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Les dresseurs de demain de Shaam



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Informations

» Auteur : Shaam - Voir le profil
» Créé le 18/01/2015 à 20:08
» Dernière mise à jour le 18/01/2015 à 20:08

» Mots-clés :   Action   Aventure   Hoenn   Humour

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11 - Danse avec les roses
- A demain, Jawad, Guillaume !
- Bonne fin de journée !
- Salut !

Edgar se sépara de ses deux amis et continua son chemin vers chez lui. Voyant que la rue par laquelle il avait l'habitude de passer était sujette à une rénovation, il changea de trajectoire et emprunta la rue Lilia. C'est alors qu'il passa près d'un vieux clochard assis contre un mur. Edgar chercha dans sa poche quelques pièces et les donna au sans-abri.

- Merci, jeunot.

L'homme avait un visage usé par le temps avec toutefois des yeux qui maintenaient encore une certaine vivacité. Il avait de longs cheveux gris et décoiffés ainsi qu'une moustache et une barbe de bonne taille. Edgar remarqua à côté du vieillard une vieille guitare poussiéreuse à laquelle il manquait une corde.

- Dis petit, tu aimes la musique ?
- Hein ? Euh… ouais, ouais !
- C'est pas grand-chose mais disons que tu vas en avoir pour ton argent.

Le sans-abri s'empara de sa guitare et se mit à jouer un air plutôt entrainant tout en chantant. Par respect, Edgar accepta de l'écouter jusqu'au bout et remarqua que la performance du vieil homme était presque plaisante à écouter.

- Same old song, just a drop of water in an endless sea… all we do, crumbles to the ground though we refuse to see…

Le clochard continua à jouer et chanter. Même s'il ne comprenait pas les paroles, Edgar était à présent subjugué. Le vieil homme termina son tour et toussa. Edgar le félicita d'un court applaudissement.

- Merci, mon garçon.
- Je m'appelle Edgar Newman. C'est quoi votre nom ?
- Frank… Frank Modigliani.
- Je m'en souviendrai. Bon, je dois y aller là. Au revoir, Frank.

Frank regarda l'enfant partir. « Il s'en souviendra… »


~~~

Route 120. Le groupe Dubois continuait tranquillement sa traversée de la région. Eric avait fini son inspection après quelques jours et il était déjà parti s'occuper d'un autre groupe. Alors qu'ils avançaient à travers une forêt, Edgar et Nadine étaient plongés dans une discrète discussion.

- C'est intrigant cette histoire de « cas Dubois », dit le brun. Il ne nous en a jamais parlé.
- Maintenant que j'y pense, ajouta sa camarade, ça fait plus d'un mois et demi qu'on est avec le prof mais on ne sait pas grand-chose sur sa vie, son parcours...
- Quand on arrivera à Nénucrique, j'essaierai de faire quelques recherches sur internet.
- Tu penses que tu vas trouver quelque chose ? Monsieur Dubois n'est pas une célébrité...
- Ouais mais ça vaut le coup d'essayer.
- En tout cas quelque chose me dit que ça ne lui plairait pas d'apprendre ça.
- Parle moins fort, il peut nous entendre.
- Oui...

Dubois observait ses deux disciples qui marchaient à quelques pas devant lui et se murmuraient. « Dis donc, ils semblent drôlement complices aujourd'hui... je me demande de quoi ils parlent » pensa-t-il.
Le trio arriva dans une petite clairière, parfait endroit pour faire une pause et prendre un repas. Dubois posa son sac à dos et s'attela à préparer le déjeuner. Nadine posa son sac à son tour et rejoignit son professeur.

- M'sieur, dit Edgar, je vais aller me soulager, je reviens tout de suite.
- Très bien, ne t'éloigne pas trop.
- Ouaip.

Edgar s'éloigna de ses compagnons de voyage et se balada un peu parmi les arbres avant de s'arrêter et ouvrir sa braguette.

- Qu'est-ce que ça fait du bieeeen...

Edgar recourut au Pistolet à O de Frank pour se laver les mains et le rappela juste après.

- C'est très joli ici… et très paisible…

Il continua à marcher en avant, profitant de l'atmosphère revigorante. Soudain Edgar eut l'impression de marcher dans le vide. Et effectivement, son pied plongea dans le néant.

- Hein ?!

Edgar regarda en bas et comprit trop tard : il venait d'arriver à un ravin. S'ensuivit une chute brutale où le jeune homme se couvrit la tête et se roula en boule en espérant réduire les dégâts. Toutefois il ne put s'empêcher de pousser plusieurs cris de choc et de douleur. Heureusement pour lui, la pente n'était pas très profonde et il atteignit le sol en peu de temps.
Quel idiot, se dit-il. Subjugué par la nature, il regardait à gauche et à droite et ne faisait donc plus attention à l'endroit où il mettait les pieds. Edgar se releva lentement et s'examina. Il essuya les feuilles et bouts de terreau sur ses vêtements puis se tâta le visage et y découvrit quelques égratignures. De plus il avait mal au bras dos et au bras gauche, mais apparemment rien de grave. Pour lui, le pire était que sa chère veste en cuir marron avait essuyé quelques coupures.

- Et merde ! Maintenant je vais plus pouvoir la porter trop souvent…

Au même moment, en haut, c'était déjà la panique.
Nadine avait appelé Edgar maintes fois, et l'absence de réponse avait éveillé en elle l'inquiétude. Dubois abandonna son repas et lança des appels à son tour. Son cerveau essayait de ne pas tirer l'inexorable conclusion. Professeur et élève firent le tour des arbres autour de la clairière tout en continuant à appeler Edgar.
Nadine leva la tête vers son professeur et le trouva en train de passer par toutes les couleurs. Elle ne l'avait jamais vu comme ça.

- Monsieur Dubois, reprenez-vous, il n'a pas pu aller bien loin !
- Oui, oui...

Elle sortit son Heledelle.

- Fernando, cherche Edgar et trouve-le!

L'oiseau acquiesça d'un cri et prit son envol. Nadine découvrit une nouvelle expression sur le visage de Dubois, un état de choc mêlé à une peur croissante.

- Bon sang, mais comment… comment a-t-il pu disparaitre ?!
- Non, ne dites pas ça… gémit Nadine.
- Si ce n'est pas ça alors pourquoi il ne répond pas ?!
- Euh... on ne pourrait pas informer quelqu'un, faire appel à une équipe de recherches, quelque chose comme ça ?
- Tu plaisantes ? Il leur faut beaucoup de temps pour venir ici et commencer leur boulot ! En plus, ça va faire un scandale, les médias adorent ce genre d'histoires, je vais devenir la honte du métier ! Bordel, comment ai-je pu être aussi distrait ?! Pourquoi aucun de mes voyages ne peut se dérouler tranquillement ?!

Nadine s'étonna. « Ce doit être en rapport avec ce « cas » dont a parlé monsieur Holt... ».
Elle et Dubois continuèrent à chercher dans les alentours, mais sans arriver jusqu'au ravin où l'incident avait eu lieu.

Pendant ce temps, Edgar marchait dans le niveau inférieur de la forêt, espérant trouver un chemin vers la clairière. Le ravin était un peu trop raide pour être escaladé, de plus le brun avait remarqué que le sol n'était pas plat et remontait petit à petit vers le niveau où se trouvait la clairière.
Edgar avait sorti son Akwakwak pour se sentir moins seul et le défendre en cas de besoin.

- Eh ben mon pauvre Frank, on dirait bien qu'on est dans une belle merde... je n'ose pas imaginer la colère du prof, il va me gronder comme pas possible…

Il sortit son téléphone portable et constata qu'il n'y avait aucun signal de réseau. En effet, ce jour-ci le groupe Dubois était en plein dans la route 120, loin de toute forme d'urbanisation. « De toute manière je n'ai le numéro de ni Dubois, ni Nadine, ni qui que ce soit qui pourrait m'aider. P'tain la tuiiiile... »

Edgar aperçut quelque chose à quelques mètres face à lui, étendue sur l'herbe. Il s'approcha et blêmit en découvrant un cadavre de Pokémon, plus exactement un Mangriff. Le corps de la créature était couvert de blessures sanglantes.
Soudain, un autre Mangriff passa à toute vitesse devant Edgar. Ce mangouste était d'une taille inférieure à celle du cadavre et ne semblait pas avoir remarqué la présence de l'humain.
« Il est cool, j'aimerais bien l'avoir dans mon équipe... »pensa Edgar. Il haussa les sourcils puis secoua vivement la tête, comme pour chasser cette pensée de son esprit. « Non, non, et non !! J'ai beaucoup à faire avec Frank et Steve, en plus je me suis promis de ne pas capturer de nouveau Pokémon ! »
Un autre Pokémon apparut furtivement à son tour ; Edgar crut voir un Roserade. L'adolescent procéda alors à une déduction de la situation.
« Roserade est responsable de la mort du Mangriff adulte. Ce dernier est probablement le parent du petit qui en ce moment cherche à fuir. Il est très mal barré. »

Poussés par la curiosité, Edgar et Akwakwak prirent le chemin par où venaient de passer la proie et son chasseur. Ils se cachèrent derrière un arbre et observèrent la scène qui se déroulait non loin d'eux. Roserade tira une longe corde verte qui s'enroula autour de la jambe de Mangriff et le fit tomber brutalement. Un Nœud d'Herbe rapide et efficace. Roserade tira sa proie lentement vers lui, néanmoins celle ci se libéra du lien végétal en le tranchant.
Edgar soupira et entreprit de reprendre son chemin. « Comment un Pokémon aussi beau et élégant peut s'avérer aussi cruel ? Oh suis-je bête, c'est la loi de la nature, tout ça... »
Néanmoins Edgar s'arrêta de marcher et regarda en direction de la confrontation.
« Non ! Pourquoi je mettrais en danger la vie de mes Pokémon, j'ai bien vu ce que ce Roserade a fait au parent Mangriff ! Et surtout je dois retrouver Nadine et Dubois au plus vite ! »
« Allez quoi, c'est juste un Roserade, pas Groudon ! En plus tu peux viser ses faiblesses ! Botte son cul et sauve la peau de ce pauvre Mangriff. Même s'il devra se débrouiller seul par la suite... »
Edgar regarda Akwakwak qui hocha la tête.

- Tu ne m'en voudras pas si tu te blesses ?

Frank secoua la tête. Toutefois Edgar eut une idée intéressante.

- Attends, on est pas obligés de se battre...

Mangriff était à terre. Roserade s'approchait silencieusement de lui, prêt à l'achever. C'était sans compter un Akwakwak qui bondit et atterrit entre le chasseur et sa proie.

- Flash !!

Roserade fut aveuglé par la lueur du joyau sur le front du canard. Edgar en profita pour prendre le jeune Mangriff dans ses bras et déguerpir sans plus d'histoires. Quand le Pokémon Bouquet recouvrit la vue, il constata que ses assaillants et sa proie n'étaient plus là.
Caché derrière un arbre, Edgar caressa la tête du Mangriff pour le calmer.

- Eh bah voilà ! Ca n'a pas été bien dur... ça va toi ?

Mangriff se mit à se débattre pour se libérer de l'emprise d'Edgar.

- Non, arrête ! T'es malade ou quoi ?!

Dans ses mouvements frénétiques, Mangriff écorcha Edgar à la joue sans le faire exprès. La surprise et la douleur poussèrent l'adolescent à lâcher prise, et Mangriff en profita pour s'échapper. La rage et la tristesse de l'enfant qui avait vu sa mère se faire tuer devant lui avaient enclenché en lui un terrible désir de vengeance. Akwakwak ne savait pas s'il devait suivre la mangouste ou rester auprès de son dresseur. Edgar se frotta la joue ensanglantée, se leva et décida de partir à la rescousse de Mangriff.

- Putain, ça fait mal !! Allons-y, Frank !

Akwakwak acquiesça. Tout en courant, Edgar essuya son sang avec un mouchoir.
En chemin, Mangriff procéda à une Danse Lame pour accroître ses minces chances de vaincre le prédateur. Une fois face à ce dernier, il se lança dans une attaque Griffe Acier mais Roserade l'accueillit avec un Direct Toxik foudroyant. Mangriff vola en l'air puis s'écrasa brutalement sur l'herbe. Roserade s'approcha de lui mais fut soudain pris d'une horrible migraine. Akwakwak jaillit d'un buisson et le frappa d'une puissante attaque Aéropique, puis bondit en arrière, s'empara de Mangriff et retourna auprès de son dresseur qui venait d'arriver à son tour.

- Bien joué Frank ! sourit Edgar.

Roserade était sévèrement atteint et comprit qu'il risquait de perdre ce combat. Il lâcha un cri strident qui résonna dans la forêt. S'ensuivit un silence qui ne dura pas car des bruits de déplacement se firent entendre. Edgar commença à avoir très, très peur.
Une horde de Rosélia fit son apparition, certains se déplaçant entre les branches des arbres, d'autres arrivant par la voie du sol. Les petits Pokémon Plante et Poison entourèrent rapidement les importuns qui s'en étaient pris à leur chef. Roserade recula, s'adossa à un arbre et usa de la capacité Racines pour récupérer de l'énergie. Edgar comprit que la fuite n'était plus une option et qu'il fallait se débarrasser de cette armée de Rosélia. Il sortit Scorplane qui usa rapidement d'Aiguisage.

~~~

Pendant ce temps, Nadine et Dubois sombraient de plus en plus dans le gouffre de l'inquiétude. Chose qui menait à des échanges houleux.

- Allez monsieur, appelez le ministère, il faut trouver Edgar par tous les moyens !
- Non !! La situation n'est pas désespérée. Si les médias apprennent et répandent cette histoire, c'est tout le système du voyage itinérant qui sera remis en question ! Tu comprends ça ?!
- Mais...
- Pas de mais avec moi !! On pourrait me virer, je serai la risée du corps enseignant, tous ces profs incompétents qui ne glandent rien en ce moment même vont médire de moi ! Edgar est un bon dresseur, il peut se débrouiller en cas d'attaque...
- Vous êtes un égoïste qui ne pense qu'à sa carrière !!

Dubois empoigna Nadine.

- Espèce de petite...

Il pensa alors à une certaine élève et lâcha Nadine.

- Ne joue pas à l'insolente avec moi. On a fait le tour de la clairière, maintenant allons voir cette légère pente par là.

~~~

- Frank, Aéropique, pleine puissance !!

Akwakwak donna un coup de griffes dans le vide qui engendra une violente bourrasque. Beaucoup de Rosélia furent terrassés mais d'autres s'avancèrent et préparèrent chacun une Ecosphère. Chaque boule d'énergie était petite et faible mais le nombre élevé des projectiles sphériques infligea à Frank de sérieuses blessures.

- Ne flanche pas, utilise Choc Mental ! cria Edgar. Steve, attaque Eboulement !

Akwakwak s'efforça de riposter avec sa force mentale, pendant que Scorplane bombardait les Pokémon Plante et Poison avec des rochers. Edgar portait Mangriff dans ses bras, ce dernier ayant renoncé à se battre vu le nombre impressionnant des ennemis. Le jeune Pokémon blanc et rouge s'en voulait d'avoir impliqué l'humain et ses Pokémon dans ce conflit et le regardait d'un air attristé. Edgar hocha la tête. « C'est bien, Steve maitrise de plus en plus cette attaque. Pour le moment j'ai le contrôle de la situation, je peux m'en sortir »
Evidemment, une frayeur atroce parcourait le garçon mais il s'efforçait de penser positivement.
« Je ne suis plus le minable petit dresseur au début de ce voyage, je vais montrer à ce clan qui est le boss et après je pars rejoindre Nadine et le prof. »
Comme pour chasser cette pensée, une liane s'enroula rapidement autour du cou du garçon et le serra rudement. Edgar manqua un battement de cœur. « Roserade ?! »
En effet, dans l'agitation de la bataille, le chef des Rosélia s'était discrètement faufilé derrière l'humain dont il comptait s'occuper personnellement.

- Frank !! Prend Mangriff et... protège-le !! Argh... t'en fais pas... pour moi !

Akwakwak s'exécuta et prit le jeune Mangriff dans ses bras. Il voulut attaquer Roserade mais une nouvelle rangée de Rosélia s'interposa et l'immobilisa d'une attaque Para-Spore collective. Du côté de Scorplane, il était trop occupé pour aller aider son coéquipier ou son dresseur.
Roserade sortit une seconde liane de son autre bouquet et se mit à fouetter Edgar à répétition. Le garçon n'arrivait pas à se rappeler de la dernière fois où il avait ressenti autant de douleur.

- Aaaah… lâche… moii…

Roserade s'exécuta : il souleva l'humain avec ses lianes puis le plaqua brutalement. Des Rosélia se rassemblèrent autour d'Edgar et se mirent à l'examiner.
« Putain, au début c'était une journée tellement banale, et là... est-ce que je vais mourir ici, avant d'avoir accompli quoi que ce soit ? Ma mort ne sera qu'un fait divers parmi d'autres, ça passera aux infos un jour ou deux, le gens seront choqués un moment puis passeront à autre chose et je vais sombrer dans l'oubli. Comme Frank. »

~~~

Le jour d'après, Edgar arriva au même endroit et salua le sans-abri, chose qui devint une habitude. Chaque jour, il passait par la rue Lilia pour dire bonjour à Frank et lui donner une pièce ou deux. En contrepartie le vieil homme lui jouait les diverses chansons qu'il connaissait. De temps à autre l'enfant rassemblait une petite somme qu'il offrait sans hésiter au vieil homme.

- Merci, merci beaucoup, petit homme… tu es un brave garçon…
- Dites, dites, vous avez quels Pokémon ?

Frank ne répondit pas. Edgar décela des bouts de larmes dans ses yeux et comprit de suite.

- Ah ! Désolé m'sieur, je voulais pas !
- C'est rien… mon Medhyena est mort il y a un an et demi… il était malade, je l'avais emmené à un Centre Pokémon mais on m'a appris qu'il avait la maladie de Carré. Comme il n'a jamais été vacciné, ça a suffi pour le…

Le vieil avait imprégné Edgar de sa morosité, le gamin venait de fondre en larmes.

- Je… pardon, j'aurais pas du demander…
- Ce n'est pas grave… allons, ne pleure pas ! Tu es un homme, non ?

Edgar hocha la tête et s'essuya les yeux. Il salua Frank et partit. Une fois chez lui, il s'enferma dans sa chambre, encore atteint.


~~~

Cela faisait bientôt un mois qu'Edgar avait rencontré Frank, et la routine qui s'était installée était sur le point d'être rompue. En effet, un jour, Edgar remarqua que le clochard avait l'air particulièrement pensif et bien plus maussade que d'habitude.

- Quelque chose ne va pas, Frank ?

Frank prit une inspiration suivie d'un long soupir, comme s'il appréhendait la réponse à cette question.

- Tu devrais arrêter de me rendre visite.
- Quoi ?! Mais pourquoi ?

Edgar regarda Frank droit dans les yeux. Le clochard avait le regard d'un homme fatigué de vivre.

- Un enfant radieux et plein de vie comme toi n'a pas à voir quelqu'un comme moi. Je ne veux pas t'emplir de ma tristesse et que tu déprimes à cause de moi. Oublie-moi et…

La tirade de Frank fut interrompue par une brusque et forte toux.

- Et concentre-toi sur ta vie, fais quelque chose de grand, quelque chose qui te survivra, et sois aimé par les tiens.

Frank toussa encore. Il leva la tête et contempla le ciel bleu. Edgar était pour le moins pantois et l'observait en silence, ne sachant que dire.

- Est-ce que c'est ça, mon destin ? De mourir dans l'indifférence la plus totale ?! Est-ce que quelqu'un se souviendra de moi ? Y aura-t-il quelqu'un pour dire que j'ai existé ?

Frank prit subitement Edgar par les épaules, ce qui surprit l'enfant.

- Ecoute-moi bien, Edgar !! Ne deviens jamais comme moi ! Tu m'entends ?!

Edgar hocha frénétiquement la tête, terrifié par le ton alarmant du vieil homme.

- Je vous le promets... d'atteindre un âge très avancé, d'accomplir des choses... et je me souviendrai de vous ! Je dirais aux gens que vous étiez là, que vous avez vécu…

Frank baissa la tête pour cacher son sourire.

- Va, petit. Rentre chez toi, savoure un bon casse-croûte, regarde un dessin animé et puis fais tes devoirs. Tu ne devrais pas perdre ton temps avec un clodo…

Edgar secoua vivement la tête en se mordillant les lèvres.

- Non ! Je veux pas que vous restiez tout seul !

Frank se leva de sa place. Edgar eut une curieuse pensée : en un mois, c'était la première fois qu'il le voyait debout. Le vieillard se mit à donner des coups en l'air et manqua de frapper Edgar.

- Dégage, va-t-en ! Allez, ouste !! Laisse-moi seul, je te dis !! Du vent !

Edgar s'éloigna à contrecœur tout en lançant des regards ahuris à Frank. Lequel lâcha un dernier cri :

- Ne reviens plus jamais, tu m'entends ?!

Quand Edgar disparut entièrement de son champ de vision, Frank eut un faible sourire.

- Je suis heureux de t'avoir rencontré, Edgar…

Le lendemain, Edgar revint au même endroit, au même moment, déterminé à faire changer d'avis à Frank. Mais il ne le trouva pas. Pour autant le jeune garçon ne lâcha pas espoir et continua à passer par la rue Lilia, mais rien n'y faisait pas, le vieux chanteur et guitariste avait totalement disparu. Edgar décida de demander à une dame qui habitait tout près si elle savait quelque chose.

- Le vieux clodo qui trainait ici ? On est venu emmener son corps, l'autre jour.

Le ton indifférent de la femme accentua le choc ressenti par Edgar.

- Non… noooon…

Frank avait été enterré le jour d'après sa mort au carré des indigents de Mérouville. Personne ne fut présent pour y assister et pleurer le défunt. Ce n'est qu'au lendemain qu'Edgar arriva. Il demanda à un gardien où se trouvait Frank Modigliani, enterré la veille. Le gardien lui apprit que le décès du clochard était du à une forte pneumonie non traitée. Une fois devant la modeste épitaphe, l'enfant s'accroupit et commença à pleurer silencieusement.

« Il savait qu'il était sur le point de mourir, c'est pour ça qu'il m'a chassé, il ne voulait pas que j'assiste à sa mort ou que je trouve son cadavre... on a du l'emmener en pleine journée, alors que j'étais à l'école. Qu'est-ce qu'il a ressenti, alors qu'il mourait seul dans le froid et l'obscurité ? Quelle a été sa dernière pensée ? »

Un peu plus tard, Edgar se leva et s'essuya les yeux.

- Au revoir, Frank. Je tiendrai ma promesse.

En guise de premier pas pour honorer la mémoire du défunt, Edgar décida de donner son prénom à son Psykokwak. Quand il avait reçu son Pokémon académique, le gamin n'arrivait pas à se décider pour un surnom définitif, il avait trop d'idées de noms en tête. Le petit brun avait donc reporté cette affaire jusqu'à une échéance jamais définie et commençait même à l'oublier. Mais désormais il était sûr de son choix. En effet, Frank, ça sonnait bien comme surnom.


~~~

Edgar se mit à contempler le ciel bleu et ses nuages qui défilaient avec indifférence.
« Ma famille sera plongée pour toujours dans une tristesse infinie, papa va devenir fou, maman va faire une attaque, ma sœur ne s'en remettra pas et foirera sa vie... ce n'est pas comme ça que je veux les marquer. Et que dire de Dubois, il va surement perdre son travail. Nadine... elle va se croire maudite, le premier garçon pour qui elle a le béguin meurt, elle ne voudra pas trouver quelqu'un d'autre... »

~~~

Edgar prit un air plutôt sérieux que Dubois ne manqua pas de remarquer.

- Mais un jour, j'accomplirai quelque chose de grand, de spécial. Je ne sais pas quoi au juste mais je veux laisser ma trace dans ce monde. Avoir une œuvre quoi. Déjà, je sens que ce voyage itinérant sera une bonne expérience pour moi, peut-être que j'y trouverai ma voie.


~~~

- Edgar, pour quelle raison te bats-tu ?

Le garçon leva la tête vers son ami, étonné.


~~~

Il ferma les yeux dont coulaient à présent quelques larmes.
« Putain j'veux pas devenir un Brocélôme, moi !! »
Edgar lutta pour se retourner sur son ventre puis releva son torse du sol en s'appuyant sur ses avant-bras.
« Je dois tenir ma promesse envers Frank... je dois vivre et laisser mon empreinte dans ce monde. Je dois survivre et raviver sa mémoire ! Pour tenir ma promesse… je ne dois pas mourir ici ! »
Il porta son regard vers le chef de la tribu, ce Roserade au regard glaçant, cette créature diabolique qui ne sourcillait pas et n'émettait pas un son.
« Cynthia... Cynthia possède un Roserade... est-ce un hasard ou... non, c'est un signe. J'ai juré de devenir aussi fort qu'elle, je ne peux pas m'arrêter en chemin »

- FRANK !!!

Le cri effraya les Rosélia près de lui. Edgar prit une inspiration.

- CHOC MENTAL, BOUSILLE-MOI CES MERDASSES !!!

Le joyau sur le front d'Akwakwak se mit à briller. Edgar avait bien retenu ce qu'avait dit son professeur : chez les Pokémon doués de facultés mentales, les élans émotionnels conduisaient à une hausse de puissance temporaire et épuisante mais dévastatrice. Dans le cas de Frank c'était la rage de survivre et le désir de sauver son dresseur. L'oiseau bleu cria et libéra une onde de choc qui mit KO les Rosélia autour de lui. L'effort fut fatigant mais Frank pouvait encore se battre. Entre temps, Scorplane terrassait ses assaillants en alternant les attaques Tranche et Queue Poison.

- Steve, Eboulement intersidéral !

Scorplane fusionna des rochers entre eux et fit chuter un immense bloc sur les créatures vertes. Pris de peur, le peu de Rosélia restants reculèrent. Roserade s'apprêta à attaquer Edgar mais Frank arriva à temps et le repoussa d'une sévère Aéropique. Il posa Mangriff à côté d'Edgar et fit face à son adversaire. Au même moment, Scorplane chassait les derniers Rosélia. Roserade était fou de rage, il rassembla ses forces et envoya une Ecosphère de grosse taille.

- Rien ne nous arrêtera ! cria Edgar. Plénitude !!

Une sphère bleue émana du corps Frank et l'enveloppa dedans. L'Ecosphère arriva mais s'écrasa sur la protection psychique et la fêla.

- Et Choc Mental !

Akwakwak visa l'Ecosphère et l'explosa. Son rempart mental fut totalement brisé par le choc, cependant le canard des rivières continua sur sa lancée et fit découvrir à Roserade un maux de tête jamais éprouvé auparavant. Le Pokémon Plante et Poison tomba à genoux et posa ses bouquets au sol, assailli par une douleur infernale.

- Steve, attaque Guillotine !

Le scorpion se déplaça en silence et acheva Roserade. Les Rosélia n'osèrent pas poursuivre le combat et entourèrent leur chef pour le soulever et partir. Edgar se permit enfin de souffler.

- Oulala… quelle journée…

Le brun s'assit sur l'herbe pour se reposer et essuyer son sang. Il réfléchit un moment à la décision qui venait de germer dans son esprit. Ses Pokémon restèrent à ses côtés pour monter la garde. Mangriff se blottit contre Edgar et l'observa de ses yeux rouges.

- EDGAR !
- Edgar !!

Lequel crut rêver, mais les cris étaient bien réels. Il aperçut ses compagnons de voyages en train de courir vers lui et sourit. Nadine serra les bras d'Edgar tandis que Dubois posa ses mains sur les épaules de son disciple.

- On a entendu des cris et ça nous a conduit ici, expliqua Dubois.
- On était tellement inquiet pour toi ! s'exclama Nadine. Ne nous refais jamais ça !
- Tu es blessé ! constata Dubois. Qu'est-ce qui t'es arrivé ?

Edgar expliqua brièvement sa dangereuse rencontre. Dubois déglutit en voyant que son disciple avait évité de très près le pire. Il sortit de son sac un trousse de premiers soins pour traiter les écorchures d'Edgar.

- Et ce Mangriff ? demanda Nadine.
- Sa mère... a été tuée par le Roserade. Je l'ai sauvé quoi. D'ailleurs il va falloir enterrer le corps de la mère. Monsieur Dubois...
- Hm ?
- Je veux capturer Mangriff.

Dubois regarda le petit Pokémon blanc et rouge.

- Tu es en train de demander ma permission ? Tu sais Edgar, ce n'est pas à moi de décider de ça, c'est à toi de voir si tu es prêt pour t'occuper correctement d'un nouveau Pokémon.

Edgar sourit et caressa la tête de Mangriff.

- Il aura du mal à survivre tout seul ici, surtout avec Roserade et son clan dans le coin… mais surtout, je veux essayer de dresser convenablement un nouveau Pokémon pour m'assurer que je peux le faire. Et puis, de toute manière... les Mangriff n'évoluent pas ! Héhéhé...
- Fais comme bon te semble, mon grand.

Alors que Dubois lui traitait ses blessures, Edgar chercha dans son sac et trouva au fin fond trois Pokéball vides. Il en prit une et appuya sur le bouton au centre. Mangriff comprit la procédure et se logea dans la sphère bicolore.
« Monsieur Modigliani… je passe des moments pas faciles, mais je vais bien. Je deviens plus fort et je suis avec des gens qui se préoccupent pour moi. Attendez encore un peu, je resterai vivant jusqu'à ce que je tienne ma promesse. »
Edgar leva la tête et sourit.

- C'est parti pour un nouveau départ !