Lilura resta concentré pour le remonter entièrement. Pas question de le laisser s'échapper, celui-là...
- Ne le lâche pas ! L'encouragèrent les autres.
Lilura tint de toutes ses forces sa canne. Ce Magicarpe là, en plus de sa couleur inhabituelle, avait une vigueur très rare pour un poisson de son espèce. Lilura tenait bon, mais à force, le fil allait finir par céder. Ce qu'il fit, quand le Magicarpe fut à peine à un mètre du bord. Les autres crièrent de dépit et de déception, mais Lilura ne s'avoua pas vaincu. Le Magicarpe était proche, elle pouvait encore l'avoir. Alors, elle sauta à l'eau.
Les autres lui crièrent de remonter, entre autre parce qu'elle ne savait pas nager, mais aussi parce que le lac était infesté de Pokemon carnassier comme des Bargantua. Mais en pleine lutte contre le Magicarpe doré, Lilura se ficha de tout ça. Elle tenait le Pokemon glissant et frétillant contre son corps, mais sa force faisait qu'elle n'arrivait pas à se remettre debout pour remonter sur la terre ferme. Ce fut ses amis qui vinrent l'aider. Leï la tira sur la rive, tandis que Rodrig s'occupa de jeter le Magicarpe sur la terre. Quand ce fut fait, tous poussèrent des cris de joie.
- Il est incroyable, ce Magicarpe ! S'exclama Rodrig en observant le Pokemon sous toute ses coutures. Pourquoi il est doré comme ça ?
- Mon père m'en a parlé, fit Leï. Il existe des Pokemon qui sont d'une couleur différente de la normale, et qui brillent. On appelle ça des Pokemon chromatiques. Ils sont très rares...
Lilura savait cela elle aussi. Et elle pensait à la joie de ses parents quand elle rapporterait ce Magicarpe chez elle. Un Pokemon chromatique valait cher, très cher. Avec l'argent qu'ils gagneraient, ils pourraient survivre toute une année sans travailler ! Mais c'est alors que Gil, qui était resté à l'écart durant la lutte avec le Magicarpe, arriva, le visage déterminé et cupide.
- Il est à moi, décréta-t-il.
- N'importe quoi, protesta Leï. C'est Lilura qui l'a attrapé. Toi tu n'as même pas aidé.
- Mais moi je suis le chef, répliqua Gil. Et j'ai décidé qu'il était à moi. Alors donne-le-moi !
Lilura se leva et affronta le regard furieux de Gil.
- Pas question. C'est moi qui l'ai péché, c'est moi qui le garde.
Gil s'avança, menaçant. Il lui prit un bras et lui serra le poignet.
- Tu me fais mal ! Hurla Lilura en se tortillant. Il est à moi ! Grâce à lui, mes parents vont enfin avoir des sous à eux ! Tes parents à toi sont déjà riches !
C'était vrai. Les parents de Gil étaient les seuls aisés du village, du fait de leur statut d'avocats à Mauville.
- Tu préfères que je te tabasse ? Questionna Gil.
- Va te faire foutre, lança Lilura, répétant une insulte qu'elle avait déjà entendue sans en saisir le sens.
Pour toute réponse, Gil la gifla violement. Lilura répliqua en se jetant sur lui, et la bagarre commença. Les autres se mirent à crier. Gil lui tira violement les cheveux, mais Lilura entreprit de le griffer et de le mordre. Tous les deux roulèrent à terre en se débâtant. Et comme toujours, ce fut Gil qui le premier céda. Mais au lieu de fuir, il alla à l'endroit où Lilura avait posé Beebear, et prit l'ours en peluche en otage. Lilura plissa les yeux en se relevant, et tout les autres reculèrent, inquiets. Tous savaient qu'il ne fallait jamais prendre ou menacer le Beebear de Lilura.
- Rends-le-moi, ordonna la petite fille d'une voix très calme et inquiétante.
- Dans tes rêves. Tu ne veux pas me donner le Magicarpe, alors je prends ça.
- Rends-le-moi, répéta Lilura, un peu plus fort.
- Je vais balancer cette peluche au milieu du lac, pour que les Bargantua le bouffent !
Et il mima le geste. Pour Lilura, ce fut la goutte de trop. Elle se jeta sur Gil si vite qu'il n'eut pas le temps de réagir. Ils se remirent à se battre, mais cette fois, Lilura était hors d'elle et cognait avec une rage aussi brutale qui violente. Gil parvint malgré tout à prendre le dessus et à l'écraser sous son poids, après quoi il se mit à serrer sa gorge. Lilura, suffocante, parvint à attraper la seule chose à coté d'elle : le seau dans lequel se trouvait le Qwilfish. Elle attrapa le Pokemon par la queue, et s'en servit comme d'une massue sur le visage de Gil. Quand les piquants empoisonnés lui griffèrent le visage, le garçon hurla de douleur et se mit à s'agiter dans l'herbe.
Mais Lilura ne s'arrêta pas là. La colère et la haine en elle ne la laissait pas s'arrêter. Elle continua à assommer Gil avec le Pokemon, qui, de plus en plus excité, sortit ses épines à son maximum. Lilura frappa Gil partout où elle pouvait l'atteindre. Elle se mit à hurler, et continua à frapper, sans se rendre compte que sa victime avait cessé de hurler, puis même de bouger. Quant, à bout de force, elle laissa tomber le Pokemon, elle croisa le regard de Gil. Un regard blanc et vitreux. Un visage plein de sang qui avait viré au mauve sous l'effet du venin. Alors, tout devint confus pour Lilura, qui semblait sortir d'un songe. Théonia se mit à hurler et à pleurer. Les deux garçons secouèrent Gil avec insistance en hurlant son nom. Puis enfin, Leï se tourna vers elle, le regard horrifié.
- Tu l'as… tué. T'es une MEURTRIERE !
Lilura trouva cela absurde, jusqu'à qu'elle voit le cadavre de Gil et son visage déformé. C'était vraiment elle qui avait fait ça ? Elle ne se rappelait plus. Elle se rappelait juste de la colère, d'un paysage tout rouge... Théonia alla chercher les adultes, en hurlant au meurtre dans tout le village. Ils accoururent à plusieurs, dont les parents de Gil. Sa mère s'était mise à hurler et ne s'arrêta pas. Lilura aussi hurlait. Quelque chose qui ressemblait à « Je ne voulais pas ! Je ne voulais pas ! ». Mais personne ne l'écoutait.
Elle ne se rappela plus trop de la suite. Tout passa si vite, et Lilura avait encore l'esprit engourdi. Ce qui était sûr, c'est que ces parents étaient venus la chercher, qu'ils s'étaient disputés avec d'autres adultes, et au final, Lilura avait fini enfermée dans le grenier de la maison. Dehors, les cris et les fortes voix continuaient, mais Lilura ne comprenait pas bien ce qui se disait. Une fois, elle entendit son père crier violement : « Mais ce n'est qu'une enfant, par Arceus ! C'était un accident ! ».
Lilura ne savait pas combien de temps tout cela dura. Elle ne voulait pas le savoir. Elle était bien ici, dans le noir. Lilura aimait le noir, alors que la plupart des enfants de son âge en avait peur. Elle le trouvait réconfortant, et ici, en serrant Beebear contre elle, elle voyait plus difficilement le visage tuméfié et mort de Gil. Plus difficilement seulement. Elle savait que désormais, elle le verrait toute sa vie, du matin au soir. Finalement, ce fut sa mère qui vint la chercher. Elle était en pleurs, et serrait sa fille contre elle, ce qui ne lui ressemblait pas. Elle l'amena sans mot dans la cuisine, où son père se tenait la tête contre les mains, assis à la table. Il y avait plusieurs adultes, dont monsieur le maire et deux policiers. Lilura fut aussitôt sur la défensive.
- Je ne l'ai pas fait exprès ! Je ne voulais pas ! Je ne sais pas...
- Calme-toi jeune fille, lui dit le maire avec gentillesse. Nous voulons juste que tu nous racontes ce qui c'est passé. Nous avons déjà interrogé tes amis, et nous voulons entendre ta version des faits.
Lilura hésita. Elle ne voulait rien raconter. Ça ferait remonter les mauvais souvenirs. Mais son père lui fit signe de parler, sans la regarder. Oui, son père allait sûrement la tirer de là. Papa savait tout, il se chargeait de tous les problèmes. Elle pouvait lui faire confiance. Alors elle s'exécuta, à son rythme et avec ses mots à elle, et à travers ses sanglots. Elle parla des jeux de l'après-midi, comme tout allait bien, combien ils s'étaient amusés. Puis elle parla du Magicarpe doré, de ce qu'il aurait pu rapporter à ses parents. Puis vint la dispute.
- Je ne voulais pas... je ne sais pas ce que... Il m'a tiré les cheveux, a commencé à m'étrangler... Alors j'ai senti le seau du Qwilfish à coté de moi, et j'ai...
Lilura ne put continuer. L'un des policiers prit la parole.
- Les autres enfants nous ont bien dit que Gil avait tenté de t'étrangler. C'est vrai qu'on pourrait considérer ton geste comme de la légitime défense. Sauf que... tes amis nous ont aussi dit que tu avais continué à frapper la victime alors qu'elle était impuissante au sol. Là, ce n'est plus de la légitime défense, mais bien une agression.
- Qu'est-ce que ça veut dire ?! S'écria Tomas en se levant d'un geste brusque. Vous considérez peut-être que ma fille de huit ans à tuer un de ses amis de façon volontaire ?
- Tomas, de grâce, n'en rajoute pas, lui murmura le maire.
Mais le père n'en resta pas là.
- Ce n'est qu'une enfant, au nom d'Arceus ! Est-il possible que personne ne veuille comprendre quelque chose d'aussi simple ?!
- Ne criez pas comme ça, monsieur Noes, le menaça l'un des policiers.
- Nous allons devoir amener votre fille au commissariat de Mauville, où nous l'interrogerons plus longuement et précisément.
À ces mots, la mère de Lilura s'effondra au sol. Tomas jeta un regard suppliant au maire.
- Monsieur le maire... Vous ne pouvez pas les laisser faire ça...
- Essaie de comprendre, Tomas, soupira ce dernier. Nous n'avons pas connu d'homicide dans notre village depuis des temps immémoriaux, qui plus est avec un enfant comme victime. Les parents de Gil ont porté plainte, et ils ont beaucoup de relations dans le milieu de la justice. Je suis désolé...
L'un des deux policiers attrapa le bras de Lilura, mais cette dernière s'accrocha à la jambe de son père en criant. Alors que Tomas se débattait, l'autre policier le maîtrisa et le plaqua contre le mur. La mère de Lilura se lamentait, hystérique, en criant : « Ne me l'enlevez pas, elle est tout ce que j'ai ! Ne me l'enlevez pas ! ». Lilura hurlait, se débattait, mordait et griffait. Le policier qui la tenait s'écria :
- Regardez-moi ça ! Une vraie furie ! Il faut l'enfermer !
Et ils la firent sortir de force, et l'amenèrent dans une voiture aux vitres teintées. Ce ne fut que quand la voiture quitta le village que Lilura cessa de se débattre et de hurler, et se mit à pleurer. Jamais elle n'avait quitté Sovelis sans ses parents. Elle ne savait pas où on l'amenait, et pire, ce qu'on comptait lui faire. Irait-elle en prison comme les méchantes personnes que Lilura voyait à la télé ? Ou allait-on la tuer elle aussi ?
La petite fille pleura d'autant plus qu'elle n'avait pas son Beebear avec elle. Sans lui, elle se sentait comme nue, vulnérable, perdue. Était-il possible que ce matin même, Lilura s'occuper tranquillement des légumes avec sa mère tout en songeant avec joie à ce qu'elle ferait l'après-midi avec ses amis ? Lilura sécha ses larmes et serra les poings. Elle maudit ce Magicarpe doré qui avait tout déclenché. Elle maudit ce Qwilfish qui lui avait servi d'arme. Elle maudit Gil pour avoir débuté la dispute. Elle maudit le maire et les policiers pour l'avoir amené. Et elle maudit son père pour ne pas l'avoir protégé. En ce moment, Lilura Noes maudit le monde entier.