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Pourquoi demande-t-on aux dragons de garder les trésors? de SupraEnergy



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Informations

» Auteur : SupraEnergy - Voir le profil
» Créé le 14/09/2023 à 19:10
» Dernière mise à jour le 20/11/2023 à 14:59

» Mots-clés :   Drame   Fantastique   Présence de personnages du manga   Romance   Suspense

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In Extremis
Je bougeai le bras. Puis la jambe.

Ankylosée. Mais rien de cassé.

Le cri désespéré de Voltia me tira dans l’instant présent : je me redressai non sans quelques douleurs cabossant mes os.

Le Motismart flottait à mes côtés.

- Pfiou… Vous n’êtes pas blessés ?

Mon Pokémon jappa avec force tandis que le téléphone de Roy gigota furieusement dans les airs, visiblement fier de me démontrer qu’il était en tout cas plus solide que moi.

Nous observâmes en chœur l’endroit qui nous avait plus ou moins réceptionnés.

- … Ok, ça craint.

Nous étions dans une espèce de fossé naturel que la pluie et le temps avaient probablement creusé sous le bosquet. Le sol, extrêmement caillouteux m’avait écorché les mains, et sûrement aussi les jambes au passage : je sentais des brûlures parcourir mes genoux.

Je me levai, tremblante de froid : notre chute avait été, semble-t-il, vertigineuse car je peinais à voir l’extrémité du petit ravin. Les courbatures électrisant mes muscles s’annonçaient aussi comme de bonnes indicatrices du choc. La paroi terreuse était très humide et à peine avais-je tenté de l’agripper que des morceaux de boue et de pierres me restaient dans les mains.

- Va falloir trouver un autre chemin…

J’observais alors ce sentier tordu qui tranchait le fossé en deux.

Il était relativement praticable.

Voltia secoua aussitôt sa fourrure salie par la chute et l’humidité, son œil brillant focalisé sur ce passage de fortune. Je remarquais qu’elle s’était plus ou moins bien écorchée. Je n’étais pas mieux lotie en plus d’être couverte de boue.

Le Motismart revint dans mes mains dans un son électronique un peu confus : puis, après quelques secondes à comprendre qu’aucun choix ne nous serait accordé, nous commençâmes à avancer dans l’étroitesse de la seule issue possible.

Le fossé était toujours plus difficile à traverser au fur et à mesure que nous arpentions le sentier : J’entendais, crispée, les bruits sauvages de la forêt bleutée s’embourber dans le néant. La sensation de me perdre davantage glaçait mes os et c’était bien de justesse que je ne cédais pas à la panique. Dans un frisson remontant mon dos, je me demandais si Roy et Libégon s’étaient lancés à notre recherche. Au plus profond de moi, je l’espérais même si j’allais très probablement recevoir un bon sermon de sa part. Mais au moins, son Motismart n’était pas cassé.

Seulement, après quelques instants à avancer dans la pénombre du fossé, je m’arrêtai.

- C’est… ?

La voix avait à nouveau retenti.

Et cette fois, elle était très nette. Il me semblait même qu’elle était légèrement masculine.

Mais le malaise se creusa davantage lorsque je crus à nouveau percevoir ses suffocations dans l’obscurité de Sleepwood.

Soudain, le Motismart vibra fortement dans ma main ! Il se dégagea aussitôt pour se secouer dans tous les sens, épouvanté, des sons stridents parcourant son boitier entier.

Puis une image apparut sur l’écran.

Je me penchai vers lui, essoufflée.

- Une carte de Sleepwood… ?

Il avait réussi, et je ne sais comment, à retrouver une connexion malgré l’accessibilité impossible de l’endroit : la zone semblait d’abord assez confuse, formée de gros morceaux de terre et de bouquets massifs d’arbres, puis cisaillée par des sentiers malingres visiblement infranchissables. Au milieu, le Motismart détectait une masse colossale. Elle était impossible à identifier sur l’écran.

Alors, nous arrivâmes à la fin du fossé, sortant de notre sentier étroit pour débarquer dans ce qui sembla être un espace forestier assez fermé, aux couronnes des conifères très denses et dont le sol était largement couvert de grosses fougères.

Mais ce n’était pas ce qui me surprenait le plus.

« C’est quoi… ça… ? »

J’avais remarqué sur les côtés, parmi les larges arbustes et les plantes striées de feuilles, ces gros morceaux de ferraille blanc dont l’état laissait supposer sans trop de difficulté qu’ils avaient été violemment arrachés à quelque chose. Certains arbres avaient été lourdement impactés par le soi-disant choc, présentant des troncs déchiquetés de part en part, comme décapités par une apparente explosion. Certains arbres étaient même fendus, dont de larges lambeaux d’écorce pendaient sur le côté ou se déversaient simplement dans les champs buissonneux.

Le Motisma continuait de flotter à côté de ma tête, émettant un son saccadé. Voltia plongeait dans l’océan de fougères en humant chaque feuille. Cet endroit accidenté la laissait songeuse : elle secouait fréquemment les oreilles.

Une migraine vint me titiller les tempes.

L’aspect horrifique des troncs détruits rappelèrent des images nocturnes à l’ordre, un vertige accompagnant les douleurs dans leur soudaine manifestation précipitée. Je gémis : l’air gelé de la forêt entra brutalement dans mes os et je me recroquevillai en frottant mes bras.

Je levai la tête, la vue floutée par une fièvre étrange : une lueur endormie jouait avec les reflets argentés de la brume.

« C’est pas vrai… la nuit est tombée »

Et je n’avais pas l’impression que nous nous étions rapprochés du chemin pédestre. Après tout, je me retrouvais en petites ballerines, training du dimanche et t-shirt large au fond d’une forêt beaucoup trop grande. Le temps passait et la fatigue devenait de plus en plus difficile à gérer.

Mais soudain, Voltia redressa la tête et parut fixer quelque chose dans les profondeurs de ce petit coin de bois accidenté. Après quoi, elle se mit à bondir dans l’océan de fougères.

- Hey !? Non, Voltia ! On ne sait pas ce qu’il y a…

Il ne fallut que quelques minutes pour assister à un spectacle qui aurait glacé le sang de n’importe qui.

- Ici…

Se trouvait la carcasse décomposée d’un colossal avion de marchandises gisant comme pétrifiée devant nous : la violence de son crash se lisait sans peine dans le paysage chaotique de la zone forestière. Le choc se ressentait même jusque dans les morceaux de ferraille que j’avais aperçu à la sortie du fossé.

« Mais c’est pas possible… »

Cette prise de conscience me tambourina si agressivement le crâne que je titubai, alourdie par un autre vertige : ce qui avait étranglé mes sens durant plusieurs nuits avait pris vie sous les traits de la mort que m’inspirait tout de suite ce paysage horrifique : J’avais déjà fait la rencontre de ce cadavre de fer dans les profondeurs d’un songe malade.

Et ça ne me rassurait pas.

Je remarquais des ronces qui avaient recouvert une très grande partie de l’arrière tandis que de multiples racines écrasaient l’avant. Enfin, malgré le terrain difficile à arpenter, je marchais prudemment autour de la carcasse, à la fois stupéfaite et tétanisée par ce spectacle métalliquement macabre. J’avais la sensation que l’éternité avait avalé cet endroit comme un vulgaire bout de viande : L’état de l’avion ne pouvait que laisser supposer qu’il était là depuis un long moment.

« Nabil ne m’a pas parlé de ça, hier… Est-ce qu’un quelqu’un dans les environs serait au courant de ce crash ?»

Voltia n’était pas en reste non plus, fouinant ici et là, le pelage hérissé et le grognement atterré. Le Motismart continua de voltiger à mes côtés mais il avait cessé ce son saccadé, sans doute impressionné par la scène digne d’un film d’action à Unys.

J’étais assez proche du flanc de l’avion. Dans la pénombre, je crus apercevoir des inscriptions réfléchissantes. C’était avant qu’un soudain jet de lueur lunaire ne me laisse enfin le loisir de mieux les décrypter.

- Monochrome Corporation… Immatriculation 859… Alola Area…

D’effrayantes écorchures zébraient certaines lettres complètement grignotées par la météo.

Et puis soudain, la voix retentit.

Elle était parfaitement nette.

Je balayai de mon regard étiré tout ce qui m’entoura, le cœur battant.

- Tu es là… ?

Mon murmure, furtif, se fit talonner par un écho malaisant.

Voltia jappa alors vigoureusement vers moi : elle avait l’air soudainement intéressée par l’intérieur de l’avion. Mais celui-ci était tout juste atteignable par ce qui s’avérait être une large fente éventrant la paroi métallique du bâtiment volant. Mais pour le moment, des grappes de ronces s’étaient accumulées de part et d’autre, couvrant grossièrement le seul passage possible.

Et La voix retentit encore, plus forte que jamais.

- Lance dard-nués !

Voltia hérissa instantanément sa fourrure qui devint alors aussi dur comme de l’acier : instantanément, un jet énergétique de projectiles tranchants percuta de plein fouet les ronces et elle se firent littéralement broyer dans un bref embrasement électrifié.

Quelques secondes plus tard, nous traversâmes le passage.

L’intérieur de l’avion n’était pas en meilleur état : des tas de caisses en bois, la plupart complètement dévastée, gisaient sur le sol métallique. Les ronces avaient également élu domicile au fond de l’avion, léchant les parois et assombrissant davantage ce qu’il restait visiblement de la soute à bagages. Des kilos de de paille broyée étaient éparpillés un peu partout, tandis que certaines caisses en vomissaient une quantité invraisemblable, piquetés de morceaux de coquilles d’œuf grisés par la poussière et l’obscurité. D’autres brisures s’ajoutaient çà et là sur cette herbe jaunie.

La voix parla encore.

Et moi, je m’étais figée sur ce seul œuf qui se dressait, entier parmi la paille, les feuilles mortes et les carcasses de coquille, voilé dans la pénombre silencieuse.

- Est-ce que c’est toi… ?

L’œuf remua légèrement. Peut-être.

Il me sembla même entendre un grognement assez faible, mais suffisamment audible pour que je comprenne rapidement qu’il venait de son intérieur. Voltia gratta le sol, jappant doucement, s’approchant prudemment, les oreilles couchées et l’œil brillant.

Je fixais l’œuf, le cœur battant. Et la voix murmura mon nom.

Encore une fois.

Mes mains picotèrent alors : et cette chaleur étrange envahit discrètement mes poignets.

Encore une fois.


***


Je m’agenouillai sur le sol gelé et frôlai l’œuf de ma main. Il remua un peu plus, se laissant soudainement tomber sur le côté. Dans la hâte, je l’attrapai dans mes bras. Il était chaud tandis que son occupant semblait toujours bouger frénétiquement, laissant supposer qu’il pouvait éclore à tout moment. Voltia le renifla et babilla joyeusement, certainement ravie d’avoir trouvé ce qui nous parlait inlassablement à travers Sleepwood.

Je la caressai affectueusement, souriant légèrement.

- On dirait qu’on a un nouvel ami ! Hey, p’tit gars, ça fait longtemps que tu es dans cet avion ?

J’eus la sensation que l’occupant de l’œuf me répondait, tapotant la paroi de la coquille.

- C’est que tu as l’air prêt ! Pourquoi tu ne sors pas ? Un petit effort !

J’avais aussi l’impression que d’étranges frissons enveloppaient de part et d’autre la coquille. Voltia grogna doucement, encourageant à sa manière le petit Pokémon à briser son nid douillet. Nous prîmes quelques secondes, perdus entre nous, à soutenir ses efforts.

C’était avant d’entendre cette branche craquer férocement à l’extérieur.

Je levai les yeux dans le vide.

Et mon sang se glaça.

Là, autour de l’avion, un profond grognement rauque venait de s’élever.

Dans une lenteur mécanique, je tournai la tête vers la fente étroite dans la paroi de l’avion.

Voltia avait sa fourrure hérissée, humant l’air en grognant hostilement sur les lueurs endormies qui traversaient le seul passage vers l’extérieur. Et moi Je la sentais aussi, ce métal brûlé qui agressaient lourdement mes entrailles. J’avais le cœur pratiquement en suspension dans ma poitrine.

Brutalement, une ombre tâcha le sol accidenté de l’avion !

Elle m’indiqua sans peine que notre soudain visiteur n’était pas humain.

Lentement, j’enveloppai l’œuf dans mes bras. Son occupant avait cessé de remuer.

Je me remis sur mes jambes, le souffle coupé.

C’était pour me plaquer le plus discrètement possible sur le côté, visuellement hors de portée de la fente.

Le grognement rauque ressurgit à nouveau, me plantant d’horribles épines dans le dos : j’entendis les branches se briser sous le poids visiblement massif de la créature qui nous traquait. Voltia, collée à la paroi devant moi, tendit ses muscles au maximum. De fines étincelles commençèrent à lécher sa fourrure durcie.

Soudain, cette affreuse odeur de métal brûlé envahit toute la cabine. Je me retins de tousser de dégoût, une main posée maladroitement sur la bouche.
Puis, après quelques buissons craqués et grognements perçant le silence de la forêt, l’ombre disparut du sol métallique de l’avion.

Je pris une profonde inspiration, relâchant la pression dans tout mon corps meurtri de froid. Puis, doucement, j’avançai le long de la paroi couverte de ronces, vers la fente, dans l’espoir d'en sortir plus vite possible.

Je n’en eus jamais le temps.

Ce déchirement métallique assourdissant éventra violemment l’arrière de l’avion, brisant les lierres et explosant les quelques rares caisses en bois relativement entières dans toutes les directions !

Des nuages de paille broyée, de morceaux de planches et de bouts de fer se soulevèrent alors, agressant mes yeux et ma peau. La carcasse entière trembla si violemment que je percutai aussitôt un relief implanté dans la paroi métallique, blessant douloureusement mon épaule.

L’instinct me poussa malgré tout à me retourner, les poumons en feu et le cœur au bord du gouffre. Les morceaux de métal nous avaient manquées de peu, la force de leur projection m’ayant agressé les oreilles au passage. Voltia hurlait depuis de longues secondes contre notre attaquant, projetant des jets électrifiés tout autour d’elle. Je me redressai légèrement, tentant d’apercevoir la créature dans la brume et la poussière terreuse.

L’obscurité ténébreuse de la cabine pleine de ronces, de caisses et de coquilles d’œufs avait maintenant laissé la place à une ruine de morceaux de ferraille qui ne se rapportait plus à rien de reconnaissable devant les bouquets de troncs déchiquetés. Mais ce qui me faisait comprendre que nous étions en danger de mort était la nature de notre assaillant.

Perchée sur un immense rocher, la lourde forme courbée de ses immenses lames acérées qui lui servaient de bras luisait comme un signal d’alarme dans l’atmosphère feutré de la forêt. Sa taille démesurée et sa couleur terreuse juraient avec les voiles bleutées des conifères environnants. Son corps, fin et cartilagineux, monté comme un squelette incomplet venu du passé, semblait émettre des crissements à chacun de ses mouvements saccadés. Ses puissantes pattes arrière étaient en train de planter leurs serres tétanisantes dans la roche, faisant grimacer en milliers de fissures son piédestal de fortune. Enfin, son énorme crâne allongé à la verticale laissait brûler deux petits yeux livides qui me fusillaient si impétueusement que je ressentais leur point de fusion carboniser les miens.

C’était un Kabutops.

Et nous étions ses proies.


***


L’adrénaline refit effet.

Voltia riposta tant bien que mal dans des aboiements déchirés. Sans réfléchir davantage, je lui hurlai de me suivre et nous nous dégageâmes le plus vite possible des restes de la carcasse.

Une puissante rafale siffla alors sur mon corps et des morceaux fer, de pierres et de branches explosèrent à nouveau autour de nous !

Un frisson piquant se planta comme un couteau dans mes vertèbres : le Kabutops géant avait attaqué une nouvelle fois, nous manquant de justesse et broyant ce qu’il restait visiblement à détruire du cadavre de l’avion. Nous esquivâmes son attaque dans un élan solennel de chance avant de nous enfuir sur notre gauche. Mais l’étroitesse de ce bosquet dévasté nous bloqua déjà dans notre fuite : je cherchais l’issue du désespoir, les muscles tendus, tandis que j’entendis le Kabutops se dégager de colère de l’énorme tronc dans lequel ses lames s’étaient visiblement enfoncées dans la violence de son offensive.

Je me tournai subitement, le voyant au même moment déchiqueter la masse colossale de bois ! Sa fureur effroyable provoqua une nausée insupportable qui m’entraîna aussitôt dans vertige désorientant tous mes sens. Un vif lancinement tordit mon épaule et je titubai, les poumons littéralement percés par la douleur.

Pourtant, rien au monde n’allait réussir à me faire lâcher l’œuf : Je pouvais ressentir son occupant trembler de tétanie.

Le Kabutops n’avait toujours pas daigné lâcher prise : il se dressa maintenant sur ses puissantes pattes arrière, rugissant puis me refixant de son regard brûlé, le grognement plus furieux. Voltia aboya toujours violement contre lui, sa fourrure se chargeant massivement en électricité statique. Mais je lui suppliais tout de suite de ne pas attaquer. Je voyais bien que ses pattes fléchissaient. Elle transpirait déjà beaucoup dans la cabine. Ça faisait vraiment trop longtemps que nous nous étions égarées dans cet enfer.

Mais c’était peine perdue : Voltia se jeta sur le Kabutops, lançant de son propre cheffe l’attaque Eclair Fou !

- NON, ARRÊTE !

Ma voix l’avait à peine frôlée.

Le choc fit alors basculer le Pokémon préhistorique en arrière tandis que ma chère guerrière électrique se réceptionna plus ou moins bien sur un grand rocher de mousse, secouant vigoureusement sa fourrure parcourue de jets électrifiés !

Le peu d’énergie qui lui restait diminua encore à vue d’œil, m’arrachant des profonds vertiges dans le cœur. Les spasmes n’arrêtaient pas de saccader ses pattes, tandis qu’elle avait commencé à haleter. Moi, je retins mon souffle : Le Kabutops se redressait déjà, fou de rage, les grognements devenus plus aigus et les yeux livides projetés comme des missiles sur mon Pokémon. L’attaque de Voltia semblait l’avoir à peine égratigné malgré la prétendue sensibilité des Kabutops aux capacités électriques.

« Elle est épuisée… et ce truc a l’air trop puissant pour que… ! »

Soudain, loin de se laisser dominer, Voltia lança Abri en poussant un aboiement strident : une demi-sphère translucide et teintée d’éclats couleur pomme engloba brutalement l’air devant elle, et plus élargie qu’accoutumée. Le bouclier énergétique se dressa alors devant l’affreuse créature préhistorique, nous séparant de sa fureur démesurée. Je comprenais très bien ce qu’elle faisait : usant au maximum de son énergie très endolorie par le froid et l’épuisement, elle essayait de nous protéger au mieux des attaques enragées du Kabutops.

C’était avant qu’elle ne titube subitement sur le sol accidenté, fronçant le museau et gémissant atrocement de douleur. Le bouclier translucide s’évanouit alors en quelques milliers de secondes, se désintégrant dans un flash aux fumées cristallines.

- VOLTIA !

Sa première attaque avait eu raison de tout son être persécuté par l’étrange atmosphère de Sleepwood. Je le savais bien : son cœur était fusillé par une tachycardie monstrueuse.

Mais ce n’était pas pour ça que je paniquais.

Le Kabutops géant fusilla Voltia de son regard vitreux démonté par cette fureur sauvage ! Il se dressa ensuite devant elle, le pas lourd et les lames menaçantes, l’une montée vers les cimes ombreuses comme une guillotine prête à être lâchée ! Je devinai ma guerrière électrique lever ses yeux brillants d’exténuement vers l’horrible Pokémon, impuissante.

Et au moment même où son grognement envahit les airs gonflés de brume, quelque chose cogna le large crâne du Pokémon fossile !

- HEY !?

Le salut qu’on n’attendait plus arriva sous la forme du Motismart de Roy !

Et il avait foncé furieusement sur le Kabutops en poussant une myriade de sons électroniques ! Décontenancé, le Pokémon géant dévia sa tête et tenta aussitôt de chasser le petit appareil volant en agitant violemment ses affreuses lames articulées, poussant des brâmes toujours plus gênés à mesure qu’il ratait sa cible miniature !

Je réalisais (enfin) que le Motismart ne nous avait pas suivi dans la carcasse de l’avion. Son intervention provoqua alors une autre poussée d’adrénaline : je m’élançai, ventre à terre, dépassant l’imposant Kabutops qui continua de gesticuler, tranchant violemment au passage des branches et d’autres troncs amochés. J’entendis ensuite Voltia se jeter à mes trousses dans la foulée, l’aboiement heureusement vigoureux !

- MOTISMA !

En quelques secondes, le petit téléphone volant revint vers nous à une vitesse fulgurante ! Je l’attrapai d’un geste calculé de la main et continua ma course effrénée ! Nous fonçâmes à travers arbustes et fougères, notre fatigue effacée l’espace d’un instant par la volonté de survie ! Les pas lourds de notre assaillant déchirant la forêt elle-même me glacèrent tellement le corps que je redoublai paradoxalement mon allure, sentant pratiquement les lames meurtrières de Kabutops me couper férocement les jambes !

Je ne réfléchis plus, tranchant l’air de ma vitesse inhumaine, brisant le silence profond d’un Sleepwood embrumé et luttant contre l’épuisement, le froid et la peur.

Subitement, nous freinâmes.

- C'EST PAS VRAI !?

Le passage par lequel nous étions arrivées dans cet endroit maudit était obstrué par d’immenses brousses de ronces aiguisées, de morceaux cadavériques de l’avion et de roches énormes. Mais je n’essayais pas de comprendre comment c’était arrivé là. Moi, je gesticulais dans le peu d’espace qui me permettait encore de bouger, cherchant une autre issue. Voltia faisait de même, aboyant dans la frénésie.

Tout était bloqué, embrumé, emprisonné dans cette fichue forêt !

Mon épaule me tirailla de plus en plus. Et le poids électrocutant de la douleur me força brutalement à tomber sur les genoux ! Des ronces se plantèrent alors dans ma peau, m’arrachant de profonds gémissements torturés. Voltia se colla à moi, déchirée de panique tandis que je trouvai la volonté de me retourner, peut-être bien générée par l’instinct de survie.

Le Kabutops était à quelques mètres seulement, redressé sur ses puissantes pattes reptiliennes tremblantes de rage !

Je transpirais, le souffle brisé, les poumons écrasés à la fois par la douleur et la paralysie. Voltia me dépassa vivement pour tenir tête à l’immense Pokémon préhistorique. Elle hurla à gorge déployée dans l’espoir de l’effrayer mais le Kabutops reculait à peine, grondant sur un ton plus rauque encore. Il bavait maintenant. Et je n’en étais pas sûre. Mais de sa salive s’élevait une étrange fumée bouillonnante. Sa gueule dévoila alors des crocs qui pétrifia aussitôt le peu de raison qu’il me restait.

Malgré les secousses du sol provoquées par le poids de la créature, ma chère guerrière électrique tenait bon en campant fermement ses pattes dans la terre, électrisant à nouveau sa fourrure aiguisée comme des couteaux. Le Motismart vibrait puissamment dans ma main.

Une force inconnue me poussa à me relever.

Je titubai en me mordant la lèvre : les douleurs électrisèrent mes jambes. Alors, je maintins si fortement l’œuf contre moi que je crus un bref instant sentir le cœur de son occupant battre à tout rompre. Mes poumons s’enflammèrent mais mon corps refusa catégoriquement de fuir.

Le Kabutops était désormais à deux doigts de me trancher en deux. Mon regard s'était bloqué dans ses yeux enragés, la colère fustigeant dans ses rugissements.

Puis j’entendis autre chose.

- AIDE-MOI !!

Mon cri trancha l’écho, brisa le silence, abattit la forêt entière.

Une masse percuta Kabutops.

C’était Libégon.

Et Roy était devant moi, prêt à se battre.


***