Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Pourquoi demande-t-on aux dragons de garder les trésors? de SupraEnergy



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : SupraEnergy - Voir le profil
» Créé le 12/11/2023 à 15:25
» Dernière mise à jour le 12/11/2023 à 15:25

» Mots-clés :   Drame   Fantastique   Présence de personnages du manga   Romance   Suspense

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Rivalité amicale
- Crévindiou ! T’es doué, p’tit gars !

Les Moumoutons bêlèrent par dizaine, soutenant le compliment du fermier destiné à mon voisin.

- J’ai l’habitude, m’sieur ! J’m’occupe des Moumoutons de Paddoxton depuis tout gamin ! Rougit-il.

Il était d’excellent humeur depuis son réveil, si bien que j'avais préféré passer sous silence, l’inquiétant grondement entendu ce matin. Pour le moment, en tout cas.

A seulement trente minutes de Greenbury, nous avions justement croisé ce troupeau d’une quinzaine d’individus, ramené alors du pâturage par leur propriétaire. Mon voisin s’était rapidement proposé de l’aider à les discipliner sur le chemin pédestre, remarquant aisément leur agitation inquiète. Les Ponchiens du berger peinaient eux-mêmes à accomplir correctement leur besogne.

Voltia et Moumouflon ouvraient actuellement la marche, l’un bêlant fortement, l’autre jappant avec insistance pour seconder les Pokémons canidés. Call était assis sur le grand Pokémon bélier, accompagnant le petit groupe de leaders improvisé. Nabil, bâton en main, était en train de guider les Moumoutons en les rassurant d’une voix claire et affirmée.

Et moi, j’avais l’air de ne rien comprendre à la campagne.

- Non pas par-là, Moumouton, tu dois suivre… Hey ! Ne broute pas !

Ce n’était rien de moins qu’une des dizaines de phrases maladroites que j’hululais constamment aux Pokémon brebis, tout ça sous l’œil atterré du berger greenburyen.

- Z’avez pas l’air d’avoir l’habitude !
- Non, vous croyez ?!

Nabil vint à ma rescousse.

- En fait, Leava ne s’était jamais occupée de Moumoutons avant !
- Ha ! Z’êtes une citadine, alors ?
- Euh...

D’un solide geste de baguette, Nabil ramena avec une facilité déconcertante le Moumouton un peu égaré sur le droit chemin.

- D’ailleurs Leava, tu ne m’as jamais dit où tu vivais à Kanto ! S’exclama-t-il dans la foulée.
- Ha bon ? Rien d’extraordinaire, on avait emménagé à Safrania.

Le regard de mon voisin crépita brusquement.

- SAFRANIA ! Mais c’est là-bas qu’il y a le siège de la Sylphe Sarl !
- Regarde où tu vas, Nabil.
- Ils sont numéro un en matière de technologie Pokémon ! Une valeur sûre ! Plein de sociétés collaborent de ouf avec eux ! Je suis trop jaloux, t'as carrément habité la ville où ils ont leur Maison-mère !

J'haussai les épaules : ça faisait longtemps que je n'avais pas entendu ce nom.

- Mouaip... Moi, je les connais surtout parce que ma mère travaillait avec leurs machines. Le partenariat avec l'université de Safrania était suffisamment important pour qu'ils collent leur logo un peu partout dans les labos où elle était.
- Ca m'étonne pas !Tu savais qu'ils ont créé la MasterBall, la Pokéball la plus performante du monde !? Il y a quelques années, il ont monté une exposition sur leurs recherches à Ludester où ils ont présenté des prototypes. J'espère qu'un jour, Sonya partira en colloque chez eux et qu'elle me prendra avec. Tu pourrais aussi venir, elle dira sûrement pas non !

Je penchai la tête, les sourcils froncés tout en agitant la main.

- Haha ! Sans façon... J'ai jamais été à l'aise dans des endroits remplis d'appareils bizarres.

De toute façon, notre sujet de conversation changea naturellement devant un paysage bien particulier.


***


J’avais beau me dire que tous les stades devaient se ressembler à Galar, celui de Greenbury me parut totalement différent de l’arène de Motorby.

Ma première impression le vit d’abord comme un gros champignon argenté, parcouru d’un million de rectangles couleur forêt métallique. Les gigantesques piliers de métal qui encerclaient la structure principale du stade détonnaient particulièrement dans le paysage : « peu de gens sont au courant mais ils contiennent des galarions à la polarité inversée. C’est grâce à ça qu’on a un champ de force ultra puissant qui protège le public des attaques et des effets du Dynamax durant les matchs ! », expliqua mon voisin. J’interrogeais alors davantage la notion de polarité inversée : « quand le Galarion est exposé à la chaleur, il est actif. Mais une fois refroidi, il devient statique. Autrement dit, cette barrière dont je te parle, c’est grossièrement une paroi de glace ! ».

Le village de Greenbury était bien plus grand que je l’imaginais, faisant probablement dix fois la taille de Brasswick. On devinait toute une foule environnante tandis que des marchés semblaient battre leur plein autour du stade.

Une fois le troupeau de Moumoutons ramené dans leur pré, le fermier nous remercia chaleureusement après avoir susurré un « mes p’tits gars, y’a du bon foin à grailler dans vot’prairie, z’allez voir ! ».

Je restais toujours embarrassée par mon inutilité.

- Ho, c’est surtout Nabil qui vous a aidé, monsieur !
- Didiou, gamine ! Si mes Moumoutons se sont drôlement calmés, c’est grâce à toi !
- Hein ? non, j'ai eu la chance, c'est tout... !

Je n’avais aucune idée si mon sourire était adorable ou juste très malaisant : cela dit, je devais avouer que le troupeau avait été particulièrement nerveux au départ, si bien que nous avions trouvé le fermier et ses Ponchiens complètement dépassés par la situation lors de notre rencontre. Pendant que Nabil s’était efforcé de garder les Pokémons brebis rassemblés malgré leur forte agitation, je m’étais dégagée un passage au centre afin d'essayer de les calmer à la seule force de mes appels sans panache. Les Moumoutons, pourtant si anxieux, s'étaient alors subitement tournés vers moi, cessant leurs bêlements intempestifs. J'avais alors expérimenté l'étrange sensation d'être dévisagée par cinquante paires d'yeux transis avant de les voir piailler tout doucement vers moi, amoureux. Nabil avait sifflé d'admiration en se grattant la tête, tandis que le fermier avait exclamé un bourru : "Ben ça alors !? C'est ben d'la magie ?!"


- Tu sais quoi, ça m’a rappelé le Dracaufeu de mon frangin ! Tu lui fais le même effet, je crois ! Se moqua allégrement mon voisin avant de jeter son bâton de fortune dans les herbes hautes.

Je lui rétorquai bien malgré moi que la comparaison était un peu superficielle. Puis, l’homme campagnard referma la clôture, soutenu par ses Ponchiens.

- C’est d’la veine que vous soyez passés par-là ! Z’êtes challengeurs ?
- Moi, non ! Mais mon amie participe au Défi ! Précisa Nabil en croisant les bras derrière sa nuque.
- Et ben ! C’est certain que ses Pokémons sont habitués à tout ce boucan de matchs, alors ! Mes Moumoutons aiment pas les gros bruits, y sont tout nerveux à chaque fois que m’sieur Percy combat dans l’stade ! Mais j’vous garantis ben qu’ils ont l’habitude de tous les sons d’la Nature !

Je levai les sourcils.

- Ils auraient donc été effrayés par un bruit qu’ils ne connaissaient pas ?

Le fermier se gratta le crâne.

- C’est ben qu’tu as deviné, gamine ! Quand j’suis parti avec mes Ponchiens au pâturage, j’ai trouvé tous mes petits Moumoutons très agités. Puis j’ai entendu un gros Pokémon gronder pas loin. Croyez-moi qu’ç avait pas l’air d’être un Rongourmand !
- Parce que vous l’avez vu ?
- Ho non ! Pensez bien que moi et mes Ponchiens, on n’a pas fait les t’méraires ! J’ai tout de suite déguerpi avec ma troupe pour pas qu’ça vienne nous kidnapper !

Il prit ensuite congé dans la plus grande des tranquillités, nous souhaitant dans le claquement enthousiaste de son accent greenburyen : "une très bonne journée « pas piquée des Lucanons !".

Mes questions ne l’avaient pas tant préoccupé étonnamment. Au contraire de Nabil qui croisa les bras en me fixant.

- Mais pourquoi t’as demandé tout ça ? C’était probablement juste un simple Pokémon sauvage ?

Je me tournai vers lui, légèrement penaude.

- Euh… tu sais, je me suis levée très tôt ce matin et j’ai voulu aller me promener vers le pont en bois. Et du coup… J’ai aussi entendu un grondement assez fort, alors…

En qualité d’âme de Sovkipou, il s’épouvanta.

- T’es partie toute seule ?! Mais t’aurais pu te faire attaquer !
- Pas toute seule, Call était avec moi.
- C’est pas la question ! Imagine si un robot ou un sbire de la Monochromatichose te tombe dessus !
- Au milieu des champs de blés ?
- ON N’SAIT JAMAIS !

Je soupirai longuement, effarée.

- Respire, Nabil ! Je suis juste allée me promener sur un pont avec mon Salamèche à sept heures du matin, d’accord ?

Après quelques secondes, il soupira à son tour en laissant ses bras tomber en avant.

- Excuse… Il ressemblait à quoi ce grondement ?
- Franchement ? Ça avait l’air artificiel et pourtant, c’est comme si ça appartenait quand même à un être vivant, décryptai-je du mieux que je pus.
- C’est un peu abstrait…
- Pas tant… Le fermier a eu l’impression d’entendre un gros Pokémon, après tout !
- Tu penses que c’était le même ?
- Reconnais que la coïncidence est troublante !

Il arbora un visage un peu plus pâle.

- Mais… Tu crois que ça pourrait être une machine comme ton Kabutops ?

Je réfléchis alors brièvement à une sensation bien particulière : c’était précisément ce qui m’avait inculqué la différence entre le grognement enragé du Pokémon machinique dans les profondeurs d’un bois interdit et ce bruit étrange dans la campagne greenburyenne.

- Non, le Pokémon à qui appartenait ce grondement n’avait pas l’air menaçant mais menacé. Je crois qu’il était en train d’appeler à l’aide…
- Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

Je cherchai l’explication la plus rationnelle possible mais c’était pour me rater prodigieusement. Nabil se gratta la tête, pensif.

- Mmh… Après tout, t’as entendu un œuf t’appeler au fin fond de Sleepwood alors, je te crois ! Le tout est de savoir si on peut aider ce Pokémon. Tu as parlé d’une forêt, non ?
- Oui mais le fermier l’a entendu à un autre endroit. Ça doit quand même vouloir dire qu’il se déplace.
- Alors, on restera aux aguets ! Si ce pokémon veut de l’aide, il appellera encore !


***

« Oyez, oyez ! Venez manger un bon curry aux pommes cuisiné avec les fruits des vergers de Percy ! Nous rappelons que c'est offert par les assistants-dresseurs du stade de Greenbury »

L’ambiance bon enfant ne perdit pas de temps à nous atteindre lorsque nous arrivâmes en haut du chemin de sable sur la colline. Celle-ci surplombait la fameuse inscription antique creusée dans la colline voisine dont m’avait parlé Nabil. Le temps ensoleillé la faisait ressortir particulièrement sur la surface poreuse de la terre rocheuse.

Je reconnus alors certains challengeurs croisés à la cérémonie d’ouverture, accompagnés de leurs Pokémons et de probablement quelques amis. Au centre, des assistants en tenue de sport du stade concerné servaient de généreuses cuillerées de curry fumant dont l’odeur, m'ouvrit l’appétit avec succès. Des Mystherbes, petites entités rondes portant une couronne de plantes sur le crâne et des Tournicotons, de même gabarit mais ressemblant littéralement à des fleurs exotiques avaient l’air de s’adonner avec ferveur à la promotion du repas.

Percy était là aussi, un grand sourire claquant et amical dorant son visage tandis qu’il discutait activement avec quelques dresseurs. Puis, il nous remarqua et vint à notre rencontre, suivi par son fidèle Blancoton.

- Bienvenu, vous deux ! Alors, cette première semaine ? S’exclama-t-il.
- C’était topissime ! Ça fait du bien de prendre un autre itinéraire ! Répondit chaleureusement Nabil en croisant les bras.
- Vous fêtez quelque chose de particulier ? Demandais-je.

Percy étouffa un rire amusé que les couinements de son pokémon tentaient aussitôt d’imiter.

- Ouaip, un truc énorme : Le Défi des Arènes !
- Ha... Euh... oui, logique.

J'étais toujours autant impressionnée par mon manque de perspicacité.

- Super idée ce pique-nique, Percy ! Bon allez, j’ai faim ! Le dernier arrivé est un Poussifeu mouillé ! S’impatienta alors Nabil.

Il détala directement vers l’odeur du curry aux pommes, suivis de près par Call, Voltia et Moumouflon qui grognèrent en choeur, l'estomac hurlant famine apparemment. Moi je restais là, réalisant combien mon intégration sociale dans l'événement continuait de manière désastreuse.

J'essayais alors d’y remédier.

- C’est vraiment grandiose, Greenbury !
- Ho, tu aimes bien ? C’est vrai que c’est un bel endroit, j’ai de la chance de vivre ici ! La paix règne et on est en symbiose avec la Nature et les Pokémons, narra alors le champion de catégorie plante.

Je n'avais aucune idée comment renchérir. Heureusement, Percy avait l'air de ne pas relever mon manque de sociabilité.

- En tout cas, ton combat sur le net était captivant ! Je me réjouis beaucoup de t’affronter demain, je sens qu’on va en faire pousser du gazon dans le stade ! S’enthousiasma-t-il.
- Hum... merci... enfin, je t'avoue que j'ai du mal à croire que je vais livrer un combat Dynamax pour la première fois !
- Ho ! C’est le cas de la plupart des challengers mais je t'assure que tu vas adorer ça !

Il tourna paisiblement la tête vers la grande marmite fumante de curry actuellement bien accaparée. En l'imitant, j’y aperçus nos propres Pokémon s’empiffrer tandis que Nabil sembla littéralement pleurer de joie à la moindre cuillerée de ce ragoût doré dans sa bouche. J’en souris avec un certain attendrissement.

- D'ailleurs, ça demande pas mal d'énergie ce genre de matchs alors, je t’invite aussi à prendre une assiette de bon Curry façon Percy ! C’est offert à tous les challengers en guise de bienvenu ! Rit alors le champion de Greenbury, le ton convivial.
- Hey, c’est vraiment chouette comme initia…

Mais quelque chose me percuta violemment ! Et j'étouffai un cri avant de me ramasser lamentablement le sol !

En relevant la tête, je vis Percy penché sur moi en baragouinant : « Wow ! Quelle chute ! Ça va aller ? ».

Je me frottai le crâne, encore bien sonnée par le choc, et perdue dans un nuage de terre avec mes membres douloureusement acculés par l'accrochage.

- Bordel... !? Qui m'a...

Il y avait un Ptyranidur devant moi. Enfin, je ne le voyais que de dos mais j’avais suffisamment étudié les Pokémons de Kalos pour reconnaître cette espèce préhistorique, un Pokémon dinosaurien bipède avec un imposant crâne et une mâchoire massive allongée. Je compris sans peine qu’il venait simplement du chemin principal.

Ce dernier se tourna alors entièrement vers moi, toujours misérablement étalée sur le sol. Le Ptyranidur eut brièvement l’air de prendre conscience qu’il m’avait bousculé sans aucune délicatesse en penchant d'abord la tête dans un grognement aigu. Cependant, aucune once de regret n’habilla son grand regard sombre, tandis qu’il fit ensuite claquer sa grosse gueule dans un grondement désintéressé.

Puis, j’entendis cette voix qui me faisait détester le maquillage.

- Hey ! Le curry n’va pas s’enfuir, hein ?

C’était Dusk.

Elle me toisa alors de haut en bas avec son habituelle arrogance, à peine concernée de me voir vautrée dans la terre sèche. Puis, dans un ricanement qui dépassa l’entendement en guise d’orgueil, elle s’avança sans rien dire en rejetant sa longue queue de cheval mauve assombri en arrière, les mains dans les poches de sa veste kaki à la fourrure synthétique couleur obsidienne. A peine plus concerné, le jeune homme aux cheveux de blé et style mauvais garçon qui ne lui allait toujours pas me dépassa également. J’aperçus aussi son fidèle Sonistrelle solidement accroché à son épaule.

Ils papotèrent déjà avec les assistants de Percy lorsque Nabil, remarquant Dusk, réalisa enfin que je venais de frôler la fracture du tibia. Il accourut vers moi en panique, imité par nos Pokémon. Call vint tout particulièrement à mon chevet en ayant rapidement jeté son regard couleur azure vers Ptyranidur.

- Hey !? T'es tombée !?
- Nan, j’perfectionne l’attaque trempette au cas où ça deviendrait efficace !

Il eut à peine le temps de tenter une réponse à mon sarcasme que je me relevai, fulminante.

- DUSK LOCKON !

Les papotages s'étouffèrent. D'abord, un attroupement d'yeux perplexes se fixa sur moi. Puis, la principale concernée se tourna d’un pas très nonchalant.

- Quoi… Leava Truegold ?

Elle avait tant mâché mon nom dans son articulation détestable que mon animosité amplifia.

- T’as pas l’impression d’avoir oublié quelque chose !?

Elle sembla encore plus déterminée à démontrer sa suffisance.

- Ts ! C’est pas mon problème si tu restes au milieu du passage, meuf !

Elle avait à peine eu le temps de se retourner vers la marmite : j’étais déjà à son niveau, l’empêchant d’atteindre les assiettes dans un violent coup asséné à la table.

- Excuse-toi sur le champ !

Elle esquissa une expression moqueuse.

- Tu vas pleurnicher ?
- Les gens civilisés pensent à éduquer leur Pokémon pour ta gouverne !
- Ne m’fais pas rire, t’es même pas venue me voir à la cérémonie !
- J’te demande pardon ?
- Désolée, j’explique pour ton cerveau : les gens civilisés pensent à dire bonjour, chérie !

Nos regards se fusillèrent tant et si bien qu’il était aisé d’imaginer des douilles tomber une par une autour de nous. J’avais vaguement deviné Nabil en pleine gesticulation paniquée tandis que le partenaire de Dusk avalait très calmement du curry à ses côtés.

A ma grande surprise, Percy vint doucir l’atmosphère : il nous tendit à chacune, une assiette abondante du plat épicé couleur tournesol. Je n’avais aucune idée du moment où il les avait remplies.

- Hey ! Avant de vous crêper le Chapignon, remplissez-vous la panse, dresseuses ! Les pommes, c’est excellent pour la santé !

Pour une fois, nous affichâmes la même expression gênée. Enfin, j’eus le loisir de relever que ma chère rivale passait rapidement d’une émotion à une autre puisqu’elle me jeta maintenant un sourire légèrement condescendant avant d’attraper son assiette.

Elle se détourna ensuite dans l’indifférence totale. Percy l’avait suivi du regard, un peu embarrassé.

Mais moi, j’étais d’humeur à prendre des décisions étranges aujourd’hui.

- Ho merci beaucoup Percy ! Je vais aller manger ce délicieux curry aux pommes préparé avec amour en compagnie de ma nouvelle amie, DUSK LOCKON !¨

Elle se figea, me tournant toujours le dos. Je remarquais du coin de l’ouïe que les papotages n’avaient pas repris autour de nous.

La cheffe de meute se retourna enfin, la mine fendue par une grimace.

- Après tout, en tant que personnalités PUBLIQUES, ne devons-nous pas montrer l’exemple de la rivalité AMICALE à nos supporters en échangeant un bon repas ensemble !? Nous devons en qualité de favorites, célébrer les grandes valeurs FRATERNELLES du Défi des Arènes ! N'est-ce-pas !?

J’avais marié à ma voix toujours bien claire, quelques pas dandinés dans sa direction. J’en rajoutais même une couche en attrapant son bras, moins pour authentifier notre amitié naissante que pour la forcer à rester bien campée devant les autres.

Dusk sembla comprendre qu’il valait mieux ne rien laisser dire au silence. Elle bégaya un magnifique : « Ha… ouaip, c'est clair… » avant de me suivre à contrecœur tandis que les conversations alentours reprirent lentement leur rythme. Je l'entendis alors marmonner sur un ton aigre.

- Tu m’fais quoi, là ?

J’avais grand plaisir à répondre à son serrage de dents.

- Je pense comme les gens civilisés !

***

De grands blocs en tronc sculpté servant de sièges de fortune avaient été installés un peu partout sur la grande place, fortement appréciés des challengers venus manger le curry de Percy. Nous avions la chance de monopoliser les quatre sièges de bois encore disponibles.

Notre repas s’était déroulé dans un calme surprenant. Nabil et Dono (Le jeune homme au style mauvais garçon avait finalement fini par se présenter) nous avait rejoint rapidement après ma démonstration d’altruisme obséquieux.

Nos helpers nous faisaient face, tandis que ma rivale était assise en tailleur sur ma droite, voûtée et la tête plongée dans son Motismart. Sa fourchette pendait dans sa bouche tandis que son assiette de curry pratiquement terminée siégeait en équilibre sur ses genoux.

Dusk n’avait visiblement pas souhaité à ce que j’apparaisse dans son champ de vision. Je restais donc penaude à l’observer de dos, mon assiette posée de travers sur mes propres jambes à me demander si le pugilat n’aurait pas été plus judicieux. Au pied du siège de sa dresseuse, Ptyranidur était en train de se délecter de sa grande bolée de curry avec une délicatesse déconcertante. Moumouflon était vers Nabil tandis que Call et Voltia terminaient leur assiette à mes côtés. Le Sonistrelle, lui, avalait de petites bouchées données par son dresseur.

Un détail cependant me sauta aux yeux : mon Salamèche dorée jetait parfois des airs méfiants vers le Pokémon dinosaurien de ma rivale.

Dono et Nabil avaient essentiellement monopolisé l’échange culinaire, devenus visiblement amis en quelques fourchettes de curry. Dusk restait focalisé sur son écran de téléphone. Et moi, je me demandais quel Dardagnan m’avait piqué pour avoir tenté cette approche ridicule.

Je reconnaissais avoir une curieuse façon d’écouter le conseil de Sonya. Pourtant, et sans que je ne m’explique, j’étais de plus en plus motivée à chercher le contact. Faire de notre rivalité, un exemple d’altruisme me semblait toujours une réelle folie mais elle était alléchante à essayer.

Dusk était toujours en pleine conversation silencieuse avec son Motismart. Je sortis alors mon propre téléphone volant de ma poche de veste. Celui fit mine de bailler dans quelques sons dysfonctionnels. Puis je me connectai à mon Pokégram.

Dans un éclaircissement de voix, je jouai l’ignorante.

- Hum… Hey, Dusk ! Tu as un compte Pokégram, non ?

Elle me décocha un regard digne de son Démolosse en plein combat. C'était un bon début.

- Mouaip…

- Euh… Ce serait cool de se suivre, je trouve ! C’est lequel ?

Elle prit quelques secondes à marmonner sa sympathie.

- Mon prénom et mon nom en un mot…

J’ignorais si j’étais davantage surprise par son invitation dissimulée ou le fait qu’on la comprenait très bien avec une fourchette dans la bouche.

Je m’exécutai rapidement, actionnant le petit onglet « j’aime ». J’entendis alors son Motismart émettre une petite clochette délicate. Puis, je jetai plusieurs coups d’œil vers elle sans constater le moindre changement dans sa manière de pianoter sur son écran.

Nabil et Dono étaient visiblement trop passionnés par la recette de curry à l’os à Moëlle pour constater ma tentative de contact amical, me partageant brièvement entre soulagement et frustration.

Finalement démoralisée, j’attrapai mon verre de sirop (Dono avait apporté les boissons) pour avaler quelques gorgés après un soupir discret. Call et Voltia avaient tout saisi de mes intentions et compatirent dans un soufflement similaire tandis qu’ils observèrent ensuite le Ptyranidur rassasié somnoler debout.
Le silence habituel reprit son règne.

C’était pour l’entendre se faire briser en deux par le claquement de voix le plus stupéfait que j’avais jamais entendu dans ce monde.

- MEUF !? Qu’est-ce que tu foutais sur un Grodrive au-dessus de Motorby en pleine nuit !?

Je crachai un jet de sirop sur Voltia.

Elle étouffa un jappement surpris avant de me regarder de travers, trempée d’eau sucrée. Ptyranidur poussa un rire moqueur après s’être d’ailleurs réveillé en sursaut tandis que Call le dévisagea, encore plus irrité que d’habitude. Les regards abasourdis de Nabil et Dono s’immobilisèrent sur moi.

Dusk s’était maintenant tournée vers moi, la mine happée entre la curiosité soudaine et l’hostilité bousculée. La mienne se partagea actuellement entre l’envie de me réjouir intérieurement, le besoin de m’expliquer à l’arrache ainsi que l’idée de présenter mes plus plates excuses à mon Pokémon entièrement arrosé qui éclaboussa Call dans les secousses de sa fourrure.

Nabil gesticula des explications que je ne pris même pas la peine d’écouter. Quant à Dono, son sourire esquissé évoqua davantage la gentille moquerie que la douce compassion. Il en avait visiblement profité pour aller contempler le fameux cliché sur mon Pokégram.

Je devinai une certaine amabilité dans son ton railleur en brandissant son Motismart couleur améthyste vers moi.

- Est-ce que ça éclaircirait pourquoi tu n’étais pas présente au verre de bienvenu, miss ? Nous y avons passé toute l’après-midi sans vous y apercevoir !
- Euh… on est passé en fin de matinée mais…

Nabil vint à ma rescousse.

- En fait, Leava est allée rapidement au laboratoire de Motorby car elle devait visiter la ville avec la professeure Sonya parce que… Elle n’est pas du coin et qu’il est important que les favoris se cultivent un peu !

Je le regardais de travers. Au moins, il essayait de m’aider.

- Quant à moi, j’étais avec le frangin à l’infirmerie du stade parce qu’il avait… très mal au ventre ! Ne mangez pas les baies Figuy crues, c’est un conseil d’ami !

A ma grande surprise, Dusk et Dono semblèrent vaguement valider ses explications.

- De toute manière, ils ont rencontré quelques désagréments avec des Pokémon : vous saviez qu’un Raichu et un Herbizarre se sont battus en plein milieu du hall ? Ils étaient encore en pleine altercation quand nous sommes arrivés ! Informa subitement le jeune homme au style mauvais garçon.

Je me figeai. C’était pour me fendre ensuite d’un rire terriblement embarrassé.

- Ha bon !? C’est vraiment scandaleux !

Dusk se remit en tailleur sur son tronc d’arbre sculpté.

- Tu parles, les gens s’affolent pour un rien ! T’façon, Démo a vite ramené l’ordre !

Elle expliqua alors sur cet éternel ton présomptueux que son fidèle Pokémon de flamme avait prêté main forte pour discipliner les deux récalcitrants. Je réalisais que la blessure malencontreuse de Tarak avait dû lui faire quitter rapidement le hall d’entrée malgré ses dires à l’hôtel. Ça pouvait au moins expliquer cet échange houleux, parmi d’autres raisons dont je n’avais pas encore le nom.

- Et bien, on s’est manqué de peu puisque nous avions quitté brièvement le hall pour le laboratoire, nous aussi ! Continua alors Dono.

Je remarquais (et j’avais pris curieusement mon temps) le bracelet Dynamax de Dusk qui scintillait légèrement à son poignet droit.

- Hey ! Tu as le tien, aussi !

Elle se tourna légèrement dans ma direction avant de scruter son manchon électronique issu de Macro-Cosmos. Un sourire présomptueux habilla sa contemplation.

- Ouaip, Il déchire ! J’ai hâte de tout défoncer avec !

Ça devait être la première fois qu’elle me répondait aussi normalement.

- Heureusement que tu n’as pas mis ta hâte à exécution à l’encontre de cet autre challengeur ! C’est de bon augure que je parvienne toujours à te dissuader de poursuivre tes émotions fortes ! se moqua gentiment le jeune homme aux cheveux couleur blé.

L’événement en question devait l’avoir tout de même ébranlé, en témoigna sa voix teintée d’un éclat soucieux. Son Sonistrelle renforça d’ailleurs cette impression en piaillant sur le même ton.

- Lui ? Je n’regrette pas du tout de l’avoir remis à sa place, ouaip !

Je fis mine d’être très curieuse même si j’avais déjà une petite idée de son identité.

- Un certain Fall Embersky, répondit Dono.
- Un petit enfoiré ! Ajouta Dusk.

Être en accord avec ma rivale me fit un effet probablement comparable à celui de capturer un Pokémon légendaire du premier coup.

- On l’a croisé, lui et son abruti de pokémon ténèbres, quand j’suis sortie du labo. Sa voix de fils à papa a essayé de me prendre de haut mais j’me suis pas laissée faire ! Expliqua ensuite ma rivale en mordant ses mots.

Je ne pouvais qu’acquiescer à la justesse de son récit : le ton condescendant de Fall m’avait aussi frictionné les nerfs. D’ailleurs, je saisissais déjà mieux pourquoi ce dernier semblait de mauvaise humeur lors de notre rencontre.

- Tu as quand même essayé d’incendier toute l’avenue avec Démolosse ! Même si je dois admettre que son Absol aurait pu faire autant de déprédations, termina Dono en haussant les épaules.

- Tu rigoles ? Mon Pokémon l’a tout de suite maitrisé !

Son ami n’acquiesça pas spécialement. Je ne pouvais que lui donner raison : je n’étais pas certaine que Fall fasse semblant d’être redoutable sur le terrain. Ça n’était qu’une question de temps avant qu’un combat contre lui ne nous le fasse comprendre.

- J’vous avoue qu’il n’a pas l’air de correspondre à ce que mon frangin apprécie chez les challengeurs ! Je n’savais même pas qu’il avait recommandé un deuxième dresseur avant qu’il m’en parle à l’infirmerie ! Se lamenta Nabil.

- Mmh… C’était précisément le problème ! Savoir qu’ils sont tous les deux recommandés par le Maître de Galar… Avoua Dono.

Dusk poussa un soupir très démonstratif.

- Ts ! Heureusement que j’suis là pour remonter le niveau !
Malgré sa présomption naturelle, j’étais soulagée que la cheffe de meute le déteste au moins autant que moi.
- En même temps, si tu ne l’avais pas provoqué… Continua de réprimander Dono dans un éclat d’affection insolente.
- II avait qu’à pas s’la péter ! Quand on n’est pas capable de pister les étoiles vœu, on ne la ramène pas ! Coupa-t-elle brutalement.

Je m’étais raidie à son écoute. Dono s’attela à l’explication risquée.

- Certains challengeurs apportent leur propre comète au laboratoire. Ils la trouvent dans la nature ou alors, ce sont leur partenaire qui la débusque eux-mêmes ! Mais ce n’était pas le cas d’Embersky et mon amie l’a un peu frictionné en prétextant que son Pokémon ne trouverait même pas une étoile vœu dans une botte de foin !

- HA MAIS ALORS… !

Je me levai, furieuse. Nabil et Dono sursautèrent, manquant de renverser leur verre. Dusk me dévisagea, un sourcil levé.
- Qu’est-ce que t’as ? Les fantômes digèrent pas le curry ?
- Plutôt le fait que c’est à cause de toi qu’Absol est venu me voler MON ETOILE VOEU !

Elle écarquilla les yeux. C’était pour les parer d’une lueur d’hilarité.

- Je rêve ! Mais quel gamin !

Je me penchai sèchement vers elle.

- Tu trouves ça drôle !? Si je n’avais pas dû poursuivre ce Pokémon dans le hall, je n’aurais pas bousculé Tarak, Voltia ne se serait pas énervée, elle ne l’aurait pas mordu et il n’aurait pas marché sur la queue du Raichu qui n’aurait pas électrocuté un Herbizarre et tout irait absolument bien dans le MEILLEUR DES MONDES !

Ma rivale me fixa pendant quelques secondes. C'était avant de s’étouffer de rire. Dono me regarda de travers aussi. Enfin, Nabil avait l’air très dépité puisque je venais d’anéantir tous ses efforts pour ne rien révéler des événements réels du hall.

Et moi, j’hurlai littéralement à ma rivale d’arrêter de se tordre en deux sur son tronc.

- J’suis morte, meuf ! C’est à cause de toi tout ça !
- Très contente de refaire ta journée ! Au moins, t’as pu te pavaner une deuxième fois !

Elle figea subitement ses rires avant de décoller littéralement vers moi, un fusil à la place des yeux.

- T’as dit que j’me pavanais ?!
- Ouaip, pourquoi ? Tu préfères le mot « crâner » ?!

Nabil et Dono s’étaient redressés à leur tour, tentant de concert de nous calmer tandis que Ptyranidur et Call s’étaient joints à notre querelle, grognant l’un contre l’autre.

- Et bah ? Vous ne manquez vraiment pas d’énergie, vous deux !

De nouveau, Percy vint éteindre le début d’incendie en apparaissant subitement derrière nos helpers.

Je reculai immédiatement en le regardant, embarrassée. Dusk m’imita avec des pas un peu plus lents. Dono et Nabil se dégagèrent aussi pour laisser un peu de place au champion de catégorie plante.

Il sembla curieusement plus serein que tout à l’heure. Autour, des challengers l’observèrent. Ce dernier croisa alors les bras en nous toisant attentivement.

- Avoir les deux favorites à la même place m’a donné une idée qui devrait vous plaire : que diriez-vous de livrer un combat Pokémon un peu spécial pour terminer en beauté, le pique-nique de Greenbury ?


***


« Oyez ! Oyez !! Venez voir s’affronter les deux incroyables favorites du Défi des Arènes dans un combat épique à Greenbury ! C’est par ici ! »

Je priai mentalement pour que quelqu’un arrache le mégaphone à cet assistant d’arène.

Nous nous trouvâmes désormais à quelques maisons du stade, au bord d’un très large pré à l’herbe piétinée.

Ici, tout était largement dominé par les collines environnantes tandis que le village s’étendait un peu partout de l’autre côté du vaste terrain. Des tribunes de fortune montés grâce à des bottes de foin et de gros troncs d’arbre avaient été emménagés le long du large terrain. Enfin, c’était un peu près tout ce que je pouvais en dire puisqu’elles étaient actuellement noires de monde.

L’ambiance pouvait se comparer à celle de notre premier combat à Brasswick.

J’avais alors la surprise de voir quelques membres de mon fan-club attitré s’exciter sur les tribunes, affublés cette fois seulement de leurs oreilles de Voltali qui flirtaient avec la brise greenburyenne. Les supporters de Dusk se tenaient juste à côté. Je n’avais aucune idée s’ils étaient déjà là au pique-nique ou si l’annonce de notre deuxième combat avait encore fait le tour de Galar. Quelques touristes et Pokémons curieux s’étaient aussi approchés.

Dusk était campé droit dans ses bottines, l’œil scintillant d’énergie. Visiblement, la moindre ambiance combative l’électrisait immédiatement. Je n’étais pas autant affirmée mais c’était sans doute parce que je voyais Percy nous rejoindre avec deux Tauros harnachés.

- Ok, les filles, voilà les règles ! il y a dix Moumoutons dans ce parc qui doivent être amenés dans l’enclos tout au bout. Vous avez votre monture pour être plus rapide et le droit à un seul partenaire. Le but est de d’amener le troupeau jusqu’à bon port avant votre adversaire, mais votre Pokémon est là pour vous prêter patte forte !

Dusk rejeta sa longue queue de cheval en arrière avec désinvolture.

- Woah ! Ils sont éclatés vos combats à Greenbury !?
- En fait, il s’agit d’un mode d’entrainement que je fais faire à mes assistants-dresseurs ! C’est revigorant et les sensations fortes sont au rendez-vous ! S’amusa Percy.

- C’pour ça que j’aime pas la campagne !
- C’est ta façon de dire que tu renonces ?

Le regard le plus perplexe de la terre se posa alors sur ma personne. Ptyranidur avait imité sa dresseuse en ajoutant un ronchonnement un peu désemparé. Je remarquais aussi la posture fière et dressée de mon Salamèche à mes jambes.

- Evitez quand même d’incendier mes Moumoutons, s’il vous plait ! Sourit Percy avec un naturel déconcertant.

Call avait déjà choisi notre Tauros attitré en s’avançant vers lui, bien déterminé à tout donner. Ce dernier meugla amicalement dans sa direction.

Je souris, curieusement énergisée par sa motivation. Il ne m’avait d’ailleurs pas laissé le choix : au moment même où Percy nous proposait son projet de match en apothéose d’un pique-nique bon enfant, mon Salamèche s’était pratiquement annoncé tel Lugia sortant des abysses. Son grognement furieusement adressé au Pokémon fossile de ma rivale avait laissé entendre qu’il avait quelques comptes à régler, me rappelant sans peine cette expression hostile que Call avait décoché à Ptyranidur lorsqu’il accourait vers moi tombée misérablement à terre.

Visiblement peu enclin à se laisser distancer, le Pokémon dinosaurien poussa un rugissement rauque contre l’autre Tauros. En réponse, ce dernier s’agita nerveusement.

Mais Dusk sembla toujours hésitante, chose qui me parut sortir de l’irréel chez elle. Pour ma part, j’étais déjà vers ma monture en ayant préalablement enfilé le casque que Percy nous avait tendu dans la foulée. Je flattai ensuite la fourrure épaisse du Pokémon bovin qui me répondit dans de petits mugissements joviaux.
Sans plus attendre, je l’enfourchai puis m’ajustai sur la selle, serrant mes poings sur les rênes. Call bondit derrière mon dos dans un saut bien calculé, s’accrochant solidement à mon t-shirt. J’entendis sa queue enflammée claquer l’air avec ferveur. Mon Tauros s’ébroua alors tout en regardant son semblable, visiblement très motivé à son tour.

Les cendres de mes yeux en profitèrent pour aller flageller la silhouette entière de ma rivale attitrée.

En réponse, elle arracha l'autre casque des mains de Percy. Je vis alors la cheffe de meute l’enfiler très aisément et enfourcha en aussi peu de temps qu’il n’en faut pour prononcer Pokéflûte, le deuxième Tauros. Son regard acier se jeta sèchement sur mon visage non sans être accompagné d’un sourire arrogant.
Ptyranidur était aux pieds de la monture de la cheffe de meute, trop imposant pour grimper dessus mais très certainement assez puissant des pattes arrière pour tenir la distance que nous allions devoir franchir. Il grattait déjà nerveusement la terre.

Nous dirigeâmes alors nos Tauros de manière à faire face au terrain. A tout juste quelques mètres, le troupeau de Moumoutons paissait tranquillement.
Percy se plaça sur le côté. Son pas à la fois affirmé et timide laissa penser qu’il commençait peut-être à regretter son idée.

Nos supporters s’agitèrent. J’avais trouvé brièvement Nabil et Dono dans la foule, l’un expérimentant une tension intense, l’autre nous observant avec une risette plus détendue. Moumouflon, Voltia et Sonistrelle s’étaient mis ensemble pour assister au spectacle, au pied du tronc où nos helpers étaient installés.

Dusk et moi nous regardâmes une ultime fois.

- Tu vas morfler !
- Surveille tes arrières !

Une main se leva.

- Un… Deux… Trois… PARTEZ !

Et un coup d’étrier en chœur lança nos Tauros au triple galop !

Leurs sabots frappèrent le sol avec une telle puissance que les Moumoutons s’emballèrent instantanément dans un éboulement de roulé-boulé, leur manière préférée de se déplacer en toute circonstance, visiblement.

J’entendis le vent siffler de part en part dans la vitesse qui me prit tout au corps. Call s’accrocha vaillamment à mon dos tandis que je jonglai oculairement entre ma rivale et ma monture bovine. Nous arrivâmes en quelques secondes au niveau du troupeau dont les bêlements en panique s’ajoutèrent au tonnerre de notre cavalcade.

Soudain, Dusk prit l’avantage !

- Jet de sable !

Ptyranidur, qui suivait admirablement bien la cadence, virevolta sur ses grosses pattes reptiliennes. Je le vis gratter férocement le sol en rugissant, avant que plusieurs giclées de terre ne nous percutent de plein fouet. Je levai inutilement le bras tandis que Tauros mugit plus fort, gêné. Néanmoins, il ne ralentit pas ses foulées. J’engageai alors ma riposte, les yeux aveuglés mais l’âme en feu.

- Call ! lance brouillard !

Mon Salamèche poussa un rugissement déterminé et un épais nuage sombre comme un orage envahit brutalement tout mon côté gauche. C’était pour percuter efficacement ma rivale dont la monture freina violemment, manquant de la faire chuter. Ptyranidur ralentit subitement lui aussi, fortement accommodé par cette purée de pois noirâtre. Il fit claquer sa mâchoire dans la confusion.

Je sommai aussitôt Tauros d’aller plus vite. Il bondit en avant dans une ruade excitée, apeurant les Moumoutons qui redoublèrent leur vitesse. L’objectif était dans mon champ de vision : l’enclos en question, grand ouvert, à seulement quelques kilomètres de là.

- Lame de roc ! Bloque-là !

Le sol se déforma violemment devant nous, me forçant à tirer sèchement sur les rênes. Et sans crier gare, des rochers tranchants perforèrent le terrain dans une violente manifestation bleutée.

Acculé, Tauros se cabra sous la surprise. J’essayais tant bien que mal de reprendre le contrôle d’une voix paniquée tandis que mon Salamèche avait pratiquement planté ses griffes dans mon dos.

Dusk lança aussitôt son Tauros au triple galop, rattrapant les Moumoutons définitivement affolés. Ptyranidur se tourna alors, bondissant sur le sol de terre tout en nous tirant sa grosse langue de dinosaure. Puis, il rattrapa sa maitresse dans un éclat de rire grogné.

J’inspirai un grand coup, le sang en ébullition. Puis, je donnai un solide coup d’étriers à Tauros et nous franchîmes la barrière de roches avec une aisance énergisée par les cris des supporters. J’avais même été persuadée d’entendre les lamentations de Percy regardant, impuissant, sa prairie se faire détruire dans tous les sens.

Ma monture, le souffle bruyant, arriva rapidement au niveau de notre opposante en faisant claquer ses trois longues queues dans l’air estival. Nous nous concentrâmes tout de suite sur le troupeau, tentant de se dépasser mutuellement.

Mais soudain, j’eus une idée absurde.

- Call ! Saute sur Ptyranidur !

Il s’exécuta si naturellement que j’aurais pu croire qu’il avait sondé l’impulsion de mon esprit. D’un solide coup de pattes, il atterrit sur le grand Pokémon dinosaurien qui sans arrêter sa course effrénée poussa un puissant rugissement d’irritation. Nous nous retrouvâmes soudainement à trois montures en pleine compétition de rassemblement de Moumoutons.

Dusk ne manqua pas d’hurler sa crise de nerfs.

- TU FOUS QUOI AVEC MON POKEMON ?
- TOUS LES COUPS SONT PERMIS !

Ptyranidur dépassa subitement les deux Tauros en plein triple-galop. Je ne m’étonnais même pas de sa vitesse fulgurante malgré sa stature plutôt massive de Pokémon fossile. Call était secoué dans tous les sens mais tint bon à mon grand soulagement.

Sans que je ne doive en dire plus, il bondit brutalement sur la grande gueule du Pokémon dinosaurien, s’accrochant solidement à sa peau écailleuse. Ce dernier secoua si violemment sa grosse tête que je manquai plusieurs fois d’expérimenter la syncope en voyant mon Salamèche à deux doigts de lâcher prise.
Dusk sortit de ses gonds.

- Dégage-le ! Mégaphone !
- Call ! Brouillard dans les yeux ! Tout de suite !

Les deux Pokémons s’exécutèrent exactement au même moment : Un jet tourbillonnant de sons stridents sortit de sa grande mâchoire tandis que Call venait de l’aveugler avec son crachat de fumée sombre comme la nuit. Ptyranidur tourna alors la tête dans la mauvaise direction pour mon plus grand plaisir, frappant de plein fouet le Tauros opposé !

Ce dernier fit un écart si frénétique qu’il manqua lui-même de s’entremêler dans ses grosses pattes de Pokémon bovidé. J’avais tout juste vu Dusk se faire jeter en avant tandis que je talonnai mon Tauros, rejoint directement par Call qui avait réussi à rebondir sur l’arrière-train de ma monture.

Le soleil nous chauffa, Greenbury tout entière nous alimenta d’une force démesurée.
Je n’étais plus qu’à quelques minutes d’un panthéon hors des conformités.

(…)

Alors, on m'appela.

Je tournai la tête.

Il n’y avait que les collines et les forêts, les maisons rustiques et les badauds.

Mais ce grondement désespéré n’était pas loin.

- Qu'est-ce que... ?

Les cris s’estompèrent. Tous les sons disparurent.

Puis, je le vis.

Il était entre deux maisons, brisé de peur, suppliant.

C’était un grand Pokémon. Il semblait porter un imposant casque en métal.

Il continua de m’appeler, suppliant.

Alors je compris un mot.

(…)

- PIEGE DE ROC !

Mon Tauros fit un violent écart !

Des éclats de roche bondirent autour de nous. Le sol trembla de plus belle. Et, perdant toutes mes forces, je me fis désarçonner entre des roches aveuglées d'ondes bleutées.

Je levai la tête, aspergée de terre, devinant Dusk nous dépasser, son Tauros et son Ptyranidur lancés comme des bolides.

Call s’était mieux réceptionné que moi. Il me supplia aussitôt dans ses jappements de remonter sur le Pokémon bovidé, encore tout effarouché par l’attaque fulgurante de ma rivale.

Je jetai brièvement mon regard abimé vers les maisons au loin.

Le Pokémon mystérieux n’était plus là.

Sans trop y réfléchir encore, J’enfourchai à Tauros avec Call, non sans expérimenter de fortes douleurs dans tout le corps.

Nous arrivâmes alors au petit galop vers un enclos fermé où attendait dos contre la barrière en croisant les bras, la cheffe de meute.
Les claquements moqueurs de Ptyranidur avaient l’audace s’adresser particulièrement à mon Salamèche : il soupira plusieurs fois de rage dans mon dos.

J’arrêtai mon Tauros, soufflant d’épuisement. Puis j’en descendis difficilement, encore bien secouée par la chute.
Fixant le gazon piétiné, je laissais mon visage disparaitre dans ma chevelure de cendre. Call était à mes pieds, se tenant à moi avec un air frustré tandis que j’essayais de reprendre le contrôle sur mes sens.

Le ricanement de Dusk ne leur échappa pourtant pas.

- Et ouaip… T’as morflé !

Le silence avait d'abord répondu à ma place. C’était pour mieux lui couper la parole dans un monstrueux rire nerveux.

Je me pliai littéralement en deux pour me laisser ensuite dégringoler sur les genoux, incapable de me calmer. Call me dévisagea, désemparé. Ma rivale s’épouvanta comme un Piafabec en furie.

- Pourquoi tu rigoles ?! Tu arrêtes direct ! MAIS ARRÊTE !?

Mon fou rire dura probablement plusieurs minutes : cette course était d’une absurdité sans nom. Ce combat était totalement aberrant. Pourtant, et sans que je ne m’explique, j’avais tout adoré comme un jeune enfant qui prend son jardin pour un temple ancien criblé de pièges.

Il n’en fallait pas plus pour que soudain j’entende ma rivale rire à son tour, certes plus discrètement, en posant un poing serré contre sa bouche dans de légers frissonnements. Ça me paraissait être la victoire la plus improbable de toute cette absurdité.

Les deux Tauros se mirent à brouter tranquillement à côté de nous tandis que Dusk vint s’asseoir en tailleur à mes côtés dans un très profond soupir. Ptyranidur et Call s’approchèrent de même, subitement enclins à sympathiser à leur tour.

Nous conversâmes à nouveau quelques secondes avec le silence tout juste visité des bêlements des Moumoutons, remettant très probablement de l’ordre dans tout notre corps encore bien traumatisé.

Puis, Dusk déboucla son casque, le jeta un peu plus loin et sortit son Motismart de sa poche en remettant légèrement ses cheveux en état.

- Moi, j’dis que ça mérite un selfie !

J’acquiesçai curieusement avec un sourire nouveau, enlevant à mon tour ma protection crânienne. D’une envolée élégante, son téléphone prit la photo tandis que nous restions à terre avec nos Pokémons qui s’amusèrent aussi étonnamment de ce curieux moment de complicité. Même les Tauros s’étaient joints à nous, sans doute habitués à apparaitre sur des clichés de temps en temps.

Le Motismart revint ensuite dans la main de ma rivale, observant brièvement le résultat. Puis, elle poussa un autre long soupir.

- Sérieux, les favorites viennent vraiment d’faire un match Pokémon à dos de Tauros avec des Moumoutons ?
- Ouaip… Tu n’rêves pas !

Elle étouffa un rire étonnamment amical, accompagné d’un sourire encore plus curieusement accueillant. Puis, elle se tourna vers moi dans un élan d’enthousiasme.

- T’es ouf, toi ! J’pensais pas que tu remonterais direct en selle ! T’es faite en écailles de Duraludon ?
- Non, je suis juste très stupide parce que maintenant, j’ai super mal…

Mes contusions étaient en effet douloureuses. J’avais de bonnes manifestations électriques dans les muscles, quand ce n’était pas la torpeur de mon dos qui me rappelait constamment le choc.

A ma grande surprise, Dusk se leva pour m’aider à me redresser à mon tour.

- Bon, on va soigner tout ça ! J’veux une rivale toujours prête à tout défoncer, hein ?

Après quelques maladresses à ne pas savoir comment gérer mes ankyloses, nous étions à nouveau debout, mon bras par-dessus son épaule pour m’aider à marcher comme un Vivaldaim naissant.

Nous revînmes alors lentement de l’autre côté du champ piétiné, suivi tranquillement par les Tauros qui avaient attrapé en préalable, la lanière des casques dans leur grande bouche de bovidé. Ptyranidur et Call nous suivaient paisiblement, s’échangeant par moments des regards entendus, comme si leur rivalité elle-même commençait aussi à voguer vers une première amitié.

Nabil, en qualité de Sovkipou paniqua à ma vue pour le moins misérable tandis que Dono nous félicita pour ce combat complètement déchainé tout en réprimandant presque Dusk d’avoir failli casser sa rivale attitrée en deux. Voltia, Moumouflon et Sonistrelle, eux, firent la fête à nos combattants. Je savais désormais que les Pokémons étaient capables de rougir.

Je remarquais alors que nos fan-clubs, qui nous reçurent avec exaltation, ne semblèrent pas vouloir se provoquer : les remarques affirmées allèrent bon train autour de nos compétences respectives mais elles étaient proclamées avec une jovialité qui me déstabilisa.

Loin de moi l’idée de continuer à envisager que toute rivalité était forcément virulente mais à dire vrai, je continuais d’y lire une absurdité qui ressemblait à celle qui me faisait trouver l’attachement sentimental aberrant. Mes propres supporters continuaient de m’offrir des mots gentils en me montrant avec fierté leurs t-shirts aux lettres scintillantes ainsi que ces oreilles de Voltali fabriquées de leurs propres mains : si tous mes sourires étaient maladroits, j’avais au moins la sensation de les rendre authentiques aujourd’hui.

Percy nous regardait, une expression réjouie éclairant son visage. Mon regard le questionna soudainement, comme si l’espace d’un instant il m’avait délibérément montré combien il était fier d’être responsable de mon rapprochement avec ma rivale, même si la technique pouvait s’avérer brutale.

J’avais néanmoins compris que tout semblait plus facile, ici à Greenbury. Tenter la rivalité amicale avec Dusk dans un endroit aussi pur semblait presque préméditée.

Du moins, j'avouais que ce premier pas était encourageant.


***