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Jutsu ! de Deadlier



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» Auteur : Deadlier - Voir le profil
» Créé le 26/10/2018 à 21:01
» Dernière mise à jour le 31/10/2018 à 18:54

» Mots-clés :   Action   Aventure   Kanto   Romance

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Chapitre 6 : Par delà l'arc-en-ciel
« Parmanie au bord du chaos » « La championne lynchée par la ville » ou « Une ville dans un état aussi déplorable que sa championne ». Quels seraient les prochains gros titres des journaux de Kanto ? Probablement un de ceux-là. J’en avais la quasi-certitude à la vue du spectacle sidérant auquel moi et Silver faisions actuellement face. Le commissariat de police de Parmanie tout entier était porté disparu. C’est bien la première fois qu’il faudrait un avis de recherche pour un bâtiment.

Après être parvenue à nous ressaisir mutuellement, Silver et moi avions décidé de retourner confronter Achroma. Il avait agressé Silver alors que ce dernier avait fait une découverte en suivant ma piste des Parasect. En effet, si aucun Pokémon insecte ne s’était découvert de capacité amphibie récemment, il avait en revanche trouvé une plaque semblable à celle de la Réserve, enfouie sous le sable de la crique. A priori rien de bien folichon pour moi, mis à part que les deux évènements étaient liés.
Cependant, bien qu’Achroma jurait ne pas savoir ce qu’étaient ces machines, Silver avait approfondi ses recherches et découvert un lien avec un étrange bureau d’étude scientifique d’Alola. Je n’avais pas tout compris à cette histoire mais apparemment il était question d’un genre de portail de téléportation. Comme mon génial esprit l’avait toujours prédit.
Et voilà désormais tout ce qu’il restait du commissariat de Parmanie. Un vide avec un gros trou au milieu, là où se situait la cave auparavant. Des câbles qui gisaient à droite à gauche, là où se faisaient les raccords en électricité et en eau. Tout cela me faisait froid dans le dos. En tant que ninja, on apprenait des techniques de disparition, mais tout un immeuble, ça relevait carrément de la sorcellerie.
Comme souvent face à ce genre de situation, la seule chose qui me vint à l’esprit fut de plaisanter.

- Nous n’avons pas été assez rapides, le démon a carrément emporté le commissariat !

- Le démon, c’est ton nom de code pour Achroma ? questionna Silver.

- Non, juste une suggestion pour souligner ce fait évident : j’avais raison ! chantonnai-je sur un air de victoire.

Je repris vite mon sérieux en remarquant non loin des journalistes couvrant déjà l’évènement. Par réflexe je vins me cacher derrière Silver, n’ayant pas du tout envie qu’on me relie à ce nouveau fait pas si divers que ça.
Quelle idiote, évidemment qu’une telle chose attirerait du monde. Pas seulement des journalistes, mais aussi une foule d’intrigués. Et tout simplement des familles éplorées. Car plus qu’un commissariat, c’était tous ses employés qui avaient disparu avec. Des époux, des femmes, des enfants, tous en pleure à la recherche de réponse.
Mais Silver ne releva pas tout ça. Je vis qu’il était très concentré, arpentant du regard l’ancien emplacement de son lieu de travail. Comme à la recherche d’un signe, d’un indice. Qu’espérait-il trouvé au juste ? Tout avait proprement et simplement disparu. Les conséquences ne l’atteignaient pas. Il était uniquement focalisé sur comment comprendre la situation.

Alors, prise par un courage sortit de nulle part, je me décidai à aller faire moi-même face à la foule, pour tenter d’apaiser la situation et pour rassurer des gens tout en étant aussi apeurée qu’eux. Un plan parfait et sans accroc. Mais je devais le faire, c’était mon devoir, ma responsabilité. Je ne pouvais pas encore fuir.

- Mesdames et messieurs, commençai-je, ne cédez pas à la panique. Certes il y a bien vingt ans que Kanto n’a plus connu d’évènements aussi graves et inquiétants. Mais je peux vous promettre une chose : Je n’aurai de cesse que de chercher vos proches et de vous les ramener. Qu’on me traine dans la boue c’est une chose. Qu’on s’attaque à ma ville c’est une chose. Mais qu’on s’en prenne directement à mes concitoyens, alors ça, c’est tout bonnement hors de propos. Je trouverai le coupable et je le ferai payer. Pour vous tous. Car nul ne doit jamais troubler la paix et la quiétude de Parmanie.

Aussi surprenant que ce soit, on m’écouta. Voyant que j’avais réussi à capter leur attention, et qu’ils s’attendaient visiblement à ce que je poursuive mon allocution, je pris une bonne inspiration et décidait de me lancer.

- Mais je n’y arriverai pas seule. Je ne suis pas une super héroïne, pas une faiseuse de miracle. Ni même une justicière invincible. Cependant, tous ensembles, habitants de Parmanie, nous pouvons enrayer ces évènements. Ne nous muons pas dans la peur. Ne commettons pas cette erreur. Pour ma part je n’y ai que trop cédé. Je vous demande ceci à tous et à toutes : Aidez-moi. Veillez sur vos proches, sur vos amis, sur vos Pokémon. Faites en sortes qu’il ne leur arrive rien. Que personne ne reste seul. Que chacun soit une sécurité pour les autres. Beaucoup trop d’évènements récents ont perturbé notre quiétude. A cela, répondons avec notre union.

Ce à quoi la majorité de la foule répondit par l’affirmative avec des acclamations. Pour la première fois depuis quelque temps, je me sentais vraiment appréciée et écoutée. Alors c’était donc vrai. Les habitants de Parmanie ne détestaient pas leur championne. Ils n’en avaient pas honte. Je n’étais pas juste un clown !

Soudain, comme pour rajouter aux complications, des gouttes commencèrent à tomber. Je plissai les yeux. C’était vraiment de circonstance, pour rajouter à l’ambiance morose. La pluie qui s’ajoutait. Tout d’un coup, comme pour coller à l’irrationnel de la situation, alors que deux minutes avant il y avait un grand ciel bleu.

- J’aurai dû prendre un parapluie, mon gi a du mal à sécher, geignis-je.

Ce qui fit rire les personnes en train de m’écouter. Je fis un petit sourire gêné. Bon d’accord je pouvais aussi rester un clown de temps en temps. Ce n’était pas forcément incompatible après tout. Je fis signe aux gens de rentrer chez eux et de surveiller la ville, pour nous laisser travailler et enquêter sur place. Ce à quoi ils s’adonnèrent avec un grand plaisir.

Je retournai vers Silver alors que mon gi était de plus en plus détrempé. Lui visiblement s’en moquait. Il se contentait de scruter le ciel désormais, comme s’il espérait recevoir une réponse soudaine de ces nuages chargés de pluie.

- Ce satané Pokémon doit se cacher dedans… marmonna-t-il.

- Quel Pokémon ? m’étonnai-je.

- Celui qui a lancé cette Danse Pluie, expliqua-t-il.

-
Je haussai les deux sourcils en même temps. Je n’avais jamais été très douée pour discerner les changements climatiques naturels de ceux provoqués par les Pokémon, mais quand même. Les nuages qui étaient venus partiellement obstrués le ciel me semblaient parfaitement naturels. Mais la pluie se faisait de plus en plus forte, insistante même. La plupart des badauds et des journalistes, surpris et gênés, s’éloignèrent pour aller s’abriter. J’en aurai bien fait de même mais Silver resta cloué sur place à observer. Il attendait quelque chose. De toute évidence, il savait bien des choses que j’ignorai sur la situation.

- Pourquoi ai-je l’étrange sensation que tu gardes des choses importantes pour toi ?

Pour seule réponse, il vint me prendre la main, m’entrainant avec lui. Il nous fit nous éloigner de la zone, cherchant un recoin non pas pour s’abriter de la pluie, mais pour s’éloigner des regards et des oreilles. Il choisit d’emprunter une petite allée discrète entre des arbres. Une cachette secrète de la police ? Voilà qui était bien intriguant ! Je souris, m’attendant à découvrir un genre de Silver-cave, mais ce ne fut que pour déchanter aussi sec. Nous étions dans une petite cour où se situaient des bennes à ordure.

- Tu m’as emmené au local à poubelle du commissariat ? Sérieusement ?

- Tu vas te plaindre alors que tu adores te vautrer contre le Grotadmorv de ton père, sérieusement ? reprit-il, quelque peu cynique.

- Gnagnagna, ça n’a rien à voir, d’abord, dis-je tout en croisant les bras.

- Tout est de ma faute, NJ.

Je plissai les yeux en le regardant, alors qu’il semblait que peu agacé en disant cela. Aucune gêne, non. Plutôt comme de la colère. Une colère intérieure, dirigée contre lui-même ou autre chose.

- J’ai essayé de l’ignorer ces dernières années, mais il va trop loin. Il faut que je règle ça, continua-t-il, l’air grave.

- Attends un peu, de quoi tu parles au juste ?

- De la Team Rocket.

Je nageai dans l’incompréhension. Que me chantait-il à présent. Il y avait bien vingt ans que la Team Rocket avait été vaincue et dissoute. Plus personne n’avait mais entendu parler d’elle après tout ça.

- Tu es sûre que ta mémoire est vraiment bien remise ? demandai-je, quelque peu suspecte.
- Hélas oui. Je pensais avoir coupé les ponts définitivement mais il y a quelques années, j’ai reçu des lettres de mon père. Il m’expliquait qu’il allait reformer son équipe. Et qu’il me voulait avec lui.

- Pourquoi tu ne m’en as jamais parlé ? m’étonnai-je.

- Parce que pour moi, ça n’existait pas. Je ne voulais plus que ça fasse partie intégrante de ma vie. Que ça me la pourrisse encore et encore. J’ai fait une croix dessus de manière définitive et totale en venant m’installer ici.

- Donc ce n’était pas pour moi, conclus-je, quelque peu déçue.

- Si, aussi ! C’est pour ça que je suis venu à Parmanie. Mais pour qu’on puisse vraiment vivre ensemble, tranquillement, il fallait que je me débarrasse de lui. Le problème c’est qu’il a insisté, encore et encore. À ne jamais vouloir me laisser vivre ma vie. Passant des simples demandes aux menaces pleines et entières depuis un an.

Je ne le montrai pas mais ça me blessait. Il m’avait caché tout ça. J’aurai pourtant tellement voulu l’aider, ou au moins le soutenir comme lui me soutenais. Mais il était si intransigeant concernant son père, si fermé. Il ne voulait jamais en parler, jamais l’évoquer. Il essayait de s’en détacher et pourtant, il s’empêtrait dedans de toutes ses forces.

- Il veut me confronter. Moi j’essaye de l’ignorer. Je ne veux pas qu’il entre de nouveau dans ma vie. J’ai tout fait pour ignorer son existence. Alors lui, il frappe de plus en plus fort pour toucher ce à quoi je tiens.

- Beau résultat. Et maintenant, on va lui casser la figure ?

Il fut surpris par ma question, me regardant avec incompréhension.

- Si j’ai bien compris c’est la faute de ce vieil aigri si mon homme s’est renfermé et m’a largué. Et en plus il menace la ville et tente de me faire perdre mon poste. Alors on va aller lui botter les fesses !

- Mais, tu as déjà assez souffert, tu n’as pas à…

- Blablabla, je suis la grande justicière ninja, et toi le super dresseur qui nous a vaincu, moi et les autres champions, tu te souviens ? Alors indique-moi la route et on y va !

Il eut un fin sourire avant de hocher la tête. Il me fit signe ensuite de regarder en direction des nuages. La pluie soudaine, en contraste avec le grand ciel bleu qui régnait sur Parmanie, avait généré un splendide arc-en-ciel. Pourquoi fallait-il toujours qu’on ait des visuels en complet décalage avec notre situation dramatique ? J’allais m’émouvoir et perdre ma classe de justicière résolue.

- Pas besoin de savoir où il se cache. Voici son invitation, marmonna Silver en observant l’arc-en-ciel.

***

Septembre deux mille huit, commissariat central de Parmanie. Jeannine, vingt-deux ans.

- Pour conclure cette présentation, je vous demande à tous et toutes de souhaiter courage et réussite à notre nouveau capitaine de police.

La salle se mit à applaudir la voix grave et profonde du vieux capitaine Strens qui prenait sa retraite. Jeannine était assise au premier rang. En tant que championne, elle se devait d’assister aux intronisations des hautes fonctions de la ville. Mais ça la gonflait plus qu’autre chose à dire vrai, pas la partie la plus intéressante du boulot de champion. Elle applaudit donc mollement, en retenant un bâillement.
Assis à côté d’elle, Koga était lui d’un sérieux exemplaire. Il avait particulièrement tenu à venir et avait décidé de scruter le nouveau capitaine dans les moindres détails, la main tendue prête à dégainer son droit de véto contre lui, au grand dam de Jeannine.

Son regard fut à peine plus aiguisé lorsque le tout nouveau capitaine vint prendre place sur l’estrade. Un jeune homme d’à peine dix-huit ans, aux longs cheveux rouges tombant sur ses épaules. Dix-huit ans seulement. Un record dans la police. Jamais on n’avait confié tout un commissariat à quelqu’un d’aussi jeune. Au point que les rumeurs les plus improbables se répandaient à son sujet. Et ce dans tout Kanto. La salle de réunion était également remplie de journalistes venus couvrir cette intronisation. Et surtout prêts à tout pour le descendre, prêts à déformer sa moindre déclaration, tant la haine de tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à la Team Rocket était encore présente à Kanto.
Et ce qui était intéressant, c’est qu’il avait fallu pour Silver trouvé un moyen de sortir de cette conférence sans révéler le fait qu’il avait été pistonné par un contact dans les forces de police internationales, en échange de sa collaboration contre la Team Rocket. L’accord avec Interpol l’obligeant à garder ses actes héroïques secrets.

Silver tapota son micro pour vérifier qu’il fonctionnait, l’air blasé et gonflé par tout ce cérémoniel. Jeannine demeurait intriguée par l’arrivée ici de son ami d’enfance. Un curieux chemin que le sien. Elle savait qu’il n’était passé par aucune école et s’était construit tout seul. Pour la première fois depuis son arrivée, elle leva la main.

- Et voilà le moment où je dois répondre à vos questions. Alors pour anticiper vos plus grandes interrogations : Ce n’est pas un canular, je n’ai couché avec aucun membre du conseil, je n’ai pas falsifié ma date de naissance, commença-t-il à énumérer. Oh et pour ceux que ça intéresse, oui je suis le fils d’un criminel mondialement recherché. Autre chose ?

Brouhaha dans la salle, mais Jeannine garda sa main levée malgré tout, non sans afficher un sourire quelque peu amusé. Oui, il était connu que Silver était l’enfant de Giovanni, le champion déchu de Jadielle. Et la plupart des gens avaient été choqués par cette nouvelle. Aussi, Jeannine avait été la seule championne à avoir accepté de l’engager dans sa ville. Tous les autres avaient refusé, à la vue de son héritage.

- Une question, mademoiselle ? dit Silver en avisant Jeannine.

- Est-il vrai que vous seriez un horrible tueur en série psychopathe ? demanda-t-elle avec amusement.

- C’est vrai. Mais uniquement le jeudi, soyez rassurés, reprit-il avec le plus grand sérieux possible.

Brouhaha de nouveau. Jeannine s’amusait de plus en plus intérieurement de la situation. Elle décida d’en remettre une couche, malgré l’air proprement sidéré de son père qui la regardait dans une incompréhension totale.

- Et quelles seront vos mesures pour lutter contre les vols de Pokémon ?

- On va mettre tous les Pokémon de Parmanie en prison, comme ça si les voleurs les veulent, ils seront obligés de se mettre eux même en cellule, affirma-t-il en hochant la tête.

Koga fulminait sur son siège. Moins de cinq minutes après la conférence fut annulée, et les journalistes renvoyés chez eux avec interdiction formelle de faire le moindre compte-rendu. Usant de tous ses pouvoirs de membre du Conseil, il tenta évidemment de faire destituer Silver, mais malheureusement, comme prévu, son pouvoir ne fut pas suffisant pour contrer cette nomination imposée par les forces internationales.
Jeannine alla ensuite retrouver Silver dans son tout nouveau bureau du commissariat, ne pouvant plus se retenir de rire avec lui.

- Tu as été parfaite NJ, tout s’est passé comme tu l’imaginais, la félicita Silver.

- Trop facile pour la reine de la diversion que je suis. Tu t’attendais à un autre résultat ?

En guise de réponse, Silver vint embrasser sa petite amie. Que tous ceux qui voulaient le descendre pour ses origines ou son style cru aillent au diable. Jeannine ferait tout ce qui était en son pouvoir pour garder son homme à ses côtés. Tout, y compris tenir tête à son père et même à la Team Rocket toute entière s’il le fallait.

***


- Suivre un arc-en-ciel ? C’est vraiment une des idées les plus gnangnan que tu n’ais jamais eu, me plaignis-je.

Car voilà ce qu’on faisait. On suivait un arc-en-ciel. Silver était persuadé qu’on trouverait nos réponses au pied de celui-ci. Pourquoi et comment ? Aucune idée. D’autant plus qu’il avait arbitrairement choisi une des deux extrémités. Donc avec un peu de chance, on allait complètement du mauvais côté. Bon certes, l’autre possibilité nous aurait envoyé dans l’océan, mais après tout pourquoi pas ?

- Tu sais, je n’ai jamais perdu mes contacts avec l’agent Beladonis d’interpol, expliqua Silver, alors que nous marchions.

- Où veux-tu en venir ?

- Que ces dernières semaines je me suis tenu informé sur la nature de la Team Rocket reformée par mon père.

- Et donc du coup tu en as profité pour appeler tes amis, qu’ils viennent l’arrêter ? m’enquis-je.

- Non, j’ai assez fui. Il faut que j’y mette un terme. Pour notre bien à tous les deux.

Je lus une forte détermination dans son regard. Comme je n’en avais plus vue depuis un certain temps. J’ignore dans quelle histoire abracadabrantesque on se lançait, mais c’était décidé, je l’aiderai. Même si je n’étais pas aussi douée et puissante que lui, il fallait que je contribue.

Nos pas nous menaient vers la Réserve. Et la pluie continuait. Non seulement elle continuait mais elle nous suivait. Suivis par des nuages, non mais sérieusement. Il n’aurait pas pu simplement envoyer une invitation à un combat par Pokématos, comme tous les gens civilisés le faisaient ? Non content de s’en prendre à ma ville, et de ruiner ma vie personnelle, voilà que maintenant il détrempait totalement mon gi. Je ne ressemblai plus à rien. D’accord c’était une préoccupation ridicule, mais c’était plus fort que moi. Je devais me distraire et m’occuper l’esprit pour ne pas commencer à stresser. Parce qu’aujourd’hui je n’avais pas le droit de gaffer et de décevoir mon monde.

- Mais du coup, Achroma bossait pour ton père ?

- Il s’appelle Nikolaï en réalité. C’est un ancien scientifique repenti de la Team Plasma.

Je clignai des yeux en entendant ça, effarée. Il me sortait ça le plus naturellement du monde. Qu’il avait engagé un terroriste mondialement reconnu pour travailler dans ma ville, comme si de rien était.

-Tu as embauché un criminel ? Tu te moques de moi ?

- Je n’ai pas pour habitude les écarts des autres. Sinon je serai en prison pour les miens.

Sauf pour son père, n’est-ce pas ? Enfin cela dit, il avait raison. De ce qu’il m’avait raconté, il était lui-même un criminel notoire dans sa jeunesse, au-delà de sa filiation. Il avait volé des Pokémon, agressé des dresseurs et interféré dans le travail de la police contre la Team Rocket pour mener sa propre vengeance. Rien de très reluisant.

- Et puis il m’a été recommandé par Beladonis. Il avait soi-disant déjà lutté contre mon père.

- Je vais finir par croire que c’est ce type qui dirige vraiment la police de Parmanie, faudra que tu me le présentes à l’occasion, soupirai-je.

- Tu n’en as pas envie, crois-moi, balaya-t-il.

- Tu as peur que je comprenne pourquoi on l’appelle Bel Adonis ? dis-je, moqueuse.

Il se contenta de ricaner pour toute réponse. À force de parler nous étions arrivés à l’entrée de la Réserve. Après avoir consulté nos passes respectifs de champion et de capitaine de police, la garde nous laissa passer. Je n’avais pas été très sûre de moi sur le coup, dès fois que mon passe aurait été rendu caduque par les récentes polémiques.

Une fois dans la réserve, nous pouvions constater que la fin de l’arc-en-ciel se rapprochait. Nous étions proches. Et comme je l’avais senti venir, à croire que Giovanni était prévisible, ça nous emmenait dans la direction de l’endroit où nous avions trouvé la première plaque bizarre.

Alors que nous marchions dans la bonne direction, j’observai Silver du coin de l’œil. Il était parfaitement calme, concentré. Pas nerveux pour deux sous. Comment faisait-il ? Moi je sentais mon cœur s’emballer et mon stress monter fortement. Je n’arrivais même plus à penser à des bêtises pour me changer l’esprit. Plus le moment fatidique approchait, plus j’avais peur d’être un boulet pour lui. Et si je nous faisais tomber dans un piège ? Que mes Pokémon attaquaient les siens sans faire exprès ? Voir carrément qu’ils l’attaquaient lui ?

Rien qu’à ces pensées, je me mis à me mordiller la lèvre inférieure, sentant mes mains devenir moites. Par réflexe je commençai à ralentir la marche. Alors, Silver vint glisser ses doigts entre les miens, m’invitant à le suivre et à ne pas m’arrêter. Je fuyai son éventuel regard avant même qu’il ne me l’adresse, un peu honteuse.

- La grande justicière de Parmanie recule déjà ? demanda-t-il sur un ton trop doux pour être moqueur.

- N’importe quoi, c’est juste que… Je répète dans ma tête ma formidable entrée à venir. Voilà, tout simplement, assurai-je.

- Je serai le gentil petit Posipi nécessaire à ton Négapi, ne t’en fait pas, dit-il en rigolant.

Mais comment faisait-il pour être aussi détendu ? Et puis c’est moi qui étais censé dire des bêtises en temps normal. D’ailleurs, rien qu’à l’imaginer cosplayé en Posipi, faisant le pom-pom boy derrière moi, je me mis à rire. Bon sang elle était bien trouvée cette image.

- On ne vous dérange pas trop, j’espère ?

Mon rire se stoppa aussi sec au son de cette voix. Prise d’un frisson, je me retournai pour apercevoir mon père et ma tante. Silver ne lâcha pas ma main pour autant, et conserva tout son flegme alors que mon père, lui, paraissait proprement furieux.

- J’apprends que le commissariat a disparu, que vous êtes tous les deux partis en vadrouille, et tout ça pour quoi ? Se promener main dans la main dans la Réserve ? fit-il, furieux.

- Tu aurais au moins pu nous prévenir, Jeannine, ajouta tante Aya.

- Disons qu’on allait résoudre l’affaire, répondis-je. Vous serez plus utiles en ville, restez-là bas.

- Jeune homme, cessez de corrompre ma fille, dit-il à Silver en m’ignorant. J’ignore exactement comment mais j’ai l’intime conviction que tout ce qui se passe est entièrement de sa faute.

Mais Silver restait sans réaction, avec son air mi-calme mi-blasé par la situation. Je m’attendais à ce qu’il réponde, mais rien du tout.

- Papa, écoute…

- Toi écoutes, Jeannine. Savais-tu qu’il avait engagé un criminel pour l’assister ?

- Oui, assurai-je. Et il avait mon soutien !

Bon je venais de l’apprendre il y a quinze minutes mais ça n’avait aucune importance. Je ne voulais pas qu’il continue de s’acharner sur Silver.

- Ton soutien ? Alors que tu le détestais après qu’il t’ait abandonné et fait perdre ton enfant ?

- Quelqu’un a vu passer le tact quelque part ? questionna tante Aya, à tout hasard.

Alors que j’allais répondre, Silver mit sa main sur mon épaule et avança, enfin décidé à répondre.

- Vous avez raison, Koga. Tout est de ma faute. J’en ai parfaitement conscience. Et oui j’ai été une énorme raclure pour ce que j’ai fait à NJ. Je ne me le pardonnerai jamais. Ni pour ça, ni pour le chaos qui règne à Parmanie. Et si par la suite vous voulez me juger et me jeter en prison alors faites-le. Mais pour une fois dans votre vie, arrêtez d’être un sale Grotadmorv qui refuse de laisser vivre sa fille et reste accrocher à elle comme une sangsue. Rangez votre fierté de père au placard et aidez-nous à arrêter mon père.

Je n’osais trop rien dire tandis que mon père était plus que circonspect quant aux déclarations de Silver. Un peu comme moi en fait. J’ignorai si ça allait marcher, mais pour la première fois depuis longtemps, mon père semblait disposé à écouter Silver.

- Ton père ? répéta-t-il au bout d’un certain temps.

- Cet enfoiré ne veut pas me laisser vivre tranquillement et il est tout proche d’ici, dit Silver en hochant la tête. Vous voulez lui casser la figure, vous aussi, je suppose. Alors allons-y ensemble.

- Très bien. On règle cette histoire, on remet de l’ordre à Parmanie. Et ensuite vous disparaissez définitivement de nos vies, vous et votre père.

Silver se contenta de hocher la tête, puis repris sa marche en avant. En sentant la poigne de Silver se resserrer sur ma main, je réalisai enfin qu’il ne me l’avait pas lâché depuis l’arrivée de mon père. Il l’avait gardé d’un bout à l’autre et continuait. Ce qui me fit avoir un fin sourire. Après tout, si on ne devait plus se revoir après ça, autant en profiter à fond maintenant. Sans doute devait-il se dire la même chose lui aussi.
Derrière, tante Aya et mon père nous suivaient. Notre petite escouade de trois ninja et un stagiaire arriva enfin à destination, au pied de l’arc-en-ciel. Et là, qu’elle ne fut pas notre surprise. Au-dessus d’une plaque posée au sol volait un étrange portail bleu, volant dans l’air sans aucune raison. Comme une brèche dans le ciel qui nous invitait à la suivre, sans que nous ne puissions ne serait-ce qu’apercevoir ce qu’il y avait de l’autre côté.
Je pris une bonne inspiration. Cette fois nous y étions.