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Les dresseurs de demain de Shaam



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» Auteur : Shaam - Voir le profil
» Créé le 27/09/2015 à 21:30
» Dernière mise à jour le 05/10/2015 à 11:01

» Mots-clés :   Action   Aventure   Hoenn   Humour

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20 - C'est une belle journée
Mérouville n'avait pas changé. Pourtant, Edgar avait l'impression de tout redécouvrir, de la fontaine en centre-ville au banal café du coin. En outre, il lui fallut quelques jours pour s'habituer à la routine quotidienne d'un sédentaire citadin. Plus de kilomètres à parcourir, de Pokémon sauvages à observer, ou de cachette à chercher pour se soulager.
Et puis, il y avait aussi le retour au cocon familial.

Ce matin-là, comme chaque jour, Edgar prenait son petit déjeuner en compagnie de ses parents et sa sœur. Sa mère Dorothée, âgée de 44 ans, était la propriétaire d'une pâtisserie. Une dame calme et polie, respectée par le voisinage. La sœur d'Edgar, Ashley, avait 19 ans et poursuivait des études en journalisme. Belle blonde en devenir, son but était de devenir reporter pour Delca-TV. Enfin, Jeremy, 47 ans, un administratif sans histoires qui survolait les grands titres du quotidien régional.

- Attendez que sur les vidéos soient uploadées sur le site du ministère, et vous verrez comment j'ai cassé la baraque !
- Depuis que tu es revenu tu n'arrêtes pas de nous gaver avec tes exams, soupira Ashley.
- Fiston, j'ai un peu de mal à croire que tu te soies si bien débrouillé avec l'équipe que tu as, ajouta Jeremy. Par exemple Scorplane n'a pas évolué...
- Euh, il n'y a pas de presse, j'ai toute la vie pour ça... répondit Edgar.
- Ce n'est pas ce que tu disais avant le voyage, répliqua sa mère. Et ce Mangriff que tu as capturé manque cruellement de bonnes manières. Je suis sûre que les chaussons aux pommes qui ont disparu de ma pâtisserie ces derniers jours, c'est lui!
- Mais pas du tout !

Dorothée avait raison mais Edgar n'allait naturellement pas l'admettre.

- Je parie qu'il a droit à la moitié du butin ! sourit Ashley.
- Tu divagues, ma pauvre. En plus d'être cancérigènes, les céréales te détruisent les neurones du cerveau !
- Tu les manges aussi !
- Je peux me le permettre un peu, ça fait trois mois que j'en ai pas mangé !
- Je ne vois pas ce que vous trouvez à ces cochonneries, soupira Jeremy. De mon temps, c'était les œufs et les tartines...
- Oh non, il recommence avec ses « De mon temps » ! s'esclaffa Ashley.
- Bah quoi, j'ai pas tort ! Dorothée, dis-leur ! - Oui, oui...

Jeremy se leva de sa chaise, plia son journal et l'emporta avec lui.

- Tu l'emmènes où ce journal ? demanda Dorothée.
- Pas moyen de lire tranquillement avec vous, je vais le finir au boulot... Bonne journée, les enfants.

Edgar et sa sœur acquiescèrent. Dorothée se leva à son tour, débarrassa la table et se dirigea vers la cuisine. Ashley regarda son petit frère.

- Tu vas encore passer la journée à glander ?
- Qu'est-ce que tu veux que je fasse, t'accompagner en cours ?
- Certainement pas. Tu comptes aller en fac à la rentrée, n'est-ce pas ?
- Ouaip.
- Et après, tu sais quelle voie tu vas suivre ?
- Aucune idée. Je verrai quand j'y serai.
- T'as intérêt à profiter du temps que tu as pour y réfléchir.
- Bof.

Ashley partit prendre ses affaires. Edgar zappa les chaînes et s'intéressa à un documentaire sur les chutes Tohjo. Il passa le reste de la matinée à vagabonder sur internet. Ses Pokémon s'étaient chacun accaparé une place dans sa chambre : Akwakwak s'était nonchalamment installé sur la moquette, Scorplane grignotait des croquettes depuis le haut de l'armoire, et Mangriff somnolait paisiblement sur le lit. Edgar reçut un SMS. « Belle journée, non ? Une petite balade, ça te dit ? » Le brun sourit et se leva de son bureau. Après s'être habillé, il descendit les escaliers et croisa sa mère.

- Je sors faire un tour, je reviens à l'heure du déjeuner.
- Va à la supérette, pendant que tu y es ! Il nous faut du lait.
- Hmph...

Une dizaine de minutes plus tard, il retrouva Nadine, prit sa main dans la sienne et les deux entamèrent leur balade à travers les avenues de Mérouville.

- Ca m'a fait bizarre de retrouver l'intimité de ma chambre ! sourit Edgar. Pas toi ?
- Pas tellement, j'ai vite repris mes marques. Au, au fait... tu es courant pour les cours qui nous restent ?
- Oui, c'est affiché sur le site de l'académie. Je pensais qu'ils allaient simplement abandonner la partie inachevée du programme mais ils sont décidés à le finir. Sinon ça pourrait être mauvais pour l'image de l'école.
- Tout ça à cause des grèves au début de l'année. Apparemment, il n'est pas obligatoire d'assister au cours. Tu comptes y aller ?
- Je n'ai rien de spécial à faire en ce moment, et puis ça va être nos derniers jours dans ce bahut où on a grandi !
- Je me disais la même chose. Même si ça fait bizarre d'avoir des cours après les examens.
- Yep.

Edgar remarqua que Nadine regardait discrètement la vitrine d'un magasin.

- On a besoin d'un réaménagement de garde-robe pour passer l'été ?
- Non, j'ai juste aperçu...
- Viens, voyons ça de plus près.
- Ce n'est pas la peine...
- Qu'est-ce qu'on a à perdre ? Allez!

Nadine acquiesça et se dirigea vers la vitrine, mais Edgar la tira vers l'intérieur du magasin.

- A te voir on croirait qu'il y a un Giratina caché ici...

Ils découvrirent les derniers arrivages d'été. La brune ne savait plus où donner la tête, déroutée par l'immense choix de vêtements. Edgar regarda Nadine qui portait un simple t-shirt blanc et un jean des plus basiques. Il chercha délibérément des habits qui tranchaient avec les siens.

- Pourquoi pas ce haut, là ?

Il le mit sur le torse de Nadine un haut jaune sans manches.

- Il est joli... admit-elle.
- N'est-ce pas ? Hé, regarde ce coin-là bas, ça a l'air pas mal du tout !

Edgar garda le haut dans ses mains et alla au rayon jupes. Il choisit une jupette verte et l'essaya sur Nadine. Elle frissonna à l'idée de la porter. Edgar sourit, amusé par l'embarras de Nadine. Elle chercha à s'expliquer.

- Ca fait bizarre que ce ne soit pas une fille qui m'accompagne pour ce genre de choses...
- A force d'accompagner ma mère et ma sœur au shopping, j'ai développé l'œil pour ça malgré moi ! Tiens, je parie que ce t-shirt t'ira à merveille !

Edgar s'empara d'un t-shirt avec des motifs de Milobellus.

- Attends, pourquoi tu gardes tout ça dans tes bras ? s'étonna Nadine.
- Pour la même raison qui te passe à l'esprit !
- Seigneur...

Ils continuèrent leur exploration des rayons quelques minutes. En allant vers les cabines d'essayage, ils s'arrêtèrent sur une magnifique robe bleu ciel avec des motifs de fleurs. Edgar lui-même était fasciné. Il arracha presque la robe et la donna à Nadine.

- Maintenant tu vas me faire le plaisir de m'essayer tout ça !
- Non, je ne peux pas...
- Allez, on ne va pas te gronder !

Il dut la pousser dans la cabine d'essayage et lui balancer le reste des vêtements.

- Pas la jupette !
- Surtout la jupette ! Allons, c'est pas un crime ! Laisse la robe en dernier.

Nadine s'exécuta et ressortit un moment plus tard avec le haut jaune.

- Excellent ! sourit Edgar.
- J'avoue que c'est pas mal du tout... sourit Nadine.

Elle essaya la tenue suivante et réapparut avec le t-shirt Milobellus et la jupette. Inutile de dire qu'elle était très, très embarrassée, elle qui s'aventurait sur des terrains nouveaux. Edgar se retint de siffler et sortit son téléphone.

- Attends, je vais prendre une photo...
- Pas question !
- Pourquoi, je te rappelle qu'on est ensemble !
- C'est trop subit ! Je vais mettre la robe !

La brune referma le rideau. Quand elle ressortit, Edgar resta sans voix, obnubilé. La robe bleue lui allait à merveille.

- Wouah...
- Euh... Edgar ?
- Ca dépasse ce que je m'imaginais... tu ne te rends pas compte de ton potentiel !
- Potentiel pour quoi ?
- Tu t'es bien regardée dans la glace au moins ?

Edgar la tourna vers le miroir de la cabine et passa ses bras autour de son cou. Elle se décida enfin à sourire.

- Ok, là j'apprécie vraiment ton initiative.
- C'est pas trop tôt. Où est passée la Nadine qui a envoyé chier un stade entier ?
- Peut-être que je me sens plus à l'aise sur un terrain de combat que dans un milieu mondain...

Ils remarquèrent alors une commerciale non loin et qui les observait avec curiosité.

- Bah quoi, j'ai deux têtes ? lança Edgar, pas vraiment embêté.

L'employée fronça les sourcils et s'éloigna. Nadine eut un rire amusé.

- Tu n'as pas l'habitude de porter quelque chose comme ça, n'est-ce pas ?
- Non, en effet...
- Alors c'est l'occasion de faire une surprise à tes parents !
- Hein ??

Pendant qu'elle se rhabillait, Edgar remit les articles à leurs places, sauf la robe.

- Edgar, je ne peux pas accepter, tu ne peux pas payer ça, c'est trop !
- Bof, j'ai reçu l'argent de poche cumulé des derniers trois mois, donc ça ne va peser lourd sur mes économies.
- Tu pourrais utiliser cet argent pour t'offrir quelque chose...
- Je suis en pleine phase de redécouverte de mon garde-robe, donc de nouvelles fringues, ça peut attendre !

Le brun se dirigea vers la caisse sans tenir compte des protestations de Nadine. Il paya rapidement l'article et quitta le magasin en sifflant.

- Je n'aurais jamais imaginé que cette sortie allait prendre cette tournure ! constata Nadine.
- La vie est faite de surprises. Fêtons ta métamorphose avec des glaces !

Ils se payèrent des cornets chez un marchand ambulant et s'installèrent sur un banc.

- Tiens, ils ont ouvert un salon de toilettage ici. Regarde, il y a un poster de Dianthéa, le maître de Kalos. Elle est vraiment classe cette femme, tu ne trouves pas ?

Nadine ne répondit rien. Edgar la regarda et comprit que quelque chose la préoccupait.

- Ici le centre spatial d'Algatia. Nadine Ludvina, vous me recevez ? Avez-vous réussi à contacter les Mélofée sur la lune ?
- Hein ? Ah ! Euh, o-oui ! Je vous reçois cinq sur cinq...
- Quoi, qu'est-ce que t'as ?
- Rien...
- C'est ça, et moi je chasse les fantômes durant la nuit.

Nadine soupira et confessa.

- Tout le monde dans notre classe... va remarquer... enfin tu vois...

Edgar regarda ses doigts entrelacés avec ceux de Nadine et laissa échapper un petit rire.

- A propos de nous, hein ? Ouais je me doute. Et alors ?
- Ca va les étonner, qu'une fille comme moi a... avec toi en plus, le garçon drôle et sociable. On est comme l'antithèse l'un de l'autre ! On va devenir le sujet du moment, ça va être très embarrassant...
- Je m'en fous. Qu'ils parlent dans notre dos si ça leur chante. On n'a de compte à rendre à personne.
- Tu parles bien de tes amis, là...
- Franchement, à part Jawad et Guillaume, je n'ai jamais eu d'amis très proches. J'ai une bonne relation avec les autres mais je passe pas beaucoup de temps avec eux. C'est en partie parce que notre classe n'a jamais été très stable, chaque année il y a des élèves qui partent et d'autres qui viennent. Bref, Jawad et Guillaume ne nous embêteront probablement pas.
- Oui, j'imagine. Tu n'es pas triste à l'idée de ne plus voir une grande partie de la classe ? J'ai entendu dire que de manière générale, seul un tiers de la promo choisit la faculté.
- C'est la vie, on n'y peut rien. La plupart des gens qu'on connait, on les côtoie un certain temps et après on se perd de vue. C'est comme ça. Bien sûr, je suis pas en train de me dire « Ouais, bon débarras ». Mais ne me dis pas qu'ils vont vraiment te manquer. A ce que je sache, tu n'as pas de meilleure amie, de bestah ?

Nadine secoua la tête avec embarras.

- Il y a pas de quoi avoir honte, affirma Edgar.
- Tu sais, les quelques filles avec qui je trainais en classe... durant le premier jour des exams, après la fin de l'épreuve du matin, je me dirigeais vers la cantine, et là je les ai vues de loin. Elles m'ont vue aussi mais elles n'ont pas cherché à venir me saluer...
- Eh bien faut croire que votre lien n'était pas fort, il s'en est fallu de peu pour le briser.
- Oui... au fait, Edgar... tu es libre cet après-midi ?
- Oui, pourquoi ?
- Ca te dirait de venir chez moi ?

Edgar s'étonna un moment puis se ravisa. « Non crétin, ne pense pas à ça ! Aucune chance, c'est trop tôt... encore que... »

- Oui, bien sûr !
- Il y aura ma mère. Je me disais que ça fait longtemps que je n'ai pas invité quelqu'un, et puisque ces jours-ci je ne traine avec personne d'autre que toi...
- Très bien, ça marche. « Ptaiiiiiin ta daronne elle n'a pas d'activité particulière qui la laisserait dehors ?! Je prends note, ne rien faire d'inconsidéré... »

Edgar remarqua quelque chose. « Et son père, elle n'en parle pas ? Bon, on verra bien... »

- On se retrouve à la rue Minéra, tu connais ?

~~~

L'après-midi venu, à la rue Minéra...

- Ne lui dis pas que c'est toi qui m'as offert la robe !
- Bah pourquoi ?
- Et rappelle-toi, pour ma mère tu es juste un camarade de classe ! Pas d'effusions devant elle !
- A vos ordres, impératrice...

L'immeuble où habitait Nadine était du genre où les couloirs étaient ouverts sur l'extérieur. Le duo monta au troisième étage et sonna à l'appartement numéro 8. La mère de Nadine ne se fit pas attendre.

- Nous voilà ! sourit Nadine.
- Bonjour ! salua Edgar.
- Oh, bienvenue ! Entrez, entrez !

Edgar s'introduit dans l'appartement à la suite de sa petite amie et lança un coup d'œil aux lieux. C'était en quelque sorte ce à quoi il s'attendait : une demeure tout à fait normale, peu riche en décoration et en couleurs.

- Alors c'est toi l'ami dont m'a parlé Nadine, dit la mère.
- Je m'appelle Edgar ! Enchanté, madame.
- Moi de même, mon garçon. Tu peux m'appeler Delphine. En fait, j'étais un peu étonnée quand Nadine m'a dit qu'elle allait inviter quelqu'un, un garçon de surcroit !

Edgar regarda Nadine du coin de l'œil et comme il s'y attendit il vit qu'elle était gênée par la remarque de sa mère.

- Oui, on a fait le voyage itinérant ensemble, expliqua-t-il.
- Je vois ! Installez-vous, je vais vous apporter un petit quelque chose.

Delphine se dirigea vers la cuisine. Edgar observa la femme et estima son âge à environ 45 ans. Des débuts de rides commençaient à affecter son visage et Ses longs cheveux noirs manquaient de lisseur. De plus elle était habillée avec la sobriété typique d'une personne qui ne se préoccupait plus de paraître chic ou élégante. Visiblement sa fille avait hérité de ce trait. Edgar constata également l'absence du père mais décida de garder la question pour plus tard.

Delphine revint avec un plateau dans les mains. Les yeux d'Edgar s'illuminèrent en voyant des muffins. Il ne se fit pas prier pour se servir et mangea avec appétit.

- Madame, vos muffins sont si délicieux, je dirais même qu'ils sont meilleurs que ceux à la pâtisserie de ma mère !
- Contente de voir que je n'ai pas perdu la main, je ne les prépare pas souvent. De quelle pâtisserie tu parles ?
- Celle à l'avenue Saint-Kyogre.
- Oh, je connais ! J'y suis allée quelques fois. La prochaine fois si je croise ta mère je lui dirai bonjour.

Nadine était étonnée. « Je rêve où il papote avec ma mère comme un ami de toujours ?

- A propos, les jeunes, on ne vous pas encore donné vos notes ?
- On les aura à la remise des diplômes, répondit Edgar, ça sera lundi prochain. Je suis sûr que moi et Nadine on aura de très bons résultats !
- Ah bon ! Ca ne m'étonne qu'à moitié, Nadine a toujours été une élève sérieuse.
- Peut-être qu'elle n'en donne pas l'air, mais c'est aussi une combattante redoutable ! On a remporté tous nos matches ! Sans son aide je ne m'en serais pas sorti.

Delphine regarda sa fille avec étonnement.

- C'est juste qu'on a eu un très bon prof... dit la brune.
- Dommage que les parents n'aient pas été invités à assister aux matches, j'aurais aimé rencontrer votre enseignant pour le remercier... attendez, je vais débarrasser la table.

Delphine s'attela à la tâche.

- Maman, dit Nadine, on va dans ma chambre.
- D'accord.

Edgar suivit Nadine à travers l'appartement. Dans sa chambre, pas de peluches ou de papier peint. Par contre une armoire remplie de bouquins en tous genres.

- Un avis ?
- Disons que... ça te ressemble. Discret, sobre.
- Oui c'est pas très « girly » comme chambre. Un garçon pourrait y vivre et on ne remarquerait rien d'incohérent.
- Ce n'est pas forcément une mauvaise chose. T'en as un sacré lot, des bouquins...
- Oui, j'aime beaucoup lire. Ca me permettait de m'oublier, d'oublier le monde...

Edgar inspecta les divers bouquins.

- C'est intéressant de découvrir ton petit monde intérieur.
- Estime-toi chanceux, il n'y a que les VIP arrivent ici !

Edgar feuilleta quelques livres un moment et s'arrêta.

- Nadine...
- Hm ?
- Où est ton père ?

Nadine eut un faible sourire. Elle s'assit sur son lit et joignit ses mains, pensive.

- Je m'attendais à ce que tu me poses cette question.

~~~

- Quand même, ça reste étonnant qu'un type aussi turbulent ait une femme et une fille aussi adorables.

Delphine et Nadine suivaient l'homme à travers les couloirs gris et maigrement éclairés. Nadine avait environ onze ans.
Ils entrèrent dans une salle et s'arrêtèrent devant l'une des nombreuses grilles. De l'autre côté, un homme du même âge que Delphine, en tenue de prisonnier, physiquement diminué.
Delphine refoula ses larmes, s'assit et prit les mains de son mari dans les siennes.

- Joshua...
- Salut Delphine. Nadine, tu as encore grandi !
- Ouiiii !
- Tu ne fatigues plus maman avec tes bêtises ?
- Non non !
- C'est bien. Maman est probablement déjà assez fatiguée, à s'occuper de tout, toute seule.
- Je fais aller, dit Delphine. Les factures sont salées mais je me débrouille. De ton côté, on m'a dit que tu te bats souvent avec d'autres incarcérés. Tu pourrais être plus sage, tu sais...
- Sage. J'ai été sage toute ma vie, et voilà où ça m'a amené... j'en ai assez d'être sage.
- Papa, papa, j'ai quelque chose à te montrer !

La fillette sortit une Pokéball et appuya sur le bouton au centre. Un Skitty en sortit et atterrit dans les mains de Nadine. Son père afficha un faible sourire.

- Je l'ai trouvé dans une ruelle, en train de faire les poubelles. Je l'ai apprivoisé avec des biscuits puis je l'ai emmené au Centre Pokémon, et là-bas l'infirmière a pris soin de lui et me l'a rendu dans une Pokéball.
- Un Skitty... il est mignon. Prend-en bien soin.
- Oui, oui ! Je lui fais prendre un bain tous les trois jours, même si apparemment il aime pas ça... à part ça, il a déjà appris Queue de Fer !

Le garde s'avança vers la petite famille.

- Ecoutez, il est interdit de sortir un Pokémon ici, quelle que soit l'espèce. Je me doute qu'on ne peut rien tenter avec un Skitty mais les règles sont les règles.
- Oui, excusez-nous.... Répondit Delphine. Nadine, tu as entendu le monsieur.

La petite brune s'exécuta à contrecœur.

- Au fait papa, je veux lui donner un surnom, mais je sais pas quoi l'appeler. Tu peux m'aider ?
- J'ai jamais été très surnoms, j'ai même pas surnommé les miens...
- Chéri, fais un effort, c'est important pour elle.

Joshua pencha sa tête en arrière et observa le ciel à travers les barreaux d'une fenêtre.
- Il y a un type dans une cellule pas loin de la mienne... d'une façon ou d'une autre il a réussi à mettre la main sur un lecteur de cassettes audio. Une vraie antiquité, cet engin. Il y a une chanson qu'il joue chaque jour, tous ceux à proximité se la coltinent chaque jour. Je crois que le nom du groupe est... Kings of Leon. Bref, tout ça pour dire : tu dis quoi de Léon, comme surnom ?
- Super ! s'exclama Nadine.


~~~

Edgar ne s'attendait pas à une réponse pareille.

- Papa s'est laissé emporter dans les magouilles de ses compagnons de bar. On avait besoin d'argent à l'époque, et donc il a accepté de participer à un vol de fossiles. Mais ça a mal tourné et un gardien a été gravement blessé.
- Ouah...
- Tout me semblait normal et paisible. Je ne me doutais de rien jusqu'au soir où la police est venue chercher papa. Sur le moment, Je n'avais absolument rien compris à ce qui se passait. Tout s'effondrait autour de moi sans que je ne puisse rien faire.

Nadine semblait affectée par son récit. Edgar se demandait presque s'il n'aurait pas du poser la question.

- Sara et ses copines ont commencé à se moquer de moi quand elle a découvert l'histoire de mon père dans le journal, parmi les faits divers. Depuis...

Edgar s'assit à côté de Nadine et lui serra les mains.

- Il en a pour combien d'années ?
- Sept ans. Normalement il devrait sortir l'année prochaine.
- Il n'en a plus pour longtemps alors ! Il sera fier de voir comment sa fille a si bien grandi !

Nadine haussa les sourcils puis se blottit contre Edgar en souriant, savourant ce moment de quiétude et d'espoir.

~~~

- Et maintenant, le moment si attendu est arrivé, nous allons procéder à la remise des diplômes !

Le directeur de l'académie de Mérouville assurait en personne le déroulement de la cérémonie. Le corps professoral et administratif ainsi que les étudiants et leurs parents étaient tous rassemblés dans un large amphithéâtre. Les élèves de la cinquième année étaient assis aux premiers rangs, tous vêtus de costumes fournis par l'académie. Leurs parents étaient installés derrière eux.

- Franchement, pourquoi nous obliger à porter leurs fringues ? grommela Guillaume. Ce n'est pas comme si on n'avait pas nos propres smokings !
- C'est pas ça, c'est juste pour qu'on soit uniformisés, expliqua Edgar. Et accessoirement pour contenir les lubies des filles !
- Estime-toi heureux qu'on ne nous ait pas imposé ces chapeaux ridicules... marmonna Jawad.
- Cette veste est un peu trop grande pour moi... marmonna le blond en la rajustant pour la énième fois. Je vais avoir l'air débile en montant sur scène.
- Ca sera juste pour un moment, tu vas pas faire un discours !
- Edgar, tu ne trouves pas ces jupes trop courtes et serrées ? chuchota Nadine.
- Non, en fait c'est toi qui n'es pas habituée à ce style !
- Eh bien je ne pense pas que je m'y ferai...

Andy était assis seul, au bout du rang derrière Edgar et compagnie. Noémie n'était pas à ses côtés, la blonde ayant préféré se regrouper avec ses copines.

- D'abord laissez-moi vous rassurer en vous annonçant que cette année, il n'y a pas un seul redoublant ! annonça le directeur. Certes, quelques élèves sont passés en session de rattrapage mais ils ont validé leurs modules au même titre que leurs camarades. Bien, nous allons appeler les diplômés un par un, suivant l'ordre retenu pour faire l'appel durant les cours. Vos notes et vos appréciations sont incluses dans les documents que nous allons vous remettre, toutefois laissez-moi vous dire qu'il est interdit de les ouvrir avant la fin de la remise.

Certains des élèves hochèrent la tête.

- Alors, sans plus attendre. Armstrong Louise !

La jeune fille s'avança en souriant. Le directeur lui donna son diplôme et lui serra la main tout en échangeant avec elle quelques mots. Des applaudissements fusèrent dans l'assemblée.

- Belmont Andy !

Lequel se leva et se dirigea vers la scène. « J'en ai bavé pour l'avoir, ce bout de carton... »
Andy serra la main au directeur. « J'y pense, ce type ne me connait pas, c'est pour ça qu'il n'a pas ce regard énervant... pas comme le connard de prof là-bas... »
Il eut droit lui aussi à des applaudissements. « C'est ça, applaudissez-moi, alors qu'en fait aucun d'entre vous ne peut me piffer. »
Le jeune homme retourna à sa place. « Et maintenant, je fais quoi au juste, de ma vie ? »
D'autres élèves passèrent. Vint le tour de Noémie Curtis qui se leva avec vivacité, toute contente. Elle prit son diplôme, serra la main du directeur avec enthousiasme et revint parmi ses amies qui la gratifièrent d'accolades et de baisers.

Quelques élèves plus tard, Guillaume fut appelé. En montant à la scène il trébucha sur une marche mais se rattrapa. Il parla brièvement au directeur, prit son diplôme et retourna à sa place tout content. D'autres élèves passèrent...

- Ludvina Nadine !

Laquelle regarda les trois garçons à sa droite ; tous lui sourirent.

- Félicitations mademoiselle. Comme pour ton camarade Garamonde, je me dois de te féliciter pour ton dernier match aux examens. Vous quatre êtes la fierté de l'établissement.

Nadine s'étonna un instant, elle ne s'attendait pas à cette remarque et Guillaume n'avait rien dit, peut-être pour garder la surprise. La poignée de main qu'elle échangea avec le directeur redoubla d'ardeur.

- Merci monsieur ! Tout le plaisir est notre.

La jeune fille arborait un doux sourire et semblait radieuse. Certains des élèves de la classe étaient étonnés de la voir si différente. Edgar n'était pas peu fier. Nadine fut applaudie, peut-être pour la première fois de sa vie. Elle contempla l'assemblée un moment, sublimée par la situation. Dans son cœur, pas une once d'embarras ou de trac face à autant de personnes. Parmi les parents, Delphine était saisie par une intense émotion. « Joshua, si seulement tu étais là ! »

- Narshe Jawad !
- Je reviens tout de suite.

Le fier jeune homme au teint bronzé partit récupérer son du. Le directeur lui adressa le même compliment.
Jawad observa ce qu'il tenait dans ses mains. « On est à peine arrivé à la moitié de la classe, j'en ai encore pour longtemps avant de pouvoir ouvrir ce dossier. Dans ces papiers, mon avenir est déjà décidé. »

- Newman Edgar !

Le jeune homme répondit à l'appel en souriant. Le directeur lui serra chaudement la main.

- Le jury des examens nous a parlé de toi et tes camarades, nous sommes très fiers de votre performance à l'examen !
- Merci ! On doit tout à notre professeur.

Professeur qui en réalité était présent à la cérémonie. Normalement seuls les enseignants exerçant à Mérouville étaient censés y assister, mais lui s'était déplacé pour l'occasion. Discrètement logé aux derniers rangs, Owen observait le fruit de ses efforts avec un sourire ému.

Quelques rangs en dessous, Ashley applaudit mollement. « Sur le moment, ça a l'air grandiose, mais tout ça, ça sera vite oublié après, comme ça m'est arrivé. »
Jeremy et Dorothée applaudirent avec beaucoup plus d'ardeur et se s'échangèrent une chaleureuse étreinte.

- Edgar est chou dans ce costume ! sourit Dorothée.
- Ils ont de la chance de recevoir tant d'attention, à notre époque la cérémonie était beaucoup plus sobre et réservée, observa Jeremy.

Les élèves restants passèrent...
Une dizaine de minutes plus tard, l'assemblée fut invitée à un buffet. Edgar et compagnie en profitèrent pour découvrir leurs notes.

- Prêts ?
- Allons-y !

Les quatre ouvrirent leurs documents et sortirent leurs bulletins. Guillaume, Edgar et Nadine se tournèrent vers Jawad qui était le plus concerné.

- C'est bon, je l'ai ! sourit l'héritier du clan Narshe. 17,53.
- Quoiiii ? fit Edgar. T'as perdu le combat mais tu t'en sors avec une meilleure note que nous ?
- Je vous surpasse probablement dans l'épreuve théorique, et en plus n'oublie pas que les notes du premier semestre comptent aussi !
- Ah ben oui c'est vrai ça... Et toi Guillaume ?
- 14,62. C'est à peu près ce à quoi je m'attendais. Je suis pas une lumière en théorie... et vous ?
- 15,91, répondit Edgar. J'ai été fainéant durant le premier semestre, mais ça va, c'est tout à fait honorable !
- Moi c'est 16,23, ajouta Nadine. Ca dépasse toutes mes espérances !
- Je me demande combien ont eu les autres...

Noémie était assise à une chaise et dégustait calmement un gâteau tandis que ces amies discutaient et riaient. La blonde laissa échapper un long soupir. « Bon, 13,76... je devrais pas me plaindre, avec le fiasco qu'a été la deuxième épreuve... je me demande combien l'autre crétin a eu. »

Andy était tout seul dans un couloir non loin de la salle où la célébration avait lieu, assis à un banc et s'apprêtant à ouvrir son dossier. La foule d'adultes et d'adolescents, le blabla incessant, la musique d'ambiance, tout ça l'empêchait de savourer son moment de gloire.

Et là ce fut le choc. Le jeune homme bondit du banc et se retint de déchirer la feuille. Il douta de ses propres yeux et relut le contenu pour s'assurer que c'était bien réel. La note finale attribuée à Andy Belmont était de... 12,28. Pour d'autres ça aurait été une note tout à fait réjouissante, mais pour Andy qui s'attendait à un 18 au bas mot... c'était la catastrophe. Un coup de poignard au cœur. Une injustice de la pire espèce.

- Putain mais ils se sont trompés ou quoi ?!!

Aucun doute ne pouvait exister quant à ses propres aptitudes. Il avait passé l'épreuve écrite avec brio. Pour le second jour sa performance était tout à fait enviable. Et durant le dernier jour, il avait démontré toutes ses compétences en gagnant ses trois matches et en écrasant tous ses adversaires avec une facilité déconcertante pour les deux premiers, ainsi qu'une ténacité et une ingéniosité exemplaires pour le dernier.

- Non, non, non... ça peut pas être vrai !! C'est une PUTAIN de blague !

Andy secouait la tête, encore incrédule. Il chercha l'appréciation de Robert.

« Andy a été un élève difficile à appréhender, mais cela n'entache en rien ses aptitudes au dressage. Turbulent mais désireux d'apprendre et très impliqué. De tous les élèves que j'ai eu à former durant mes cinq voyages itinérants, il a été de loin le plus talentueux. Je suis sûr qu'il deviendra un grand dresseur. »

Dans d'autres circonstances, ces lignes l'auraient touché mais là il était beaucoup trop énervé pour les apprécier. Il chercha d'autres remarques dans son bulletin, et les trouva.

« Faits notables:
- Manque de respect envers les professeurs
- Turbulence et actes de violence répétés avec ses camarades
- Vol de l'Artikodin en bois du proviseur
- Saccage des terrains d'entraînement
- Séchage réguliers de cours »

- Non, non... nooooooonn...

Il ramassa les feuilles d'une manière erratique, ferma son document et traina sa carcasse vers les portes de l'académie. En passant près des toilettes, une voix l'interpela.

- Andy !

L'adolescent se retourna lentement vers cette voix familière : celle de Noémie. En même temps, qui d'autre qu'elle l'aborderait ?

- Je t'ai pas vu dans les parages toi. T'as eu combien à la note ? Et l'appréciation du prof ?

Noémie remarqua alors l'expression d'Andy. Il avait le regard d'un homme détruit, piétiné, éteint.

- Andy ? Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Tu as eu la moyenne ?
- Oui, mais là n'est pas la question. Je te demande ce...
- C'est bien. Ecoute, pour un camarade de voyage itinérant tu as été pas mal du tout.
- Mais... qu'est-ce que tu es en train de me raconter, là ? Bon sang, qu'est-ce qu'il y a dans ton document ?
- Aucune importance. Je me casse d'ici.
- Hein ? Et tes parents ?
- Ils sont pas là. Au revoir, Noémie.

Andy s'éloigna et disparut rapidement parmi les parents et les élèves. Noémie resta un long moment sans bouger, incapable de comprendre la situation. « Pourquoi ai-je l'impression que cet au revoir est définitif ? »

Andy rentra chez lui à pas lents. L'appartement était vide et silencieux. Il balança le diplôme et les bulletins dans sa chambre et alla au salon où il s'assit au sol. Il ne chercha pas à allumer la télévision ou prendre quelque chose réfrigérateur, et resta à sa place des heures durant, immobile et songeur.

~~~

Deux jours plus tard, il se rendit à l'académie, mais la plupart des administratifs étaient absents. Il y avait juste trois gars qui flânaient dans un bureau. Ils l'écoutèrent d'un air blasé.

- Ecoute petit, la réduction de tes notes est due aux multiples plaintes portées par des professeurs à ton encontre, au vu de ton comportement insolent en classe.

Andy se mit à bouillir. L'un des adultes le remarqua et soupira.

- Tu sembles oublier, jeune homme, que le ministère chargé des établissements scolaires s'appelle ministère de « l'éducation » et non seulement « la formation ». Ca implique l'application d'une certaine forme de discipline. Et en l'occurrence, de la discipline, tu en as un cruel déficit.
- C'est ça votre discipline ? Me ruiner mes notes pour lesquelles j'ai tant travaillé?
- Ecoute, répliqua un autre, tu es juste en train de faire une crise d'adolescence, le côté rebelle est un peu trop accentué chez toi, mais tôt ou tard ça va passer, d'accord ?
- Mais... ça n'a rien à voir avec ça !
- Honnêtement, à quoi ça va te servir d'avoir un 12 ou un 18, dans le futur personne ne se souciera de combien tu as eu à telle date...
- Mais pour moi ça compte !! Je supporte pas l'idée que les autres crétins qui sont des bouses en dressage aient des notes supérieures à la mienne ! Vous trouvez ça juste ?!
- Et faire ton chieur ici pendant des années, c'est juste aussi ?
- Tu sais, t'es typiquement le genre de gars qui finit trafiquant de drogue... ou sbire à la Team Magma, c'est selon...

Andy songea à s'emparer d'un stylo sur le bureau et de commettre une horreur avec. Il souffla et se contenta de frapper une armoire à côté.

- Allez-vous faire mettre ! cria-t-il en leur donnant le doigt d'honneur.

Andy respirait et transpirait nerveusement. Les trois administratifs restèrent de marbre face à cette insulte.

- Voilà, c'est exactement à cause de ce genre de comportement qu'il a été décidé de réduire ta note.

Andy comprit à ce moment qu'il était futile de débattre davantage avec ces individus.

- Le directeur ! Je veux parler au directeur, il est où ? Le directeur ne me connait pas, il n'a aucune rancune envers moi, il sera objectif en m'écoutant.
- Le directeur n'est pas là, il n'a pas le temps pour des affaires aussi triviales.
- Allez, arrête de nous faire chier et casse-toi.

Andy recula de quelques pas en pointant les adultes du doigt.

- Andy Belmont. Retenez bien de ce nom.
- Ouais, on le lira un de ces jours dans le journal, dans la partie crimes et fait divers...

Andy partit en courant. Il sortit de l'académie et continua à courir dans la ville pour extérioriser sa rage insoutenable. Il n'essuya pas le flot de larmes que ses yeux déversaient.

« Ils verront... ils verront tous de quoi je suis capable ! »