Team Rocket X-Squad de Malak

Estelle se sentait bien seule sur le pont de commandement du Giovanni. Tous les autres étaient en train de se battre partout dans Veframia, et seul restait l’équipage de base… et la Boss pour le diriger. Elle n’avait pas fait se poser le croiseur Rocket, préférant le lancer dans la bataille aérienne, bénéficiant ainsi de ses larges capacités offensives. Tout en donnant les ordres de combat, elle avait gardé un communicateur général dans son oreille pour pouvoir entendre ce qui se passait en bas. Visiblement, tout le monde avançait rapidement. Estelle tenait donc à en avoir terminé en haut avec les derniers vaisseaux ennemis, pour ensuite retrouver ses hommes pour la prise du Palais Suprême. Elle tenait à être présente. Pour le moment symbolique bien sûr, mais aussi pour être sûre qu’un soldat zélé de la FAL n’allait pas exécuter Vilius quand celui-ci se rendrait.

- Madame, fit le commandant du vaisseau, un des croiseurs ennemis a cessé ses tirs et a laissé s’échapper une fumée blanche.

Estelle visionna la scène sur l’écran tactique. Un vaisseau du Grand Empire, visiblement très mal en point, s’évertuait désespérément à signaler sa reddition à une horde de bombardiers de la flotte d’Unys qui l’avaient encerclé et paralysé. Mais ceux-ci n’en avaient visiblement rien à faire.

- Pourquoi poursuivent-ils leur attaque ? S’indigna Estelle. Ils veulent l’achever alors qu’il se rend ?

- Probablement, madame, acquiesça son second. Les armées d’Unys ne sont pas spécialement connues pour leur pitié lors des combats.

- Il ne s’agit pas de pitié, mais de respect des règles de la guerre. Ouvrez-moi un canal vers le vaisseau-mère d’Unys.

Trente secondes plus tard, le visage d’un vieux militaire au crâne rasé et à l’uniforme bordé de médailles apparut sur l’écran de communication.

- Qu’est-ce que vous voulez, Rockets ? Je suis occupé !

Estelle avait déjà eu à faire à ce type auparavant, et elle savait qu’il n’aimait pas la Team Rocket.

- Général Dunfourt, vos bombardiers sont en train de s’acharner sur un vaisseau ennemi impuissant qui a clairement fait montre de son intention de se rendre.

- Et alors ?

- Il s’agit là d’un de vos ordres ?

- Je n’ai donné qu’un seul ordre à mes hommes : pas de prisonniers.

- Je doute que cet ordre soit en adéquation avec les valeurs de la Reine Eryl, répliqua froidement Estelle. Cette bataille va être épluchée dans le monde entier, général. Vous voulez vraiment vous donner en spectacle en bafouant les droits de la guerre ?

- Ah ! Les droits de la guerre ! Répéta le général d’Unys. Ce n’est pas une Rocket qui va m’apprendre les droits de la guerre. Ou me faire la morale ! Foutus criminels ! Croyez bien que dès que nous en aurons finis avec le Grand Empire, je donnerai immédiatement ma démission si la seule alternative pour continuer d’être soldat de la FAL est de revêtir votre uniforme !

Et il coupa la transmission net. Quelque secondes plus tard, la vaisseau du Grand Empire explosa sous l’acharnement des bombardiers.

- Crétin, marmonna Estelle entre ses dents.

Il allait y avoir du boulot dans la FAL pour que les frontières entre pays et organisations disparaissent, pour que le nouvel état fédéral devienne bien un et indivisible. Estelle en était consciente, de même qu’elle était consciente que le nom de la Team Rocket pouvait toujours inquiéter, voir être méprisé. Elle allait s’efforcer de changer cela au fur et à mesure, et ça passerait également aussi par une régulation de la guerre, pour éviter ce genre d’actes gratuits et cruels.

Estelle tâcha de faire le point sur la situation de la bataille, tout en réunissant assez d’infos qu’elle entendait via son transmetteur pour se faire une idée de la situation en bas. Lucian Weiss, l’Icemod, avait été défait. L’immeuble de la Sylphe SARL avait été pris, de même que le réseau souterrain dans les égouts. Gluzebub avait forcé un passage jusqu’au Palais Suprême, et les forces ennemis ne cessaient de reculer. Ici en haut, tout était bientôt terminé… à part bien sûr le combat contre Venamia qui se poursuivait, mais Estelle ne pouvait rien faire de ce côté là. Elle décida qu’il était temps de se rendre utile en bas.

- Je descend en ville, signala-t-elle en se levant. Commandant, le vaisseau est à vous.

- Vous êtes sûre, madame ?

- Vous pouvez gérer les vaisseaux ennemis qui restent, oui ?

- Naturellement.

- Alors je peux aller participer à la fête en bas. Le Grand Empire est issu de la Team Rocket, après tout. Il faut que je sois là quand on annoncera sa chute depuis le Palais Suprême.

Son second insista pour lui donner une escorte, mais Estelle refusa. Elle ne prit pas non plus la peine de monter dans une navette ou de chevaucher un Pokemon. Elle fit apparaître derrière son dos les ailes de Nukekrula, et descendit à toute vitesse vers la ville assiégée, et ses départs de fumée et d’incendie multiples. Comme s’ils avaient senti l’arrivée d’une présence ennemie très forte, quelques Pokemon volants du Grand Empire la prirent en chasse. Estelle gagna en vitesse, et après quelque loopings, ce fut elle qui les prit en chasse. Quelques Vibrosbcur et Griffe Ombre avec son bras transformé eurent vite raison de ces inopportuns.

Elle vit qu’il y avait de nombreux combats non loin de l’entrée du palais, et décida d’atterrir là-bas. Gluzebub se trouvait un peu plus loin, en train d’essayer d’attraper les blindés adverses qui fuyaient devant lui pour les dévorer. Les portes du Palais Suprême étaient déjà explosées, et nombre de cadavres de GSR gisaient au sol. Ça avait été un vrai carnage ici, et Estelle sut mettre un nom sur le responsable de tout ceci, quand une voix surgit du néant derrière elle, manquant de lui provoquer une crise cardiaque.

- Madame Boss…

- Ithil, nom de dieu, ne me faites pas un truc pareil !

Le G-Man assassin venait de se matérialiser d’un coup, ses deux couteaux luisants de rouge. Il portait sa cagoule noire et effrayante, comme à chaque fois qu’il reprenait ses vieilles habitudes de meurtrier de l’ombre.

- Vous vous êtes fait plaisir, à ce que je vois…

- Je ne haïssais point ces hommes, mais pour la justice, je devais les éliminer.

- Bien sûr…

Estelle avait toujours eu un peu de mal avec ce type flippant. Ancien Shadow Hunter, G-Man non officiel et surtout demi-frère d’Erend Igeus, c’était un très grand croyant qui imputait la plupart de ses meurtres à une justice divine quelconque. Jadis très froid voir même glauque, il avait réussi à se détendre un peu en intégrant la X-Squad, mais depuis la disparition d’Erend un an plus tôt, pour qui il éprouvait une loyauté infinie, il était redevenu sombre et dur.

- Vous attendiez des renforts pour vous lancer à l’assaut du Palais ?

- Mes ordres étaient juste d’ouvrir un passage. J’ai reçu l’assistance de la G-Man Marion Karennis pour éliminer tous les GSR alentours. Elle est ensuite repartie se battre aux côtés des troupes du Général Lance.

Estelle hocha la tête, et envoya un signal de regroupement à tous les Rockets qui pouvaient venir jusqu’ici.

- On va attendre des renforts, et on y va. Les défenses du palais doivent être minimales maintenant. Plus vite nous aurons le prince Julian et le contrôle des communications de la ville, plus vite nous pourrons annoncer la fin de la bataille.

- La bataille ne sera terminée que lorsque Venamia sera vaincue, signala Ithil.

- Ça ne m’avait pas échappé. Mais plus tôt la ville sera à nous, plus tôt nous pourrons envoyer contre elle tout ce que nous avons.

Grâce à Gluzebub, ils parvinrent à tenir la place avant que les renforts n’arrivent. Les premiers furent le général Tender lui-même, accompagné de sa nièce Anna, de Zeff, et de plusieurs unités de son ancienne base G-5. Zeff semblait passablement amoché, mais satisfait. Anna elle paraissait secouée. Pas tant par les combats qu’elle a dû traverser, mais par le Pokemon qui la suivait ; une espèce de vieux lapin avec des stalactites ci et là sur le corps. Anna semblait avoir du mal à le regarder, comme si sa seule vision l’horrifiait.

- Général, le salua Estelle. Vous tenez le coup ?

- J’ai eu mon compte de blagues sur les vieux pour aujourd’hui, madame. Je suis encore assez frais pour quadriller de haut en bas cet immense palais merdique.

Estelle savait qu’il tenait à être là pour récupérer lui-même son petit-fils Julian. Elle n’allait pas le priver de ce droit. Peu après arrivèrent le groupe mené par les Gardiens de l’Harmonie de Naya, escortés par une troupe de Rockets menée par le jeune Faduc. En voyant Adélie Dialine, Anna se jeta presque à ses pieds.

- J’ai ABSOLUMENT besoin d’un de tes involuteurs, l’intello ! Ton prix s’ra l’mien, mais il m’en faut un pour retrouver mon Glapinou d’amour ! J’t’en prie ! Je ne pourrai pas vivre sans lui !

Ad, qui elle aussi avait donné un de ses appareils à un Pokemon lapin, lui assura qu’elle lui en donnerai un, et fut quelque peu gênée quand Anna lui sauta au cou en pleurant presque. Estelle fronça les sourcils en voyant qu’un Gardien manquait à l’appel.

- La capitaine Kelifa Akenvas n’est pas avec vous ?

- Oh, Kelifa est partie de son côté, répondit Ad. Me semble qu’elle a vu quelque chose à un moment, et elle a dit qu’elle avait un truc à faire. De toute façon, il n’y a que moi qui monte avec vous. Narek et son Artemillion sont très indiqués pour faire le ménage de ce qui reste ci et là.

- Bon, conclut Estelle en englobant tout ce monde du regard. Je pense qu’on sera assez. Je vais demander l’autorisation à la reine Eryl d’investir le palais.

Elle joignit le geste à la parole en communiquant par radio. Une minute plus tard, elle dit à tout le monde :

- Sa Majesté nous envoie quelqu’un en plus, qui va la représenter. On va l’attendre.

Cinq minutes plus tard, le représentant en question, qui n’était autre qu’Imperatus, arriva avec toute la grâce qui était la sienne. Comme à chaque fois qu’elle était confrontée au regard de ce Pokemon, Estelle se sentait comme une enfant ignorante. Imperatus n’était pourtant pas bien vieille, mais son visage emprunt d’une sagesse infinie avait l’allure d’un esprit de la nature qui était là avant l’apparition des hommes. Peut-être que le Solerios des Plantes, cet artefact extraterrestre surpuissant qui lui avait permis d’évoluer et qui se trouvait encore en elle y était pour quelque chose.

- Contente de vous voir, Dame Imperatus, sourit Estelle. J’avais craint que la reine nous envoie un des Dumbass…

- Leur présence est requise dans la bataille, et l’instant demandait un peu plus de solennité qu’ils ne pouvaient en montrer. Quand le palais sera sûr, Sa Majesté nous rejoindra pour la déclaration. Tant pis si Venamia continue à nous résister à elle seule ; son Grand Empire aura changé de mains.

Estelle acquiesça et donna les ordres. Mais avant que le groupe ne puisse traverser les grandes portes éventrées du domaine, un champ de force vert apparut entre eux et l’entrée, et d’un coup, des dizaines et des dizaines d’hommes en armure noire intégrale se levèrent des remparts pour les mettre en joue.

- Ceci est la propriété de la Dirigeante Suprême, déclara une voix rêche et désagréable. Nul ne peut y entrer sans y avoir été autorisé.

Parmi tous ces GSR hyper-équipés, un se distinguait plus. En plus de l’armure, il avait un jetpack dans le dos, et tenait un gigantesque fusil-mitrailleur qui ne devait pas lancer des balles physiques, à en juger par son aspect futuriste. Zeff se hérissa à sa voix, surtout quand le GSR retira son masque pour montrer son visage privé de nez.

- Je suis le capitaine Naulos de la GSR. Vous devrez nous passer sur le corps pour entrer.

Estelle haussa les épaules et refit sortir ses ailes de vampires.

- Ça ne nous dérangera pas outre mesure.

Le face à face débuta. Les GSR d’élite ouvrirent le feu, et les forces de la FAL en contrebas se dispersèrent. Certains soldats tombèrent, mais Zeff et Ad avaient déjà bondis avec leurs pouvoirs respectifs pour atterrir sur les remparts et affronter les ennemis directement. Imperatus pointa sur les murs une espèce d’épine gigantesque qui avait l’allure d’une épée florale, et aussitôt, des lianes géantes percèrent le sol pour monter jusqu’aux remparts et permettre au soldat de se lancer à l’assaut. Estelle, en vol au dessus des hauts murs, bombardait les GSR avec des attaques Ball-Ombre ou Vibrobscur. Quand elle en vit un se détacher des autres pour dégoupiller une grenade, elle fonça sur lui à toute vitesse, l’attrapa et le jeta dans les airs, où il explosa, sa grenade toujours en main.

Ces GSR là étaient coriaces. Il s’agissait de la garde rapprochée de Venamia, ceux avec les meilleures armes et armures. Ils utilisaient presque tous de l’Eucandia, et l’arme de Naulos pouvait tirer automatiquement des jets violets qui désintégraient proprement ceux qui avaient le malheur d’en recevoir un. Et comme de bien entendu, Zeff en avait fait sa cible. Mais tout l’argent qu’il avait pu lui envoyer dessus fut stoppé net par un bouclier à Eucandia. Très vite, d’autres GSR allèrent remplacer ceux tombés sur les remparts, et Estelle regretta d’avoir renvoyé Gluzebub. Il aurait pu défoncer les murs et faire perdre aux GSR leur avantage positionnel.

Pour ne rien arranger, de nombreux soldats du Grand Empire arrivèrent par l’arrière. Imperatus leva un mur de lianes pour protéger les soldats Rockets, mais il n’allait pas tenir longtemps face à la violence de l’assaut. Estelle se démena pour trouver les alimentations en Eucandia qui maintenaient le champ de force autour de l’entrée. Elle trouva un câble qui descendait de l’une des tours du rempart, et le sectionna avec son bras transformé. Mais le champs de force resta actif. Il devait y avoir d’autres câbles autre part, ou bien il possédait un générateur annexe. Estelle gémit en sentant la morsure d’une balle dans son dos. Heureusement, elle avait touché un point transformé de son corps, et bien que ça lui fit très mal, la balle fut stoppée.

Les épaisses lianes qui séparaient le groupe pris au piège des soldats du Grand Empire commencèrent à céder. Zeff dut abandonner en catastrophe son échange de tirs avec Naulos pour utiliser son argent afin de créer un mur protecteur. Les dresseurs n’osaient même pas faire appel à leurs Pokemon, tant ils feraient une cible facile aux lasers d’Eucandia désintégrateur de Naulos. Estelle jugea la situation bien mal partie, et réfléchit à se transformer totalement.

Elle avait pu se contrôler la dernière fois en décidant de ne pas tuer Vilius, mais rien n’indiquait qu’elle pourrait le refaire. Elle tuerait peut-être autant de ses alliés que de ses ennemis. Mais quand les lianes cédèrent enfin et qu’ils furent submergés des deux côtés, Estelle décida qu’elle n’avait plus le choix. Cependant, avant qu’elle ne le fasse, une série de tirs légers bleutés s’éparpilla à travers les soldats du Grand Empire, en faisant tomber une vingtaine d’un seul coup. Avant de voir leur sauveur, Estelle entendit les acclamations de plusieurs Rockets, et le hoquet de surprise d’Anna.

Bertsbrand, bien vivant mais son élégant habit sérieusement troué et sale, se servait de l’épée d’Excalord comme d’une canne. Il était totalement décoiffé, ensanglanté par endroits, essoufflé, mais il n’y avait aucun signe de sa bouffonnerie hautaine dans son regard ; seulement de la détermination. Il tira une noubelle salve de lasers plasmiques avec Excalord, mettant en déroute les soldats du Grand Empire et atteignant même plusieurs GSR postés sur les remparts. Il conclut en une énorme attaque Dracochoc qui pulvérisa une partie du mur, et le champ de force qui gardait l’entrée par la même. Les GSR survivants commencèrent à se disperser, sous les cris de rage de Naulos.

- Lâches ! Revenez-vous battre ou j’aurai vos têtes !

- C’est moi qui vais avoir la tienne, trouduc, répliqua Zeff en se lançant une nouvelle fois sur lui.

Naulos constata qu’il n’avait plus personne avec lui pour le couvrir, et que Bertsbrand était à même de venir rapidement à bout de son bouclier d’Eucandia avec Excalord. Jurant pour lui-même, il n’attendit pas Zeff. Il activa son jetpack et alla se réfugier dans les étages supérieurs du Palais Suprême.

- C’est qui le lâche maintenant ? Lui cria Zeff.

Quand il ne resta plus aucun ennemi en état de se battre, on s’occupa rapidement des blessés. Imperatus, avait ses nombreuses attaques plantes de soin, fut en première ligne. Anna, bien qu’elle-même blessée, n’attendit pas pour aller se précipiter sur Bertsbrand.

- GRAAAAAAANNNNNNNNND CRETIN !

Elle lui donna son célèbre coup du plat de la main sur la tête, et ce fut suffisamment fort pour faire tomber Bertsbrand, exténué. Mais Anna n’en avait pas fini. Elle le remit debout avec la force de ses bras en le prenant par le col.

- Bouffon ! Débile ! J’étais morte d’inquiétude, abruti fini !

Bertsbrand lui fit un sourire d’excuse qu’on voyait assez rarement sur son visage.

- Désolé. J’ai un peu merdé, et j’ai eu du mal à fuir mes poursuivants…

Anna ne parut pas remarquer que Bertsbrand venait à la fois de s’excuser et d’admettre qu’il s’était raté. Elle l’enlaça de toutes ses forces, et, bien que gêné, Bertsbrand ne la repoussa pas de dégoût comme quand il était confronté à une femme de trop près.

- J’ai vraiment été inutile contre Venamia, admit Bertsbrand. Ce n’était pas swag du tout. Même ma fichue épée s’est moquée de moi. Mais je le méritai. Je vais devenir sérieusement plus fort maintenant, et je vais essayer de comprendre un peu plus Excalord, pour qu’on puisse travailler ensemble. De vous comprendre tous. J’ai été un peu trop occupé par ma propre personne et pas assez sur les vôtres. Je suis désolé…

Anna recula, les sourcils froncés. Elle paraissait vraiment inquiète.

- Tu t’es cogné à la tête dans ta chute ? Tu fais une hémorragie, ou quelque chose comme ça ? Tu dis des trucs vraiment flippants…

- Ahhhh, veux-tu bien te taire, femme ! S’agaça Bertsbrand. J’étais en train de faire un mea-culpa émouvant et plein de swag !

Soulagée, Anna hocha la tête. Son ancien Bertsbrand n’était pas totalement parti, visiblement.

- Contente de vous voir debout et à nouveau parmi nous, commandant, lui dit Estelle. On peut compter sur vous pour la prise du palais ?

- Je ne cracherai pas sur un petit coup de remise en forme d’Imperatus, très chère Madame Boss, puis je suis votre homme.

- Tu ne devrais pas remonter pour combattre Venamia avec les autres plutôt ? Lui demanda Zeff.

Mais Bertsbrand secoua la tête.

- Je n’en ai plus le droit. J’ai été humilié, et de toute façon… je ne suis pas de taille contre elle. Je l’ai compris. Pas encore, en tout cas. Mais j’espère le devenir, une fois que j’aurai établi un lien avec mon Pokemon, comme elle.

Bertsbrand regarda sa large épée qu’il tenait en main. Zeff haussa les sourcils, étonné. Lui aussi avait noté un changement considérable dans l’attitude de l’ex-star. Quand tous les blessés furent amenés, et les moins graves remis d’aplomb, Estelle réunit à nouveau son groupe.

- Allons-y, messieurs dames. C’est la dernière étape. Prenons ce palais, et mettons le prince Julian en sécurité. Nous ferons alors comprendre à Venamia et au monde qu’elle a perdu la bataille, même si au final personne n’arrive à la vaincre !


***


Lucian Weiss titubait désespérément à travers les ruelles sombres de Veframia, ses moignons serrés contre lui pour tenter de retenir le flot de sang qui ne cessait de s’en échapper. Toute sa dignité oubliée, il voulait mettre le plus de distance possible entre lui et Zeff Feurning, et trouver un groupe de soldats du Grand Empire ou de GSR pour qu’il soit pris en charge au plus vite. Mais le Grand Empire se faisait repousser sur tous les fronts, et Weiss était obligé de se dissimuler dans les plus petites rues pour se cacher des hommes de la FAL.

Il gémissait, la douleur se combinant à la fatigue et aux vertiges dues à son hémorragie massive. Il ne pouvait pas mourir ici. Pas lui. Pas comme ça. Il était l’Icemod, un homme au dessus des hommes. Il était jeune, il était beau, il avait le pouvoir et l’argent. Que ce sauvage de Zeff ait pu lui couper ses mains et le rendre ainsi totalement inapte à contrôler la glace le mettait hors de lui. Il allait vite trouver un bataillon allié pour se faire soigner. On lui mettrait des prothèses cybernétiques dernière génération, qu’il allait geler dans la Glace Éternelle, et il n’aurait de cesse de prendre sa revanche contre ce Modeleur d’Argent de pacotille !

Mais plus il marchait, plus il désespérait de trouver des hommes à lui. Il allait finir par s’évanouir et mourir d’hémorragie s’il attendait plus longtemps. Il se résolut donc à contrecœur à se rendre aux premiers soldats de la FAL qu’il croiserait. Un sort bien indigne, certes, mais valait mieux ça que la mort. Et puis, avec son pouvoir, il était précieux. La FAL voudrait peut-être l’avoir avec elle. Lucian Weiss n’avait aucun problème à l’idée de se recycler, du moment qu’il pouvait jouir de son train de vie habituel. Au détour d’une rue qui donnait sur un cul-de-sac, Lucian tomba face à face avec une femme. Vu sa défroque, combinaison grise et cape verte, elle n’était certainement pas du Grand Empire.

- Pitié, fit-il avec une faiblesse non-dissimulée. Je suis… mourant. J’ai besoin de soin… Pitié, je me rends…

Malgré son état, il hoqueta quand il reconnut la femme devant lui. Il l’avait bien assez vue dans le passé, pour avoir été son formateur et son supérieur direct.

- Ke-Kelifa… Capitaine Akenvas !

La jeune femme aux longs cheveux violets et au visage toujours renfrognée, avant de devenir un Gardien de l’Harmonie, était un agent de liaison de 007 et commandante dans la région Naya. Lucian s’était servie d’elle et de son nom célèbre là-bas pour prendre pied dans cette région éloignée. Il avait formé Kelifa lui-même, selon des méthodes éprouvantes. Elle avait résisté, et était devenue une Rocket des plus efficaces.

- Kelifa… Comme je suis content de te voir… C’est moi, l’Agent 007... Amène-moi auprès de mes hommes. Aide-moi, c’est un ordre !

Kelifa le regard avec une expression oscillant entre le dégoût et la pitié.

- Je me disais bien que c’était vous que j’ai entraperçu en sortant des égouts, dit-elle. Vous voilà en piteux état… monsieur. Je crains hélas de ne plus pouvoir prendre mes ordres de vous désormais. Je n’ai techniquement pas démissionné de la Team Rocket en devenant Gardienne, mais la seule Team Rocket que je reconnais est celle d’Estelle Chen.

- S-soit… alors, amène-moi à elle. Fais-moi prisonnier. Je… je me rend. Mais, par Arceus, sauve-moi ! Tu me dois bien cela, Kelifa ! C’est moi qui t’es forgée.

- Oui, que trop bien même… Je garde bien en mémoire les petites séances que j’ai passées avec vous pour mon « entraînement ». Elles n’avaient rien à envier des nombreuses fois où j’ai été violée par mon propre père. Et devinez-quoi ? Je l’ai buté lors de la bataille finale de Naya, alors qu’il me demandait grâce… tout comme vous en ce moment.

Elle sortit un petit pistolet de sa ceinture et le braqua contre son front. Lucian était trop abasourdi pour réagir.

- Je ne suis plus une Rocket, maintenant. Je sers Archangeos et les Gardiens de l’Harmonie. J’ai trouvé ma véritable voie. Même si j’effacerai jamais dans ma mémoire et sur mon corps les horreurs que vous avez pu me faire, vous et mon père, je peux vous effacer de mon existence pour commencer ma nouvelle vie. Je vous remercie quand même, Agent 007. Merci de m’avoir rendue forte. Croyez-bien que cette force sera mise au service d’une cause bien plus digne que celle de vos petites ambitions.

- Ke…

Kelifa tira. Lucian Weiss, le crâne troué, tomba lentement en avant. Kelifa prit une grande inspiration, se sentant libérée d’un poids. Elle venait de couper le dernier fil qui la reliait à sa vie d’avant. Elle était vraiment libre, désormais.