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Merle Grey de MissDibule



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Informations

» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 23/10/2019 à 12:43
» Dernière mise à jour le 12/11/2019 à 20:30

» Mots-clés :   Aventure   Drame   Famille   Slice of life   Unys

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Chapter 3: Iron Goddess of Mercy
Thea faisait face à Lady Grey. À sa grande surprise, elle l’avait trouvée assez facilement. Sans doute parce qu’elle demeurait à quelques rues seulement de l’hôtel-restaurant La Quantos. Cela n’étonnait guère la jeune Unyssienne. Petit à petit, elle commençait à comprendre certaines choses. Toute de vert recouverte, – à l’instar de Thea – Lady Grey était très élégante, mais elle laissait clairement voir à tous les passants ce qu’elle avait à offrir.

« Voici donc la fameuse boutique de thé de Merle Grey… “Lady Grey“… Elle avait de l’humour en tout cas ! » se dit Thea en lisant les lettres gris foncé qui formaient le nom de la boutique, amusée.

En effet, « Lady Grey » était une variété de thé, dérivée de l’Earl Grey. Ainsi, le nom de la boutique faisait donc à la fois référence à ce type de thé, mais également à l’identité de sa première propriétaire.

Thea passa quelques secondes à observer la devanture de la boutique. Elle n’en revenait pas que le magasin existe encore après tout ce temps. Lorsqu’elle avait pensé à lui rendre visite, elle plaisantait plus qu’autre chose. Mais non, comme pour la railler, le petit commerce se tenait toujours là, deux cents ans plus tard.

« Soit il s’agit du meilleur fournisseur de thé au monde, soit cette modeste boutique cache quelque chose, pour avoir survécu aussi longtemps… » pensa la jeune femme, soupçonneuse.

Plus le temps passait et plus Thea retardait le moment d’entrer dans le magasin. Elle ne pouvait s’empêcher d’admirer les boîtes de thé si raffinées alignées dans la vitrine. Par ailleurs, elle ne raffolait pas énormément de cette boisson pourtant incontournable à Galar. Une tasse de temps en temps, pourquoi pas, mais guère plus. Cependant, elle devait bien admettre que la décoration de la vitrine attirait l’œil.

La jolie théière disposée juste à côté des boîtes à thé l’intriguait tout particulièrement. L’objet de porcelaine blanche était finement décoré. Une large bande, d’un bleu turquoise très pâle, recouvrait la moitié supérieure de la théière, et présentait d’élégantes boucles plus foncées en guise d’ornement. Le même motif se répétait sur le petit couvercle cerclé de jaune doré, couleur qui se retrouvait notamment sur l’anse et le pied de la théière.

Penchée sur la vitrine, Thea contempla la beauté simple de l’objet pendant de longues secondes. Soudain, elle eut la très vive et très nette impression qu’il bougeait. Mais elle n’eut pas plus de temps pour y réfléchir : une fraction de seconde plus tard, la théière se souleva de son présentoir et fonça droit sur elle – traversant au passage la vitre, tel un fantôme.

Thea poussa un cri de surprise et recula vivement, effrayée. Le spectre semblait quant à lui ravi de son petit effet :

« Thééééééé ! » s’écria-t-il joyeusement.

La jeune femme n'avait même pas eu le temps de se remettre de ses émotions quand la porte en bois sombre de Lady Grey s’ouvrit avec fracas :

« Oh là là, je suis vraiment navré ! Vous allez bien ? » s’enquit aussitôt le nouveau venu, un homme d’une soixantaine d’années, au teint livide et à la mine désolée.

Thea regarda successivement l’homme, puis la créature qui s’était jetée sur elle pour lui faire peur. Cette dernière était un petit être violet aux yeux jaunes, qui semblait hanter la théière. L’identité de ce petit esprit frappeur ne faisait aucun doute pour Thea :

« Un Polthégeist ! s’exclama-t-elle joyeusement. C’est bien cela ? demanda-t-elle en se tournant vers celui qui venait d’arriver.

— Oui, en effet, confirma-t-il en hochant de la tête. Il ne vous a pas fait mal ?

— Mal ? Oh non, bien sûr que non ! Il voulait juste me faire peur pour s’amuser !

— Théééé ! approuva le petit Pokémon en virevoltant à ses côtés.

— Je suis sincèrement désolé… Il fait ça parfois lorsque j’ai le dos tourné… s’excusa l’homme.

— Ne vous en faites pas, le rassura Thea.

— Merci de votre compréhension. Ceci mis à part, laissez-moi me présenter : Gregor, gérant de la boutique Lady Grey, l’informa-t-il en s’inclinant légèrement. Vous sembliez intéressée par nos produits. Puis-je vous aider ? »

Même si elle était embarrassée à l’idée d’avouer qu’elle ne venait absolument pas pour acheter, Thea décida d’être honnête. Elle mentait de toute façon très mal.

« Eh bien, en réalité, je suis venue ici pour obtenir un renseignement, déclara-t-elle de but en blanc.

— Un renseignement ? Voilà qui est surprenant. J’ignore si je vais pouvoir vous être d’un quelconque secours… Mais je vous en prie, entrez, nous serons plus à l’aise pour discuter, lui proposa Gregor en ouvrant la porte du magasin pour elle.

— Merci beaucoup de m’accorder un peu votre temps » dit Thea en s’engouffrant à l’intérieur.

Elle eut l’impression de revenir dans le temps. D’énormes étagères en bois, pleines à craquer de boîtes à thé, recouvraient presque entièrement les murs vert pâle. Au centre de la pièce, un présentoir était entièrement rempli de services en porcelaine à l’air très ancien : tasses, théières, sucriers… Enfin, au fond, une immense et élégante horloge de plancher trônait fièrement, à la droite du comptoir peint en bleu turquoise.

La pièce respirait le thé.

Thea vit Gregor prendre place au comptoir. Il s’adressa ensuite de nouveau à elle :

« Bien, de quoi vouliez-vous donc me parler, Mademoiselle ? »

La question désarçonna la jeune femme plus qu’elle n’aurait dû : bien sûr, Thea savait parfaitement ce qui l’amenait dans cette boutique. Mais expliquer la situation de façon simple était plus compliqué que ce qu’elle aurait imaginé. Une fois encore, elle fut directe :

« Eh bien, en fait, je… balbutia-t-elle, je voudrais savoir si vous saviez quelque chose au sujet de… Merle Grey.

— Oh, vous voulez dire la fondatrice de la boutique ? demanda Gregor, visiblement surpris. Il ne s’attendait apparemment pas à une requête de ce genre.

— Oui, confirma Thea en hochant la tête, contente que Gregor comprenne de qui elle voulait parler.

— Malheureusement, je ne sais vraiment pas grand-chose à son sujet…

— Ce n’est pas grave, le peu que vous savez peut m’être utile ! lui assura Thea.

— Eh bien, je ne sais que ce que les rumeurs disent. Apparemment, vers la fin de sa vie, la pauvre femme serait devenue folle pour Arceus sait quelle raison, et elle aurait commencé à fabriquer des poisons. Elle se serait ensuite donné la mort en avalant l’un d’entre eux. »

« Jusqu’ici, c’est à peu près ce que les journaux racontaient… » pensa Thea.

Elle attendit quelques instants que le gérant reprenne ses explications, mais à la place, il soupira :

« Non vraiment, je suis désolé, mais je ne suis pas la bonne personne à interroger à ce sujet. J’ai beau être son humble successeur, je ne sais vraiment rien d’elle, et il m’est assez déplaisant de n’avoir que de méprisables rumeurs à relayer sur son compte.

— Oui, je comprends bien… »

Thea était déçue. Cette fois-ci, elle avait vraiment cru qu’elle était sur la bonne piste. Elle sentit le découragement pointer. Voyant sa mine déconfite, Gregor ajouta :

« Cependant, je crois savoir qui pourrait vous en dire plus à son sujet.

— Oh ? Vraiment ? Qui ça ? s’enquit Thea dans un nouvel élan d’espoir.

— Le propriétaire de la boutique.

— Mais… Ce n’est pas vous ? demanda-t-elle en haussant les sourcils.

— Non, je suis gérant, mais pas propriétaire. Cette boutique appartient à la même famille depuis très longtemps : les Hongfei.

— Les Hongfei ? » répéta Thea.

Pourtant étranger, le nom sonnait familier à ses oreilles. Mais pas assez pour qu’elle puisse identifier clairement où elle l’avait déjà entendu.

« Il s’agit de la famille qui possède la maison d’édition très reconnue du même nom. Peut-être avez-vous déjà lu un livre édité chez eux ? poursuivit Gregor.

— Ah ! Oui, en effet, maintenant que vous le dites ! Mais attendez… Pourquoi une maison d’édition possède-t-elle une boutique de thé ? » voulut savoir Thea, perplexe.

Gregor secoua la tête :

« Ah, si je savais ! Cela m’intrigue également, mais jamais je n’oserais me mêler des affaires de mes supérieurs. Je tiens à mon travail ! Même s’il est vrai que la retraite n’est plus très loin ! plaisanta-t-il. En tout cas, si vous souhaitez en apprendre plus sur feu Mme Merle Grey, c’est à M. Hongfei qu’il faut vous adresser. D’ailleurs, à ce propos, c’est votre jour de chance ! »

*
Aiden Hongfei jeta un œil à la pendule accrochée au mur, juste en face de son bureau : quatorze heures quarante-trois. Puis son regard glissa un peu plus bas, sur la petite table où reposait une statue de femme en acier qui le transperçait de son regard acéré.

« Oui, je sais, c’est bientôt l’heure… » souffla-t-il comme pour lui répondre, un brin agacé. L’heure du rendez-vous habituel. Comme chaque semaine. La sempiternelle visite. L’héritier Hongfei en avait plus qu’assez de devoir perpétuer cette tradition. Toujours la même rengaine… Pourquoi devait-il se racheter pour une faute que son ancêtre avait commise deux cents auparavant ? Il trouvait cela injuste.

Mais bon, il n’avait plus cinq ans, il ne pouvait pas refuser d’y aller juste par caprice. Car, derrière cette simple visite se cachait un geste familial et religieux. Le quadragénaire au costume gris impeccable soupira. La volonté des anciens, hein… Il se leva de son bureau, enfila sa veste et quitta la pièce, sous le regard toujours aussi perçant de la déesse d’acier.

« Tu parles d’une déesse de la pitié… » pensa Aiden en la regardant une dernière fois. « Si elle est aussi miséricordieuse, alors pourquoi doit-on se repentir en son nom depuis deux siècles ? Elle n’est pas plutôt censée nous pardonner ? Ça n’a vraiment aucun sens… »

En effet, plus de deux cents ans plus tôt, un membre de la famille Hongfei avait fait quelque chose qu’il ne s’était jamais pardonné. Un péché si grave – selon lui – qu’il avait ordonné à sa descendance, dans son testament, de continuer à se repentir pour lui. La raison en était que la famille Hongfei venait d’une contrée lointaine, où la religion avait une place extrêmement importante dans la société.

Il s’agissait d’une religion qui, plutôt que des Pokémon, vénérait des dieux anthropomorphes. Les Hongfei vouaient un culte tout particulier à la déesse de la pitié, celle-là même qui était représentée par la statuette en acier qu’Aiden gardait à contrecœur dans son bureau. Il ne partageait pas vraiment les idéaux religieux de sa famille : il les voyait comme un fardeau contraignant.

Il sortit de son bureau en vitesse pour échapper à l’œil inquisiteur et implacable de l’idole métallique. Il passa devant celui de son nouvel assistant à qui il fit un rapide signe de tête pour lui signaler son absence momentanée. Le concerné se contenta d’acquiescer. Devant l’ascenseur, Aiden se surprit à appuyer de façon répétée sur le bouton « descendre ». Il était vraiment pressé d’en finir avec ce qu’il considérait comme une corvée.

Il sortit dans les rues de Donnol avec empressement, le visage empreint d’agacement. Il marchait vite, mécaniquement, comme une automate. Il savait parfaitement où il allait. Après une marche d’une dizaine de minutes, il arriva enfin jusqu’à l’objet de son ressentiment : une boutique de thé à la devanture verte tout à fait banale du nom de Merle Grey.

Aiden s’engouffra à l’intérieur sans tarder.

*
Thea ne fut pas surprise lorsqu’elle vit un élégant homme aux yeux de jais entrer dans la boutique. Et pour cause, Gregor lui avait dit quelques minutes plus tôt que le fameux M. Hongfei passait toutes les semaines à la même heure, le même jour. Le mercredi à quinze heures. Ce jour-là était justement un mercredi, et l’horloge indiquait quatorze heures cinquante-six. En somme, comme l’avait dit Gregor, il s’agissait du jour de chance de Thea.

L’homme aux longs cheveux noirs passa le seuil de Merle Grey d’un pas pressé. Gregor le salua aussitôt :

« Bonjour M. Hongfei ! Comment allez-vous ?

— Bonjour Gregor. Disons que ça pourrait mieux aller… maugréa Aiden Hongfei. Bonjour Mademoiselle, dit-il ensuite en se tournant vers Thea.

— B-bonjour Monsieur, balbutia la jeune femme.

— Bon, Gregor, essayons d’aller vite aujourd’hui si vous le voulez bien, j’ai encore beaucoup de choses à régler… soupira Aiden Hongfei en passant sa main sur son visage.

— Euh, oui, bien sûr M. Hongfei ! Cependant, avant cela, Mademoiselle… commença le gérant.

— Oh mais quelle impolitesse de ma part ! le coupa Aiden. Bien sûr, terminez de servir Mademoiselle avant notre entretien, je vous en prie. Je suis un peu en avance de toute façon. »

Gregor et Thea échangèrent un regard gêné. Voyant le malaise de Thea, Gregor se chargea d’expliquer la situation à l’éditeur :

« En fait, M. Hongfei, cette jeune femme n’est pas une cliente ; c’était vous qu’elle vous attendait. Elle souhaiterait vous parler.

— Me parler ? répéta Aiden en arquant un sourcil. Me parler de quoi ? »

Il semblait moins agacé que décontenancé.

« Eh bien… reprit le gérant.

— De… Merle Grey. »

C’était Thea qui avait fini la phrase initiée par Gregor ; même si M. Hongfei l’intimidait, elle avait pris son courage à deux mains. L’effet fut au rendez-vous : Aiden tressaillit en entendant ces trois petits mots. Il planta alors fermement ses pupilles d’encre dans les yeux bruns de Thea et dit à son tour :

« De Merle Grey ? Vous voulez me parler de Merle Grey ?

— O-oui… Enfin, si cela ne vous dérange pas… J’imagine que vous devez être très occupé… » murmura Thea d’une toute petite voix.

Très gênée, elle détourna rapidement le regard pour le fixer vers le sol.

« Puis-je savoir pourquoi vous vous intéressez à cette femme, Mademoiselle…? » demanda Aiden.

Il avait l’air troublé. Mais pas autant que Thea, qui avait de plus en plus de mal à formuler ses réponses :

« Thea. Thea Watson. Je m’intéresse à elle parce que… Parce que… Parce que je pense qu’elle a peut-être un lien de parenté avec moi… »

Les yeux noirs de l’éditeur se mirent soudainement à briller. Il tenta de conserver son calme, mais il avait du mal à tenir en place. Il se saisit brusquement du petit carnet et du stylo qu’il conservait toujours dans la poche de sa veste, puis il en arracha une page et griffonna à la hâte dessus. Il tendit ensuite le papier à Thea, tout en lui offrant un franc sourire :

« Je serais ravi de partager tout ce que je sais de Merle Grey avec vous, Mademoiselle Watson. Rejoignez-moi à dix-sept heures trente à cette adresse. Bien entendu, c’est moi qui vous invite. Bien, puisque ceci est réglé, ne perdons pas de temps, allons-y, Gregor » conclut-il abruptement en s’adressant à nouveau au gérant.

Thea récupéra le bout de papier du bout des doigts, incrédule. Puis Aiden Hongfei disparut dans l’arrière-boutique avec Gregor, avant même qu’elle ait pu prononcer le moindre mot. Cependant, sans se retourner, il s’exclama :

« Alors à tout à l’heure, Miss Watson ! »

Restée seule dans la boutique, Thea, encore stupéfaite, déplia le morceau de papier et lut : « 5h30, salon de thé Coupole Thé Geist. »

« Encore Polthégeist ! » songea Thea en souriant.

En-dessous de ces mots était griffonné un plan rudimentaire où une croix indiquait l’emplacement du lieu de rendez-vous. Ce n’était pas loin du tout de Merle Grey. Thea réalisait à grand-peine ce qu’il venait de se passer. Mais elle sentait plus que tout qu’elle touchait au but.

Et elle pouvait difficilement contenir son excitation.

*
Thea ne se sentait pas vraiment à sa place dans le salon de thé Coupole Thé Geist. C’était un endroit luxueux clairement réservé à la haute société, avec de somptueux canapés crème et un scintillant lustre au plafond. Et si Aiden Hongfei semblait parfaitement dans son élément, Thea Watson avait la nette impression de faire tache, au milieu de cette gente si raffinée.

Elle était attablée avec le célèbre éditeur depuis au moins deux minutes, mais personne n’avait encore osé rompre le silence pesant. Quelques secondes passèrent. Aiden Hongfei prit une gorgée de sa tasse de thé et brisa enfin la glace :

« Alors comme ça, vous pensez que Merle Grey est votre ancêtre ? »

Thea se tortilla sur sa chaise, mal à l’aise.

« Je n’en suis pas sûre, mais oui, c’est probable, en effet… répondit-elle. Vous pensez pouvoir m’aider ?

— Je l’espère de tout cœur, Mademoiselle Watson. Après tout, c’est aussi dans mon intérêt, déclara-t-il gravement.

— Ah bon ? Vraiment ? » s’étonna Thea, les yeux écarquillés.

Elle s’attendait à tout sauf à une réponse de ce genre. Elle n’était pas sûre de bien comprendre où M. Hongfei voulait en venir. Plus elle avançait dans son enquête, plus les obstacles auxquels elle se heurtait étaient durs.

« Votre réaction m’indique que vous ne voyez pas de quoi je veux parler.

— Non, en effet… » confirma la jeune femme, dépitée.

Aiden Hongfei ferma alors les yeux, comme pour se concentrer. Puis il les rouvrit et déclara :

« Dans ce cas, permettez-moi de vous raconter toute l’histoire. L’histoire de Merle Grey. »