Valdea, voyage vers l'inconnu de Shaam

Peu après la fin du repas de midi, Desmond s'approcha de Célestine qui nourrissait son Kungfouine avec une moitié de sandwich. Elle sourit en voyant le jeune homme s'assoir à côté d'elle.

- il peut manger ça sans problèmes ? demanda-t-il.
- Je crois que oui, Ernest aime bien essayer de nouveaux aliments.
- Ça va ? Ça n'a pas été trop dur pour toi, cette journée ?
- Disons que je ne suis pas vraiment sportive et qu'une matinée de marche a été un peu fatigante, mais à part ça, ça va. Encore désolée pour ce qui vient de se passer…
- Ne t'en fais pas, ce n'est pas si grave. Monsieur Nov a bien dit qu'il allait voir de son côté. L'important… c'est que ça n'a pas été trop dangereux.

Il avait pensé à dire « l'important c'est que tu ailles bien » mais s'était ravisé car ne voulant pas prendre le risque de paraître ridicule ou embarrassant. Célestine sourit tout en caressant la tête de Kungfouine.

- Oui. Et merci au fait, cette journée est déjà mémorable pour moi. De m'échapper, de voir du pays, de combattre… j'aimerais retenter l'expérience…
- Hm…

Un peu plus loin, Maxime et Yolène observaient discrètement le duo, amusés.

- Desmond est enfin un homme !
- C'est vrai qu'il n'était pas très communicatif avec moi.
- A l'école, c'était un timide. Il se réfugiait souvent en se mêlant à des bandes de garçons, comme ça il n'avait pas à interagir directement avec les filles. Mais à ce que je vois il s'est efforcé de changer pour une fille qui l'intéresse vraiment.
- Tu crois qu'il a le béguin pour elle ?
- Ça se voit, non ? En fait Desmond est un garçon qui peut être ennuyeux par moments. Il est relativement calme, il ne parle pas beaucoup… et non seulement il le sait, mais il n'ose pas trop faire des efforts pour s'améliorer. Alors, de trouver une fille qui est plus ou moins sur la même longueur d'onde que lui, il s'est probablement dit que c'était une chance à ne pas rater. Même si son voyage pose un obstacle, ils ne peuvent pas se voir tous les jours…

Yolène baissa un peu la tête, se disant que c'était pareil pour elle, elle qui aurait aimé sortir avec Maxime au moins une fois pour essayer. Mais même le brun était de nouveau sur la route. Elle posa alors une question qui la concernait quelque peu.

- Ne me dis pas que les dresseurs professionnels sont condamnés à voyager tout le temps !
- Non, bien sûr que non. Après avoir fait la ligue, la voie la plus rudimentaire est de participer à toutes sortes de compétitions avec des récompenses pécuniaires, histoire de vivre du dressage brut. Mais il y a d'autres possibilités…
- Je vois. Pour le moment toi et Desmond vous terminez le tour de la région…
- Vous en avez pour encore longtemps, à parler dans le dos de Desmond ?
- WAAAH !!! s'écria Yolène.

C'était Prosper qui s'était approché par derrière sans crier gare.

- Hey !! s'écria presque Maxime. Vous nous écoutiez ?
- C'était trop intéressant, je n'ai pas pu m'empêcher… sinon, vous comptez jouer au pique-nique encore longtemps ? Si vous y tenez alors je vais seul aux Ruines Cryptées, j'en ai déjà assez de vous attendre !

Prosper avait parlé en souriant et avec un ton amusé, et donc les deux jeunes ne le trouvèrent guère désagréable. Desmond arriva à ce moment avec Célestine, ce qui acheva de rassembler le petit groupe.

- Bon, on y va ? demanda le jeune homme aux cheveux noirs.
- Heureux de voir que Valdea t'intéresse encore !

Prosper s'était exclamé en adressant un regard enjoué mais significatif à Célestine, regard que tous comprirent ce qui embarrassa Desmond qui soupira. Il préféra chasser l'insinuation en faisant semblant de n'avoir rien compris.

- Ça va, ces ruines ne vont pas s'échapper, on a tout le reste de la journée devant nous…
- Au fait, dit Maxime comme pour achever de changer de sujet, est-ce qu'on va retourner à Voilaroc aujourd'hui ? Ou bien va-t-on passer la nuit ici ?
- Moi je veux qu'on reste ici ! s'enjoua Yolène. Célestine, tu en penses quoi ?
- Eh bien, je n'ai jamais passé de nuit à la belle étoile, j'ai bien envie de découvrir ça… enfin si ça ne vous dérange pas.
- Et puis, ajouta Yolène, le chemin du retour nécessite du temps, pas sûr qu'on arrive à destination avant la tombée de la nuit…
- Alors le choix semble clair… dit Maxime. Monsieur Nov, ça vous va ?
- Tu poses la question à un homme qui a déjà dormi dans des grottes, dans un désert… cet endroit est un hôtel pour moi !
- Ça va être cool ! sourit Yolène.
- En même temps il y a un côté plus ou moins inconfortable et froid qu'on se plait à oublier… sourit Desmond.
- Bon, les Ruines Cryptées c'est pour aujourd'hui ou pour demain ? rappela Prosper.
- Vous êtes comme un enfant qui rentre chez lui à toute vitesse pour voir un dessin animé ! lança Desmond.

Tous se dirigèrent vers l'ancien bâtiment et y pénétrèrent lentement. Il faisait un peu sombre à l'intérieur, ce à quoi Prosper s'était préparé en amenant sur lui une torche électrique. Desmond le regarda avec étonnement, comprenant que le quarantenaire avait déjà pensé à la possibilité d'échouer dans le plan de destruction des ruines. Yolène eut la même pensée et en fit part à l'homme aux longs cheveux bruns qui haussa les épaules en disant qu'il était du genre à tout prévoir.
La lumière de la torche scruta les environs et révéla progressivement l'intérieur du bâtiment abandonné. L'entrée donnait sur une salle assez vaste et vide, sans aucun mobilier le moindre. Si autrefois il y avait des habitants ici, alors ils avaient sûrement pris tous leurs biens et étaient partis. Les murs étaient fissurés par endroits et leur couleur exacte était difficile à déterminer dans la pénombre ambiante. Il y avait des portes menant à d'autres pièces mais le groupe se concentra d'abord sur la salle principale. En examinant de près les murs et le plafond, tous s'étonnèrent du soin et de l'esthétisme dont les constructeurs inconnus avaient fait preuve. Des motifs arabesques étaient soigneusement gravés en haut des murs. Quelques pilastres apportaient de la variété et empêchaient la linéarité de s'installer. Le sol aussi avait droit à sa part de sens artistique et disposait de motifs floraux par endroits.

Par moments, après quelques commentaires sur chaque parcelle découverte, chacun s'efforçait de ne pas respirer bruyamment au vu du silence intimidant des lieux. Quelques minutes plus tard, après avoir fini d'examiner la pièce principale qui était jolie mais qui n'apprenait rien à propos de la région perdue, Prosper proposa d'aller voir les autres chambres. Elles ressemblaient toutes à la salle principale, mais en plus petit. Dans l'une des chambres, le groupe vit gravé sur un mur des dessins primitifs représentant un groupe de personnes. Le groupe se demanda ce que ça venait faire ici, mais ne parvint guère à en tirer la moindre signification. Trop peu de détails pour laisser une chance à l'interprétation. Néanmoins Desmond prit une photo et les cinq décidèrent de voir le reste des chambres.
Dans l'une d'entre elles, alors que Prosper faisait lentement circuler la lumière, Desmond aperçut quelque chose qui l'interpela.

- Attendez !

Desmond prit la torche et éclaira un pan du mur.

- Regardez bien la fissure là.

C'est une fissure longue d'une trentaine de centimètres en diagonale et profonde de plusieurs centimètres. Au milieu elle devenait assez large et constituait une sorte de trou plutôt large. En l'observant, le groupe remarqua qu'au fond de ce « trou », il y avait du roc d'une couleur verdâtre différente de celle du mur fissuré.

- Tiens, mais qu'avons-nous là… marmonna Prosper.
- Ça veut dire quoi, ça ? s'interrogea Maxime.
- Pour faire simple, révéla Desmond, disons que c'est comme un deuxième mur caché derrière celui-là.
- Un double mur ? s'étonna Yolène.
- C'est ça. Je crois que quelque chose est cachée derrière.

L'excitation monta d'un cran chez tous. Desmond fit appel à son Braségali et lui demanda de briser le mur en question. L'oiseau humanoïde s'attela à la tache et détruisit la façade à coups de poing et de pied.
La découverte fut de taille : derrière le premier mur, se tenait le second et sur lequel était gravé un texte en langage Zarbi.

- Ouah… souffla Maxime.
- Enfin quelque chose ! s'exclama Célestine.
- Maxime, note bien ce que je vais lire.
- Tu sais lire le Zarbi, Desmond ? demanda Yolène.
- Ce n'est pas aussi compliqué que ça en a l'air. Au lieu d'apprendre les signes par cœur il suffit de faire le rapprochement entre ces signes et les lettres de l'alphabet.
- Ah bon…

Le brun sortit un calepin et un stylo, prêt à écouter ce qui était marqué. Tous tendirent une oreille pareillement attentive. Desmond lut doucement au fur et à mesure qu'il reconstituait les lettres.

« ON NE PEUT PAS TOUS LES ATTRAPER
SURTOUT LES LEGENDAIRES D ENTRE EUX
L HOMME NE L A COMPRIS QUE TROP TARD
MEME A FORCE DE DIZAINES DE POKEMON DECHAINES
L AMENEUR DE CALAMITES N A PU ETRE CAPTURE
ET DANS SA RAGE LA REGION DE VALDEA S EST FAITE RAVAGER
DERRIERRE CETTE FISSURE CAUSEE EXPRES
JE TIENS A GRAVER CETTE HISTOIRE OCCULTEE
POUR QUICONQUE DOTE DE PERSPICACITE
MOI
DOUGLAS SIMONY »

Desmond termina sa lecture saccadée du texte et regarda les autres qui étaient tout aussi médusés que lui. Maxime relut sur sa feuille le texte d'une traite.

- Encore un peu et ça ferait un poème ! sourit Prosper.
- Les habitants de Valdea voulaient capturer le Pokémon Calamité… dit Desmond.
- Mais lui ne voulait pas, continua Yolène.
- Alors c'est pour ça… dit Célestine.
- Des gens l'ont attaqué avec des tas de Pokémon pour l'affaiblir, poursuivit Maxime, mais il ne s'est pas laissé faire et a causé des dégâts.
- Les habitants ont été contraints de s'en aller, mais on ne sait pas quelles sortes de « dégâts » la région a subi.

Desmond souriait. Il manquait encore des détails, des éclaircissements, des zones d'ombre persistaient mais le jeune homme tenait à présent le noyau de l'histoire de Valdea, un résumé simpliste mais logique. Un Pokémon Légendaire qui a refusé de se laisser capturer, de peur peut-être que les hommes accèdent à ses pouvoirs et s'en servent à mauvais escient. Mais les habitants de Valdea ont tout tenté, et l'ont attaqué avec une horde de Pokémon dressés pour l'affaiblir, mais lui a résisté et a laissé exploser sa colère, causant la « Calamité » et rendant ainsi la région invivable. Constatant les dégâts, il a fait appel à Palkia pour faire disparaître à jamais cette terre, après que les habitants aient quitté Valdea et se soient installés ailleurs. Avec le temps, Valdea est devenu un mythe oublié et dénué d'intérêt.

- N'empêche, dit Maxime, pourquoi ce Douglas Simony aurait-il abandonné cette maison ?
- On ne sera jamais sûr de ses raisons, dit Prosper, mais on peut imaginer des hypothèses. Par exemple, il en avait assez de ce trou perdu et a voulu s'installer en ville. Peut-être d'ailleurs que la maison n'est pas celle de Douglas mais d'un parent à lui, et qu'éventuellement Douglas en avait assez de vivre en ermite…
- Ça se tient…
- Mais comme j'ai dit, on ne pourra pas s'en assurer.
- En supposant qu'il soit originaire de Valdea, il a donc voulu, avant de partir, laisser ce message et donner une chance à Valdea d'être redécouverte.
- Mais il aurait pu graver ce message directement sur le mur, non ? dit Yolène. Pourquoi le cacher ?
- Peut-être qu'il l'a caché du gouvernement qui l'aurait détruit s'il l'avait trouvé, dit Célestine.
- Ça fait beaucoup de « peut-être »… marmonna Prosper. Quoi qu'il en soit, on a appris pas mal de choses. Hein Desmond ?
- Ouais…

Le jeune homme eut une pensée pour Gustave son défunt grand-père. Il sourit, fier d'en être arrivé là, d'avoir reconstitué les grandes lignes de l'histoire cachée de la région perdue. Si Gustave pouvait le voir, il serait fier et satisfait.