Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Armes égales de phlarme



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : phlarme - Voir le profil
» Créé le 28/04/2013 à 15:57
» Dernière mise à jour le 12/09/2016 à 22:41

» Mots-clés :   Drame   Région inventée   Romance   Science fiction

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
La chute
Evoli qui n'hésite pas à rester sur mon épaule quand j'escalade les plus hauts étages, Evoli qui trottine devant moi vers les pires dangers, Evoli qui gambade autour de moi, me faisant signe de rappeler Flot. A quel moment l'ai-je lâché ? C'est sans importance, mais, devant cette évidence : il ne me reste plus qu'Evoli, cette question me fait presque souffrir. Je me décide enfin et rappelle Laggron, Evoli me ressautant dans les bras.

- Elle va se battre ? »

Je regarde Hiden, les dents serrées. Lui contemple Evoli avec douceur. Que croit-il ? Qu'elle en est incapable ? ... Comment a-t-il vu si vite qu'il s'agissait d'une femelle ? Il a certainement déjà eu un Evoli.

« Veux-tu gagner ? »
- ... Quelle question ? Mais pourquoi cette voix parasite de mon esprit prend-elle celle de ce maudit inconnu ?
« Parce que tu ressens quelque chose pour moi. »
- Certainement ! Je te haie, toi et celui qui t'inspire.
« C'en est proche. »
- Es-tu lui, ou suis-je en train de devenir folle ? Cet étrange traître serait bien capable d'être télépathe. Pourtant, tu parlais avant lui, avec d'autres voix. Jamais aussi fort, jamais autant, mais tu étais là ; je le sens.
« Lui aussi. »
-Et le monde. Tu es assez insensée pour être moi ; assez belle pour être l'autre ; assez libre pour que je t'aime. C'est ce que tu voulais m'entendre dire ?
« Je voulais te l'entendre penser. »
-Fabuleux. Qu'ai-je à contenter une force aussi insignifiante ?
« Ce que tu veux. »
-Sois plus précis.
« As-tu choisis l'issu de ce combat ? »
-Elle ne m'appartient pas.
« Je croyais que tu voulais le monde. »
-Eh bien ! Je veux le gagner.
« Ouvre ta main. »

Un sourire las aux lèvres, j'exécute l'ordre, parcourue d'un sentiment d'irréalité et de doute fiévreux. Au creux de ma main, trône une petite pierre eau, rongée par le temps. J'ai dû la prendre sans y penser, absorbée dans ma conversation intérieure. Mais ce double a raison : il s'agit probablement du seul moyen de vaincre Dracaufeu. Je regarde Evoli avec regret, les questions se bousculant dans ma tête. J'avais pris l'habitude de les formuler lorsque nous nous regardions, une sorte d'entraînement à la télépathie.

Tout cela sera perdu. Hiden nous regarde avec patience. Il sourit à mon écureuil, comme pour lui dire : « Voici le jour le plus important de ta vie, je suis fier d'y assister. » Je haie ce regard, comme s'il avait grandi avec Evoli, comme s'il avait participé à son entraînement, comme s'il avait passé ces longues années à essayer de la rendre heureuse pour finalement... Tout gâcher. Comme si c'était mon choix, et pas de sa faute, à lui et son dragon.

- C'est un choix difficile. Je ne t'oblige pas à continuer ce combat...
- C'est ça ! Et me déclarer vaincue ? Te laisser l'Evoli ? Tu rêves !
- Livolili, vo !
- Tu devrais d'abord en parler avec Evoli, non ?

Il regarde mon rongeur avec connivence, comme si elle venait de lui dire clairement : « je refuse de continuer ! » Je veux le voir perdre, c'est tout ce qui compte.

« Qu'est-ce qui te prouve qu'il ne comprend pas les Pokémon ? »
-Evoli est à moi !

Tremblante de stresse et de rage, je colle la pierre contre le pelage si clair et doux de la petite Pokémon normale. Après un dernier regard vers moi, celle-ci ce met à briller, à rayonner, à grandir. Ce que j'ai lu dans ses petits yeux noirs ? De l'amitié. Elle comprend.

« Exact. Et tu en profites. »
-Bon, j'ai aussi lu de l'amertume. Mais je la partage. Nous nous étions fait tant de promesse...
« Tu l'as donc trahie. »
-... Je vais donc gagner.

- Parfait ! Félicitation. Maintenant, reprenons ce combat. Chynkah, réenvole-toi ! Ultralaser ! »

- Quoi ?

Je haie montrer ce genre de signe d'incompréhension ou de faiblesse, mais, il me dépasse vraiment. Comment peut-il ne pas être contrarié par ce que je viens de faire ? Comment peut-il paraître si proche de ma Pokémon et ne pas hésiter à lui envoyer une telle attaque ensuite ?

- Contre-le avec une onde boréale !

Le rayon doré et brûlant percute son homologue glacé. Bien entendu, celui d'Aquali ne tient pas la comparaison, et ralentit à peine la puissance de l'attaque. Cependant, Aquali, sous le choc de l'attaque, n'esquisse même pas un mouvement.

- Météores !

Ma sirène déchaîne sa pluie d'étoiles sur le dragon, momentanément à plat. Je vais plutôt rester dans le domaine des attaques que j'avais appris à Evoli, il lui faudra sûrement de l'entraînement pour exécuter des attaques eau ou glace plus puissantes.

- Vantardise ! Rend-le confus !
- Vole plus haut Chynkah, ne la regarde pas.

Aquali entreprend de remuer sa queue fourchue vers le dragon, mais celui-ci se détourne. La sirène continue ses mimiques désordonnées, mais Hiden entraîne son dragon de plus en plus haut.

- Profite-en pour nous faire des surfs ! Remplie ce pont d'eau !

Voyant l'eau claire se répandre et creuser un peu plus le terrain, le dragon redescend en piqué. S'en suit un énorme fracas : le dragon a lancé, dans sa chute, plusieurs pierres sur mon Aquali. L'eau a légèrement atténué le choc, mais je vois bien qu'Aquali commence à souffrir. Heureusement, le Dracaufeu n'a pu, sûrement à cause du poids des pierres qu'il portait, contrôler sa chute et a fini dans l'eau, comme je l'espérais.

- Aéropique !
- Cascade !

Le saurien plonge, gueule ouverte, vers mon Aquali. Celle-ci s'élève sur un rideau d'eau, et, une fois encore, atténue légèrement le choc. Le dragon s'affale devant elle. ... Qu'ai-je en tête ? C'est un repos :

- Ne le laisse pas se soigner ! Laser glace ! ... Blizzard ! ... Danse pluie !

Mon Aquali enchaîne les attaques, toujours calme, contre le dragon qui n'en finit pas de dormir. J'ai un regard mauvais pour le dresseur qui va enfin regretter sa chevauchée impertinente. Il doit avoir les jambes gelées. Du reste, il est trempé, mais je dois l'être tout autant. Je sursaute. D'un seul mouvement, le dragon s'est redressé et ses ailes ont virées au gris en cinglant mon aquatique. Il me faut du temps :

- Aquali, tunnel !
- Chynkah, poursuis-la.
- Non ! »

Mes émotions me dépassent. Il faut dire que ce duel approche de son issue finale, et que je viens de me faire prendre à mon propre piège. Je pensais qu'avec un humain sur le dos, jamais le dragon ne pourrait suivre. Je me trompais. Ils ne pourront ni l'un ni l'autre supporter longtemps cette boue. De toute façon, aucun de nous ne peut aller loin : le pont ne fait pas plus de trois mètres d'épaisseur, dont au moins un doit être en béton. Aquali est donc à leur merci.

Oui, le dragon ressort tête la première, projetant ma sirène au dessus de lui. Hiden, trempé et sale, remonte son monstre et lui assène une tape amicale. Il ne parait pas remarqué ses vêtements détrempés, ni mon regard levé au ciel sombre.

- Reflet !

D'une même voix, le même ordre. Les copies s'accumulent, et se toisent.

- Aquali, force cachée ! »

Aquali projette de la boue vers les Dracaufeu, ceux-ci se rassemblant brusquement pour virer vers elle en piqué. D'un geste, je lui fais signe de s'abriter sous l'eau. Elle s'exécute, ripostant au nouvel aéropique par un surf.

- Débarrasse-nous de toute cette eau ! Surchauffe !

La flamme caudale du dragon s'enfle, et une deuxième s'échappe de sa gueule, immense, inévitable. Je me refuse à ne pas réagir :

- Vibraqua !

Les vagues déstabilisent le dragon noir, et il manque de peu la chute dans l'eau boueuse.

- Fais-le tomber ! Ball'ombre !

- Ténacité !
Grâce à son attaque, le reptile ne flanche pas. Une fois de plus, c'était moins une pour lui. Cependant, Aquali aussi est épuisée.

- Dracochoc !
- Repose toi !

Toujours à vouloir défier ses limites sans pour autant désobéir, Aquali attend de recevoir l'attaque avant de se coucher. Si nous continuons à nous reposer de cette façon, ce combat n'en finira pas. Mais ce n'est pas moi qui perdrais patience. Jamais.

- Giga impact !

Bien sûr. Qu'il se défoule, tant qu'il en a le temps : je vais tenter le tout pour le tout.

- Termine-en, Chynkah. »

Comment, il considère ce combat terminé ? Le dragon et son cavalier s'envolent, sûrement exécutant une tactique habituelle pour eux. Une fois à plusieurs mètres d'Aquali, il se met à l'arroser de flammes. Celle-ci se réveille, et tente de riposter de ses ondes boréales, mais le reptile les esquive facilement. J'en ai tellement assez ! Je ne pourrais jamais supporter d'avoir fait évoluer Evoli pour rien, non. Je saisis Aquali et la lance vers le dragon. Surprise, celle-ci mord une patte, seul membre qu'elle ait pu atteindre de son adversaire volant. Le reptile, déséquilibré et déstabilisé par cette douleur et ce poids imprévu, se pose en catastrophe au milieu de la vase. C'est précisément ce que j'attendais :

- Saute sur son dos ! Grimpe avec le dresseur !

La sirène s'exécute prestement. Le dragon, s'affolant, quitte la sécurité relative du pont et survole le vide en zigzags chaotiques. Je sais que c'est le moment, que je peux en finir d'une attaque. Je renverrais ces ennemis, ces questions, cette voix, cette vie à l'oublie qui l'a vomie sur ma route ; je pourrais rendre mes yeux vides aux yeux vides de mon boss, ce boss que j'aime par prudence et orgueil. Je pourrais oublier que j'ai cru aimer autrement ; je pourrais oublier. Je pourrais me vautrer dans la haine que je porte au monde ; je pourrais ne plus savoir, ne plus sentir qu'il me ressemble.

J'irai voir le corps du dresseur sur le dragon en bas, lorsqu'ils seront aussi glacés que mon cœur ; j'irai cracher sur leurs corps ; je me dirais que les plus forts survivent et qu'ils sont morts ; je rirai parce que c'est la loi, que ce qui arrive doit toujours être et que ce qui doit être est toujours le pire.

- Et où es-tu maintenant, voix que j'invente ? Fuirais-tu l'horreur de ta source ? La seule, car inutile de rêver : rien n'est réel, n'est-ce pas ? Tu m'abandonnes, bien sûr. Mais je n'en comprends qu'une chose : j'ai raison ! Prouve-moi le contraire ! Parle encore ! ... Sauve-moi, s'il-te-plaît...

- Aquali, laser-glace sur ces ailes !

Les ailes du dragon cessent leurs battements salvateurs. Les trois tombent ensemble, déliés par la force de leur chute. Rien à ajouter : j'ai fait ce que j'avais à faire. J'aurais vécu, si ce n'est qu'un instant. J'aurais compris ce monde et l'ancien, j'aurais été au centre de leurs chansons. J'aurais touché cette étoile palpitante tapis derrière l'éclat de mes yeux ternis, j'aurais rendu sa splendeur inflexible au ciel infini. Rien à ajouter. Tout est terminé.

« Tu te contredis. »

Je souris.

-Tu existes encore ?
« Tu penses donc j'existe. »
-Il est mort n'est-ce pas ? Tu ne venais donc pas de lui...
« Regarde. »
Je me penche au bord du pont, la tête en ébullition. Leur chute n'est pas terminée. Plus le temps de me demander comment j'ai pensé aussi vite :

- Aquali ! Sers-toi de l'hydrocanon vers le sol pour arrêter ta chute ! »

L'aquatique pousse un petit cri et tente l'attaque. Mais, déjà trop prêt du sol, l'impact la mets chao, au milieu de l'eau qu'elle a projeté. Ayant craint un bien pire dénouement pour ma sirène, je retiens une larme de soulagement. Peut-être tout peut encore changer. Je crois en Aquali :

- Aquali, relève toi et utilise ton surf pour...

La chute du dresseur s'est arrêtée, toute proche du sol. Mon Aquali n'a pas esquissé le moindre geste. A l'angle d'un grand bâtiment gris, une lueur bleutée attire mon attention : c'est un Alakazam, probablement. Il est rappelé.

- Allez !

Une voix féminine. Un cheval aux flammes bleues succède au psychique. Et, rappelant son Dracaufeu sans se retourner, Hiden saute sur le dos de l'équidé, s'accrochant à l'ombre brune qui la conduit vers l'horizon, hors de mon regard triste. En bas, il reste Aquali. En haut, la nuit, imperturbable, et sa voix qui ne me quittera plus jamais. C'est égal. Tout m'est égal.