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Informations

» Auteur : DoctorVD - Voir le profil
» Créé le 26/05/2016 à 17:13
» Dernière mise à jour le 20/06/2016 à 09:43

» Mots-clés :   Action   Drame   Fantastique   Science fiction   Suspense

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1885-1 : To thine own land, shall I take thee [ARC 1]
"Never complain, never explain."
- Reine Victoria -

Mai 1885, Lavandia, Hoenn.

La demeure, située en bordure de la ville, était tout bonnement immense. Un terrain impressionnant l'entourait. La grande structure de pierre dominait le jardin, avec toutes ses fenêtres, et son toit imposant. La porte de bois solide empêchait quiconque d'entrer sans être remarqué, et une allée bordée de haies permettaient aux visiteurs d'accéder à la maison sans se perdre.

Le maître de maison entra, suivi par son majordome, à qui il confia son chapeau haut de forme et son long manteau élégant noir. Tous deux traversaient le hall d'entrée à une allure tranquille. Le riche propriétaire des lieux, un homme d'une trentaine d'années au teint pâle, aux cheveux bruns bien peignés et aux yeux gris perçants, semblait d'une humeur plutôt maussade. Les mains dans les poches de son costume classieux, il regardait le sol, ruminant d'obscures pensées.

"Monsieur Raymond, voulez-vous une tasse de thé ?" proposa l'employé de maison, soucieux.

Le trentenaire brun leva les yeux vers son majordome, un vieux monsieur qui était au service de sa famille depuis de nombreuses années, et qui ne les avait jamais déçus. Quelqu'un de très professionnel et consciencieux dans son travail.

"Non, merci, ça ira, Marvin. Plus tard, peut-être.
— Bien, monsieur. Désirez-vous autre chose ?"

Raymond sembla réfléchir un moment, puis hocha doucement la tête.

"Prévenez le baron Dover que je dois le voir au plus vite. On doit discuter de beaucoup de choses, lui et moi.
— Je fais savoir à monsieur Dover que vous voulez le faire venir ici ?
— Oui, pas besoin d'aller en ville pour s'occuper de ça. Mon bureau fera l'affaire.
— Bien, monsieur. Loué soit l'inventeur du téléphone, si je puis me permettre."

Le riche maître de maison sourit.

"Graham Bell, un anglais, si je ne m'abuse ?
— C'est ce que j'ai entendu, monsieur. Nous avons encore des progrès à faire, en technologie.
— Vous avez raison, Marvin. Vous avez raison. Parfois, je me dis que ce n'était pas si mal que nous soyions une de leurs colonies auparavant. Ils avaient plus de savoir-faire que nous."

Le propriétaire des lieux et le majordome continuèrent leur marche silencieuse à travers les imposants couloirs de la demeure, leurs chaussures de ville claquant contre le sol si propre que l'on pouvait aisément y contempler son reflet.


***

Lorsque le flash lumineux aveuglant se fut estompé, Rebecca, sans regarder autour d'elle, tituba jusqu'à un buisson où elle put tranquillement déverser le contenu de son estomac, à savoir un pauvre sandwich de supermarché qui traînait dans son petit réfrigérateur depuis deux jours. Robert la regarda faire, un rictus amusé peint sur le visage. Il n'avait encore jamais emmené quelqu'un en voyage à travers le temps et l'espace, mais il connaissait le risque de vomissements à l'arrivée, la première fois, l'ayant lui-même expérimenté. Une fois qu'elle eut terminé de régurgiter son dernier repas, elle se redressa difficilement, chancelante.

"C'est pas vrai, ça secoue..."

Elle s'arrêta net en observant le paysage autour d'eux. Ils se trouvaient, assurément, bien loin de l'hôpital. Dans une large allée bordée de nature menant à une ville. Cette cité d'apparence assez ancienne avait une architecture en majorité semblable à celle de l'Angleterre à l'époque victorienne. Tout était démesurément grand, et beau, et impressionnant. Ses yeux se promenaient sur tout ce qui se trouvait à sa portée ; église, grandes demeures, commerces... On pouvait même discerner des usines au loin. Elle ne tarda pas à s'élancer, toute heureuse, en direction des portes de la ville, avant que Robert ne la rattrape in extremis.

"Mais, laissez-moi me balader un peu, histoire de vérifier que tout ça est bien réel !
— Je peux vous assurer que ça l'est, justement. Dans une tenue pareille - il désigna son uniforme d'infirmière du vingt-et-unième siècle -, vous ne passerez jamais inaperçue ici. Attendez-moi, je vais vous trouver une robe et des accessoires.
— E-et vous alors, hein ?" protesta-t-elle.

L'homme venu du passé lui répondit par un sourire narquois et un geste de la main.

"Je suis déjà plus discret que vous, dans cette tenue. Mais je vais en profiter pour un petit changement aussi.
— Discret, c'est vite dit. Il est couvert de sang..."

Elle l'attendit donc, résignée, en grommelant dans sa barbe. Lorsqu'il reparut, elle ouvrit des yeux ronds comme des billes. Tiré à quatre épingles avec son smoking noir, son col relevé comme il était de coutume à l'époque et son chapeau haut de forme, il dégageait une aura toute différente. Une sorte de noblesse se dégageait de lui, et elle en fut impressionnée. A son tour - et avec une certaine difficulté -, elle parvint à enfiler la robe bleue peu confortable qu'il lui avait rapportée. Contre toute attendre, cela lui allait bien.

"Vous ne sortez pas cela d'une poubelle, au moins ?
— Ne me prenez pas pour un imbécile, voulez-vous ? J'ai payé cette robe et ces accessoires, alors faites-en bon usage."

Rebecca plissa les yeux, intriguée par un détail.

"Payé... avec quelle monnaie ? Vous avez de l'argent de toutes les époques et de tous les pays ?
— Le pokédollar est la monnaie officielle de nos régions depuis 1570, et ça n'a jamais changé.
— ...pour ça que les personnes imprimées sur les billets ont l'air de provenir du dix-septième siècle... ça se tient."

Sur ces mots, elle suivit son compagnon vêtu tel un gentleman anglais de la fin du dix-neuvième siècle, et tous deux entrèrent dans la grande ville. Très animé, le quartier commerçant principal, où ils arrivèrent, était accueillant et les vendeurs du marché hurlaient à pleins poumons que leur marchandise avait le meilleur goût et le prix le plus bas de la région. L'infirmière, n'y ayant pas encore songé jusqu'alors, décida de demander à Robert où et quand ils se trouvaient. D'un geste théâtral, il retira son chapeau et s'inclina devant elle, comme le ferait un homme faisant la cour à sa dame.

"Bienvenue dans le Lavandia de 1885, Lady Rebecca.
— Je vous ai dit mon nom ? s'étonna-t-elle, ce fait essentiel lui étant totalement sorti de l'esprit.
— C'était écrit sur votre badge d'infirmière, qui est à présent dans le sac que vous portez, avec le reste de vos affaires, répondit le type aux cheveux bruns-roux en farfouillant dans la poche de sa veste. Ah oui, les cigarettes n'ont peut-être pas encore été inventées, je vais devoir m'abstenir..."

Il cessa de chercher et offrit un grand sourire à la jeune femme aux cheveux noirs qui commençait un peu à se détendre en sa présence. Robert avisa la grande église arcésienne de l'autre côté de la place, et marcha dans sa direction, suivie de Rebecca. Elle préférait le suivre, parce que si elle s'égarait, elle ne retrouverait probablement pas son chemin. Le GPS était encore un doux rêve en 1885.

Lorsqu'ils entrèrent à l'intérieur du lieu de culte, un sentiment d'émerveillement irrationnel s'empara d'eux. Le bâtiment était de toute beauté. Des vitraux ornaient les fenêtres et faisaient paraître colorée la lumière qui y pénétrait. Les bancs où s'asseyaient les personnes voulant assister à la messe étaient tous parfaitement alignés dans une intention d'harmonie irréprochable. Ce qui intrigua le plus Robert fut sans nul doute l'immense orgue au fond de la pièce, situé derrière l'emplacement du chœur. De multiples statuettes à l'effigie d'Arceus, dieu créateur du monde, et des extraits des textes sacrés de sa religion se trouvaient un peu partout au sein de l'église.

"C'est magnifique, chuchota Rebecca, impressionnée, les yeux brillants d'excitation.
— Vous me croyez, maintenant ?
— Pour le voyage spatio-temporel, aucun doute. Pour ce qui est de votre mort, ça... j'émets un peu plus de réserve.
— C'est compréhensible", supposa le scientifique.

Ils restèrent tous deux un bon moment à l'intérieur de l'église pratiquement déserte, à admirer toutes les magnificences que l'on pouvait y voir. A cette époque, la religion gardait encore une place importante dans la société de Hoenn. Mais à son époque, Rebecca ne trouvait pas ces lieux de cultes spécialement jolis. Personne n'y allait jamais et elles tombaient en ruine. Elle fut révoltée de l'abandon de cette culture. Certes, il devait y avoir une raison pour laquelle les habitants avaient tourné le dos à Arceus, mais elle trouvait cela tout de même offensant.

Robert, lui, peu intéressé par l'aspect religieux de l'édifice, rêvait d'une cigarette et d'un bon verre de vin. Pour sa seconde volonté, il n'aurait pas trop de mal à l'exaucer, car il était de notoriété publique que Lavandia était une ville renommée pour son vin, et ce depuis le dix-huitième siècle.

"Venez, on sort d'ici. L'atmosphère est étouffante.
— Quoi, déjà ? s'indigna l'infirmière. C'est chouette, ici.
— J'ai un mauvais pressentiment", répondit l'homme.

Intriguée, elle le suivit jusqu'à l'extérieur, marchant à ses côtés et ne cessant de le questionner quant à ce fameux mauvais pressentiment. Les mains fourrées dans ses poches, il se contentait d'éluder la question, regardant le sol. Son cerveau bouillonnait à l'intérieur de son crâne. La petite voix qui lui avait recommandé cette destination, dans sa tête, ne cessait de lui hurler qu'un truc ne tournait pas rond dans cette ville, et qu'un malheur s'abattrait bientôt sur ses habitants. Il ne savait pas de quoi il pouvait bien s'agir, mais il tenterait de le découvrir. Or, pour cela, il leur fallait rester un certain temps dans les environs. Il espérait pouvoir convaincre Rebecca d'accepter. Pour l'instant, elle semblait se plaire au dix-neuvième siècle, mais sa vie d'infirmière pourrait bien lui manquer dans quelques heures.

"Pourquoi avoir choisi d'aller à Lavandia en 1885 ? questionna-t-elle finalement, curieuse.
— Eh bien... une intuition. Et maintenant que j'ai ce mauvais pressentiment flou qui ne me quitte plus, je suis certain que nous aurons un rôle à jouer ici tôt ou tard...
— Nous ? Qu'est-ce que vous voulez dire par là ?"

Robert sentit dans sa voix toute sa méfiance et s'empressa de la rassurer.

"Ne vous inquiétez pas, j'ai tout à fait les moyens de vous ramener à votre époque, et je le ferai. Mais s'il s'avère que j'ai raison et qu'un danger plane ici, vous me serez d'une grande aide. S'il vous plaît, ne dites pas non. Tout seul, je n'arriverai à rien.
— J'ai entendu dire que changer le cours de l'histoire pouvait s'avérer dangereux.
— Justement. Peut-être que notre présence ici a quelque chose à voir avec les circonstances de ma... résurrection, si je puis le formuler ainsi."

Rebecca croisa les bras, perplexe, en proie à une intense réfléxion.

"Vous pensez avoir été rappelé par une puissance supérieure qui vous demande d'empêcher un désastre de se produire ici, en 1885, et pour cela vous confère la capacité de voyager dans le temps et l'espace ?
— ...il y a un peu de ça dans ma théorie, mais je ne peux rien affirmer, concéda le scientifique.
— Je ne pensais pas qu'un scientifique croirait à des puissances supérieures. Vous savez quoi ? Je veux bien vous aider à enquêter sur ce qui se trame peut-être ici, par pure curiosité. Je veux comprendre comment ça fonctionne, l'espace-temps et tout ça.
— Vous êtes bien étrange pour accepter une telle requête... mais ça me plaît.
— J'ai toujours rêvé de voyager dans le temps, vous savez... depuis que j'ai lu le livre de Wells" , admit-elle à mi-voix.

Robert sourit, ravi de pouvoir compter sur l'infirmière le temps de s'assurer de la réalité de la menace qu'il pressentait. Il rechignait un peu à la mettre en danger, mais s'il y avait vraiment quelque chose à faire, il ne pourrait y parvenir seul. Un petit coup de main n'était pas de refus, surtout pour changer le cours du temps. Il est dit que si on joue trop avec le temps, les conséquences sont terribles. Le scientifique n'en doutait pas, mais si des vies étaient en jeu, il passerait outre les risques. Il avait toujours été altruiste, et peut-être que ce trait causerait, tôt ou tard, sa perte - définitive cette fois. En attendant, il ne pouvait que se fier à cette voix dans sa tête, qui semblait plus un mélange de deux timbres entremêlés qu'une seule et même voix.