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Pokemonis T.1 : La Pokeball perdue de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 24/02/2016 à 08:44
» Dernière mise à jour le 13/11/2016 à 00:51

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Région inventée

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Chapitre 45 : Doigts miraculeux
Ludmila



Quand je repris conscience, deux choses m’interpelèrent : j’avais mal, et je ne pouvais plus bouger. Pas à cause de la douleur non, mais parce que j’avais été ensevelie sous une montagne de gravats et de débris. En se transformant, Tranchodon avait percé le plafond et détruit les murs tout autour de nous. Je pouvais encore entendre son rire à la surface. Je n’avais pas vu sa taille finale, mais vu ce qu’il avait fait, il pourrait nous marcher dessus par inadvertance et nous écrabouiller totalement. J’essayai de me dégager, mais c’était peine perdue. En désespoir de cause, j’appelai les autres.

- Penombrice ! Tu es là ? Tu vas bien ? Astrun ? Sire Cernerable ?

J’ignorais si j’étais la seule dans cette position peu confortable, ou si les autres étaient aussi enterrés dans leur coin. Ou si - et je préférais ne pas y penser - ils étaient déjà morts.

- Astrid ! Erniol ! Tannis ! Répondez-moi bon sang !

- L-Ludmila ?

Ah, une voix. C’était déjà ça de gagné, même si ce n’était pas celle que j’aurai préféré entendre.

- C’est toi, crétin de Kerel ? T’es où ?

- Juste en dessous de toi apparemment. Il me semble que ce sont tes fesses que je vois à quelques centimètres de mon visage…

- Eh bien, profite de la vue.

J’essayai de réfléchir malgré la situation. Cet éboulement de grande ampleur aurait pu passer sans mal pour une attaque Roche, et les Pokemon Glace craignaient cela. Penombrice avait peut-être pas mal morflé, mais j’espérais que Sucreine et Gallame, les partenaires d’Astrid et d’Erniol de mon Escouade Zéro, aient résister. Car en l’occurrence, si tous les autres humains étaient dans la même situation que moi et Kerel, on resterait bloqués un moment.

La solution vint bien d’un Pokemon, mais pas l’un de ceux que j’escomptais. Ce fut Pandarbare, avec sa force physique redoutable et sa solide carrure, qui entreprit de retirer les gravats et de me faire sortir. Qu’un ancien impérial me sauve me dérangeait un peu, mais ce n’était pas le moment de faire la fiche bouche. Je le remerciai donc à contrecœur et aidai à faire sortir Kerel en dessous de moi. Ce dernier tenait sa chère Cielali dans ses bras. Elle était inconsciente, mais ça semblait seulement dû à une bosse qu’elle se serait faite. Tannis émergea peu de temps après de lui-même, ses longs cheveux d’un noir de jais devenus gris à cause de la poussière. Il toussa et regarda devant lui.

- Ohhhhh, ça c’est moche…

Je tournai mon regard vers le sien. En effet, c’était moche. La silhouette de Tranchodon était désormais plus haute que la base du corps de Jartobylon. Son corps avait changé, lui aussi. Il était plus sombre, plus effrayant, et avec d’immenses lames dorées un peu partout. Les flammes de la forêt tout autour de nous lui donnèrent un aspect encore plus terrible, tel un démon sorti de l’Enfer pour ravager la surface. Par tous les foutus dieux Pokemon du passé, qu’est-ce que c’était que ça ?! Depuis quand un Tranchodon pouvait-il évoluer, qui plus est en un monstre pareil ?

- AH AH AH ! TREMBLEZ, TOUS AUTANT QUE VOUS ETES ! QUELLE PUISSANCE EXTRAORDINAIRE !

Tranchodon semblait avoir totalement oublié les cibles Paxen qu’il devait éliminer, et s’adonnait joyeusement à annihiler les soldats au sol. Il les écrasait, il les envoyait voler d’un coup de pied ou d’un revers de queue, ou il les atomisait avec ses attaques Dracochoc qui avaient désormais la puissance d’une vingtaine d’Ultralaser rassemblés. Tranchodon s’en prenait aux Paxen oui, mais aussi à ses propres soldats Pokemon impériaux. Il tuait sans distinction, tout à sa joie de tester sa nouvelle puissance.

On parvint de notre coté à faire sortir tout le monde des décombres. Comme je l’avais supposé, Penombrice était en plusieurs morceaux, mais rien de bien grave pour lui ; il pouvait se reconstituer en quelque minutes. Tout le monde était vivant, mais Astrun était sévèrement blessé, et avait une hémorragie sérieuse au crâne. J’ordonnai au Sucreine de mon Escouade Zéro de vite l’amener voir un toubib. Cernerable s’était lui approché du rebord brisé des remparts de la cité pour contempler le carnage aveugle de Tranchodon.

- Il a trouvé comment évoluer alors qu’il ne pouvait plus ? Lui demanda Pandarbare. Comme vous et Son Excellence le Général Légionair ?

- Non, répondit Cernerable. C’est là une évolution qui n’en est pas une. Quelque chose qui provient de la sombre science de l’Empire, tout comme les évolutions de la Trigarde Impériale. À ceci près que les Pokemon de la Trigarde ont bénéficié d’un entraînement rigide, autant du corps que de l’esprit. Ils ont pu contrôler leur nouvelle forme. Là, j’ai bien l’impression que Tranchodon se fait engloutir par son propre pouvoir…

En effet, Tranchodon, ou quoi qu’il fut maintenant, avait perdu l’esprit. Ses cibles étaient tout ce qui bougeait, et même ce qui ne bougeait pas. Il détruisait tout et n’importe quoi en gloussant sans s’arrêter. Parfois, il attrapait même une poignée de Pokemon ou d’humains au sol pour les dévorer. Je secouai la tête. Tout cela me répugnait. Même si je le détestais, Tranchodon était un soldat, comme moi. C’est avec une certaine forme d’honneur et de fierté de combattants que nous aurions pu régler nos comptes. Mais ça… ça, ce n’était plus une guerre. Juste un massacre aveugle et dément, n’ayant pas d’autre but que de relâcher une puissance et un sadisme qui menaçaient de déborder de ce nouveau corps.

- Il faut l’arrêter, conclut Cernerable. Ce n’est plus affaire de notre lutte contre l’Empire maintenant, mais bien de la survie de la planète. Tranchodon, tel qu’il est maintenant, poursuivra son œuvre de destruction à jamais.

- Pourquoi ? Demandai-je avec aigreur. Ce n’est pas notre responsabilité. On n’a qu’à filer, se cacher et laisser l’Empire s’en charger. Je suppose qu’il devra bien réagir après que ce monstre aura annihilé toutes les cités sur son passage.

- Tu aimerais qu’il recommence ce qu’il a fait à la Vallée des Brumes dans toutes les cités de l’Empire ? Combien d’autre jeunes Flabébé mourront cette fois ?

C’était Tannis qui venait de parler, ce qui me surprit, car il ne me contredisait jamais. Je lui lançai un regard noir. Considérant son passé, s’il y avait bien quelqu’un ici qui n’était pas vraiment à même à m’opposer la question de la moralité, c’était lui.

- Je suis d’accord avec Tannis, intervint Kerel. On était tous d’accord pour buter le colonel Tranchodon pour ce qu’il avait fait. Qu’il se soit transformé en monstre géant ne change rien.

- Ah oui ? Ripostai-je. Et tu te proposes de faire comment pour le tuer, l’intello ? Tu vas lui faire la même prise avec laquelle tu as battu cet humain, Galbar, dans l’arène de ta cité paumée ?

- Vos bâtons Desgen fonctionnent sur tous les Pokemon, petits ou grands…

- Seulement au contact du sang ! Les écailles de Tranchodon étaient déjà hyper dures avant, alors maintenant… C’est pas un bâton qu’il nous faudrait, mais un harpon, et lancé avec la force d’une centaine de Pokemon Combat !

- Eh bien, nous n’avons qu’à viser les parties non protégées par les écailles, proposa Tannis. La bouche et les yeux.

Je fis mine de mesurer la taille de Tranchodon en levant lentement la tête.

- OK. Tu passes devant et tu me montres comment on fait, hein ?

- Je suis sûr que si on lui demande gentiment, il acceptera de nous bouffer, plaisanta Tannis. On pourra alors lui planter notre bâton dans la bouche avant qu’il nous avale.

Tranchodon avait commencé à se désintéresser des fourmis à ses pieds pour se tourner vers Jartobylon. Ce dernier lui avait tiré une attaque Ecosphère en plein sur le torse, qui le fit reculer de quelque pas. Avant son évolution maléfique, une attaque de cette ampleur l’aurait éliminé sur le coup. Mais désormais, avec sa nouvelle taille, ça ne lui fit presque rien. Tranchodon regarda le Pokemon Merveilleux avec un air gourmand.

- JE RAMENERAI TA LONGUE TÊTE À SA MAJESTÉ. VIENS DONC GOÛTER À MON ATTAQUE GUILLOTINE !

Vu la longueur de ses lames, il ne faisait aucun doute que même un Pokemon aussi énorme et avec un cou aussi épais que Jartobylon allait y passer. Ce ne serait pas un combat équitable. Tranchodon, malgré sa taille, pouvait se mouvoir assez vite, ce qui n’était pas le cas du Pokemon Merveilleux qui portait toute une cité sur son dos.

- Il nous faut agir ! Nous exhorta Cernerable. Jartobylon est des nôtres. Sa mort, c’est celle des Paxen ! Montez !

Il nous regardait, Kerel, Tannis et moi. Même si on courrait droit vers une mission suicide inutile, j’obéis. Cernerable avait quelque chose, à la fois dans le regard et dans la voix, qui nous poussait toujours à lui obéir quoi qu’il pouvait demander, même pour quelqu’un d’aussi peu disposé à l’égard de l’autorité que moi. Nous dûmes nous serrer à trois, mais Cernerable parvint à nous transporter sans difficulté. Kerel était devant moi, et je devais m’agripper à lui pour ne pas tomber, ce qui m’agaçait. Et Tannis, derrière moi, s’agrippait à moi, ce qui m’agaçait encore plus, d’autant qu’il semblait y prendre un malin plaisir. Quelques Pokemon présents nous suivirent, et plus étonnant, Pandarbare lui-même. Avec sa vitesse coutumière, Cernerable nous mena jusqu’à la tête de Jartobylon après nous avoir fait traverser son cou. De là, nous avions une vue imprenable sur Tranchodon et son visage de cauchemar.

- Nous venons vous assister, noble Jartobylon, dit Cernerable.

Vu que nous nous tenions sur sa tête, le Pokemon tortue ne put nous voir, mais nous répondit tout de même.

- Je vois je vois. C’est un honneur, messire Cernerable. Mais celui-là risque de poser problème. C’est la première fois que je peux regarder un Pokemon dans les yeux sans baisser la tête.

Jartobylon n’avait certes pas besoin de baisser les yeux pour soutenir le regard terrifiant et rougeoyant du géant Tranchodon. Ce n’était pas mon cas. Toute grande gueule que j’étais, parvenir à soutenir le regard de Tranchodon m’était impossible. Face à ce monstre, je me sentais totalement insignifiante, aussi vaine qu’un insecte. Tannis et Kerel devaient ressentir la même chose.

- Ressaisissez-vous, nous ordonna Cernerable. Il utilise l’attaque Gros Yeux sans le savoir. Ne le laissez pas alourdir vos cœurs !

Quelle importance, que l’on subisse Gros Yeux ou pas, de toute façon ? Si on se prend un coup de ce monstre, on mourra sur le coup, et ce quelle que soit notre défense. D’ailleurs, Tranchodon venait de nous remarquer sur la tête de Jartobylon, et avança sa main comme pour nous attraper. Cernerable partit au quart de tour, et sauta carrément sur le bras de Tranchodon, tandis que Jartobylon, d’un coup de patte au sol, fit sortir d’épaisses lianes de la terre qui se mirent à s’enrouler autour des jambes du colonel. Agacé, Tranchodon poussa un rugissement, et secoua son bras pour tenter de nous faire tomber. Mais Cernerable tint bon, et nous nous approchions rapidement de la tête de notre ennemi.

- Ludmila, tu es prête ? Me demanda Cernerable.

- Prête quand vous l’êtes, m’sire.

J’empoignai mon Chendesgen à deux mains. Si j’arrivais à lui transpercer un œil avec ça, c’en serait fini de ce monstre de Tranchodon.

- Je vais me servir de mes pouvoirs psychiques pour te propulser sur son visage ! Me cria Cernerable.

Je ne lui demandai pas s’il comptait me récupérer ensuite. Ce n’était pas mon souci premier. Le seul qui comptait, c’était de tuer Tranchodon. J’en étais consciente ; le sort des Paxen, voir même du monde entier, reposait sur mon bâton Desgen évolué dans mes mains.

- PRÊT ! Hurla Cernerable.

Il fit un long bond une fois arrivé à l’épaule de Tranchodon, et je me sentis propulsée de son dos par ses pouvoirs psychiques. Je filai comme une fusée sur le visage de Tranchodon, ciblant son œil gauche. Occupé à se dépêtrer des lianes de Jartobylon, Tranchodon ne me remarqua pas. Il fut bien obligé de me remarquer quand je lui enfonçai mon Chendesgen dans son œil jusqu’à la garde. Le bâton n’était pas assez long pour atteindre son cerveau, mais il y en avait pas besoin : le poison anti-ADN de Pokemon dans le bâton se rependrait bien vite.

Le cri de douleur qui poussa Tranchodon fut tel qu’il me sembla que mes tympans avaient explosé. Je voulais lâcher prise avant qu’il ne m’écrase contre son visage, mais si je tombais de cette hauteur, j’étais finie. Mais comme je vis que Tranchodon approcher sa main dangereusement, je m’aidai de mes pieds pour faire sortir le Chendesgen de l’œil puis je me laissai tomber plus bas. À la base du torse, je replantai le bâton dans Tranchodon ; pas pour le blesser davantage, car ça ne traverserait pas ses écailles, mais pour stopper ma chute et m’agripper.

- V-VERMINES ! Hurla Tranchodon en se débattant sous l’effet de la douleur, ce qui provoqua un beau bordel tout autour de nous.

- Dépêche-toi de crever, salopard, grinçai-je sous l’effort pour me retenir au bâton.

Mais Tranchodon fit alors quelque chose que je n’avais pas prévu. Il s’enfonçant les griffes dorées de sa main droite dans son œil touché, et d’un coup, se l’arracha, en hurlant encore plus fort. Est-ce que ça allait empêcher l’infection de se répandre dans tout son corps ? J’en savais rien, mais ça allait forcément la ralentir. Même si Tranchodon mourrait dans une heure, il aurait le temps de tout détruire aux alentours. Avec son œil valide, il me remarqua accrochée contre son torse. Je n’eus que deux secondes avant de finir aplatir comme une mouche, et je lâchai prise avec mon bâton. Je chutai jusqu’à son genou où je m’écrasai violement avec une douleur atroce, quand Cernerable ressurgit de je ne savais d’où, et me récupéra avant que je ne tombe au sol. Ce fut Tannis qui me rattrapa.

- Eh ?! Ludmila, ça va ?!

J’envie envie de lui dire que non et qu’il était un crétin pour oser demander ça, mais je ne réussis qu’à tousser du sang. Mauvais ça… Pendant ce temps, Tranchodon avait mis Jartobylon hors de combat avec une attaque Dracogriffe. Le Pokemon Merveilleux semblait vivant, mais inconscient. Tranchodon ne se soucia nullement de l’achever. Il recula un peu, et se positionna dans une pose étrange, les bras écartés. La pression qui se dégageait de son corps sembla grimper d’un coup.

- Il utilise Danse-Lames ! S’exclama Cernerable.

En effet, il faisait bien Danse-Lames, l’attaque qui permettait d’augmenter grandement sa puissance physique. Mais il ne s’arrêtait pas. Il continuait à enchaîner les Danse-Lames, sans bouger.

- JE VAIS TOUS VOUS ANNIHILER, PAUVRES REBELLES ! VOUS ALLER PAYER VOTRE IMPUDENCE !

Cernerable alla se reposer sur les remparts du premier niveau de la cité. Étant incapable de descendre de moi-même, Kerel et Tannis m’aidèrent et me posèrent à terre. Outre mes jambes que je ne sentais presque plus, j’avais hyper mal aux cotes, et vu le sang que je crachais, je devais m’en être brisée plus d’une.

- C’est terrible… murmura Cernerable. Tranchodon compte se booster au max en attaque. Avec toutes les Danse-Lames qu’il aura accumulés, et sa toute nouvelle puissance, une seule attaque de sa part pourrait annihiler une grande partie du pays !

- Il faut y retourner ! Dit Tannis.

- Je crains que ce ne soit plus possible pour moi…

Cernerable regarda d’un air sombre sa patte avant gauche, qui était ensanglantée et qui se tenait à peine droite.

- Il m’a blessé tandis qu’il se débattait de douleur. Je ne pourrai pas remonter sur lui comme je l’ai fait. Et nous n’aurons pas le temps de trouver un Pokemon Vol.

Défait, Tannis laissa retomber ses bras.

- Alors… c’est fini ?

Impuissants, nous ne pûmes que regarder Tranchodon accroître sa puissance, dans l’attente du coup fatal qui allait immanquablement arriver.


***


Kerel




J’avais été impressionné par Ludmila, comment elle avait jailli à toute vitesse sur le visage de Tranchodon pour lui enfoncer son bâton Desgen dans l’œil. Mais ça n’avait pas suffi. Et maintenant, notre ennemi se préparait à lancer une attaque qui allait probablement fendre la Terre en deux. Il se chargeait avec ses Danse-Lames, et nous ne pouvions rien faire pour l’en empêcher. Ce malade allait vaporiser son armée en même temps que la base Paxen, mais dans son état, il devait s’en ficher totalement, s’il ne s’en était déjà pas fichait avant.

Peut-être avait-il été blessé mortellement par le coup de Ludmila ? Peut-être le poison du bâton Desgen aurait-il à terme raison de lui-même s’il s’était arraché son œil rapidement… Mais c’était une incertitude. La seule certitude que j’avais, c’était que je ne le verrai pas. Et ça ne me plaisait pas. Quel intérêt que Tranchodon périsse si je n’étais pas là pour le voir ou pour le savoir ? Et que cette ordure parvienne à triompher en détruisant la base Paxen me laissait un arrière-goût dans la bouche, quand bien même je n’étais pas un amoureux notoire de la cause rebelle.

- Non, dis-je en réponse à Tannis.

Les autres me regardèrent avec des yeux ronds.

- Non, insistai-je. Ça ne peut pas être fini ! J’abandonnerai quand je serai mort !

J’étais prêt à escalader seul le corps de Tranchodon s’il le fallait, mais le destin semblait en avoir décidé autrement. Car ce fut ce moment que choisit Cielali pour nous rejoindre. Elle volait avec hésitation et avait une grosse bosse sur le crâne, mais elle semblait aller bien. Le feu meurtrier dans ses yeux quand elle contempla Tranchodon n’avait pas changé du moins. Non, ce n’était pas fini…

- Cielali ! Vous pensez pouvoir m’amener quelque part ? lui demandai-je.

Elle me regarda avec perplexité, pensant sans doute que je voulais fuir très loin.

- Où ça ?

- Là-haut, fis-je en montrant la tête de Tranchodon.

Ludmila fut secouée d’un petit ricanement qui se mua en grognement de douleur. Sans mot dire, elle me lança son bâton Desgen amélioré. Pour la première fois, son regard me disait qu’elle me traitait en égal et qu’elle comptait sur moi. Je lui fis un bref hochement de tête. À mon ancienne maîtresse, je dis :

- Désolé d’avance si jamais on se fait tuer. Mais c’est notre dernière chance.

- Je ne me vois pas mourir ailleurs qu’à tes cotés, répondit Cielali en m’agrippant le col.

Nous nous lançâmes dans les airs, et depuis le début de la bataille, je me sentis bien, en paix. J’étais avec Cielali. Nous étions unis dans un même but et prêts à mourir pour l’accomplir. Le monde pouvait bien s’autodétruire, je m’en fichais. J’étais avec ma sœur d’âme, ma seconde moitié. Ce fameux lien humain-Pokemon que les Paxen cherchaient à défendre et à répandre. Ce n’était pas du pipo, ce lien. C’était vrai, et c’était fort. Tranchodon avait beau faire une vingtaine de mètres et disposer d’une force phénoménale, il était seul. Avec Cielali derrière moi qui me soulevait, je me sentais plus fort que lui. Pour preuve, je brandis le Chendesgen et je lui hurlai :

- TRANCHODOOOONNNNN !

Le monstre borgne daigna baisser son regard vers nous. Il nous fit un sourire qui indiquait très clairement son envie de nous gober. Il tendit un de ses bras pour nous attraper, et ce à une vitesse alarmante, mais Cielali parvint à l’esquiver à la suite d’une pirouette aérienne qui me laissa avec l’estomac tout retourné. Tout en volant, Cielali tenta de l’attaquer avec Lame Air, mais l’attaque vol se dissipa quand elle toucha les écailles noires de Tranchodon, sans effet notoire.

- VOILÀ DES MOUCHES INSIGNIFIANTES, ricana Tranchodon. ELLES NE VALENT MÊME PAS LA PEINE QUE JE M’OBSTINE À LES ATTRAPER.

Joignant le geste à la parole, Tranchodon fit passer une seule de ses griffes dorées en mode Dracogriffe, reconnaissable à sa lueur violette. Même quand cette griffe nous effleura de quelques mètres, nous sentions la terrible puissance qui s’en dégageait. Un seul contact, et nous serions sans doute désintégrés. Cielali avait beau se démener pour tenter d’atteindre sa tête, il nous était impossible d’approcher à portée des bras de Tranchodon. Et au bout d’un moment, Tranchodon avança d’un pas. Il bloqua d’une main la trajectoire de Cielali, et de l’autre nous visa soigneusement avec sa Dracogriffe. Arrêtée dans son élan, Cielali ne pourrait pas esquiver à temps. Tranchodon le savait, et son sourire maléfique s’était élargi. Nous étions finis. Bien que sachant que c’était inutile, mes bras réagissent instinctivement et se levèrent comme pour parler le coup. Je fermai les yeux.

Je sentis le choc. Déjà, ce simple fait était bizarre, car je n’aurai dû rien sentir du tout, et mourir sur le coup. Or là, je sentais comme si je venais d’attraper quelque chose de lourd et arrivant à très grande vitesse. Mes bras me brûlaient, mes muscles hurlaient, mais mes mains, étrangement, ne me faisaient pas souffrir. Étonné, je rouvris les yeux. Le bâton Desgen de Ludmila que je tenais avait été réduit en miette, mais la griffe de Tranchodon s’était immobilisée au contact de mes deux mains levées. Non, elle ne s’était pas immobilisée ; c’était moi qui l’avait arrêté. Une main qui faisait ma taille.

- QUOI ?! QUE…

Tranchodon était aussi ébahi que moi. Je sentis une force anormale en provenance de mes mains ; la même chose que j’avais ressenti quand je combattais les impériaux en bas. Et cette fois, je les vis. Mes doigts avaient pris une teinte étrangement verte et fluo, comme si le sang qui circulait dedans contenait une colonie de lucioles minuscules. Tranchodon retira sa main, et je pus regarder ce phénomène de plus près. En effet, mes doigts étaient striés de traits luminescents. Effrayé malgré moi, j’essayai de les frotter pour retirer cette chose, quoi que ça puisse être, mais ça ne voulait pas partir. Cet éclat vert sur mes doigts n’échappa pas à l’œil aguerri de Tranchodon, qui s’agrandit sous la surprise.

- IMPOSSIBLE… L’ETHER, CHEZ UN VULGAIRE HUMAIN ?!

Tranchodon avait l’air vraiment effrayé pour le coup. Il semblait comprendre ce qu’était ce phénomène, ce qui n’était absolument pas mon cas. Mais pour l’instant, je n’avais besoin de comprendre que ceci : mes doigts soudainement devenus verts étaient parvenus à bloquer l’attaque de Tranchodon, alors que j’aurai dû être réduit en bouillie. Et Tranchodon avait peur. Peur au point d’ouvrir grand sa gueule et de nous tirer dessus une attaque Dracochoc de la taille d’une maison. Ça, je ne tenais pas à essayer de le bloquer...

- Cielali !

- Oui !

Mon ancienne maîtresse lança une attaque Vent Violent sur elle-même pour s’aider à prendre de l’altitude rapidement et esquiver l’attaque, qui alla s’écraser sur une montagne en l’atomisant purement et simplement. Désormais, nous étions plus hauts que la tête de Tranchodon. Je réfléchis. Je n’avais plus de bâton Desgen, mais j’avais toujours mes doigts lumineux, et je sentais cet afflux anormal de force à mes extrémités.

- Cielali, placez-moi juste au-dessus de sa tronche, et lâchez-moi avec la plus puissante attaque Vol que vous ayez.

- Qu’est-ce que tu comptes faire ? S’inquiéta Cielali.

- Une attaque suicide. Je ne vois rien d’autre.

- Je ne peux pas ! Si je te propulse, je ne pourrais pas te récupérer ensuite ! Et mon attaque Vol te blessera immanquablement !

- Si j’échoue, nous mourrons tous. Alors autant tenter le coup.

- Kerel, tu…

- Cielali, la coupai-je avec force. Fais-moi confiance.

Je me rendis compte que je venais de la tutoyer sans prendre garde, et ce fut sans doute ça, plus qu’autre chose, qui la fit accepter. Elle me positionna juste au-dessus de la gueule de cauchemar de Tranchodon, qui avait perdu toute mesure et se préparait visiblement à se servir de ses lames pour une attaque Guillotine ultime. Je ne pourrai pas éviter ça en pleine chute. Je devais faire confiance à mes doigts verts. C’était un pari de fou, d’autant que je ne savais rien de ce qui m’arrivait, mais quand il n’y avait plus aucune solution sensée, il ne restait que la foi, aussi absurde puisse-t-elle être.

- MAINTENANT !

Cielali me lâcha avec un élan vers l’avant, puis elle utilisa une attaque Lame Air sur mes pieds pour me propulser en avant. Je sentis la morsure de l’attaque sous mes talons, et probablement qu’elle dut me trancher plusieurs centimètres de peau. Mais ça eut l’effet désiré, et je partis à toute vitesse vers le visage de Tranchodon. Ce dernier hurla et croisa ses lames juste devant moi. Une attaque Guillotine d’un Pokemon de cette taille, boostée avec plusieurs Danse-Lames. Et moi, un petit humain qui, pour se protéger, brandit ses deux mains aux doigts lumineux, une en avant et une derrière.

Je ne sus pas bien ce qu’il se passa durant l’impact. Sans doute le choc et la douleur m’ont tellement désarçonné que je n’étais plus mentalement présent. La première chose que je remarquai, c’était que ma main gauche que j’avais mis devant était désormais mutilée. Tous mes doigts hormis le pouce avaient été tranchés à demi. Et l’autre chose que je remarquai, c’était que les deux lames gigantesques de Tranchodon avaient été brisées.

Je ne réfléchis pas plus longtemps, et continuai ma course à toute vitesse vers le visage de Tranchodon, avec cette fois ci ma main intacte en avant. Mes doigts brillaient toujours, et même plus qu’avant. La dernière chose que je vis de Tranchodon fut son air terrifié tandis que je tombais sur lui, vers son œil intact. Ma main magique s’enfonça, suivi du reste de mon corps. Tout se passa très vite, et je gardai les yeux fermés. J’avais conscience de traverser plusieurs couches distinctes, puis une dernière bien plus dure, avant de me retrouver à l’air libre.

Je venais de traverser de part en part la tête de Tranchodon.
Le sol s’approchait de moi. Mon dernier geste conscient fut de mettre ma main intacte en avant. Si mes doigts verts durent amplement amortir ma chute, la douleur fut néanmoins terrible. Avant de perdre connaissance, j’entendis le dernier cri de Tranchodon, suivit de sa chute et du profond impact quand son corps immense toucha le sol.


***


Galbar




Eh bien, ça, ce n’était pas un spectacle qu’on pouvait voir tous les jours !
Méga-Tranchodon venait de s’écrouler, le crâne traversé de part en part par Kerel. Que s’était-il passé au juste ? Comment ce faiblard de Kerel avait-il pu accomplir un prodige pareil ? Tuer un si puissant et énorme Pokemon à lui tout seul en lui passant par les yeux, en lui détruisant le cerveau et en ressortant à l’arrière du crâne ?! La caméra holographique que je tenais trembla en même temps que mon bras.

Mon nouveau maître m’avait envoyé ici, pour observer discrètement la façon dont le colonel Tranchodon allait mener cette bataille. Je retransmettais en ce moment même les images de ce que je voyais à mon maître, resté dans son quartier général. Je pressentais que ce qu’il voyait n’allait pas lui plaire. Car Méga-Tranchodon avait à lui seul balayé une grande partie de sa propre armée, et maintenant qu’il était mort, beaucoup de Pokemon impériaux prenaient la fuite. Ceux qui restaient, désorganisés et découragés après la perte de leur commandant, étaient impitoyablement massacrés par les Paxen. Devant cette débandade généralisée, j’éprouvais le besoin de m’excuser, même si je n’y étais pour rien.

- Je suis désolé, maître…

La voix de mon nouveau maître retentit à travers l’orbe holographique.

- Ne le sois pas. Es-tu responsable de quelque chose dans l’échec de Tranchodon ?

- Non maître.

- Alors il n’y a nul besoin d’excuse. Le seul responsable est Tranchodon.

Mon nouveau maître était très différent de Frelali, ça c’était sûr. Mon ancien maître - que j’ai tué moi-même - n’aurait pas eu de mal de m’accuser et de me punir. Au lieu de m’enfuir et de me cacher après sa mort, j’étais rentré avec les forces du colonel Tranchodon. Il m’a amené à Koruuki, la forteresse impériale de mon futur maître. Tranchodon, dans son rapport, a bien été obligé de mentionner ce que j’avais fait pour lui et pour récupérer la Pokeball de l’Empereur. En remerciement pour mes actions, mon maître m’a pris comme esclave personnel. Un immense honneur, étant donné la place de mon maître dans la hiérarchie impériale. Quelqu’un de bien au-dessus de ce misérable Frelali. Et c’était tout ce que je désirais : devenir l’esclave d’un Pokemon très puissant, et ainsi devenir moi-même un humain très puissant.

- J’avais pressenti l’échec de Tranchodon, disait mon maître. Il a toujours été si prompt à sous-estimer l’adversaire quand il s’agissait d’humains. Ce fut apparemment sa dernière erreur. J’ai gâché une Gemme Noire avec lui. Mais tant pis. Et puis… sa mort m’a permis d’être le témoin de quelque chose d’incroyable !

Quelque chose d’incroyable, oui… Je pensais pourtant bien connaître Kerel, mais je n’en étais plus si sûr. Qui était-il réellement, pour posséder de telles capacités ?!

- Je vais laisser les Paxen courir un moment. Il est nécessaire de bien tout comprendre pour pouvoir bouger nos pièces. Peut-être devrai-je parler à Sa Majesté l’Empereur au sujet de tout cela. Quoi qu’il en soit, tu rentres à Koruuki, Galbar.

- Bien, Maître Légionair.