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Apocalyptica de Drayker



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Informations

» Auteur : Drayker - Voir le profil
» Créé le 08/05/2016 à 00:43
» Dernière mise à jour le 14/12/2017 à 17:51

» Mots-clés :   Drame   Présence de poké-humains   Région inventée   Science fiction   Suspense

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Chapitre -37 : Tuer ses démons
Will saisit son verre de whisky et s'enfonça dans son fauteuil avec un soupir las. Fenrir, allongé dans un coin de la pièce, le toisait d'un air désapprobateur. L'ex-Elitien finit sa boisson d'une traite, la reposa brusquement sur le bureau et renversa la tête en arrière.

L'alcool commençait à se faire sévèrement sentir et à faire pulser le sang à ses tempes, lui procurant le doux sentiment d'engourdissement dont il avait tant de mal à se sevrer.

Il était rentré de son rendez-vous avec le Rex depuis quelques temps déjà. Les ascenseurs vers la ville haute étant fermés entre minuit et cinq heures, Will n'avait eu d'autre choix que de dormir au cabinet. Mais malgré l'heure tardive, le sommeil avait refusé de l'emporter, comme souvent.

Les insomnies avaient commencé huit ans plus tôt, peu après ce jour maudit où tout avait basculé, et où sa carrière d'Elitien promis à un grand avenir s'était arrêtée net. Son sommeil s'était d'abord remplis de souvenirs cauchemardesques, avant de tout simplement le déserter. Will s'était alors réfugié dans le seul remède qui le soulageât un tant soit peu : l'alcool, et l'overdose de café pour encaisser les gueules de bois du lendemain.

Will ne se considérait pas comme un alcoolique, bien qu'un observateur extérieur ne fut certainement pas du même avis. Il avait simplement besoin d'empêcher son cerveau de tourner s'il voulait s'empêcher de céder à ses démons.

Pourtant, ce soir, rien n'y faisait. Il jeta un œil à la bouteille vide qui trônait par terre, tandis que le monde tournait autour de lui. C'était son avant-dernière. Avec un peu de chance, les honoraires du Rex lui permettraient de refaire ses réserves.

Il ferma les paupières, savourant la chaleur sourde qui envahissait son corps, et la conscience accrue qu'il avait du sang qui battait à ses tempes.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il aurait juré que l'horloge suspendue au mur avait fait un tour supplémentaire. Trop saoul pour réussir à lire l'heure, il grommela, essaya de se lever, trébucha sur la bouteille de whisky vide et s'effondra par terre dans un juron sonore. Fenrir, la tête posée sur ses pattes avant, se réveilla aussitôt et s'approcha de lui.

« Non, vieux. Laisse-moi... » grommela Will, articulant difficilement.

Il voulut repousser son Arcanin d'une main et chercha à se relever seul. Il agrippa une poignée de tiroir, cherchant une prise pour se remettre d'aplomb, mais son poids fit gémir le meuble et le tiroir se défit de ses gonds dans un craquement de bois, s'effondrant sur lui tandis que la paperasse qu'il contenait se renversait par terre.

Will poussa un cri de rage et frappa le bureau du poing, s'abîmant les phalanges. Trop ivre pour sentir la douleur, il avisa un éclat brillant par terre et se figea.

Une bague de fiançailles, qui était tombée en même temps que le tiroir. Des souvenirs d'une douleur insupportable lui revinrent en mémoire.

L'ex-Elitien la saisit entre ses doigts tremblants, et un immense fardeau sembla s'abattre sur lui . Il serra le poing et envoya valser le bijou à l'autre bout de la pièce.

« TU N'AVAIS PAS LE DROIT DE PARTIR ! » hurla-t-il.

La rage s'empara de lui et il frappa frénétiquement le plancher, se meurtrissant la main. Fenrir posa sa lourde tête sur les genoux de Will, qui sursauta. Il baissa les yeux et vit que l'Arcanin le fixait d'un regard où brillait une lueur compatissante.

Il cessa de frapper le sol et posa sa main ensanglantée sur l'encolure du Pokémon Feu, tachant sa fourrure sans même s'en rendre compte. La colère teintée d'amertume qui bouillonnait en lui se calma, et il se détendit. L'espace d'un instant, il voulut s'excuser, expliquer à son fidèle compagnon qu'il était désolé, qu'il n'arrivait pas à l'oublier. Mais les mots refusèrent de quitter sa mâchoire pâteuse.

Alors, il enfouit son visage dans la fourrure de Fenrir, détendu par la chaleur interne du Pokémon, et s'endormit enfin.

~*~
« Il est dans son bureau ? demanda Lina.
- Chambre. » répondit Edge.

La jeune fille hocha la tête et se dirigea vers la porte de droite, mais le chauve l'arrêta d'une main sur l'épaule.

« Il ne souhaite pas être dérangé.
- J'en ai rien à foutre, Edge, rétorqua l'adolescente. Stasie a encore fait une crise cette nuit. Laisse-moi passer. »

La scène aurait probablement semblé bizarre à quiconque ne connaissait pas Lina. Voir cette jeune fille à peine majeure donner des ordres à un tueur au crâne tatoué avait quelque chose d'incongru ; et pourtant, Edge lui lâcha l'épaule et s'écarta sans un mot.

Il fallait dire que la relation entre le Rex et Lina était bien particulière.

« Salut. » grogna la jeune fille en ouvrant brusquement la porte de la chambre.

La pièce dans laquelle elle entra sentait le tabac froid et l'alcool renversé. Un énorme lit occupait la majeure partie de l'espace, et Lina remarqua les nombreuses seringues de Vortex vides qui trônaient sur la table de nuit.

Elle distingua trois silhouettes qui remuaient faiblement sous les draps du lit. Avec un soupir, elle frappa brusquement dans ses mains et haussa le ton :

« Allez les filles, on se réveille et on décolle ! »

Deux jeunes femmes émergèrent de sous les couvertures, l'air surpris. Elles échangèrent un regard interloqué, tandis que Lina levait les yeux au ciel. L'adolescente ramassa les rares vêtements qui traînaient par terre et les leur lança.

« Habillez-vous et sortez.
- Qui est-ce qui ose… » gronda la voix du Rex.

Le visage du quarantenaire sortit à son tour de sous les couvertures, rouge de colère. Il aperçut Lina et cracha :

« Non mais pour qui est-ce que tu te prends ? Edge, tu l'as laissée rentrer ?
- Stasie a fait une crise. Il faut qu'on parle. » rétorqua simplement Lina.

Le Rex ouvrit la bouche pour répliquer, mais s'abstint. La colère s'effaça de son visage. Pour une raison que Lina ignorait, il avait toujours été incapable de s'emporter quand la santé d'Anastasia était en jeu.

« Mon bureau. Dans cinq minutes. »

Lina tourna les talons et claqua la porte derrière elle, et fila dans le bureau du Rex en entendant ce dernier congédier les deux jeunes femmes.

Elle avisa Loki, le Grahyena du Rex, qui dormait dans un coin de la pièce. Une vilaine balafre barrait l’œil gauche du Pokémon, vestige d'une tentative d'assassinat ratée contre le Rex. La bête la regarda s'asseoir sur une chaise sans broncher.

Quelques secondes plus tard, son père pénétra dans la pièce, suivi d'Edge. Le Rex acheva de boutonner sa chemise tâchée de vin, puis ouvrit un tiroir de son bureau d'où il sortit une enveloppe kraft, qu'il tendit à son garde du corps.

« Les honoraires de Stelmar. Dis-lui que j'aurai pas d'autre boulot pour lui avant un bon bout de temps. »

Le tueur au crâne tatoué hocha silencieusement la tête, saisit l'enveloppe et s'en fut.

« Bien, reprit le Rex en s'asseyant derrière son bureau. Je t'écoute, Lina.
- Je t'ai déjà tout dit. Stasie a refait une crise cette nuit. J'ai bien cru qu'elle allait y rester.
- Tu lui avais donné son traitement ?
- Évidemment que je lui ai donné son traitement ! s'emporta Lina. Mais ça n'a pas empêché les crises.
- Je demanderai à Preston d'augmenter le dosage.
- Preston a déjà augmenté le dosage la semaine derrière, rétorqua la jeune fille. Ça n'a servi à rien à part l'assommer complètement. J'aime pas la voir comme ça.
- Tu m'avais dit que les crises s'étaient arrêtées depuis qu'elle avait commencé le traitement de Preston, non ?
- Elles se sont espacées, mais ça n'a rien arrêté. Et celle d'hier soir était l'une des pires. J'ai dû lui injecter du Vortex pour qu'elle arrête de hurler de douleur. »

La voix de Lina tremblait légèrement, et elle se raidit. Elle avait horreur de montrer le moindre signe de faiblesse devant lui.

« Je demanderai à Edge de trouver un nouveau médecin, répondit le Rex d'une voix neutre.
- Ça ne marchera pas. Elle a failli mourir, hier soir.
- Cela fait dix-huit ans que les médecins d'ici s'occupent d'elle, et elle est toujours en vie.
- Elle a besoin de la médecine d'en-haut. rétorqua Lina. C'est pas un énième toubib de la ville basse qui va pouvoir faire quelque chose.
- Tu sais bien que c'est impossible, trancha le Rex d'un ton coupant.
- La Résistance arrive bien à faire monter des gens là-haut, riposta la jeune fille. T'es en train de me dire qu'ils sont plus doués que toi ? »

Le Rex se raidit et Lina sentit qu'elle avait touché un point sensible.

« Il y a des procédures. Des dossiers médicaux à remplir. Elle ne serait jamais acceptée là-haut.
- Si tu ne fais rien, elle va mourir, répliqua Lina. C'est pour ça que tu ne vas plus la voir depuis des mois ? Pour ne pas te retrouver face à la réalité ?
- Surveille ton ton. Tu sais pertinemment que je ne peux plus quitter mes abris sans risquer de me faire assassiner.
- Et si tu ne réagis pas, c'est elle qui va y passer. Putain, fallait pas nous adopter si c'était pour la laisser crever ! s'emporta la jeune fille.
- Lina, l'avertit le Rex.
- Non, tu vas m'écouter. Il est hors de question que je continue à faire tout ce que tu me demandes alors que tu laisses ma sœur mourir. »

Le Rex inspira profondément et croisa les doigts. Lina frémit, sentant la tempête arriver. Elle était allée trop loin.

« C'est moi qui vous ait recueillies, assena le Rex d'un ton froid et coupant. C'est moi qui vous nourrit, qui vous loge, qui vous habille. Tu crois que tu peux venir ici et exiger quoi que ce soit de ma part ? Toi et ta sœur êtes en vie seulement parce que JE suis là pour subvenir à vos besoins. Tu ferais mieux de t'en souvenir avant de me menacer. »

Le Rex ne s'énervait pas. Le Rex ne s'énervait jamais. Ce qui était fort dommage, car s'il avait pour habitude de s'emporter, Lina aurait vite compris où étaient les limites. Hélas, la jeune fille n'avait jamais su quand s'arrêter avant de dépasser la ligne.

« Quelle valeur on a à tes yeux ? Pourquoi tu payes ses soins alors que tu vas jamais la voir ?
- Toi et Stasie êtes mes filles adoptives, rétorqua le Rex.
- T'en connais beaucoup, des parents qui prostituent leur première fille adoptive et qui refusent d'aller voir la seconde alors qu'elle est à l'agonie ? cracha Lina, furieuse. Arrête un peu. On n'a jamais été tes filles ailleurs que sur les papiers officiels.
- Crois ce que tu veux, mais vous êtes inestimables à mes yeux.
- Tu vas pas me faire croire que le boulot que je fais au Windhall a la moindre valeur. Tu pourrais me remplacer comme n'importe laquelle de tes filles. Stasie ne peut même pas quitter son lit. Alors quelle valeur on a pour toi ? Pour le grand empire du Rex ? Hein ? »

Lina réalisa soudain qu'elle s'était levée dans son emportement. Le Rex lui lança un regard impassible, et elle se sentit soudain terriblement impuissante. Elle n'arriverait jamais à faire plier cet homme-là.

« Je vais voir ce que je peux faire, lâcha soudain le Rex. Je vais voir si je peux falsifier des dossiers et la faire admettre comme patiente dans un centre thérapeutique d'en-haut. »

Lina en fut tellement surprise qu'elle se rassit docilement. Elle s'était attendue à des menaces, à des remontrances, mais pas à ça.

« M… Merci, bafouilla-t-elle.
- De rien. Rentre auprès d'elle, maintenant. J'ai du travail. »

Le Rex sortit un tas de papiers de son bureau et s'y plongea sans lui accorder plus d'attention. Lina, hébétée, se leva de son siège et se dirigea vers la sortie.

« Ah, et, Lina ? l'appela le quarantenaire alors qu'elle ouvrait la porte.
- Oui ?
- La prochaine fois que tu me parles sur ce ton, je te tue. »