For a New World de Maski

Entendant son chef prononcer ouvertement le nom de leur gang, la jeune fille qui avait ligoté Panéma pesta. Elle se tourna discrètement vers la grande blonde à sa gauche. Impassible, Claire avait pourtant fusillé du regard un instant le dénommé Carme.

Celui-ci n'y prêta cependant pas la moindre attention. Il était plus préoccupé par la réaction de leurs prisonniers.

« Comme vous l'avez entendu tout à l'heure, je m'appelle Ren, lâcha le rouquin avec désinvolture, le gros musclé à la barbe mal rasée et au crâne chauve s'appelle Serges.

-Claire, se présenta la belle blonde, et la gamine qui ressemble à une pop star japonaise c'est Kinnie.

-Arrête de dire ça ! Je ne m'attache pas les cheveux et les miens sont plus courts ! protesta la jeune fille aux yeux bleus.

-Et enfin ceux qui ont lancé les filets : Steve et Sin. » conclut Carme en désignant un grand brun au regard vif et un maigre homme dont les yeux étaient à moitié cachés par une frange violette.

Une fois les présentations terminées, Carme tenta de les rassurer. Ils avaient ici de quoi soigner Lunick et s'occuper des blessures des Pokémon, non sans préciser que le rétablissement de ces derniers leur était bénéfique. Encore une fois, l'homme refusa de révéler ce qu'ils comptaient en faire.

« Sachez que dans ce bâtiment, tout le monde travaille sauf les malades. Vous devrez donc nous aider dans la fabrication du Repousse, l'entretient des plantes etc. Vous aiderez aussi aux soins de ces démons. Vous serez bien sûr en permanence surveillés et je peux vous assurer que personne ne s'échappe d'ici quand on est là. »


Lunick regarda la feuille en grimaçant. Après la radio, Sin, qui avait troqué son uniforme noir pour une blouse blanche, avait agité au-dessus de sa blessure un étrange appareil noir, et ce sans lui adresser le moindre mot. Bilan : deux côtes à moitié en miettes et une autre fracturée.
Il lui donna une feuille sur laquelle étaient notées trois semaines de repos et toute une liste d'indications et de médicaments à prendre. Les Pokémon Oiseaux seraient rétablis bien avant lui !

Bien qu'il ne disait rien, Carme se douta que le jeune Ranger souffrait. Il le chargea donc de tâches non physiques. C'est ainsi que Lunick passa les premiers jours assis derrière une table, à compter toutes sortes de bocaux et bouteilles destinés à accueillir les différentes mixtures préparées par les Pokémon Araignées.

Ren, chargé de le surveiller, s'occupait quant à lui de trier les contenants cassés. Le travail était long et fastidieux et quand le Ranger demanda à son compagnon pourquoi ils devaient faire cela à la main alors qu'il existait des machines pour cela, le jeune homme aux cheveux roux lui répondit que cela servait parfois de punition à ceux qui désobéissaient au chef.
Dans le cas de Lunick, il était simplement arrivé au mauvais moment. En effet, la revue des stocks avait lieu tous les mois, avant chaque livraison. Mais à sept c'était beaucoup plus rapide.


Après avoir été contrainte de dévoiler tout le contenu de son ordinateur à la très suspicieuse Kinnie, Panéma fut assignée au contrôle de la marchandise, toujours surveillée par celle avec qui elle partageait la chambre. Les deux filles ne s'entendaient pas du tout. Kinnie se méfiait des nouveaux arrivants. Elle ne les aimait pas, ces personnes qui faisaient ami-ami avec les démons. Carme semblait pourtant leur faire relativement confiance. Des fois, la jeune fille aux cheveux turquoise avait du mal à comprendre son chef. Tout ce qu'ils voulaient, c'était ces monstres à plumes.

Devant tant d'hostilité, Panéma se contentait de lui adresser le moins possible la parole. Le travail physique avait fini par lui faire oublier l'enlèvement – et puis elle commençait à y être habituée à force. A présent, sa méfiance avait laissé place à son côté enfantin et boudeur.

Heureusement pour la scientifique en herbe, dans ses tâches, il lui arrivait parfois de croiser Sam, au contraire de Lunick qu'elles ne voyaient quasiment que lors des repas.

La jeune Ranger passait le plus clair de ses journées dans la serre et auprès des Pokémon. Ses connaissances pokémonesques, bien plus poussées que celles du gang, lui permirent d'améliorer légèrement le quotidien des Pokémon Araignées. En effet, ils ne comprenaient pas pourquoi depuis quelques mois, l'un des jeunes Pokémon, capturé et arrivé l'an passé, utilisait deux fois plus d'eau pour confectionner les potions. Ce n'est que lorsque Sam leur expliqua qu'il fallait les nourrir au moins deux fois par jour que le problème fut réglé.

Il ne fallut pas plus de temps aux quelques Marquilon brûlés par accident pour récupérer totalement. Touché de plein fouet par les attaques de Spectrollet, les blessures de l'Eclydon mettaient plus de temps à cicatriser.
Voyant qu'avec deux ou trois jours de repos de plus il serait totalement guéri, Carme décida qu'il était temps de passer à l'étape suivante.

Tandis qu'il finissait de ramasser les gamelles vides avec l'aide de Steve, Claire et Sam – Spectrollet, Posipi, Négapi et le Myota refusaient de manger si ce n'était pas Sam ou Panéma qui les servait – l'homme aux pointes blanches s'approcha de l'oiseau.

« Steve, appelle les autres tu veux ? Que tout le monde se prépare. C'est l'heure du test. »

Ses équipiers semblèrent surpris. Néanmoins, sans rien dire, Steve s'exécuta. Quant à Claire, elle croisa les bras et fixa son chef.

« Tu devrais mieux nous expliquer ce que tu veux faire tu sais, lui dit-elle.

-Je n'aime pas la parlotte. Va te préparer. Et puisque tu es encore là, va chercher le calmant.

-Pourquoi avez-vous besoin d'un calmant ? » questionna Sam alors que Claire quittait la salle en soupirant bruyamment.

Carme lui décocha un rictus qui lui fit froid dans le dos. Il semblait se réjouir de ce qui allait se passer, comme un prédateur se lèche les babines en pensant à la proie qu'il va attraper.

« Pour voir ce dont il est capable. Je te rappelle au passage que vous n'avez pas le droit de nous gêner. »

Le gang fut rapidement au complet. Chacun avait sur lui diverses armes. Ren et Serges avaient à la ceinture les cordes en Callier qui avaient immobilisé Spectrollet et les souris Electrique, en plus d'un nunchaku chacun. Sin et Steve disposaient de pistolets tirant des filets ainsi que d'une sorte de massue. Sam crut également distinguer des balles – probablement aveuglantes – à leurs ceintures. Kinnie en possédaient aussi quelques unes, en plus d'un pistolet à filet et d'un boomrang. Claire avait le même équipement, mis à part qu'une sorte de katana remplaçait l'arme à feu.
Quant à leur chef, il tenait à deux mains une longue lance. Dans son dos était fixée une paire de tonfas.

« Vous n'utilisez pas de Callier pour vous protéger ? s'étonna Panéma.

-Avec la dose de sédatif qu'on va lui injecter, on ne risque rien. Sinon on utiliserait un équipement différent. » répondit Ren.

L'oiseau s'agita férocement lorsque Sin s'approcha de lui pour lui administrer le calmant. Passé l'affolement du à la piqûre, les mouvements de l'Eclydon se firent beaucoup plus lents, comme s'il peinait à bouger. L'homme à la frange le détacha. Aussitôt libre, l'oiseau s'envola. Malgré le médicament, il était capable de se mouvoir avec une facilité surprenante.

Sans plus attendre, il fonça droit sur Carme. Il avait compris qui commandait et voulait lui faire payer l'affront qu'il avait subi.

Il tenta de lancer ce qui ressemblait à un Electrochoc. En vain. Carme le repoussa aisément à l'aide de sa lance, attendant la prochaine attaque. Surpris, l'Eclydon s'écarta par prudence avant de recommencer. Une fois de plus Carme l'arrêta facilement.

Ne comprenant pas ce qui lui arrivait, le Pokémon Vol poussa un cri furieux. Ce sifflement fit sourire l'homme aux pointes blanches. L'oiseau n'abandonna pas pour autant. Il cessa d'essayer en vain d'utiliser ses capacités et plongea, volant en rase-motte. Carme saisit cette chance et se jeta sur lui, lance droit devant. Le Martinet plaqua ses ailes contre son corps et, exécutant une rotation sur lui-même, frôla la pointe de l'arme. Son adversaire eut tout juste le temps de relever le bras et de pivoter sur lui-même.

« Eh eh ! Il est têtu celui-là, ricana l'homme, Ren, Serges ! Envoyez-lui quelques projectiles ! On va le titiller un peu.

-Vous voulez le provoquer ?! s'écria Lunick avant de pousser un gémissement en posant une main sur sa blessure.

-Ne cherche pas à comprendre, lui dit Ren en faisant tournoyer une des cordes en Callier au-dessus de lui, même nous on n'arrive pas à le cerner des fois. »

L'objet toucha sa cible, s'enroulant autour d'une patte. Surpris par ce poids en plus, l'Eclydon fut entraîné vers le sol. Il se reprit et parvint à atterrir en douceur, sur ses pattes. Carme profita de ce moment pour se jeter sur lui. Incapable de voler, le Pokémon ne s'avoua cependant pas vaincu. Ce groupe de Marquilon était sous sa protection. S'il se montrait faible devant eux, sa place serait remise en cause.

L'oiseau déplia ses ailes, recourbant un peu les extrémités. Se balançant sur une patte puis l'autre, il entama une épuisante course vers l'homme. Malgré la différence de taille, qui pouvait l'avantager face à ce type d'armes, il reçut un bon coup de manche. Heureusement, pour un Pokémon adulte, ce n'était pas très grave. Il risquait au pire un bleu sous son plumage.

D'un geste souple, il tourna sur lui-même à temps pour ne pas percuter le mur du fond. Grâce aux toutes petites irrégularités, l'oiseau parvint à s'accrocher au bloc de Callier pourtant à l'horizontale. La tête en bas, il fixait Carme en haletant, le plumage ruisselant de sueur. Le calmant l'obligeait à fournir d'incroyables efforts pour courir. L'homme n'avait pas attendu pour lancer une nouvelle offensive, la pointe de sa lance dirigée droit vers le volatile.

Celui-ci l'attendait de pied ferme. Ne pouvant voler, il utilisa ses ailes pour donner davantage de forces à son saut et saisir le manche de la lance entre ses puissantes serres. Voyant qu'il se trouvait à bout portant, Carme lâcha immédiatement son arme, juste avant de voir le corps du Martinet se soulever. Une demi-seconde de retard et l'oiseau l'aurait atteint à la tête.

L'homme ressentit une grande douleur au niveau du ventre. Son corps bascula vers l'arrière alors qu'il crachait, le souffle court. Le choc avec le sol le tira de son effarement. Juché sur son ventre, l'oiseau s'apprêtait à lui donner un coup de bec. Un filet le délogea de son perchoir juste à temps.