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Pourquoi demande-t-on aux dragons de garder les trésors? de SupraEnergy



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Informations

» Auteur : SupraEnergy - Voir le profil
» Créé le 14/09/2023 à 19:26
» Dernière mise à jour le 19/11/2023 à 23:30

» Mots-clés :   Drame   Fantastique   Présence de personnages du manga   Romance   Suspense

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Stupéfaction



J'allais peut-être sortir de l'enfer.

Malgré toutes mes douleurs, je m’approchai vivement du champion draconien. Voltia bondit en avant, tandis que le Motismart se dégagea de ma main en poussant des cris stridents.

Ça n’échappa pas à mon sauveur inespéré.

- J’espère pour toi qu’il n’est pas cassé !
- La barbe ! On a d’autres Chacripans à fouetter !

le champion draconien esquissa un sourire que je ne lui connaissais pas encore.

Mais soudain, Libégon et le Kabutops géant entrèrent dans notre champ de vision ! Leur altercation éclata aussitôt troncs et roches dans un capharnaüm de rugissements. Je reculai, tétanisée. Puis, Roy leva le bras.

- Lance Draco-souffle !

Libégon généra aussitôt une intense déflagration violacée au bout de sa gueule. Et dans un balancement de tête, cracha de plein fouet l'onde électrifiée sur le Kabutops géant ! La force de frappe secoua le sol, et je vis l'infernale créature se faire éjecter des mètres plus loin dans les bois accidentés.

Nous rejoignîmes aussitôt le Pokémon dragon : ce dernier venait de se poser sur le sol de roches et de fougères broyées, rugissant à pleine puissance vers son opposant. Mais déjà, le Kabutops se redressa entre les troncs pulvérisés, plus enragé que jamais dans ses grondements rauques.

Je remarquais alors qu’il peinait à mouvoir ses faux en guise de bras. Ses pattes arrière semblaient être pris de spasmes, et des filets d’électricité statique parcouraient son corps tordu. Je réalisais que Draco-Souffle l’avait judicieusement paralysé.

Un autre détail me dérangea en revanche : sa peau sembla se décomposer à certains endroits, comme décollée d’une structure.

« Quoi ? On dirait que c’est pas vraiment son corps... »

Libégon se crampa sur ses pattes en claquant l’air avec sa longue queue reptilienne. Roy se déplaça à nouveau devant moi mais j’avais légèrement penché la tête, incapable de lâcher Kabutops des yeux.

Malgré sa paralysie, ce dernier leva brusquement la tête avant de déboiter sa mâchoire. Une lumière calcinée émana alors entre ses babines, dont la familière teinte orangée agressa mes yeux.

- ROY ! C'EST ULTRALASER !

Le champion draconien réagit dans la minute.

- Libégon ! Lance Abri !

Le Pokémon dragon exécuta immédiatement la même attaque que ma Voltia mais dont la puissance était considérablement autre : une aura translucide s’étira devant sa tête pour se solidifier en une sphère colossalement imposante, parcourue d’une teinte océanique puissamment électrifiée.

Au même moment, le rayon d'énergie du Kabutops percuta le bouclier en suspension !

Je me cramponnai à la veste de Roy en clignant des yeux, secouée par les ondes d’énergie qui se propagèrent comme des bourrasques autour de nous. Les gerbes s’estompèrent ensuite, et j'aperçus Libégon toujours en lévitation, balançant sa large queue dans tous les sens. Il avait tenu bon, son bouclier ayant résisté plus que de raison. Je vis alors des filets de bave bouillonnante imbiber les babines de l'effroyable monstre préhistorique.

Les deux Pokémons se toisèrent maintenant du regard, poussant mutuellement des grognements menaçants.

- Chelou ! Même cette capacité ne l’affecte pas plus que ça !?

La voix de Roy laissa transparaître une légère pointe d’inquiétude. A dire vrai, cette réflexion m’avait aussi fait transpirer l’âme : Kabutops ne montrait toujours pas le moindre signe d’affaiblissement, même en exécutant une attaque aussi gourmande en énergie que la capacité Ultralaser. En fait, il me donna la sensation de recommencer indéfiniment la lutte.

J’étais si engourdie par la fatigue et le froid que j'arrivais seulement à hocher la tête dans l’ombre du champion draconien. En revanche, ce n’était pas pour ça que mes jambes fléchissaient : un vertige étrange me cognait le cœur depuis quelques secondes.

Soudain, Kabutops s’élança à nouveau vers nous, toute faux dehors. En un instant, Libégon cracha un puissant jet d’air assourdissant sous l’impulsion de son maître. Cette fois-ci, je n’entendis pas le nom de l’offensive mais celle-ci forma une sphère de vent qui nous protégea momentanément du Pokémon préhistorique ! Ce dernier frappa aussitôt cette paroi de courants ascendants avec une rage sans précédent. Je contractai mes mains sur le dos du champion draconien, mon cœur continuant de battre beaucoup trop vite. Puis je fermai les yeux, gênée par les rafales.

J’aspirai profondément, dans l’espoir de calmer l’étrange tachycardie qui me rompait la poitrine : ayant d’abord la sensation que la douleur et l’épuisement commençaient à me rendre malade, je finis par regarder mes mains ensanglantées.

« Que… »

Ma respiration se saccada de stupeur.


« Comment… je fais ça... ? »


Elles étaient enveloppées d’une étrange aura scintillante qui me sembla à la fois gelée et brûlante.

en fait, je croyais voir des flocons perler sur mes doigts.

Voltia gémit doucement à mes jambes.

Cette même manifestation lumineuse lui enveloppa alors le corps entier, les oreilles, les yeux et le museau. En un instant, ma chère guerrière électrique retrouva une énergie venue de nulle part : ses grandes iris sombre nuit brillèrent d’une intense vitalité. Sa respiration s'apaisa. Son allure s'affirma. Et ses écorchures se résorbèrent à vue d’œil, pansées par ce voile luisant.

Alors, je réalisais que la douleur de mes blessures était bien plus supportable, comme anesthésiée par les étranges ondes de chaleur qui parcouraient actuellement, ma poitrine. L’œuf me semblait aussi curieusement tranquillisé : je ne détectais plus l'effroi qui l’emprisonnait encore dans une engelure atroce, il y a quelques minutes.

En un instant, la faible lueur s’évanouit comme neige au soleil.

Mais je n’avais pas le temps de m’émerveiller.

- ATTENTION !

La paroi de vent se fit percer par une violente offensive du Kabutops, rugissant comme le tonnerre contre l'égosillement des rafales.

- Libégon, esquive !

L’ordre de Roy ne fit qu’un tour dans le sang du Pokémon dragon : il s’envola puissamment sur le côté avant de s’enfoncer dans le ciel invisible de Sleepwood.
Sa vitesse était telle que je peinais à le suivre des yeux : et dans les lumineux cimes des sapins glacés il atteignit leur sommet, son vrombissement soulevant des jets d’air qui cisaillèrent les feuillages épineux.

- Lance Bélier ! Maintenant !

Il attaqua à nouveau, fonçant à la verticale sur le Kabutops !

Puis, tout s’emballa.

Le monstre leva son imposant crâne dans un bruit mécanique qui agressa nos sens. Libégon déboula à une vitesse fulgurante. Et au moment où il voulut le percuter, Kabutops cracha une affreuse déflagration électrisée : celle-ci prit instantanément la forme de grandes serres translucides , parcourues de jets violemment rougeâtres.

Le choc fut tel que Libégon perdit l'équilibre un instant, touché de plein fouet par les ondes acérées. Je le vis alors secouer la tête en suffoquant maladivement, ses paupières tremblant comme des feuilles. Le Kabutops, quant à lui, bascula sèchement sur le côté dans un fracas assourdissant.

- LIBEGON ! Paniqua Roy.

Le Pokémon Dragon continua de gesticuler, tentant de se débarrasser des serres ensanglantées qui se contractèrent sur tout son corps. Puis soudain , ces dernières s’évanouirent dans un serpentin de fumée épaisse.

Je ne rattachais cette attaque à aucune capacité connue.

Voltia aboya fermement. Je me tournai vers elle : sa vitalité insoupçonnée me laissa enfin comprendre qu’elle était très motivée à rejoindre le combat.

Au même moment, Kabutops se redressa sèchement, soulevant branches et rochers dans son action enragée. Puis, il se braqua sur Libégon : encore aveuglé par le rayon malade de rougeur, le coéquipier de Roy ne surveillait plus son ennemi.

Je chassai d’un revers de pensée la terreur qui ligotait mes nerfs.

- Voltia ! Crocs Eclair !
- VOOOLT !

Elle s’élança puissamment sur le Kabutops : alprs, une mâchoire translucide parcourue d’un tonitruant courant électrique se matérialisa devant sa gueule. La manifestation édentée se referma de plein fouet sur le bras reptilien du Kabutops et sous le choc, un puissant jet électrifié s'en dégagea !

- Quoi ?!

Crocs Eclairs avait dévoilé des câbles d’alimentation dans l’articulation squelettique du Kabutops.

Et ce dernier hurla non pas un cri de douleur comme attendu, mais un son saccadé et dysfonctionnel qui nous brisèrent les tympans.

Je m’étais placée d’un pas affirmé aux côtés de Roy qui fixait le Kabutops, bouche bée. Nous avions, tous les deux, compris la nature de notre opposant.

- C’est quoi ce merdier !? On se bat contre une machine ?! S’épouvanta le champion draconien.
- Ça explique pourquoi il ne se fatigue pas !

Voltia se réceptionna sur le sol accidenté, brûlant d’une vitalité désormais enragée. Libégon, qui s’était remis de l’étrange déflagration, se plaça instinctivement à ses côtés en poussant un bourdonnement de reconnaissance envers son alliée.

Le Kabutops nous refit face, néanmoins bien diminué : si ses yeux couleur rubis brûlaient frénétiquement, son bras à moitié disloqué laissait maintenant s'échapper des bouquets de câbles consumés qui vomirent des étincelles dans tous les sens. Il peina alors à se déplacer, poussant des sons électroniques stridents. Ça ressemblait peut-être à de la souffrance. Du moins, je le croyais.

C’était avant de voir toutes ces étranges manifestations veineuses s’illuminer de rougeur maladive dans ses articulations déchirées. Ses yeux bouillonnèrent alors d’une énergie ultime et ses rugissements devinrent cauchemardesques.

Soudain, l’effroyable machine gronda un son grave puis fonça sur nous !

- HEY !!?

Je sentis Roy se jeter violemment sur moi !

J’aperçus alors dans ma chute, Voltia et Libégon esquiver de justesse la charge du robot ! Et nous entendîmes le déchirement pétrifiant des troncs et des roches derrière nous !

Légèrement ankylosés, nous nous redressâmes en même temps vers notre opposant fait de métal : le Kabutops venait déjà de se tourner vers nous, malmenant le sol avec ses grandes pattes. Sa taille imposante me façonnait tout l’effet d’un titan digne de Groudon. C’était tout le problème : malgré les nombreuses déchirures et son bras disloqué, il continuait à faire preuve d’une aisance qui révélait toute sa nature artificielle.

- C’est quoi cette vitesse flinguée pour sa taille !? S’exclama Roy en se tenant le visage, le regard brûlant.
- On pensera à féliciter le concepteur si on s’en sort vivant !

Soudain, malgré les épaisses fumées de terre mélangées aux vapeurs de la brume, j’aperçus une petite lumière saturée de blanc clignoter au sommet du crâne du Kabutops.

Dans l’urgence du combat et de la volonté de survie, je ne la remarquais que maintenant : elle était l’unique manifestation robotique qui se différenciait de toutes les autres. J’avais alors subitement la sensation que le robot dirigeait ses mouvements selon les clignotements de cette ampoule.

- Roy ! Regarde la lumière sur son crâne ! C’est peut-être son « cerveau » ?!
- Bien vu ! Il a l’air d’en avoir besoin pour nous tuer ! Renchérit alors le champion draconien.

Le fait que l'on arrivait enfin à être d’accord sur quelque chose m'avait presque arrachée un sourire.

Soudain, alors que le Kabutops s’apprêtait à avancer dangereusement vers nous, une violente rafale de vent l’embrasa de plein fouet. Ralenti, Il se tourna vers Libégon dans un mouvement saccadé. Puis Il chargea subitement le Pokémon dragon, qui l’esquiva à nouveau dans une justesse bien calculée. Ma chère guerrière électrique fit de même en bondissant sur le côté, le rugissement impétueux.

- Je sais ! Si Voltia monte sur Libégon, elle peut sauter sur son crâne et lui briser son détecteur, comme avec le bras ! Il faut l’immobiliser, Roy !

Le champion draconien avait alors esquissé ce rictus ravi : il s’avança de quelques pas et leva la main vers son partenaire d’écaille, ce dernier voltigeant toujours autour du Kabutops devenu aliéné.

- TEMPETE SABLE !

Libégon rugit puissamment, faisant vrombir ses ailes avec cette énergie impressionnante. Une tornade sableuse surgit alors autour de son corps, vibrante manifestation d’énergie surnaturelle venue d’un plausible désert hanté.

Des bourrasques couleur d’or venues de nulle part émanèrent de tous les recoins de la forêt, balayant graviers, terres et branchages. La zone se transforma alors en un enfer de tornades assourdissantes qui se dirigèrent tout particulièrement autour du Kabutops, créant un Maelstrom infernal dans les profondeurs de Sleepwood !

Alors, des masses brunâtres de sable prirent le pas sur les feuilles mortes, tournoyant dans l’ouragan désertique du Libégon. De telles rafales semblèrent cette fois-ci, désorienter le Kabutops machinique : il rugit de rage, frappant confusément le vent avec son autre bras fonctionnelle.

Je me cramponnai sur le sol, tenant fermement mon œuf de Pokémon. Voltia, à peine plus loin, fit de même en courbant le dos et baissant la tête pour protéger au mieux ses yeux de la tempête de sable. Je tournai légèrement la tête vers Roy : lui, sembla curieusement habitué à un tel ouragan, dressé, fier, l’œil émeraude brillant d’une vitalité qui me déséquilibra.

Mais je n’avais pas non plus le temps d’être intimidée : le sable ensorcelé s'amoncela si vite autour de Kabutops qu’il n'arrivait déjà plus à se déplacer !

- C'est le moment ! Grimpe sur Libégon, Voltia !

Elle aboya puissamment puis s’élança en avant !

Et dans une connexion qui me donnait tant l’impression que ma parole n’avait qu’un rôle mineur, Libégon se jeta vers le sol accidenté, rejoignant Voltia en quelques secondes puis redressant son corps entier pour frôler la terre et remonter vers les cimes : d’un saut prodigieux, elle se cramponna à la peau écailleuse de son allié !

Au même moment, le Kabutops géant se dégagea laborieusement des masses de sable, devenu aliéné, rugissant dans les tornades.

Alors, je vis Libégon, qui avait atteint une hauteur plus impressionnante encore, virevolter d’un coup d’ailes avant de foncer à nouveau à la verticale, fendant les rafales, éventrant la brume !
Brutalement, le Kabutops dégagea sa lame encore utilisable pour frapper dans sa direction, le rugissement acerbe. Celui-ci l’esquiva de justesse tandis que Voltia sauta dans les airs, poussant un aboiement si guerrier qu’il rivalisa avec les hurlements de la tempête.

Alors, en vibration avec les séismes nerveux qui fissurèrent mon esprit, elle profita du manque d’attention de Kabutops qui s’était bien trop concentré sur Libégon.

- VISE L’AMPOULE ! CROCS-ECLAIRS !

Et la mâchoire électrisée se referma comme un piège sur le crâne du Pokémon préhisto-robotique !

Le choc produit une explosion et une espèce de boîte noire surgit dans les crocs chargés de courants énergétiques avant de bondir dans le vide des cimes.

Un rugissement d’outre-tombe sortit alors de la gorge du Kabutops. Son cou se tordit dans des mouvements affreusement saccadés, et ses yeux clignotèrent frénétiquement. Libégon revint alors à la charge et attrapa dans ses bras reptiliens, mon Pokémon toujours présent sur le crâne explosé de l'androïde. Au même moment, la tête du Kabutops se contorsionna. Puis, ses articulations et sa colonne vertébrale se brisèrent tous en même temps, perçant l'épaisse peau artificielle que son corps monstrueux revêtait.

Alors, je vis des jets de flammes sortir de tous les câbles possibles de son corps, tandis qu’une alarme stridente retentit, nous arrachant les tympans. Roy vint se placer devant moi.

Et à l'instant où je me recroquevillai contre lui, une lumière de feu hurla sur les cimes.






***

Le vrombissement adouci de Libégon nous rappela dans le présent.

Nous nous fixâmes, les muscles encore crispés : les tornades de sable avaient rendu à la forêt, son silence mystique. Roy osa alors le percer.

- Ça va ?
- Je crois…

Nous nous tournâmes vers nos Pokémons.

Voltia, l’œil brillant, était près de Libégon posé sur le sol. Elle jappa doucement dans sa direction. A ses pattes, le détecteur complètement fondu crépitait quelques étincelles à intervalles irrégulières. Et derrière eux, le cadavre démantibulé de Kabutops, ironie de ce qu’il avait fait subir à ce coin de bois mystique.

Quelques morceaux de métal étaient parcourus de braises bouillonnantes mais la brume humide semblait réussir à les maintenir dans un état de combustion inoffensif. Une de ses lames était restée plutôt intacte, plantée dans la terre accidentée et vaguement zébrée de quelques lueurs veineuses mourantes de rougeur.

Le reste était simplement méconnaissable.

- C’était peut-être juste de la ferraille mais… commença Roy en se tenant le visage.
- Ouaip… je vois ce que tu veux dire… Fis.je, le ton nauséeux.

Soudain, on entendit un son familier surgir dans le calme sourd de la forêt.

En un clin d’œil, le Motismart de Roy revint du haut des cimes, virevolta quelques chorégraphies frénétiques dans les airs puis se posa d’un mouvement calculé dans la main de son maître.

J’étais un peu mal à l’aise.

- Euh… je…

A ma grande surprise, le champion draconien ne m’afficha aucune expression très accusatrice : en fait, il étouffa un rire presque ravi.

- Moi qui croyais que c’était seulement dans les stades Pokémon qu’on vivait des trucs de folie ! Tu m’as bien prouvé le contraire, p’tite dragonne !

Je faisais la moue, désorientée.

- Ouaip…. Et ça t’arrives souvent d’essayer de tuer les gens pour un Motismart ?

Il me décocha un autre rire en mettant sa main devant la bouche.

- Allez ! C’est vrai que tu m’as un peu mis en rogne tout à l’heure !
- Un peu !? Ton Libégon a essayé de nous écrabouiller !

Roy se dressa légèrement, esquissant ce large sourire béat qui lui collait assez bien au visage. Il me souligna au moins par l’étincelle de son regard émeraude qu’il ne me ferait pas d’esclandre. Si je n’étais pas autant épuisée, j’aurais certainement soupiré de soulagement.

Il remarqua alors enfin l’œuf de Pokémon que je tenais toujours très fermement contre ma poitrine.

- Bah, t’a volé ça dans un nid ?
- Hum… plus ou moins.


***

Dans la veilleuse lunaire d’une nuit bien avancée, nous avions quitté le cadavre du Kabutops machinique pour nous diriger vers les quelques morceaux encore identifiables de l’appareil de ligne.

La paille jonchait abondamment plusieurs parcelles de terre du bosquet mystique, accompagnée de tous les bouts de coquille d’œuf qui laissaient supposer sans problème que la cargaison de l’avion était uniquement constituée de bébés Pokémons en passe de naître. Le Motismart volait tout autour de nous, faisant office de lampe de poche dans la teneur obscure de la forêt endormie.

Roy se gratta le menton. Il semblait analyser le moindre détail du paysage cadavérique de la forêt avant de se tourner vers moi.

- Et donc, ce truc t’a attaqué directement après que tu ais embarqué l’oeuf ?
- En me laissant aucun répit… jusqu’à ce que tu me retrouves, détaillai-je à peine.

Libégon venait renifler la paille sèche avant de redresser la tête pour pousser ce petit rugissement perplexe vers le champion draconien. Voltia faisait aussi de l’exploration visiblement, slalomant entre les planches arrachées et le foin de couveuse couverte de terre.

Roy s’agenouilla alors pour frôler certaines coquilles : il avait l’air de plus en plus pensif, peut-être angoissé.

- A mon avis, cette machine était programmée pour protéger cette cargaison… souffla-t-il.

Je sourcillai légèrement.

- Mais ça n’explique pas pourquoi tout ça se trouve ici sans que personne ne s’en rende compte ? Qui n’entend pas un avion s’écraser ? Et quand tu regardes l’état de la forêt…

Roy se couvrit légèrement le visage.

- Ouaip… flippant…

Après un très court silence à contempler la zone sinistrée, j’hochais la tête.

- Nabil m’a dit que Sleepwood avait été interdite à cause de Pokémons monstrueux qui auraient été aperçus par des promeneurs… Peut-être qu’ils avaient déjà vu ce robot rôder au loin ?
- Encore heureux que cette horreur n’ait pas débarqué à Paddoxton si c’est le cas… souligna-t-il en riant nerveusement.

Roy continua ensuite de balayer le paysage accidenté de son regard émeraude : moi, J'étais un peu plus à l'aise, curieusement.

- En fait, comment tu m’as retrouvée ?
- Libégon a un excellent sonar, il a juste eu à repérer les ondes de Motismart ! Sourit-il avec fierté tout en regardant du coin de l’œil, son Pokémon Dragon jouer avec Voltia.

Je réfléchissais alors aux connections soudaines du Motisma : avait-il ressenti la présence de Libégon ? Sinon, qu’est-ce qui aurait pu l’inciter à faire tant d’efforts pour activer son GPS ?

J’esquissai sans le vouloir un sourire étrangement apaisé.

- Donc, tu n’es pas retourné au village juste après que…?

Roy sembla déconcerté : ses sourcils s’étaient froncés un peu vite sur moi, le rictus offusqué.

- Hey !? Tu m’as peut-être fait sortir de mes gonds mais j’ai bien paniqué quand j’ai compris que tu avais disparu ! J’espère que c’est pas une habitude de te mettre en danger de mort !

J’étouffai un rire nerveux : pour une fois, je ne me vexai pas.

- Je l’ferai plus, promis !

Je caressai alors l'œuf de Pokémon. Son occupant était d’ailleurs très calme, ce qui m'étonna d'ailleurs : sa coquille était toujours bien chaude.

- Et toi ? Tu vas me dire que tu as trouvé ce robot tueur par hasard ? Fit-il soudainement en habillant à nouveau son regard d’un éclat malicieux.
Je m’agitais un peu.
- Euh… C’est pas la première chose qu’on s’attend à trouver dans une forêt

Roy esquissa alors un sourire gentiment moqueur : il attendait clairement plus d’explications que je n’allais pas lui donner.

- En vrai, je…

J’avais malgré moi laissé les mots se nouer dans ma gorge : il y a quelques heures, je lui volais son Motismart pour fuir sans réfléchir dans une forêt définitivement peu fréquentable avant de me retrouver en plein danger de mort certaine contre un androïde Pokémon incontrôlable. Ce n’était peut-être pas le bon moment de lui révéler que j’avais décidé sur la base de rêves profondément insensés, de suivre une voix désincarnée qui m’avait invitée joyeusement à m’égarer dans Sleepwood afin de me conduire visiblement à ce fameux œuf dans une épave d’avion, lui-même dans un bosquet détruit. Il y avait peut-être beaucoup de questions à poser.

- ... Voulais revenir à Paddoxton mais je me suis perdue et... je suis tombée sur cet avion comme ça. Et puis, la curiosité a voulu que je regarde à l’intérieur !

J’avais baissé les yeux vers l’œuf de Pokémon.

- D’ailleurs, pour ce qui s’est passé avant… Commençai-je en redressant timidement mon regard.

Je n’avais pas remarqué que Roy me fixait aussi consciencieusement.

- Hey, c’est oublié ! Le plus important c’est que tu n’aies rien, d’accord ?

Je souris faiblement, encore tambourinée par mille émotions incompréhensibles.

- Bon, on retourne au patelin ? Tarak et Nabil doivent se faire un mouron de fou ! Conseilla alors le champion draconien en attrapant à nouveau son Motismart dans la main.

Il avait fait quelques pas en avant, observant toujours la forêt et sa brume habituelle. Je le suivis plus lentement, engourdie par le gel nocturne. Les craquements des feuilles sous nos pas chatouillèrent tout juste la paroi silencieuse des cimes, faisant frémir le vide atmosphérique.

Moi, je remuais des images dans ma tête, tentant de trouver une explication à cette tempête de sentiments qui gênait toutes mes convictions depuis que j’étais en vadrouille dans ce bois énigmatique. Et puis, je revis en un éclair, la photo qui m’avait laissé tant stupéfaite dans le téléphone de Roy. Rattrapée par l’épuisement, je secouai légèrement la tête pour retrouver un peu plus de contenance. Je voulais en parler, sans que je n’en comprenne la raison véritable : mon inconscient glissait lentement le long de mes lèvres.

- Roy, tu sais que je…

Ce rugissement de douleur coupa tous mes mots.

- Libégon !!? Qu’est-ce que tu as !?

Je remarquais en même temps les muscles tendus de Voltia qui aboya hâtivement vers le Pokémon dragon. Puis, mon regard tomba comme une pierre sur ce dernier : c’était pour sentir mon cœur reprendre sa folie tachycardique.

« Mais… ses yeux !? »

Ils étaient comme brisés par une acerbe lueur sanglante qui leur explosait actuellement les veines.

Libégon se mit alors à secouer si frénétiquement la tête qu’il me donna l’acerbe l’impression de vouloir se rompre le cou. Sa queue reptilienne frappa violemment le sol avec une rage déstabilisante, puis ses rugissements aigus crachèrent la trace d’un mal tétanisant : rauques et maladifs, ils essayaient de vomir l’étrange douleur qui lui broyait l’intérieur, sans pouvoir y parvenir.

J’étais paralysée.

- Calme-toi, vieux frère ! Où est-ce que tu as mal !? S’emporta Roy.

Il venait de s’approcher de son Pokémon, les mains en avant. Mais Libégon sembla déjà être entré dans un état second : Il s’éleva aussitôt vers son dresseur, continuant d’agiter furieusement son corps dans tous les sens. En m’étant moi-même approchée prudemment, je remarquai des fluides de cette même lumière rouge malaisante lui parcourir les veines.

Soudain, Roy lui empoigna la tête et le força aussitôt à coucher tout son corps souffrant sur le sol accidenté !

Libégon était sensiblement doté d’une force colossale et maintenir toute sa masse contre le sol relevait d’une réelle prouesse surtout dans cet état. Le grand Pokémon dragon continua d’être secoué de spasmes, ses yeux draconiens rougis maintenant de veines éclatées, ses grognements se faisant effroyablement de plus en plus graves. Mais Roy laissa transparaître dans le ton de sa voix, une inquiétude tétanisante. Il tenta désespérément de le rassurer, ou de se rassurer lui-même selon.

Je n’arrivais pas à décocher mes yeux de Libégon qui semblait se faire lentement détruire de l’intérieur par un étrange poison. Alors, je repassais douloureusement dans ma tête, toutes les images de notre combat sauvage contre l’androïde.

Et puis l’attaque en forme de serres violemment rougeâtres et électriques me revint dans un flash de mémoire !

Libégon l’avait encaissé de plein fouet !

Voltia aboya encore, paniquée : elle ressentait probablement tout le mal dont souffrait son nouvel ami, des filets statiques s’excitant dans sa fourrure hérissée.

- Roy ! C’est sûrement à cause de…
- Plus tard ! J’essaye de le calmer !

Je me braquai, déconcertée par l’impuissance de ma personne.

J’allais encore essayer de parler.

Mais brutalement, la brume se densifia autour de nous.

Puis, un sifflement lointain et aigu rejoignit le brouhaha du silence de Sleepwood. Un picotement grimpa le long de ma colonne vertébrale : alors, je sentis quelque chose d’imposant se tenir juste derrière moi. Je m’étais retournée dans un cri étouffé, manquant de perdre l’équilibre déjà très abimé par toutes mes blessures.

Et dans l’atmosphère glacée des sapins détruits, des roches brisées et des troncs déchiquetés, deux grands Pokémons me contemplèrent, révélés dans les filets sombres du brouillard épais.

« Mais d’où viennent-ils !? »

Ils ressemblaient à d’imposants loups couleur céleste. Le premier était plus massif : il semblait être habillé d’une armure couleur sombre rubis qui se transfigurait en étrange fourrure le long de son corps. Des excroissances ressortaient sur le devant et autour de sa tête, laissant entrevoir peut-être la structure fermée d’un singulier bouclier. Le deuxième, plus fin, avait de très longs favoris soyeux tressés, arborant la teinte de feuilles automnales. Sa fourrure semblait plus touffue et teintée d’un bleu très vif contrairement à celle de l’autre Pokémon canin qui me semblait plus sombre mais l’obscurité trop dense m’empêchait d’en dire davantage. En revanche, leur regard qui était tous les deux dorés comme l’étrange parure d’un trésor ancien, ressortaient comme deux éclats précieux dans les ombres, inspirant par la seule force de leur présence toute ma conscience.

Je fus tellement stupéfaite que ma voix se bloqua dans ma gorge, et mes yeux firent des allers-retours incessants entre Roy et les deux Pokémons fabuleux, voulant à la fois le prévenir et ne plus oser souffler un seul mot dans la peur curieuse de les énerver.

Ils étaient pourtant très calmes. En fait, ils ne semblaient même pas appartenir à la réalité, fantomatisés par le brouillard de plus en plus épais qui les entouraient. Voltia s’était approchée de moi : son jappement affirmé m’indiquait qu’elle les apercevait aussi. C’était avant qu’elle ne s’avance vers eux, le pas prudent mais les oreilles en avant, continuant ses étranges grognements : j’avais alors l’étrange sensation qu’elle leur expliquait la situation.

Mon cœur se remit à cogner, et un vertige attrapa brièvement mes yeux pour la faire virevolter sur le côté.

L’œuf de Pokémon avait recommencé à remuer légèrement dans mes bras, comme répondant lui-même à la lourde présence solennelle des deux créatures mythiques. L’un des deux Pokémons loups soufflait alors cet hululement furtif, suivi aussitôt par un grognement léger du second.

Je me tournais à nouveau vers Roy : il était au bord des larmes dans ses adresses de plus en plus paniquées à Libégon. L’état de ce dernier se détériorait toujours plus, secoué par les convulsions, les yeux révulsés et le corps transpirant. Je taisais alors ma vision aux oreilles du champion draconien, trop occupé à secourir son coéquipier souffrant d’un ennemi dangereusement invisible.

Mes yeux épuisés se jetèrent alors vers les deux Pokémons mystiques : j’ignorais si c’était commun de s’adresser à des fantômes dans le coin. J’espérais simplement qu’ils seraient plus utiles que moi.

- Ramenez-nous à Paddoxton… Je vous en prie !

Mon appel fit l’effet d’une ellipse.

Les deux Pokémons loups se regardèrent d’abord avec une singulière complicité dont le secret m’était inconnu. Puis, ils poussèrent ce puissant hurlement suivi d’un brutal coup de tonnerre surnaturel dans les cimes !

La brume se gonfla violemment autour de moi, devenant alors si dense qu’ils disparurent progressivement dans les masses de fumée couleur glacée. Une sensation de vide me happa subitement les sens et toute la forêt alentours se mit à disparaître brièvement.

Voltia poussa des jappements stupéfaits tandis que j’entendais Roy continuer de parler à Libégon, définitivement envahi par la peur. Les sons devinrent alors à la fois si lointains et assourdissants, que je crus pendant un vif instant perdre toute mon ouïe dans leur tintamarre incohérent.

Enfin, la brume s’estompa. Les bruits diminuèrent. Leurs poids s’allégèrent dans ma tête.

Je revis des arbres, des buissons, des fougères autour de moi.

Puis, une barrière blanchâtre délimitant un large chemin de terre travaillé.

« On est revenu au… !? »

Nous étions bel et bien sur le chemin pédestre, non loin de l’entrée de la forêt. La lueur de la lune était plus forte ici, éclairant remarquablement bien les reliefs touffus de conifères de Sleepwood.

Cet hululement significatif retentit une toute dernière fois : je crus pendant quelques secondes perdus dans l’espace, ressentir leur présence dans la moindre parcelle de mon esprit bousculé.

Je me retournai vers Roy, le cœur battant : il n’avait curieusement pas réagi à cette téléportation qui pesait encore sur mon estomac. Je ne me posais cependant pas plus de questions sur ma rencontre éclair avec deux Pokémons fabuleux et j’allai rapidement m’agenouiller aux côtés du champion draconien, l’œuf fermement plaqué contre ma poitrine.

Il continua de maintenir Libégon sur le sol, lui caressant le sommet de son crâne lisse : si ses spasmes s’étaient plus ou moins calmés, il n’en était rien de son regard exorbité de sang par les douleurs et ses suffocations malades. En réalité, il s’épuisait à vue d’œil dans son combat intérieur. Roy était au bord des larmes.

Puis des voix retentirent !

Je me redressai, happée par une familiarité soudaine. Et au même moment, Nabil apparut sur le chemin pédestre, lampe en main : son faisceau avait atterri sur nous.

- Leava ! Roy !? Ça fait des heures qu’on vous cherche ! Qu’est-ce qui s’est passé !?

Son Moumouflon était à ses côtés tandis qu’un majestueux Corvaillus volait un peu plus haut, poussant des cris profondément rauques, son regard teinté de feu tourné vers l’arrière de la forêt. Puis soudain, Tarak arriva avec son Dracaufeu. Ce dernier volait avec le Pokémon d’acier. Je remarquais aussi d’autres torches agitées dans tous les sens derrière eux.

Nabil mit à peine une minute à nous rejoindre, essoufflé. Et moi, je retrouvai l’usage de la parole.

- Nabil ! Tarak ! Libégon est très malade ! Il faut l’emmener au centre Pokémon le plus vite possible !



***


Le ciel étoilé me fit brièvement l’effet d’une bouffée d’air.

Libégon était transporté par Moumouflon et un Tauros, tandis que je pouvais voir encore sur le chemin principal en contrebas, le champion draconien maintenir l’énorme corps inerte du Pokémon dragon sur le dos des deux Pokémons ruminants. Quelques personnes, peut-être des habitants voisins ou des fermiers de Paddoxton, aidaient aussi à emmener le Pokémon de Roy à Brasswick, tandis que Tarak s’était empressé de partir avec eux. Je remarquais également la présence du grand-père de Nabil, accompagnant lui-même les champions de Galar. Il y avait un Roublenard avec eux, grand Pokémon canin au pelage roux avec une étrange excroissance d’ébène ressemblant à un masque autour de ses yeux, une fourrure plus épaisse sur ses pattes qui donnait la sensation qu’il portait des bottines ainsi qu’une moustache taillée sur son museau qui lui faisait arborer un air curieux de dandy galarien. Il m’avait d’ailleurs regardé de travers il y a quelques minutes de ça, sans que je n’en comprenne la raison. De toute façon, mes mains piquaient beaucoup depuis que j’étais sortie de la forêt.

Je portais une couverture à l’épaisseur bienvenue sur mes épaules gelées, tandis que Nabil échangeait rapidement avec les personnes qui les avaient aidés à ratisser Sleepwood, tous accompagnés de Bleuseilles, petits corbeaux au plumage lisse teinté d’une nuit sans lune et aux yeux allumés d’une tout petit rayon de soleil de feu.

J’étais restée sur le sentier principale, accoudée contre une barrière en attendant qu’il me rejoigne. Je ressentais encore les engelures de la brume couleur glacée dans mes veines. Son Corvaillus était resté à mes côtés, posée sur le sol, tandis que Voltia conversait avec lui. Je m’imaginais sans peine qu’elle devait lui raconter son combat surréaliste avec le Kabutops-machine.

L’œuf de Pokémon était toujours dans mes bras. Il ne s’était plus manifesté depuis.

- Bon, les gardes forestiers vont sécuriser la forêt ! Je suis tellement soulagé ! Je te jure, vous vous étiez comme volatilisés ! On a vraiment cru au pire ! M’annonça Nabil lorsqu’il revint vers moi.

Je peinai à rassembler mes mots.

- C’était vraiment bizarre… Je n’ai pas réussi à revenir et pourtant, je n’étais pas allée si loin dans la forêt.

Il sembla songeur, les bras croisés.

- Quand je t’ai parlé de Sleepwood… En fait, depuis quelques temps, on a signalé beaucoup de disparitions bizarres, un peu comme vous… le village songeait déjà à condamner l’accès à la forêt mais je pensais pas que c’était aussi sérieux ! Toutes les personnes qui se sont égarées ces dernières semaines disaient aussi qu’elles avaient la sensation de s’être enfoncées super vite dans les bois d’après les gardiens… C’est grave chelou cette histoire ! Pas pour rien qu’ils avaient déjà fermé certaines zones !

Il fronça davantage son regard doré.

- Et ton épaule est dans un sale état en plus… faut te soigner ça !

Je jetai un œil rapide vers l’état délabré de mon corps et de mes vêtements, réalisant à quel point j’avais vraiment l’air de revenir d’un champ de bataille.

- Et comment ça se fait que vous vous soyez retrouvés à l’entrée de Sleepwood sans qu’on vous remarque ? C’est le frangin qui nous a dit brutalement qu’il fallait revenir et pouf, vous étiez là ?

Mon regard se perdit dans le vide non sans pourtant revivre inlassablement l’image des deux grands Pokémons loups qui me fixaient de leurs grands yeux éclairés : j’avais encore la sensation horrible des sons qui se brouillent autour de moi, m’emportant dans un espace étrange entre les réalités, comme s’il était si facile de contredire la logique des chemins concrets pour forcer des passages invisibles au-dessus d’eux. J’en avait encore la nausée.

- Ce sont les Pokémons gardiens…

J’avais cru voir le visage de Nabil se figer.

- Tu veux dire… Zacian et Zamazenta ?!

J’hochai la tête.

- Au moment où Libégon est tombé malade, ils sont apparus devant moi…

Je regardais autour de moi, prudente, comme si je croyais les entendre fureter dans les buissons de l’autre côté de la barrière.

- C’est moi… qui leur ai demandé de nous ramener.

Mon ami d’enfance s’enivra dans la stupeur.

- Et c’est ce qu’ils ont fait ! Vous étiez à l’entrée de la forêt ! Ça explique tout ! Mais c’est complètement dingue ! Tu les as rencontrés et en plus, ils vous ont aidés ! Ils ne portent pas ce nom pour rien !
- Calme-toi, Nabil.

Son enthousiasme s’évanouit devant le ton soucieux de ma voix. Je ne pouvais pas m’en empêcher : leurs mots résonnaient dans ma tête. J’en avais le cœur coupé en deux.

- Juste après, ils m’ont parlé…
- Quoi ? Tu les as compris ?

Une légère brise se leva.

Voltia s’était approchée de moi pour se coller à mes jambes. Elle tenta toute à son honneur de me réchauffer. Je n’avais visiblement pas réussi à cacher mes frissons sous les envolées froides du vent nocturne. Le Corvaillus de Nabil caqueta alors légèrement dans notre direction. Il écoutait aussi.

J’inspirai un grand coup.

- Ils m’ont dit…

Mon épaule se remit à lanciner.

Alors, les hululements habituels de Sleepwood s’élevant au loin parmi les cimes rappelèrent des images à l’ordre dans mes pensées commotionnées : ce bois accidenté, ce cadavre de fer, l’androïde devenu fou de colère et l’œuf en détresse. Puis, ce fut au tour de la vision de Libégon tombé gravement malade de venir tambouriner mon esprit malade. Tous ces souvenirs traumatisés défilèrent dans ma tête comme d’étranges signaux perçant la paroi glacée d’une nuit trop avancée.

Je laissais ma poitrine trembler : Zacian et Zamazenta nous avaient sortis de l’enfer où se cachent des monstres écrasés au fin fond des bois sans que personne ne s’en aperçoive. Leur apparition furtive semblait déjà se teinter de la couleur de l’oubli mais j’avais pourtant la sensation très brève mais authentique que tout ceci n’était pas arrivé par hasard.

Je repensais alors à mes perceptions devenues si vives, cette dextérité au combat que je ne me connaissais plus, mes songes enfiévrés d’appels et mon cœur frénétique qui cognait au moment même où j’avais la sensation de me réveiller d’une nuit interminable.

Tout avait commencé au moment où j’étais arrivée à Galar. Et du silence gelé qui m'avait endormi toute une année se dégageait maintenant une mélopée chaude. Et je j’avais déjà entendue, fredonnant des grésillements enneigés d’où naissait discrètement cette chaleur familière.

Mais tout ça ne suffisait pas : le coma guettait toutes ces petites choses qui essayaient de perforer ma froide amnésie.

Alors, je me raccrochais à la seule chose qui pouvait me rassurer ce soir : j’avais toujours été très commune à ces entités vivantes hors du temps et de l’espace, à tous ces fantômes oubliés, ces douleurs invisibles et ces maux qui couvraient le ciel intérieur des autres de tant d’orages tonitruants que personne n’entendait, et sans qu’il n’existe de remède dans le commun des médicaments pour apporter les véritables rayons de soleil capable de percer la carapace noire des cumulo-nimbus en colère.

Mais je n’en étais jamais très consciente. Ça arrivait et c’est tout. Pourquoi aurais-je du me poser des questions depuis tout ce temps ?

J’y étais pourtant forcée désormais : la voix des Pokémons gardiens était vindicative, percutant les fragiles parois de mon esprit, et bouillonnant de cette énergie mystique qui tentait par tous les moyens de tirer de son sommeil lourd, cette force cristallisée de neige en moi.

- Leava ?

Mon cœur recommençait à cogner.

- Ils… Ils parlaient de Libégon…

Cette expérience était si forte qu’elle engendra une intense sensation de malaise dans le moindre recoin de mon corps endolori. J’en étais acculée.

- Qu’est-ce qu’ils t’ont dit à propos de Libégon ?

Et leurs mots se gravèrent sur mes lèvres.

- « Sauve-le ».



***