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Pokemonis T.1 : La Pokeball perdue de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 02/03/2016 à 10:26
» Dernière mise à jour le 08/09/2019 à 19:20

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Action   Aventure   Présence de Pokémon inventés   Région inventée

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Chapitre 46 : Des questions et... des questions
Cielali


Kerel était toujours inconscient. Cela faisait deux jours depuis la bataille et la mort du colonel Tranchodon. Les meilleurs médecins Pokemon Paxen - dont messire Anthroxin lui-même - avaient examiné Kerel et avaient assuré qu’il allait bien et qu’il se réveillerait en temps et en heure. Il était seulement épuisé physiquement ; la cause à son étrange pouvoir qui lui avait permis de terrasser Tranchodon. Il avait souffert de plusieurs fractures du fait de sa chute, mais rien que les médecins n’aient pu guérir en un clin d’œil. Il y avait juste le problème des doigts de sa main gauche : ils avaient été tranchés, et là, même Anthroxin aurait eu du mal à les faire repousser. Mais on pouvait survivre avec quatre doigts en moins. Considérant ce qu’il avait fait, il s’en sortait fichtrement bien.

J’étais restée à son chevet, dans l’infirmerie de la cité, une grande partie de ces deux jours. Je ne savais pas trop ce qu’il se passait au dehors. On devait encore sans doute soigner les blessés à tour de bras et compter les morts. Penombrice était passé pour m’informer des premiers chiffres ; on dénombrait pour l’instant au moins trois cents morts, ce qui faisait le tiers des effectifs totaux de la cité, et ce chiffre allait probablement encore augmenter. Les Paxen avaient payé un lourd tribut pour cette bataille, mais au moins ils avaient survécu. Grâce à Kerel. Et un peu à grâce à moi aussi, il est vrai. Beaucoup de Paxen étaient venus nous voir à l’infirmerie pour nous remercier ou nous féliciter. Nous étions tout juste arrivés et nous voilà déjà célèbres et appréciés.

En temps normal, cela m’aurait ravie, mais j’étais encore trop chamboulée par la bataille et ce qui était arrivé. Je portais Kerel quand j’ai vu moi aussi ses doigts s’illuminer de cette lueur verte fluo, et j’ai vu comment il avait stoppé net les griffes de Tranchodon, puis comment il avait brisé ses deux lames, avant de lui trouer le crâne avec sa seule main. Je ne me l’expliquais pas. Personne ici ne se l’expliquait. Je vivais avec Kerel depuis des années, et jamais encore je ne l’avais vu faire ça. Bien sûr, il était fort physiquement - je l’avais assez vu se battre dans l’arène pour le savoir - mais même le plus fort des humains n’aurait pas pu accomplir ce genre de prouesses.

Le fait est que Kerel avait tué Tranchodon. La mort du colonel est ce que j’avais souhaité dès que j’ai quitté Ferduval. J’en ai rêvé la nuit, j’ai pensé que jamais je ne retrouverais le repos si je ne me vengeais pas. Maintenant, c’était fait, et je n’étais pas plus en joie que ça. Juste heureuse d’être en vie, et soulagée que Tranchodon ne commettrait plus jamais d’horreurs dont il avait l’habitude. Comme quoi, Ludmila avait raison. L’accomplissement d’une vengeance tant désirée ne nous apportait guère de salut.

Et maintenant que ce point était réglé, j’avais toujours autant de mal à envisager le futur. Devenir Paxen ? Oui, sans doute. Mais étais-je faite pour la vie militaire, moi qui ai toujours vécu dans mon petit cocon confortable ? Et de quel droit j’irai juger les Pokemon Impériaux qui eux n’avaient pas eu l’idée de se révolter, alors que j’étais encore comme eux il y a peu ? Je pensais sincèrement que l’Empereur était mauvais, mais ça ne voulait pas dire que tous ceux qui croyaient en lui l’étaient également. C’était si compliqué…

- Cielali ?

Je sursautai. Kerel venait d’ouvrir les yeux. J’étais si heureuse que je m’enfouis contre son cou sans retenir mes larmes.

- Kerel… Oh Kerel ! Sanglotai-je.

Gêné, mon ami humain tenta un pauvre sourire.

- Eh bien… Je devais être au seuil de la mort pour être accueilli comme ça à mon réveil.

- Idiot ! Ce que tu as fait était insensé !

- Mais ça a marché ? Tranchodon… il est bien mort ?

Je reculai et hochai la tête.

- Oui, c’est fini. Son armée est décimée et en fuite. Les Paxen ont survécu.

Kerel souffla un bon coup.

- Alors, c’est bon. Je pourrai penser à Sol sans paraître coupable…

Il examina rapidement son corps et grimaça à la vue de sa main gauche entourée de bandages, puis haussa les épaules. Je n’avais pas compté l’interroger tout de suite à ce sujet, mais je ne pus me retenir.

- Kerel… La façon dont tu as tué Tranchodon… Tu sais… Le truc avec tes doigts qui sont devenus verts… C’était quoi, exactement ?

- J’en sais rien. Sincèrement. C’est juste… venu comme ça, et j’avais alors l’impression que mes doigts s’étaient transformés en un acier indestructible.

- Tu saurais le refaire ?

- Je ne sais même pas comment je l’ai fait la première fois…

Il souleva son bras droit et regarda sa main. Il bougea ses doigts, il plissa les yeux comme s’il se concentrait sur quelque chose, mais rien ne se passa.

- Sire Cernerable doit sûrement savoir ce que s’était, dit-je avec optimisme. Il sait tellement de choses et a vécu si longtemps…

- Mouais… Pour ma part, et même si ça nous a sauvé, je ne suis pas chaud pour retenter l’expérience. Ça me fout les jetons, ce genre de trucs paranormaux. Les humains ne sont pas censés posséder un quelconque pouvoir.

C’était vrai. Dame Sol avait bien eu des pouvoirs, mais c’était un cas à part, du fait de son espèce de fusion avec le Pokemon Dracoraure. Et puis… Xanthos avait eu des pouvoirs aussi, sans nul doute, sinon il n’aurait pas vécu si longtemps. Mais je ne savais rien sur leur nature, pas plus que celle de l’exploit de Kerel. Le monde regorgeait de bien plus de mystères que je l’avais imaginé dans ma petite vie tranquille à Ferduval. C’était inquiétant, mais d’un autre coté, c’est aussi ça qui rendait le monde et la vie si intéressants.

L’annonce du réveil de Kerel se répandit dans la base, et bientôt on eut droit à plusieurs visiteurs. Tannis, avec son air éternellement joyeux, vint le premier, et entama une longue série d’exclamations sur ce qu’avait fait Kerel face à Tranchodon. Ludmila et son air toujours ronchon suivirent, apparemment amenée de force par Penombrice. La première chose qu’elle fit en entrant fut de foudroyer Kerel du regard et de s’exclamer :

- Pov’ type ! Tu as détruit mon Chendesgen ! Sais-tu combien de temps Anthroxin a mis pour me le fabriquer, mmgrrr ?!

Elle frappa Kerel à l’épaule, assez fort pour qu’il gémisse à cause de ses blessures, mais pas assez pour que ce soit considéré comme un geste de colère sincère. C’était difficile à dire avec Ludmila, mais je croyais qu’elle était elle aussi soulagée de voir Kerel réveillée, et qu’elle le cachait avec ses manières cassantes habituelles. Puis, plus surprenant, Cresuptil vint aussi, l’air d’être passé là par hasard comme s’il cherchait des jails cachés. Nous étions tous réunis. Notre petit groupe avec lequel nous avons tant voyagé sous la direction de Dame Sol. Nous avions beau être tous très différents et souvent pas d’accord sur ceci ou cela, mais un lien s’était créé entre nous, c’était certain.

Tous voulurent savoir comment Kerel avait fait pour abattre Tranchodon, et il dut confesser son ignorance plus d’une fois. Moi, je me souvenais aussi du cri que Tannis avait poussé contre Tranchodon, et qui avait comme paralysé tous les Pokemon présents, moi y compris. Les humains recelaient bien des mystères. Peut-être était-ce pour ça que l’Empire cherchait tant à les contrôler. Il avait peur d’eux. Ludmila, qui était dans le secret du commandement Paxen, nous tint au courant des derniers évènements.

- Ce qui reste de l’armée de Tranchodon a filé dans plusieurs directions. L’Empire est sans doute désorganisé suite à notre victoire inattendue, mais on ne pourra pas rester ici éternellement.

- Oui, ils savent où nous trouver maintenant, dit Kerel.

Je remarquai qu’il avait dit « nous » et plus « vous » en parlant des Paxen. Avait-il fini par se considérer pleinement comme un des leurs ?

- On va changer de base ? Quitter Jartobylon ?

- Non, répondit Ludmila. La cité de Jartobylon reste notre meilleure base possible et la plus défendable. En revanche, il nous faudra changer d’endroit. On s’active à reconstruire tout ce qu’on peut des zones détruites de la cité, puis Jartobylon se mettra en route. Vous avez peut-être remarqué ? Il est déjà en train de tourner, mais gros comme il est, et vu comment la cité a été fragilisée, ça prend du temps.

- De tourner ? S’étonna Cresuptil. Pourquoi faudrait-il tourner ?

- Parce qu’il reste toujours le cadavre de Tranchodon, juste devant lui, expliqua Penombrice. Vu sa taille, Jartobylon ne peut pas lui passer dessus.

- On va laisser ce balourd là ? Ça serait dommage, fit Tannis. Vous ne pouvez pas le découper en petits morceaux ? Ça nourrirait les Paxen pour des mois ! On pourrait même en faire du ragoût ! Ça ne te tente pas Ludmila, un bon ragoût de dragon ?

- Il te faudra vachement l’épicer si tu veux m’en faire goûter, répliqua cette dernière.

Kerel sourit. Il était manifestement content de voir ses camarades autour de lui, plaisantant comme si de rien n’était. Même si notre victoire a été comme une éclaircie, le futur des Paxen était toujours sombre et des plus incertains. Mais Kerel et moi, nous avions lié nos destins à ce futur. Il n’y avait pas à le regretter. Nous ne pouvions plus que nous battre pour améliorer ce futur. De quoi l’avenir serait fait, j’en savais rien. Mais tant que je serais avec Kerel, je pourrais l’affronter.


***


Astrun




- Alors, votre décision est prise ? Demandai-je.

Pandarbare hocha la tête.

- J’ai pu constater de votre force. Vous avez vaincu le colonel Tranchodon. Je vous suis reconnaissant de m’avoir libéré, mais je n’ai jamais eu l’intention de me rallier à votre cause. Je veux découvrir la vérité, sur les intentions de l’Empereur et sur le Seigneur Xanthos. C’est en sachant tout cela que je pourrai alors prendre ma décision sur ce qu’il convient de faire.

Cernerable, posté à mes cotés, approuva.

- Cela est bien. C’est toujours en se faisant une idée réelle du monde que nos choix sont les plus réfléchis.

- Vous savez où aller ? Questionnai-je. Vous êtes probablement recherché pour désertion maintenant. Les grandes cités de l’Empire vous seront interdites.

- Je connais l’Empire et ses mesures de sécurité, et je ne suis qu’un Pandarbare comme il y en a des milliers. Je pense me rendre à la capitale, Axendria. Il y a tellement de Pokemon là-bas que je passerais plus inaperçu, et je pense que c’est en étant le plus près de l’Empereur que je trouverais les réponses que je veux.

- Deux de nos Paxen sont en mission là-bas, l’informai-je. Kashmel et Furaïjin, notre duo de choc. Trouvez-les si vous avez besoin d’aide. Dîtes-leur que vous me connaissez.

- J’y songerai, mais je doute de le faire. Les Paxen dont vous parlez, je les connais moi-même de nom. Ils sont sans doute les plus recherchés après Ludmila Chen et vous-même.

Je souris.

- Oui, mais étant donné leur réputation, il y aura peu d’impériaux pour tenter de les arrêter.

Kashmel et Furaïjin étaient partis depuis près de trois mois maintenant, mais je ne m’en faisais pas pour eux. C’étaient des experts dans l’art de survivre. Je ne savais même pas ce qu’ils faisaient à Axendria, si ce n'est que ça concernait les G-Man. Ils n’avaient de compte à rendre à personne si ce n’était à eux-mêmes. Et tout le monde l’acceptait, moi le premier, car ils étaient tout simplement les meilleurs Paxen. Pandarbare, avec pour seule possession un petit baluchon, s’approcha des remparts à moitié démolis du premier niveau. Il se tourna une dernière fois et dit :

- Je vous ai toujours combattu, Paxen, mais je vous souhaite néanmoins bonne chance. Peut-être serons-nous amenés à nous revoir.

Et sur ce, il sauta carrément de la cité, malgré la hauteur.

- Bonne chance à toi aussi pour ta quête de vérité, jeune Pokemon, murmura Cernerable.

Je vérifiai que personne n’était à proximité pour demander à mon illustre partenaire :

- Que faisons-nous maintenant, sire Cernerable ? Je veux dire, avec Kerel et Tannis ?

- Que voudrais-tu faire d’eux ?

- Vous avez bien vu ce qu’a fait Kerel non ? Son Ether s’est réveillé. Et Tannis… vous devez l’avoir senti non, quand il a crié cet ordre à Tranchodon…

- J’ai vu et j’ai senti, confirma Cernerable. Concernant Kerel, sachant qui il est, il n’y a guère à s’émouvoir. Solaris le savait. Elle savait que ce garçon hériterait de l’Ether de sa mère. Il n’y a pas à le craindre. C’est une bénédiction pour la cause Paxen ; une bénédiction que nous a fait le Premier Fondateur.

- Mais est-il seulement au courant ? Demandai-je.

- Il y a peu de choses que le Premier Fondateur ignore. Il voit des choses que nous autres ne pouvons discerner. Il a vu que quatre humains et quatre Pokemon sauveront ce monde dans les années qui viennent. Penombrice m’a raconté les dernières paroles de Solaris. Selon elle, Kerel, Tannis et Ludmila sont trois des quatre humains de la prophétie. Il nous faudra ménager Kerel le temps qu’il contrôle son pouvoir. Nous l’enverrons auprès de Maître Marzen le moment venu.

- Et nous… ne lui dirons rien ? Il pourrait nous en vouloir d’avoir gardé le silence quand il le découvrira de lui-même.

- Peut-être le lui dirons nous si le Premier Fondateur ne s’en charge pas avant. Mais il faudra d’abord qu’il s’accepte lui-même, tel qu’il est. Ce qui implique le contrôle de l’Ether.

L’Ether… ce pouvoir mystique issu du Fragment d’Eternité que Xanthos a distribué à tous les Pokemon au début de la Guerre de Renaissance. Grâce à cela, les Pokemon ont gagné en intelligence, en longévité, et ont pu supplanter les humains. La plupart des Pokemon possédaient de l’Ether sans s’en rendre compte, car en trop faible quantité pour le remarquer. Mais certains, très rares, étaient capables d’arriver, au cours d’un long entraînement, à le matérialiser dans leur corps, pour accroître de façon exceptionnelle leur force et leur résistance. Les plus puissants utilisateurs d’Ether de l’Empire en dehors de Daecheron lui-même étaient sans conteste la Trigarde Impériale, les trois gardes du corps et exécutants de l’Empereur.

L’Ether pouvait s’acquérir grâce au savoir et à l’entraînement, mais il était surtout de nature héréditaire. En revanche, personne parmi les rares qui connaissaient ce pouvoir n’avaient entendu parler d’humains possédant l’Ether. Enfin, si, un seul, et un bien connu : le Seigneur Protecteur Xanthos. Quand il s’était rendu dans le Puits des Abysses, il avait acquis le Fragment d’Eternité qu’il a partagé entre tous les Pokemon vivants alors. Mais il s’en était gardé une grande partie pour lui, et il en avait fait aussi don à ses proches. Pour autant que Cernerable le savait, les proches en question n’étaient que deux : son Pokemon Daecheron, et Alrianne, une humaine. Ces trois-là ont donc pu, grâce à tout l’Ether dont ils disposaient, vivre indéfiniment.

Peu sont ceux qui connaissaient l’existence d’Alrianne Mandersbrand. Elle est toujours restée dans l’ombre de Xanthos, son exécutrice favorite. Elle accomplissait pour lui, dans le plus grand secret, des missions que même Daecheron ignorait. Comme elle était une humaine, elle savait mieux traquer ses congénères que les Pokemon de l’Empire. Les Pokemon qu’elle avait sous ses ordres ne devaient même pas l’avoir vu une seule fois. Ils savaient juste qu’il y avait quelqu’un de très puissant et de très secret qui les dirigeait, et que ce quelqu’un répondait directement au Seigneur Xanthos. Ils en étaient venus à la surnommer la Main Rouge de Xanthos. Peut-être en raison de la couleur de ses cheveux, ou bien parce que ses mains étaient toujours pleine de sang. En tous cas, les Paxen avaient repris ce terme.

Il y a une vingtaine d’années toutefois, la Main Rouge disparut de la circulation. Personne ne savait ce qui lui était arrivé, à part Dame Solaris sans doute, qui apparemment la connaissait bien. On connait juste le résultat : ce garçon aux cheveux rouges du nom de Kerel. À en croire son histoire, sa mère était morte quand il était tout jeune, et c’est Dame Solaris qui l’a élevé. On pouvait donc supposer que la Main Rouge était bel et bien morte. Mais comment ? Comment un être comme elle, avec un Ether égal à celui de Xanthos, avait pu mourir ? Comment était-elle tombée enceinte ? Pourquoi s’était-elle cachée dans cette cité perdue de Ferduval pour accoucher, et pourquoi y être restée après ?

Tant de questions… et bien peu de réponses. Dame Solaris les aurait eues, ces réponses. Hélas, elle les a amenées avec elle dans la tombe. Heureusement qu’elle avait dit à Penombrice avant de mourir qu’Alrianne était la mère de Kerel, sinon, nous serions encore dans les ténèbres. Mais le Premier Fondateur devait le savoir lui, comme disait sire Cernerable. Il avait bien prévu la venue de Kerel bien avant sa naissance…

- Quatre humains, et quatre Pokemon… répétai-je, songeur. Et Kerel, Tannis et Ludmila qui seraient trois d’entre eux. Est-ce que vous voyez des liens, sire Cernerable ?

- Reliant ces trois-là ? Naturellement, répondit le Pokemon. Nous avons justement œuvré pour que Tannis et Ludmila soient liés.

- Et peut-être avons-nous fait une sinistre erreur…

- Il n’y a pas à regretter le passé, Astrun. Nous avons choisi d’agir. Ce qui est fait est fait. Tannis a inconsciemment retrouvé une partie de lui lors de la bataille. Il en retrouvera d’autres avec le temps. Nous ne pourrons pas sceller sa mémoire éternellement. Il ne reste qu’à espérer que sa mémoire de Paxen soit plus forte que… l’autre.

Cernerable pouvait bien me dire de cesser de culpabiliser à propos de ça autant de fois qu’il le voudra, ça ne changerait rien. J’en faisais encore des cauchemars la nuit. Nous avons fait quelque chose de terrible, que ce soit à Tannis ou à Ludmila. Pas étonnant qu’elle nous en veuille encore…

- Et les quatre Pokemon de la prophétie ? Demandai-je pour changer de sujet. Aucune idée de qui ils pourraient être ?

- Peut-être les partenaires des quatre humains. Peut-être pas. Nous n’avons même pas encore trouvé le quatrième humain, et nous ne le reconnaitrons pas même si nous le voyons. Je pense qu’il serait peut-être temps de rentrer en contact avec le Premier ou le Second Fondateur.

Facile à dire ça… Les deux premiers Fondateurs allaient où ils avaient envie d’aller et ne rentraient que quand ils en avaient envie. Nous savions que le Premier Fondateur se trouvait actuellement dans l’Empire Lunaris, peut-être en vue de lever une armée d’humains pour combattre l’Empire Pokemonis. Quant au Second… nous n’en n’avions pas la moindre idée. C’était pourtant eux qui avaient majoritairement fondé la rébellion Paxen il y a un siècle. Mais ils prenaient rarement part au commandement. Qu’est-ce que mon ancien maître Braev Chen m’avait dit déjà sur eux ? Qu’ils avaient des choses bien plus importantes à faire que de diriger une rébellion contre un Empire ? Mais si ça ce n’était pas important, qu’est-ce qui l’était au juste ?


***


Tannis




Ce bon vieux Kerel était revenu à lui et semblait aller bien, à part sa main gauche qui avait quelque peu perdu en longueur. Une bonne chose. Tranchodon était mort et les Paxen avaient gagné la bataille. Une bonne chose. Le chef Astrun ne m’avait pas engueulé pour avoir libéré Pandarbare pendant la bataille. Une bonne chose. Ah, et j’étais en vie. Une très bonne chose. Laissant libre cours à ma bonne humeur, j’aidais activement les Paxen à déblayer les zones de la cité sinistrée.

Ludmila semblait de bonne humeur, elle aussi ( si toutefois un tel état pouvait s’appliquer à elle ). On parvint à parler un peu sans qu’elle ne m’assène d’insultes ou d’un de ses regards qui tuent dont elle avait le secret. Une grande réussite. Le mieux fut encore la venue de cette fille aux cheveux verts, Laura ; celle qui m’avait giflé pour une raison mystérieuse et qui avait failli perdre son père lors de la bataille. Elle vint me retrouver alors que je me plongeai la tête dans une fontaine pour me rafraichir après des heures de travail.

- Je voulais juste dire… avait-elle fait en bafouillant et en regardant par terre, que je suis désolée de mon attitude. Tu as sauvé mon père, et je t’en suis très reconnaissante. C’est vrai qu’il s’est passé… des trucs moches entre nous avant. Mais… je veux l’oublier. Je veux penser à toi comme quelqu’un de nouveau, et… devenir amis, si jamais…

Cette déclaration maladroite fut pour moi comme un aveu d’amour éternel. Avoir des amis Paxen en dehors de Kerel et les autres ; je ne demandais que ça, surtout avec une fille si jolie. J’avais donc accepté ses excuses, sans chercher à en savoir plus sur ces « trucs moches » qui se seraient passés entre nous avant mon coma. Laura voulait les oublier, et ça m’allait, car moi aussi je les avais oubliés. Ce qui me ferait plaisir maintenant, ce serait un partenaire Pokemon, pour être un vrai Paxen. J’aurai bien aimé garder Pandarbare, qui était un gars solide sur qui on pouvait compter, et un peu un paria comme moi, mais le bougre avait préféré partir en exil pour « chercher des réponses ». Il y avait bien Cresuptil aussi qui n’avait pas de partenaire humain, mais ça, c’était hors de question, pour lui comme pour moi. De toute façon, Cresuptil était loin de vouloir devenir un Paxen.

En regardant mon visage dans l’eau de la fontaine, je me demandais quel genre de Pokemon accepterait d’être le partenaire d’un joyeux idiot comme moi qui ne se souvenait même pas de l’emplacement des toilettes dans la base. C’est alors qu’il se passa quelque chose. Mon reflet dans l’eau ondula, se troubla, et changea. À la place de mon visage songeur, encadré de cheveux noirs avec des pointes rouges, je vis un visage tout à fait différent. Celui d’un jeune homme aux cheveux blonds ébouriffés et aux intenses yeux mauves. Je ne l’avais jamais vu. Mais quand je me retournai, il n’y avait personne de cette description devant moi. Or, ce visage venu de nulle part me regardait toujours dans l’eau. Est-ce que j’étais en train de perdre totalement la boule ?

- Mais… t’es qui toi ?

Parler à une illusion dans l’eau n’était pas le meilleur signe de sanité d’esprit qui soit, mais je ne pus me retenir. Le visage me sourit, ses lèvres bougèrent, et bien qu’il ne produisit aucun son tangible, j’entendis une vois venant directement de ma tête qui disait :

- Tu sais très bien qui je suis, n’est-ce pas ? Je suis toi…

Effrayé par tout ça, je balayai la vision dans l’eau et me remit debout. Oui, tout cela était une illusion de mon cerveau encore fatigué suite à tout ce que les impériaux lui ont fait. Il n’y avait ni visage d’inconnu dans l’eau, ni de voix dans ma tête.

- Qu’est-ce que tu fous à glander ? M’interpella une voix cassante. Amène-toi, y’a encore beaucoup de boulot !

Ludmila me regardait avec insistance, me faisant signe de venir. Souriant, je me dirigeai vers elle. Oui, Ludmila était la réalité. Ma seule réalité. C’est à ses cotés que j’engageai ma vie au service des Paxen. Je ne connaissais que ça, et je ne voulais rien d’autre.