Un domaine clair obscur de Sab_elette25

Pendant ce temps, à Lavanville.



Présentatrice :

- Bonjour à tous, il est 8h00 et nous sommes en direct de la Tour Média de Lavanville. Nous retrouvons aujourd’hui le Professeur Nina Chen du laboratoire de Bourg Palette. Voilà à peine quelques années que vous avez repris le laboratoire de votre grand père, et voici qu’un tout nouveau projet est sur le point de voir le jour. Je vous laisse nous en apprendre d’avantage.

Nina Chen est une femme douce, calme mais aussi très charismatique. Elle a toujours admiré et épaulé sa famille, de son grand père à son petit frère. Elle a ensuite su imposer son nom avec les années et est désormais très appréciée dans la région. Sa passion pour les Pokémon, elle la cultive depuis sa tendre enfance. A l'adolescence elle proposait déjà des soins aux compagnons des dresseurs de passage à Bourg Palette. Toujours coquette, elle porte sa blouse avec classe et distinction. Désormais, elle s’apprête à ouvrir avec son petit frère une école pour dresseurs débutants, une nouvelle qui réjouit les graines de champions de Kanto.

Elle se rapproche du micro et explique alors à la journaliste :

- Je considère qu’un dresseur partant à l’aventure doit maîtriser un certain nombre de bases : les capacités, les points de vie, le statut, les objets de premier secours, mais aussi quelques points sur les forces et les faiblesses de chaque type. C'est dans cette optique que l'idée nous est venue. Cette formation dure un mois et permet entre autre de familiariser le dresseur avec les Pokémon recueillis au laboratoire. A l’issu, le néo-dresseur reçoit son premier compagnon de route.

La présentatrice semble demander du regard et du micro plus de détails, attendant le scoop. Nina enchaîne :

- D’ailleurs, sur ce dernier point, un changement de taille est à noter. Historiquement, au départ de leur voyage initiatique, ils avaient à choisir entre un Pokémon de type Feu, Eau ou Plante. Après réflexion, nous avons décidé de ne remettre plus qu’un seul type de Pokémon : Evoli. Nous voulons épargner au jeune dresseur ce choix drastique, où il se retrouve seul devant les trois Pokéballs, à anticiper son avenir. Il aura alors tout le loisir de grandir avec son compagnon, de prendre son temps et de trouver sa stratégie afin de décider de l’évolution et donc du type de son ami. L’ouverture est prévue pour la fin du mois et les candidatures sont déjà nombreuses.

L'interview se poursuit sur les détails techniques. La journaliste, aux anges, conclut et remercie le Professeur en lui souhaitant tout de bon pour cette nouvelle aventure.


Nina reprend sa veste et sa pochette noire contenant les plans de l’école. Elle sort du studio, satisfaite de sa prestation. Elle a hâte d’entendre les commentaires de Blue à ce sujet. Au moment de franchir le seuil de la porte, un journaliste arrive en trombe en criant : « Ça y est j’ai le reportage du siècle ! ». Il n’a pas le temps d’éviter Nina et la percute.

Un peu secoués, ils se relèvent doucement. D'après son badge, son nom est Todd. Ses cheveux châtains sont en pétard et ses cernes apparentes. Il n'a visiblement pas dû prendre le temps de dormir. Il s’excuse, s’assure que tout va bien et rejoint son bureau. Nina ramasse la pochette noire tombée à côté d’elle et sort prudemment.

Le soleil rayonne sur Lavanville et lui donne des aspects de village distingué, tout de violet coloré. Cette ville noble et fière abritait autrefois une tour consacrée aux Pokémon défunts. Les dresseurs pouvaient venir s’y recueillir et leur rendre hommage. Depuis, elle a été transformée en Tour Radio, et plus récemment en Tour Média proposant émissions de radio, télévision et presse écrite, avec le célèbre "Kanto News".
Elle empreinte une bicyclette au cycle à Gogo. Cette chaîne de boutique est originaire de la région et s’est étendue à tous le continent. Chaque ville de Kanto en possède une, permettant d’emprunter un vélo dans une et de le reposer dans l’autre.

Elle longe la route 12 en direction de Carmin sur Mer. Elle adore cette vue sur la mer et ces pêcheurs qui attendent avec impatience la bonne prise.

Carmin sur mer apparaît à l’horizon. On la décrit comme le port aux crépuscules flamboyants. En pénétrant dans la ville, elle aperçoit des manifestants qui bloquent le passage. Aux vues des banderoles et divers slogans, elle en déduit que ce sont les membres du fan club Pokémon. Cette petite association locale est devenue au fil des ans une véritable organisation. Elle a d’abord prôné l’amour des Pokémon, puis leur respect, et le mouvement a fini par se radicaliser vers des actions anti-combat, anti-élevage voire anti-capture. Selon eux un Pokémon est fait pour vivre en liberté, dans la nature. L’agent Jenny tente, tant bien que mal, de les faire circuler.

Ce qui semble leur poser problème aujourd’hui, c’est l’inauguration du bâtiment au Nord Est de la ville. On raconte que sa construction a débuté il y a vingt ans par un habitant et son Machoc. Le brave homme étant décédé avant la fin des travaux, le nouveau propriétaire a eu l’idée de faire de ce bel espace une salle de concours Pokémon. Le principe lui est venue d’un de ses nombreux voyages à travers le monde. Ce concept est de toute évidence à l’opposé de leur doctrine.

Nina parvient à dépasser toute cette agitation et atteint le port où elle dépose sa bicyclette. Le nouvel embarcadère propose des traversées en direction de Bourg Palette. Elle monte à bord d’un petit bateau, profite de l’air marin et des embruns, puis se laisse rêver un moment. Quelques Piafabec volent en banc le long des côtes. Des Stari tourbillonnent et assurent le show entre deux vagues. Le transfert s’achève, elle est de nouveau chez elle.

Elle habite à Bourg Palette depuis toujours. Ce petit village n’a pas pris une ride, traversant les années. Il a gardé son authenticité en échappant aux modèles d’expansion des autres. Il fait si bon y vivre, avec cette sensation que tout est possible. La nostalgie l’envahit, elle se revoit enfant jouer autour de sa maison. Puis, elle reprend la direction du laboratoire. Nina dépose ses affaires et commence à raconter sa matinée à son assistante. Quand soudain, la sonnette de l’interphone retentit.



***


Je me trouve devant le portail du laboratoire de Bourg Palette. Nina m’aperçoit et vient à ma rencontre. Elle m’invite à entrer récupérer mon colis. Il s’agit en fait d’une tablette faisant aussi petit scanner de poche. Je l’avais commandée en prévision d’une nouvelle mission de recherche. Par courtoisie, je lui demande où en est son projet d’école. Ravie de mon intérêt, elle souhaite me montrer les derniers plans. Mais au moment de les sortir de sa pochette, elle constate que ce qui s’y trouve n’a rien à voir avec ses documents.

A la place, on retrouve des notes, pour la plupart indéchiffrables, ainsi que des photos où l’on peut voir des Pokémon en combat et des groupes de dresseurs louches autour tenant des billets. Sur la dernière page du dossier on peut lire le tampon suivant : « Todd – journaliste d’investigation pour le Kanto News ». Nina commence à comprendre et m'explique que lorsqu’elle a percuté ce journaliste à Lavanville, elle a du ramasser la mauvaise pochette. Elle a donc la sienne et inversement.

Soudain, une photo attire mon attention. A l’arrière d’une scène de combat, contre un réverbère, une silhouette se dessine dans l’ombre. Mon sang ne fait qu’un tour. Cette posture, cette chevelure et cette cape : ce ne peut être que lui. Voyant mon état, Nina me rassure :

- Voyons, ce n’est pas si grave, je me rendrai demain à Lavanville pour récupérer mes plans et faire l’échange des documents. Ne t'inquiètes pas.

Elle commence a remballer le tout. Je l'arrête alors et lui montre :

- Ce n'est pas ce qui me tourmente le plus Nina. Regarde cette photo, que vois-tu en haut vers le réverbère ?

Après une hésitation, Nina réalise que l’homme dans l’ombre est sans doute bien celui auquel je pense.

- Incroyable, on dirait Peter ! Je le croyais isolé dans son domaine à Parmanie depuis des années. Que fait-il là en si mauvaise compagnie ?

Je lui raconte les épisodes de la veille à Safrania puis du matin au Plateau Indigo. Elle pense également que son retour ne présage rien de bon, vue le dernier cliché. D’un commun accord, nous décidons de garder une preuve de cette photo. Je la scanne grâce à mon nouveau gadget et l’enregistre précieusement.


Maintenant, j’en suis sûre, il faut enquêter pour découvrir les véritables intentions de Peter avant que Léo ne fasse le mauvais choix. Nina est partante pour m’aider, elle apprécie beaucoup Léo. Leur confiance est réciproque. Nous réfléchissons donc à un plan d’action.

La priorité est de rencontrer ce journaliste. Le prétexte est simple, nous devons lui rendre ses documents. Ainsi il sera possible de lui soutirer plus d’informations. Peut-être pourra-t-il nous confirmer l’identité de cet homme et les raisons qui le poussent à fréquenter ce milieu hostile. Ensuite, nous aviserons. Sachant que Léo doit recontacter Peter avant demain soir, il nous faut donc des preuves concrètes et des témoignages solides. Nous nous donnons alors rendez-vous demain matin à Lavanville.



Le lendemain, devant la Tour Média.



Le jour se lève. Les Roucool commencent à chanter, les Papillusion à s'envoler et les Sabelette à s’étirer. Il est 7h00. J’aperçois Nina qui arrive sur sa bicyclette, un peu essoufflée. Nous sommes prêtes à pénétrer dans l’enceinte de la Tour. La standardiste nous reconnait et nous demande la raison de notre venue. Nina explique sa situation de la veille :

- J'ai malencontreusement pris la pochette de Todd, l'un de vos journalistes, lors de notre collision hier. Je suis venue lui rapporter et récupérer la mienne.

La standardiste entend la requête et tente de l’appeler sur sa ligne à plusieurs reprises, mais il ne semble pas décrocher. Étant donné que nous ne sommes pas attendues ou que nous ne travaillons pas ici, l’entrée nous est strictement interdite. En effet, les allées et venues sont très contrôlées depuis de nombreuses années. Suite à la prise d’otages de la Tour Radio à Johto il y a quelques années, les mesures de sécurité ne sont plus discutables. Pas de négociations possibles pour nous.

La standardiste nous propose de repasser plus tard dans la journée. Selon elle, Todd doit être en mission quelque part, bien qu’il n’ait rien signalé à personne. Nous sortons prendre l’air pour réfléchir à un autre plan.

Rien ne nous garantit à cent pour cent que ce Todd n’est pas dans l’immeuble, après tout, il aurait très bien pu être occupé, et ne pas prendre d’appel. Sinon, il peut être n’importe où dans la région, ce qui compliquerait nos affaires. Il faut en avoir le cœur net. Il faut trouver un moyen de pénétrer dans cette Tour. Au pire, en ayant accès à son bureau, on y trouverait sans doute d’autres documents. Mais comment faire ?

Les portes coulissantes de l'immeuble s’ouvrent. Une dame en pleine conversation téléphonique sort du bâtiment et va s’asseoir sur un banc. De toute évidence, il s’agit d’une chroniqueuse, son badge scintille à son cou. Cette petite brune porte un tailleur rouge et des escarpins noirs. Elle semble avoir une cinquantaine d'année. C’est visiblement l’heure de sa pause. Nina la reconnait. Il s’agit de Lula, elle avait collaboré par le passé avec son grand père pour quelques émissions radio. La même idée nous traverse l'esprit.

- C'est l'occasion ou jamais. Te sens-tu prête à mettre à profit tes talents d'imitatrice?

J’acquiesce, me concentre, et imprime la démarche et la personnalité de cette dame de tout mon être. J'adopte sa carrure, ses mimiques et sa légère manie à tripoter ses cheveux nerveusement. Ca y est, je l’ai dans la peau. Quelques retouches maquillage et vestimentaires, puis je me lance à l’assaut de cette Tour. Nina se dirige vers elle pendant ce temps, afin de la retenir et parler du bon vieux temps aux côtés de son grand père.


Mon badge fictif ne fonctionne pas. Je commence à perdre mes moyens quand je vois arriver le vigile. Aïe, la situation se complique. Il m’adresse un regard suspicieux. Je m’apprête à lui faire un discours sur la technologie et ses travers, quand la stagiaire de Lula débarque avec « mon café aux éclats de baies Willia ».

- Ah Lula, je vous cherchais pour vous donner l’avancée des chroniques du jour ! Votre café tenez. L'interview d'Ondine est bouclée, on peut monter le reportage pour ce soir. Le documentaire sur le Mont Sélénite a rencontré quelques problèmes techniques, nous avons égaré ....

Elle s'exprime à une vitesse Dodrionesque. Je n'écoute qu'à moitié. Machinalement, elle bipe son badge et m’invite à passer devant elle. Le vigile laisse faire, c’était moins une.

Me voici donc au premier étage. Quand elle termine son exposé matinal, je lui demande, hors contexte :

- Bien, et sinon, as-tu croisé Todd récemment ?

Elle semble surprise et me répond qu’il n’a pas quitté son bureau depuis la veille. Il devait me rendre un article pour ce soir qu’il n’a pas réussi à terminer suite à la perte de documents. Je lui demande de m’indiquer son bureau. D’un air douteux, elle me montre le troisième couloir sur la droite, dernière porte à gauche. Je lui réponds alors :

- Génial, allez, il y a visiblement encore beaucoup à faire, pas le temps de trainer : au boulot !

Elle obtempère pendant que je me dirige vers mon objectif, rassurée.

Je frappe à la porte, mais en vain. Je décide d’entrer, la porte s’ouvre. Je surprends Todd sous son bureau, en conversation téléphonique. La pièce est sans dessus dessous. Des monticules de dossiers, des feuilles en vrac, des stylos éparpillés jonchent son bureau. Comment pouvait-il s’y retrouver ainsi.

Il semble paniqué et insiste pour parler … au Professeur Nina Chen. Il est en train d’appeler le laboratoire de Bourg Palette, afin de récupérer ses documents. Il ne remarque même pas ma présence. Je claque alors la porte. Il se retourne et me supplie de l’excuser, en raccrochant le combiné. Je l’interromps :

- Du calme ! Ecoutez-moi ! J'ai quelque chose à vous montrer.

Todd se redresse, attentif. Je sors de mon sac les mystérieux documents qu’il se démène tant à retrouver. Ses yeux s’émerveillent, je sens le soulagement que cela lui procure. Je décide de retirer mon déguisement. L’effet inverse se produit aussitôt. Je lui explique la raison de ma venue. Je lui parle d’abord de l’échange de documents, puis des rumeurs sur le retour de Peter. Je lui montre enfin la photo incriminée :

- J'ai besoin d'avoir des explications, sur quoi porte votre reportage exactement ? Avez-vous vu cet homme ?

Todd regarde le cliché, réfléchit et me dit :

- OK ... je vous dois bien ça. Après tout, sans mes documents, je pouvais dire adieu à mon poste ! J'enquête depuis plusieurs semaines sur les combats nocturnes et paris illégaux de la Piste Cyclable de Céladopole. Il y a beaucoup de rumeurs sur ces activités, mais aucun vrai reportage n’avait été fait jusqu’à présent. Il y aurait de toute évidence beaucoup d’argent en jeu. Le scoop est que de nouvelles règles auraient récemment été mises en place, rendant les paris plus compliqués, et laissant plus de place au suspens. Les gains en seraient donc plus importants. Autre info : plus un Pokémon est jugé rare en combat, plus la mise doit être élevée. Et enfin, les combats qui rapporteraient le plus sont ceux mettant en scène deux Pokémon identiques.

Choquée de ces révélations, j'insiste et l’interroge sur Peter :

- Et cet homme, qui est-il et quel est son rôle là dedans? Avez-vous pu l'approcher ?

- Je ne l'avais pas remarqué avant que vous me le notifiez. Malheureusement non, je n'ai pas d'information officielle sur les participants. Mais j'avoue que la ressemblance avec l'ancien Maître est troublante ! Je suis désolé, bon courage pour la suite de votre enquête.

Visiblement, il m’a révélé tout ce qu’il savait. Son article paraîtra demain matin. Je sors discrètement de la Tour Média, accompagnée de Todd et des documents du laboratoire. Je fais signe à Nina. Nous disons respectivement au revoir à nos interlocuteurs et nous retrouvons un peu plus loin. Nina me félicite pour ce coup de génie et attend avec impatience mon résumé.

Après un debriefing de la situation, nous ne pouvons pas prouver que Peter est directement impliqué dans des combats ou paris douteux. Mais Léo doit être tenu au courant des nouveaux soupçons qui pèsent sur lui, avant qu’il n’accepte l’affaire. Nous décidons de nous rendre directement à son bureau à la Sylphe SARL.



Safrania, une heure plus tard.



Léo semble surpris de nous voir. Nina se lance :

- Bonjour Léo, écoute, je suis au courant de la situation et je pense sincèrement qu'il faut que tu sois prudent. Il y a certaines choses que tu dois savoir.

Je lui montre la photographie et lui explique mes aventures au cours des dernières 48h. Il réfléchit, le silence est pesant. Il se décide enfin à s'exprimer :

- Eh bien, la seule façon d’avoir le cœur net sur cette histoire et d’aller voir ce qui se passe là-bas, au domaine de Parmanie.

Soulagée, je l’encourage dans cette voie. Léo appelle alors Peter pour lui soumettre une condition : il exige de visiter son domaine avant de lui donner une réponse. Les négociations se musclent, mais Léo est un fin orateur et Peter finit par accepter une rencontre sur place le lendemain, à la suite de laquelle il devra lui donner une réponse définitive. Nous avons donc la journée pour réfléchir à une nouvelle stratégie.