Team Rocket X-Squad de Malak

Une fois n'était pas coutume, Bertsbrand avait fait passer les conseils de ses subordonnés et supérieurs avant son propre ego. Au lieu d'aller briller en affrontant un ennemi redoutable – style un ancien Marquis, un Démon Majeur, un Agent de la Corruption ou carrément l'actuel Marquis lui-même – il se contentait de déchaîner ses lasers de plasma et les diverses attaques Dragon, Vol et Acier que l'armure d'Excalord lui conférait sur les lignes de zombis. C'était assez satisfaisant d'annihiler ces horreurs à la chaîne à grand renfort de lumières et de sons, mais la gloire que cela lui apporterait serait très limitée.

Par le Grand Swag, même sa pénible seconde, Anna, serait capable de venir à bout elle-même de plusieurs de ces cadavres ambulants ! Ils ne faisaient rien à part marcher d'un pas monotone sur les soldats de la FAL, et dans les rares cas où ils parvenaient à en attraper un, ils se servaient de leurs ongles ou de leurs dents, les seules armes que leurs corps atrophiés possédaient encore... et seulement quand ils avaient toujours leurs têtes ou leurs mains.

Bertsbrand ne comprenait pas pourquoi il était si important de déblayer tout ça, juste pour que les forces armées de la FAL puissent avancer. Comme si c'était un simple soldat quidam armé d'un flingue qui allait inquiéter les Démons Majeurs ou les Marquis ? Pour gagner cette bataille au plus vite, ne suffisait-il pas plutôt d'envoyer tous leurs meilleurs combattants sur les pièces maîtresses ennemies ? Certes, Bertsbrand s'était opposé à ce qu'on assassine dans le dos Lyre Sybel, juste pour mettre un terme à cette levée de morts-vivants. Ça n'aurait pas été swag du tout. Mais il aurait pu aller l'affronter directement, elle ou son maître, plutôt que perdre son temps et son énergie à atomiser des morts.

Après avoir débarrassé son espace aérien des quelques Pokemon volants zombis qui avaient tenté de l'intercepter, il atterrit au beau milieu d'un autre groupe de cadavres humains, et il le fit en chargeant ses jambes de plasma, pour que le choc contre le sol provoque une onde qui envoya valser tous les zombis un peu trop proche de lui. Comme les cadavres de Lyre étaient contrôlés à distance avec un seul objectif guidant leurs gestes, la plupart l'ignorent, continuant leur marche comme s'il n'était pas là. Et Bertsbrand détestait être ignoré, même si c'était par des morts. Il avisa l'un d'entre eux, qui avait une bonne partie de la mâchoire manquante.

- Toi, t'as un visage hautement disgracieux, mon pauvre gars, le plaignit la star. Laisse-moi arranger ça...

Il pointa un de son index, lui aussi revêtu de l'armure intégrale, et tira un fin rayon de plasma hautement concentré qui évapora tout bonnement sa tête... ainsi que plusieurs autres derrière quand il continua sa course. Mais même privé de tête, le corps sans vie tenta de l'attraper à l'aveugle. Bertsbrand soupira, et annula son mode Revêtarme, pour passer à celui Arme. Privé de son armure, il tenait désormais la grande et lourde épée d'Excalord entre ses deux mains, et se déchaîna au milieu des zombis, découpant la chair et les os à bout portant. C'est qu'il avait besoin de se défouler lui aussi. Les rayons et explosions, c'était bien joli et efficace, mais pas aussi satisfaisant que découper soi-même en morceaux ces horreurs.

Mais au bout de cinq minutes, il s'avéra que cette technique était on ne peut plus salissante. Bertsbrand était couvert de sang coagulé, de morceaux de chair morte et Arceus savait quoi d'autre de ragoutant. Bien sûr, il était conscient que les grands guerriers ne devaient pas sortir du champ de bataille immaculés avec leur brushing parfait, mais là, c'était un peu trop pour un homme classe et hygiénique comme lui. Il s'apprêtait à repasser en mode Revêtarme pour s'envoler, quand il sentit quelque chose agripper sa jambe.

Il jura en unysien. Ces foutus zombis pouvaient continuer à bouger même s'ils étaient en morceaux, et Bertsbrand ne gardait pas spécialement toujours un œil au sol. Il s'apprêtait à atomiser le responsable, quand il s'arrêta net. Le cadavre qui venait de l'attraper était celui d'une petite fille, pas plus de huit ans, ses yeux morts et vides le regardant. L'humanité de Bertsbrand faillit le perdre, car cet instant d'hésitation lui aurait été fatal. D'autres zombis surgirent derrière lui pour le mordre au cou, menaçant de le submerger.

Mais alors, l'épée d'Excalord agit toute seule, s'échappant de la poigne de Bertsbrand pour aller trancher ses assaillants de derrière. Après quoi, Excalord repassa tout seul en mode Revêtarme, recouvrant le corps de Bertsbrand, et le tirant de cette marée qui allait l'engloutir. Encore secoué par le visage juvénile de cette petite fille morte, Bertsbrand ne se rendit compte que dix secondes plus tard ce qui s'était passé.

- Toi... Tu viens de me sauver ?

Il s'était adressé à Excalord, et la voix du Dieu Guerrier se fit entendre dans sa tête, comme sortant de l'armure qui l'entourait.

- Ce sentimentalisme soudain m'a tellement fait pitié que je n'ai pas pu m'en empêcher. Et puis ça ne me plaisait pas d'être piétiné par ces millions de cadavres dégoûtants si jamais tu te faisais tuer, pauvre humain.

Bertsbrand n'en revenait pas. La dernière fois – et seule fois – qu'il avait entendu cette voix résonnante et métallique, c'était après sa rapide défaite face à Venamia, il y a quelque mois. Excalord, après lui avoir dit ses quatre vérités, l'avait copieusement insulté et lui avait souhaité une mort rapide afin qu'il redevienne libre.

- J'ai essayé tant de fois de causer avec toi, et tu m'as toujours snobé ! Et c'est maintenant que tu te manifestes ? Après m'avoir secouru sans aucune autorisation de ma part ?!

- Ne vas surtout pas croire que tes pitoyables efforts pour nouer un dialogue avec moi en m'assurant ne plus me considérer comme un outil m'ont un tant soi peu touché. C'est juste que je trouve ce conflit divertissant, et que j'ai envie d'y participer activement. Je me contrefichais de votre guerre entre humains contre cette femme qui possédait Ecleus. Mais là... une immense armée venue tout droit des enfers, une alliance entre quasiment tous les pays du globe pour y faire face... C'est d'un niveau mythologique auquel je ne peux pas résister. Après tout, je suis l'Empereur d'Acier, qui a fondé son propre pays et mené deux guerres successives contre les sorciers Mélénis et leurs esclaves humains ! AH AH AH !

Bertsbrand écarquilla les yeux. Il pouvait presque sentir l'exultation d'Excalord alors qu'il le portait. C'était encore très loin de ce synchronisme qui se devait d'unir un maître et son Dieu Guerrier, mais il se sentait impatient et joyeux de partir au combat... ce qui n'était pourtant pas du tout son cas.

- C'est le sort du monde qui en est jeu, crétin de tas de ferraille ailé, lui répliqua Bertsbrand. On ne se bat pas pour ton petit plaisir. On ne se bat même pas pour le mien, c'est dire ! Je dois me battre avec tous mes moyens et l'esprit clair, alors tu vas me faire le plaisir de te calmer tout de suite pour que...

- Alors ça... c'est tout bonnement prodigieux, mon très cher frère ! Cette armure avec des ailes est fantastique !

- Je dirai même plus, elle est prodigieusement fantastique, mon bien cher frère.

Bertsbrand fronça les sourcils alors qu'il entendait ces deux voix à côté de lui. Il était pourtant bien au-dessus du sol, et à toute vitesse. Il vit alors au-dessus de lui deux personnes qui volaient à son allure. C'étaient deux adolescents, quasiment identiques, aux cheveux blancs décolorés et à la peau sombre. Chacun d'entre eux avaient une aile noire immatérielle dans le dos, et ils volaient en se tenant la main.

- What the actual fuck ?! Jura Bertsbrand.

- Hi hi, le monsieur est surpris, mon très cher frère. Il devait se dire qu'on ne pouvait pas voler comme lui sans son armure spéciale ?

- Ha ha, il a les yeux qui lui sortent des orbites. On devrait toutefois se présenter, mon bien cher frère ?

- Tu as raison. Rien ne vaut la bienséance.

Ils joignirent alors leur autre main à l'unisson, et une sphère noire alla percuter Bertsbrand. L'armure d'Excalord encaissa bien sûr la grosse partie de l'attaque, mais Bertsbrand fut déstabilisé et dut se poser en catastrophe, dans un coin qui ne comptait pas trop de morts-vivants aux alentours. Ses deux agresseurs le suivirent tranquillement et se posèrent près de lui, un sourire sympathique sur leur visage d'ange.

- Godammit, vous êtes qui, les kids ?

Mais il se rendit compte de la futilité de sa question quand les deux jumeaux se mirent sur le visage une moitié de masque blanc avec un grand sourire, l'un à gauche et l'autre à droite.

- Je suis Roedan, le 23ème Marquis des Ombres.

- Je suis Roedin, le 23ème Marquis des Ombres.

Ils avaient parlé en même temps, et les deux frères s'échangèrent un regard peu amène.

- Je crains que ce soit moi, le 23ème Marquis, mon bien cher frère, fit Roedin.

- Je crains que tu ne fasses erreur, mon très cher frère, répliqua Roedan. C'est moi qui ai accueilli le Seigneur Horrorscor en premier. Toi, tu es le 24ème.

- Ta mémoire te fait défaut. Tout comme quand tu affirmes que tu es l'aîné.

- Mais je suis l'aîné ! C'est moi qui le premier suis sorti du ventre de notre très chère mère.

- Nous n'avons jamais eu de mère, crétin. Nous sommes sortis d'une matrice artificielle, et c'est moi qui l'ai fait en premier.

- Mon très cher frère, tu es un incurable idiot.

- Je dirai même plus : mon bien cher frère, tu es un éternel benêt.

Bertsbrand resta les yeux écarquillés devant ces deux gamins qui se chamaillaient pour savoir qui était qui. D'habitude, c'était lui qui faisait son show aux autres, et qui les laissait bouche bée d'admiration (enfin, en réalité, c'était plutôt de stupeur devant sa bêtise, mais ça Bertsbrand ne voulait pas le voir).

- Bon, bref, fit Roedan en mettant fin à sa dispute avec son frère. Nous sommes les 23ème et 24ème Marquis des Ombres, que l'on a été en même temps, s'échangeant plus d'une fois l'esprit du Seigneur d'Horrorscor en nous.

- Ça a été très marrant, poursuivit Roedin. Nous faisions tourner les Gardiens de l'Innocence en bourrique en échangeant nos places. C'était encore plus marrant quand ils t'ont tué, mon bien cher frère, en pensant avoir éliminé le Marquis, alors que c'était moi qui avais le morceau d'âme de notre seigneur à ce moment-là

- Je n'étais pas là pour voir ta propre mort, mon très cher frère, mais la dame Hellsing, notre successeuse, m'a dit combien elle a été pitoyable... répliqua Roedan. Elle aurait même violé ton cadavre après ?

- Hellsing a toujours eu des goûts et pratiques singuliers quelque peu contraires à la bienséance, mais toujours est-il qu'elle aurait eu du mal à faire pareil avec le tient, étant donné qu'il ne restait pas grand-chose après que Validis et son Pokemon se soient occupés de toi. J'ai eu du mal à faire mon deuil, tant la vue de cette masse rouge infecte m'a...

- Mais SHUT THE FUCK UP, s'énerva Bertsbrand. J'en ai rien à faire de votre histoire, et vos punchlines me saoulent. Vous êtes quoi au juste ? Horrorscor n'offrent pas à ses Marquis le pouvoir de voler, que je sache !

- Oh, ça, c'est parce que nous ne sommes pas de simples Marquis des Ombres, répondit Roedin. Le Seigneur Crachernock, le Marquis avant nous, était un puissant alchimiste et féru d'occultisme. Il nous a conçu en plongeant des fœtus humains dans les miasmes de la Corruption du Seigneur Horrorscor. Il voulait créer des Enfants de la Corruption artificiels.

- Car déjà à l'époque, en concevoir des vrais était interdit, précisa Roedan. Trop dangereux. Trop instables.

- Nous ne sommes pas aussi puissants que le serait un vrai Enfant de la Corruption, conçu naturellement par la semence d'un Marquis, mais nous avons tout de même quelques pouvoirs obscurs mutés du Seigneur Horrorscor, et contrairement aux vrais Enfants de la Corruption, nous sommes totalement loyaux et sains d'esprit.

- Hum, ça, ça reste à prouver, renchérit Bertsbrand. Mais peu importe. Je n'ai pas de temps à perdre avec vous, young boys, même si vous allez faire une petite pause appréciable dans ma destruction organisée de zombis. Vous n'avez pas de chance, il faut bien l'avouer : vous êtes revenus d'entre les morts à une époque où moi, Bertsbrand, j'existe.

Les jumeaux s'échangèrent un regard dubitatif.

- Tu sais ce que c'est, un Bertsbrand, mon bien cher frère ?

- Aucune idée, mon très cher frère, mais il faut croire que ce monsieur nous sous-estime gravement. Libérons-le de son erreur.

- Je dirai même plus : libérons-le de ses attaches terrestres gênantes, qu'il découvre combien c'est plaisant et apaisant, le Monde des Esprits !

Les deux Marquis ressuscités filèrent vers Bertsbrand à une vitesse clairement surnaturelle, de telle sorte que le commandant de la X-Squad ne vit que deux traînées d'ombre. Mais si ses réflexes humains étaient limités, ce n'était pas le cas de ceux d'Excalord. Encore une fois, il réagit sans ordre de son maître pour décoller d'un coup, évitant les deux trais ombrageux qui auraient tranché en pièces Bertsbrand.

Mais les jumeaux le suivirent dans les airs, faisant apparaître leur unique aile et se tenant par la main pour voler. S'ensuivit une course poursuite avec échange de rayons plasma et d'attaques spectres. Bertsbrand essayait de suivre ce qui se passait et de réagir, mais la voix d'Excalord dans sa tête l'en dissuada.

- Laisse-moi le contrôle, misérable humain, ou tu mourras dans la seconde ! Ces deux là sont dangereux. Ils cachent des pouvoirs qui vont au-delà de ceux des Pokemon.

- Alors quoi ? Que suis-je censé faire au juste ? Protesta un Bertsbrand malmené par la vitesse et les loopings en série.

- Rien. T'as qu'à méditer sur ton fameux swag, et la fermer. Laisse-moi m'amuser un peu. Tu auras pleins d'autres occasions de te faire tuer plus tard.

Alors Excalord cessa d'être le moyen de transport, et devint le conducteur, tandis que Bertsbrand fut réduit à être le passager impuissant d'une armure douée d'une volonté propre qui ne cacha rien de sa joie de pouvoir combattre de son propre chef.


***


Gluzebub, Démon Majeur de la Gourmandise, traversait le champ de bataille de son pas lourd et lent, piétinant au passage les morts-vivants qui avaient le malheur de se trouver sur son passage. Le Pokemon était totalement démotivé. Pas parce qu'il rechignait à se battre pour ses nouveaux alliés de la Team Rocket ; il n'aimait certes pas trop faire d'efforts, mais il savait se battre quand c'était indispensable, ou quand la récompense était de taille.

L’appât de la mayonnaise fonctionnait toujours autant. Pouvoir s'empiffrer à souhait de cette substance divine, et goûter à cette quantité infinie de plats différents que les humains savaient concocter, c'était pour lui le paradis sur Terre, bien plus que le Marquis des Ombres ne lui avait jamais donné. Aussi donc, quand la Team Rocket lui avait demandé de se rendre sur le champ de bataille pour y affronter son frère Belfegoth de la Paresse, Gluzebub n'avait pas hésité. Il se savait largement capable de lutter contre lui.

Non, ce qui l'attristait tant, c'était qu'il avait l'autorisation de dévorer au passage tous les cadavres ambulants de Lyre autant qu'il voulait... et que les cadavres en question avaient un goût atroce. Gluzebub avait dévoré plusieurs humains quand il se battait encore pour le Marquis, et les avait trouvés savoureux à souhait. Mais ces humains morts, là, ils n'étaient clairement pas frais. Certains n'avaient presque plus de chair. Et pour Gluzebub, voir tant de nourriture potentielle qui finalement se révélait être avariée, c'était un crève-cœur. Il aurait bien pour la peine engloutit plusieurs tubes de mayonnaise pour se consoler, mais sous sa forme réelle de Pokemon, il ne pouvait évidemment pas en transporter sur lui.

Du coup, tout cela ne le motivait guère pour aller se battre contre Belfegoth. Il ne pouvait pas faire de l'effort s'il n'avait pas mangé convenablement avant. Il aurait bien attrapé quelques-uns de ces soldats de la FAL, qui eux étaient bien vivants et frais, mais ça ne se faisait pas de dévorer ses propres alliés. C'était très tentant, d'autant qu'ils passaient près de lui pour profiter de sa présence qui déblayait les rangs ennemis, mais on allait le priver de mayonnaise si jamais il n'en prenait qu'un petit.

Ce fut donc avec son immense ventre gargouillant qu'il partit à la rencontre de Belfegoth. Ce dernier avançait sur le flanc nord-est avec un groupe important de Mushana, ces Pokemon psy qui étaient toujours la plupart du temps endormit. Belfegoth était un peu une sorte de dieu pour eux. Peut-être parce que, comme eux, il pouvait se déplacer et même se battre dans son sommeil, et que sa seule présence provoquait une telle fainéantise à la ronde qu'il n'était pas rare que l'on tombe endormi. Dans tous les cas, ils le servaient, même s'ils n'étaient pas des Pokemon Spectres, et renforçaient son aura psychique avec leurs pouvoirs.

Selon la Team Rocket, il fallait l'arrêter au plus vite, car son péché de la paresse allait affecter la Troisième Unité dans son avancée, ce qui allait contrarier le plan de bataille de la FAL. Les Mushana, troublés par la présence d'un autre Démon Majeur face à eux, s'écartèrent pour lui laisser le champ libre face à son frère. Belfegoth avait l'air de dormir, mais Gluzebub savait que son cerveau psy très puissant fonctionnait parfaitement malgré l'endormissement de son corps.

- Gluzebub... J'ai eu du mal à le croire quand le Marquis nous l'a dit, et même là j'en doute encore. Toi, le plus trouillard et naïf d'entre nous, un traître qui a défié Horrorscor et notre grand-frère Wrathan ?

Belfegoth n'avait ouvert ni les yeux ni la bouche, mais Gluzebub entendit sa voix psychique résonner tout alentour. Le corps du Démon Majeur de la Paresse était celui d'un être poilu et endormi, un croisement entre un ours et un escargot. Il avait l'air de la sorte assez inoffensif, presque mignon, mais son véritable corps était plus l'immense aura bleu qui l'entourait en prenant sa forme physique en bien plus imposant. C'était cette masse psychique qui affectait les ondes cérébrales des êtres vivants alentours, les rendant démotivés ou somnolant. C'était également elle qui se battait, autant à distance que physiquement.

- Je ne dois rien à Horrorscor, répondit Gluzebub. C'est à cause de lui qu'on a passé tous ces siècles en étant scellés, et réduit à l'état d'enfants humains impuissants. Pourquoi devrions-nous l'aider à nouveau, alors qu'il n'a jamais rien fait pour nous ? Quant à notre grand-frère, il m'a toujours méprisé et traité comme un idiot. Les humains, eux, sont gentils avec moi, et me nourrissent comme personne ne l'a jamais fait !

- Ils se servent de toi, justement parce que tu es un idiot, répliqua Belfegoth. En réalité, ils doivent te trouver répugnant et horrible. Jamais ils ne nous accepteront, car notre existence même va contre leurs convictions de bien et de vertu. Alors que, le pire dans tout ça, c'est que nous sommes justement nés de leurs vices ! Ils sont hypocrites et n'aiment qu'eux.

Gluzebub songea à Divalina, cette humaine aux mèches multicolores, qui l'avait accepté comme il était. Même Lyre, qui pourtant était aussi une humaine et connaissait Gluzebub depuis bien plus longtemps, ne lui avait jamais considéré une telle sympathie.

- C'est faux, affirma-t-il. Tous les humains sont différents, et tous ne pensent pas qu'à eux. Certains même essaient sincèrement de mieux me connaître, comme la X-Squad. Mais c'est aussi à nous de faire des efforts pour être acceptés. Moi par exemple, je me retiens de dévorer des humains vivants, à présent. Nous ne pourrons jamais nous débarrasser de notre péché, mais nous ne sommes pas obligés d'y être soumis. Nous sommes des Pokemon avant d'être des Péchés Capitaux, et ça, les humains qui sont désormais mes amis l'ont bien compris !

Belfegoth ne changea rien de sa posture ni de son visage endormi, mais il fit passer un tel soupir dans sa voix mentale qu'on aurait pu croire qu'il était en train de bailler.

- Quel ennui, vraiment... Tu veux à ce point me gâcher ma journée avec tes délires émotionnels ? Déjà que j'étais absolument pas motivé pour cette croisade mondiale de mort, de destruction et de corruption ?

- Soit tu fais demi-tour, soit je t'arrêterai, indiqua Gluzebub. Vous avez beau tous dire que je suis idiot, moi, je suis plus fort que toi. Tes attaques psychiques ne pourront rien contre mon type Ténèbres. D'autant que je suis désormais plus que le simple Gluzebub, Démon de la Paresse. Je suis le Grand Guerrier Mayora, défenseur de la mayonnaise !

Belfegoth hésita. Il était vrai qu'en termes de type pur, il était désavantagé. Et il ne pourrait pas non plus endormir Gluzebub pour siphonner ses rêves. Ce gros crétin était immunisé contre le sommeil tant qu'il avait faim, et il avait toujours faim. C'était comme s'il avait un second estomac à la place du cerveau. Et puis, Belfegoth avait la flemme de combattre un adversaire difficile. Tuer de pauvres humains inoffensifs, passe encore, ce n'était pas bien compliqué, mais un autre Démon Majeur ? La perspective le fatiguait par avance. Pour autant, il se refusa à fuir. Il avait une vague idée de la réaction de Wrathan si jamais il se présentait devant lui après avoir fait demi-tour face à Gluzebub, et cette peur fut pour le coup plus puissant que sa fainéantise.

D'un ordre mental, Belfegoth ordonna à ses Mushana de reculer ; qu'ils augmentent ses pouvoirs psychiques ne lui servirait à rien face à Gluzebub. Et ce gros sac de graisse empoisonnée pouvait faire très mal au corps à corps, notamment avec ses piques, ses mâchoires et sa queue en forme de masse d'arme. Belfegoth savait qu'il devrait garder ses distances avec lui. Il débuta donc le combat avec une simple attaque Vibrobscur. Simple pour lui, mais d'une puissance bien sûr dévastatrice qui alla jusqu'à fissurer le sol juste en passant au-dessus de lui.

Gluzebub se laissa toucher, encaissant les ondes ténébreuses. Bien qu'il soit résistant face au type Ténèbres, il le sentit tout de même passer. Mais en se laissant blesser, il put lancer à pleine puissance son attaque Représailles, qui était doublée s'il avait été touché juste avant. Une myriade de coups sombres et violets allèrent toucher le Démon de la Paresse. Il fit grossir son aura psychique pour se protéger, la croisant immédiatement avec une attaque Protection.

Mais Belfegoth ne s'arrêta pas là. Sachant qu'il ne pourrait pas venir à bout de son frère puissance contre puissance, il s'évertua à booster ses défenses, chose dans laquelle il excellait. Plénitude ne servirait pas à grand-chose, car Gluzebub n'utilisait quasiment que des attaques physiques. À la place, il opta pour Bouclier, faisant grimper ainsi sa défense contre les attaques physiques, qu'il avait déjà sensiblement réduit avec Protection. C'était là un combo quasiment imparable : comme Belfegoth dormait tout le temps, il ne pouvait pas être empoisonné en plus. Et une fois que ses défenses étaient très hautes, il lui suffisait de remonter ses PV perdus avec l'attaque Paresse. Le tout ajouté à ses PV naturellement très élevés, Belfegoth était pour ainsi dire un des Pokemon les plus difficiles à mettre KO.

Gluzebub en étant conscient. Aussi devait-il mettre le paquet dès le début avant que les stats défensives de Belfegoth n'augmentent trop. Il chargea donc sa plus puissante attaque : Détricanon. C'était déjà l'attaque Poison la plus forte, mais lancée par Gluzebub, c'était pour ainsi dire l'équivalent d'une bombe atomique empoisonné, de quoi ravager tout l'écosystème sur des kilomètres à la ronde. Mais comme l'Armée des Ombres s'était déjà chargée de tout dévaster ici, ce ne serait pas trop grave.

La matière sombre et puante que Gluzebub cracha de sa gueule ventrale fila dans les airs, et explosa dès qu'elle toucha Gluzebub, produisant une onde de choc et de fumée toxique qui balaya tout dans un large périmètre, et qui produisit une odeur infecte que l'on ressentit même au-delà de la zone touchée. Mais cela eut un effet plutôt bénéfique sur les soldats de la FAL paralysés par le péché de Belfegoth. Leur soudaine fainéantise qui les poussait à s'asseoir en refusant d'aller se battre disparut quand cette odeur arriva jusqu'à eux. Ils se bouchèrent le nez en faisant demi-tour, se plaçant ainsi hors de portée du péché de Belfegoth, et du combat de titan dévastateur entre les deux Démons Majeurs qui se poursuivit.